1. Les deux équations du ralentissement, sans absorption : calcul de la densité de collision asymptotique
On souhaite ici obtenir la dépendance en énergie de la densité énergétique du flux des neutrons épithermiques (et vérifier que cette densité varie comme l'inverse de l'énergie, traduisant un effet d'accumulation des neutrons dans les décades d'énergie les plus basses). L'équation donnant cette variation s'appelle (la première) équation du ralentissement (également appelée équation de la "densité de collision" F(E) qui est le produit de la section efficace macroscopique de diffusion par la densité énergétique de flux). Elle consiste en un bilan uniquement énergétique (sans détail spatial) et ne donne directement l'expression de F(E) que pour A = 1 (cas de l'hydrogène).
Dans les autres cas (A > 1), l'énergie minimale atteinte après un choc n'est pas nulle (contrairement au cas précédent, cf. Chap. 5) et il est nécessaire d'introduire la seconde équation du ralentissement (également appelée équation du "taux de ralentissement" qE qui, pour une énergie E donnée, est le nombre de neutrons passant par cm3 et par s sous cette énergie E) pour venir à bout du calcul de F(E). Pour la même raison de dépendance de l'énergie minimale atteinte après un choc, on suppose en outre que l'énergie E considérée est suffisamment inférieure à l'énergie initiale E0 (souvent prise égale à 2 MeV), de façon à ce que la distribution des neutrons soit bien stabilisée (i.e. indépendante du nombre de chocs subis, cf. l'illustration de ce phénomène transitoire dit "de Placzek" par la figure ci-dessus tirée de l'Introductory Nuclear Physics de Krane).
2. Prise en compte de l'absorption : calcul du facteur anti-trappe jusqu'à n'importe quelle énergie E < E0
La principale difficulté pour le calcul d'un ralentissement réaliste réside dans la modélisation de l'absorption. Les résonances (comme celles très importantes de capture de l'U-238, dont la plus basse en énergie se situe vers 7 eV) sont souvent traitées comme de simples "trappes" (dans lesquelles "tombent" les neutrons). Ces trappes sont dites "noires" si la probabilité d'y échapper (par diffusion dans l'intervalle d'énergie correspondant) est négligée.
L'absorption résonnante (dans les "trappes") conduit à la disparition d'une proportion non négligeable de neutrons en cours de ralentissement.
Que l'absorption soit modélisée de façon uniforme en énergie ou au contraire "localisée" (à certaines énergies bien définies, celles des résonances), l'équation du ralentissement et la définition du taux de ralentissement (nombre de neutrons passant par unité de volume et de temps sous une énergie donnée) donnent la même expression pour le facteur anti-trappe p (i.e. la probabilité d'échapper à l'absorption sur une gamme d'énergie bien définie, entre 2 MeV et 1 eV par exemple). Cette expression précise comment la diminution de p quand la densité d'absorbant augmente est atténuée par un effet dit d'autoprotection énergétique. L'expression du facteur anti-trappe complet (de 2 MeV à kT) est donnée et analysée ci-dessous.
Toute cette étude est essentielle, dans la mesure où elle permet de calculer la proportion des neutrons de fission qui est perdue pendant le ralentissement, et donc celle restante pour l'utilisation thermique de la part fissile du combustible. On rappelle en effet, une fois de plus, que c'est dans la partie thermique du spectre que les sections efficaces (et leurs valeurs relatives) sont les plus favorables à la fission.
3. La frontière de la thermalisation : limites du modèle de ralentissement et effets observés en réacteur
Rappelons que notre modèle de choc ralentisseur est très simple. Lorsque l'énergie des neutrons s'approche du domaine thermique, il devient trop grossier. Dans ce cas extrême, apportons quelques précisions :
Autour de l'eV, il est possible au neutron qui n'a jusqu'alors fait que ralentir de regagner de l'énergie cinétique à l'issue d'un choc favorable (processus appelé "up-scattering").
L'up-scattering n'est pris en compte que dans les calculs fins en transport.
En-deça des énergies épithermiques (domaine du ralentissement), on entre (en pratique sous l'eV) dans le domaine dit de la "thermalisation" pour lequel toutes les hypothèses faites précédemment deviennent invalides. En particulier, les noyaux cibles (de masse A) ne peuvent plus être considérés immobiles et la section efficace de diffusion doit être corrigée comme l'explique l'analogie ci-dessous (Barjon, page 74).
Second effet de correction, propre à la thermalisation, des sections efficaces : les noyaux cibles ne peuvent plus être considérés libres. La figure ci-dessous illustre l'impact de la prise en compte des liaisons chimiques sur la densité énergétique de flux dans le coeur d'un REP UOX.
Notez pour finir, sur la même figure, qu'avec un combustible MOX chargé en plutonium, le spectre est fortement durci (effet appelé "absorption hardening" et dû principalement aux premières résonances du Pu-239 et Pu-240, à 0.3 eV et 1.0 eV respectivement).