1. L'approximation de la diffusion : terminus, tout le monde calcule !
Injectée à la dernière forme (très) simplifiée de l'équation du transport (isotropie incluse), la loi de Fick a l'effet d'une véritable potion magique et donne à la nouvelle petite équation (dite de la diffusion) ainsi obtenue une simplicité surhumaine ainsi qu'un pouvoir prédictif hors du commun. Cette loi de Fick associe à l'approximation diffusive classique (courant neutronique proportionnel au gradient du flux) une "correction de transport" (via l'expression de D faisant intervenir une section efficace Σtr dite "de transport") permettant de corriger la dernière hypothèse (fausse dans le cas général) d'isotropie de la densité angulaire de flux faite sur l'équation du transport simplifiée.
La correction de transport (également appelée "approximation P1") et l'expression associée de Σtr sont obtenues en développant la densité angulaire de flux sur la base des polynomes de Legendre et en s'arrêtant à l'ordre 1 (cf. Barjon, 3.2.2). Autrement dit, à se contenter d'une modélisation linéaire de l'anisotropie de la diffusion (l'ordre zéro correspondant à l'isotropie, qui n'est correcte que pour des noyaux diffusants très massifs par rapport aux neutrons).
Petit formulaire de la correction de transport, dans le cas simple d’un milieu monoatomique de nombre de masse A, l’inverse du cosinus moyen de l’angle de déviation Ψ valant alors 3A/2. On retrouve bien l'isotropie de la diffusion dans le cas d’un milieu constitué de noyaux lourds (cos moyen nul). Le coefficient de diffusion d’un milieu polyatomique s'obtient via sa Σtr qui est la somme sur tous les noyaux présents de leurs sections efficaces macroscopiques de transport.
L'approximation diffusive de la loi de Fick n'est valable qu'à ces deux conditions (cf. Lamarsh, 5-4) :
1. absorption faible devant la diffusion (condition matérielle, respectée notamment grâce à l'homogénéisation)
2. libre parcours moyen de diffusion petit devant la dimension caractéristique du système (condition géométrique, définie en chaque point du système pour lequel on souhaite vérifier la validité de l'approximation de la diffusion)
qu'on peut résumer graphiquement par la figure ci-dessous (cliquer dessus pour zoomer) :
2. Méthode générale de résolution de l'équation de la diffusion
Il s’agit (enfin !) d’utiliser l’outil pratique qu’est l’équation de la diffusion. Pour mieux distinguer les cas pouvant être critiques des autres, on réécrit l’équation sous la forme ci-dessous en introduisant le facteur de multiplication infini k∞ et l’aire de migration M2. En première approche, dans les systèmes très bien modérés, on suppose parfois que les neutrons sont immédiatement thermalisés et on utilise les données de diffusion thermiques à la place de leurs valeurs moyennes à un groupe d’énergie (remplaçant ainsi l’aire de migration M2 par l’aire de diffusion notée L2).
Forme générale de l'équation de la diffusion : deux cas de figure se présente alors à nous.
Dans cette forme pratique, la valeur propre associée au flux (fonction propre de l’opérateur laplacien) est aussi sa courbure, ce qui explique que le terme (k∞ -1)/M2 soit appelé buckling (égal à la courbure, au signe près) en anglais. Selon le signe de ce terme, le flux solution prend une forme caractéristique dans la zone considérée. Si (k∞ -1)/M2 est positif (on le note alors χ2 et on parle d’un milieu multiplicateur), le flux prend la forme bombée d’un cosinus (due à une production suffisante de neutrons par fission). Si (k∞ -1)/M2 est négatif (on le note alors -K2 et on parle d’un milieu diffusant), le flux prend la forme creusée d’une exponentielle décroissante (due à un déficit de neutrons). Dans les cas à une variable d’espace, le flux s’écrit comme la combinaison linéaire de deux fonctions propres, données ci-dessous selon le signe de (k∞ -1)/M2 et le type de géométrie. La résolution se fait à partir de ces formes typiques (fonctions propres de l'opérateur Laplacien, dépendant notamment du caractère diffusant ou multiplicateur du milieu) et des conditions aux limites. Dans le cas d'une interface entre deux milieux (matériels, tous deux décrits par leur propre équation de la diffusion), on conserve en ce point le flux et le courant.
Les bases de fonctions propres selon le signe de la courbure et le type de géométrie.
Les deux paires de fonctions propres en géométrie cylindrique (J0 et Y0 d'une part, I0 et K0 d'autre part), d'après Lamarsh. Notez les singularités (de Y0 et K0 en l'origine, de I0 en l'infini) : elles nous conduiront à annuler les coefficients associés dans l'expression du flux, à condition que le milieu soit effectivement défini en ces endroits (rayon nul et/ou infini).
Dans le cas d'une interface entre un milieu matériel (i.e. pour lequel on peut écrire l'équation de la diffusion) et le vide (ou n'importe quel gaz, neutroniquement équivalent), le transport fournit comme outil ad hoc la distance d'annulation du flux notée d. Cette distance correspond à ce qu'il faut ajouter à l'épaisseur du milieu matériel pour que l'annulation du flux en ce point (condition géométrique simple, du type "condition de Dirichlet") fournisse la solution en diffusion qui a le meilleur accord possible dans le milieu matériel (loin des bords) avec la solution exacte. Cette solution exacte, dite de référence (obtenue en transport), donne pour la distance d'annulation au-delà d'une interface plane environ d = 0.71 x le libre parcours moyen de transport = 2.13 x D (où D est le coefficient de diffusion du milieu matériel). On appelle souvent d distance extrapolée car une valeur approchée (en diffusion) peut en être obtenue en écrivant que le courant rentrant (de retour du vide) est nul à l'interface, ce qui revient à prolonger le flux suivant sa pente au bord jusqu'en d. La figure ci-dessous illustre la raison de cette appellation (sans intérêt pratique mais restée dans l'usage) et surtout l'utilité véritable de d, qui fournit une condition géométrique simple donnant un accès direct à la meilleure solution de l'équation de la diffusion du point de vue de son accord avec le transport.
L’équation de la diffusion résolue dans le milieu matériel qu’on étend fictivement jusqu’en d ≈ 2.13 x D (pour une surface plane) et où on impose en outre l’annulation du flux donne la solution dont l’accord avec le transport est le meilleur.
Le TD1 (énoncé en bas de page) complète le cours sur deux aspects importants :
A. le calcul de paramètres de diffusion (apparaissant dans l'équation de la diffusion)
B. la résolution de l'équation de la diffusion dans des cas simples (1D et dans des milieux sans noyaux lourds fissiles, on parle dans ce cas de milieux diffusants par opposition aux milieux multiplicateurs)
Notez que ce TD1 ne précise pas pour quel milieu on fait ces calculs. Néanmoins pour faire quelques applications numériques (et ainsi mieux comprendre les résultats obtenus), vous pouvez utiliser les valeurs du coefficient de diffusion D et de la longueur de diffusion L dans l'eau légère (environ 0.2 cm et 3 cm respectivement, pour des neutrons thermiques) que nous utiliserons à nouveau dans le TD2.