1. L'approximation multigroupe : principes (et justification du terme "approximation")
a) Cas général, à nombre N de groupes quelconque (ou presque)
Le but de la partie V est d'étendre l'exploitation de l'approximation de la diffusion jusque dans ses derniers retranchements. Les raffinements explorés ici seront de deux types : d'abord énergétiques (approximation multigroupe, ce Chap. 10) puis spatiaux (effets hétérogènes, Chap. 11). Sachant (depuis le début) que, pour des résultats précis pouvant servir de référence, il faudra de toute façon retourner au transport (Chap. 12). Pour l'énergie, on part du constat déjà fait que les neutrons les plus rapides (en ralentissement) n'ont pas du tout le même comportement que les neutrons dits "de diffusion" déjà thermalisés.
L'approximation multigroupe consiste à distinguer plusieurs groupes d'énergie et à écrire pour chacun l'équation de la diffusion associée. La condition de validité 1/2 (section efficace d'absorption macroscopique faible devant celle de diffusion élastique) impose que ces groupes soient suffisamment larges. L'extrait ci-dessous (tiré du NUCLEAR REACTOR ANALYSIS de Duderstadt & Hamilton, pages 288-290, cf. bibliographie) détaille comment l'équation de chaque groupe est obtenue (par simple "condensation en énergie") à partir de l'équation de diffusion initiale.
La fin de cet extrait insiste bien sur le fait que ce processus se mord un peu la queue : les "group constants" (également appelées "diffusion data" ou encore "données multigroupes" en français) sont obtenues à partir de la densité énergétique de flux ... flux que justement on cherche à calculer ! C'est la raison pour laquelle cette approche est appelée "approximation" (multigroupe) : on part nécessairement d'un "initial guess" pour la forme de la densité énergétique de flux (spectre initial construit pour un réacteur à spectre modéré à partir du spectre de fission, du spectre de ralentissement en 1/E et de la maxwellienne thermique). Ce spectre initial fournit un premier jeu de données de diffusion (sections efficaces macroscopiques et coefficients de diffusion des différents groupes). Par itérations successives, on finit par converger vers la solution complète (spectre, données de diffusion et forme du flux dans le système).
Notez qu'une autre méthode, de plus en plus utilisée, consiste à calculer au préalable en transport (le retour annoncé au transport se produit dans ce cas plus tôt que prévu ...) la densité énergétique de flux et d'en déduire les données de diffusion (on parle toujours d'approximation multigroupe dans ce cas, du fait des ajustements imposés pour l'équivalence entre transport et diffusion). De nombreux codes de transport de type Monte Carlo (faisant la moyenne d'histoires individuelles de neutrons, cf. chap. 12 pour plus de détails) ont été développés ces dernières années spécifiquement pour cet usage (l'exemple type en étant le code finlandais Serpent : http://montecarlo.vtt.fi).
b) Cas pratique à 2 groupes (et expression du keff dans ce cas)
Les équations de la diffusion à 2 groupes permettent de tenir compte des comportements très différents des neutrons de ralentissement d'une part (comme les chevaliers sur un champ de bataille, ils peuvent s'enfuir assez facilement, être absorbé avant de ralentir ou être ralenti i.e. désarçonné de leur cheval dans cette analogie) et des neutrons de diffusion d'autre part (devenu fantassin, il n'a plus que deux possibilités : s'enfuir mais difficilement ou être absorbé). Le couplage énergétique est assuré par le taux de création des neutrons du groupe 1 (i.e des neutrons de fission induite par le groupe 2) et le taux de transfert par ralentissement du groupe 1 vers le groupe 2. La vidéo ci-dessous détaille tous ces termes.
2. Exemple du slab reactor calculé à 2 groupes (nu puis réfléchi)
Avec un détail à 2 groupes, la condition critique d'un cœur à zone homogène unique (coeur plaque par exemple, comme vu en cours) reste identique à celle à un groupe. Un second mode (diffusif) s'ajoute au mode naturel (multiplicatif) mais ne s'exprime pas.
Pour ce faire, il faut ajouter une seconde zone diffusive (i.e. de kinf inférieur à 1, comme un réflecteur de kinf nul par exemple). Dans ce cas, le second mode s'exprime et on observe après résolution (un peu fastidieuse et qu'on élude dans ce cours) un impact important sur la forme des flux. En particulier sur celle du flux du second groupe (des neutrons de diffusion) dans le réflecteur, ce qui permet de réduire le facteur de forme du coeur notamment (en faisant remonter le flux thermique en périphérie du coeur, contribuant ainsi à aplatir son profil - et donc celui de la puissance - sur l'ensemble du coeur : cf. exemple ci-dessous).
Exemple de résolution à 2 groupes pour le flux direct dans un coeur sphérique à 2 zones (Lamarsh).