1. Prise en compte de l'hétérogénéité (pour des modèles géométriquement plus raffinés)
Après le raffinement énergétique de l'approximation multigroupe, il s'agit ici de raffiner autant que possible le niveau de détail spatial auquel l'approximation de la diffusion peut accéder (cf. vidéo ci-dessous).
Nous venons ainsi de voir dans la vidéo ci-dessus comment introduire certaines équivalences pour satisfaire tant bien que mal ce besoin (légitime) d'un détail plus fin, en reproduisant par exemple certains effets bénéfiques de l'hétérogénéité sans pour autant abandonner l'approximation si pratique de la diffusion. Mais c'est un peu de la "cuisine", et qui trouve assez vite ses limites. En particulier, la condition 2/2 de validité de la diffusion (à savoir, pour rappel : "libre parcours moyen de diffusion petit devant les dimensions caractéristiques", et ce en chaque point du système pour lequel on se pose la question de la validité de la diffusion) est violée en tout point de chaque sous-partie de la cellule hétérogène. C'est la raison pour laquelle on doit forcément recourir au préalable au transport pour obtenir les données de diffusion de chaque sous-partie de la cellule hétérogène (avant d'obtenir celles de la cellule homogène équivalente sur laquelle on peut utiliser la diffusion, cf. TD4 en bas de page).
2. Flux adjoint et applications spatiales (perturbations au premier ordre et notion d'importance)
Un autre thème, plus technique mais aussi plus performant, est celui des calculs perturbatifs qui permettent de quantifier le rôle que jouent les différentes régions d'un système dans la réaction en chaîne. Nous allons ici d'abord définir rapidement les outils adjoints (opérateur et flux) avant de donner leurs principales applications. L'opérateur adjoint de diffusion s'obtient simplement à partir de l'écriture matricielle classique de la diffusion (par exemple à 2 groupes) en prenant sa transposée (les lignes deviennent colonnes et vice-versa). La solution de cette nouvelle équation "adjointe" n'est plus le flux (également appelé flux "direct", pour éviter de le confondre) : on l'appelle le flux adjoint. Pour plus de détails sur le formalisme et les définitions de base, jetez un oeil à la section V du chapitre 5 du NUCLEAR REACTOR ANALYSIS de Duderstadt & Hamilton (en particulier les pages 220 à 225, cf. le lien vers le pdf dans la bibliographie).
La première application consiste en la théorie des perturbations (limitée au premier ordre, permettant d'estimer l'impact en réactivité d'une perturbation de section efficace macroscopique moyenne à partir des seuls flux non perturbés direct et adjoint). Toujours dans le NUCLEAR REACTOR ANALYSIS de Duderstadt & Hamilton (juste après les définitions), vous avez un exemple d'application au calcul de l'antiréactivité d'une grappe absorbante (qu'on traitera d'une autre manière, plus directement, dans le TD5 en bas de page du chapitre suivant sur le retour au transport). En guise de petit calcul de diffusion "classique" nécessaire à l'utilisation de la formule des perturbations au premier ordre dans ce cas, on retrouvera que le flux non pertubé est bien en sin[(pi/a)*z] dans le coeur compris entre z = 0 et z = a.
La seconde application permet d'interpréter physiquement le flux adjoint comme "l'importance" d'un point du système, c'est à dire son influence sur la réactivité par neutron absorbé. Les figures ci-dessous permettent, par comparaison avec celles représentant les flux directs à deux groupes (cf. Chap. 10), de retrouver cette interprétation : les neutrons thermiques sont les plus "importants" dans le cœur (là où ils induisent les fissions), tandis que les rapides le sont dans le réflecteur (là où ils ralentissent pour éventuellement revenir thermalisés dans le cœur). Ce document, qui repose les définitions de base (avec des notations un peu différentes de celles du NUCLEAR REACTOR ANALYSIS), illustre bien à la fin cette interprétation de l'adjoint comme importance neutronique.
Flux adjoints à 2 groupes pour un coeur sphérique réfléchi (Lamarsh).
Flux (directs) et flux adjoints à 2 groupes pour un coeur-plaque réfléchi (Duderstadt & Hamilton).
En conclusion, sous la contrainte de ses conditions de validité, la diffusion peut être raffinée en termes d'énergie (approximation multigroupe) et d'espace (prise en compte des effets d'hétérogénéité et accès à des calculs perturbatifs via le flux adjoint qui est la solution de l'équation adjointe). Mais si le système à calculer est trop complexe, on atteint assez vite ses limites et il faut alors passer la main au transport. Bien sûr, ce constat ne remet absolument pas en question notre utilisation pratique de la diffusion : transport et diffusion sont complémentaires, et on a souvent intérêt à utiliser la diffusion quand c'est possible.
De même qu'il est préférable d'emprunter un raccourci à travers champs en 2 CV plutôt qu'en Ferrari, un petit calcul approché en diffusion peut en pratique se révéler plus efficace et utile qu'un gros calcul de référence en transport.