1. Résolution numérique du transport : les voies déterministe et stochastique (Monte Carlo)
Au-delà d'un certain niveau de complexité, l'approximation de la diffusion atteint ses limites et le recours au transport devient inévitable. En complément de ce que nous en avons déjà vu, vous pouvez lire cette description résumée des deux grandes voies de résolution de l'équation du transport. Outre la méthode déterministe de résolution du transport dite des probabilités de première collision (que vous verrez en détail l'an prochain à l'occasion du cours sur le code de transport DRAGON qui l'utilise), vous trouverez dans cette description un exposé des principales techniques sur laquelle repose l'autre grande méthode de résolution appelée "Monte Carlo". L'idée de base est de générer un grand nombre d'histoires individuelles de neutron par le tirage de nombres aléatoires.
On appelle "Random Sampling" l'utilisation combinée, très astucieuse, de tels nombres aléatoires avec les densités de probabilité établies à partir des sections efficaces notamment. De cette façon, toutes les histoires sont possibles et leurs probabilités relatives sont respectées lorsqu'elles sont générées en grand nombre.
Les résultats issus d'un calcul de type Monte Carlo sont comparables à ceux fournis par un code déterministe, et même leur servent de référence numérique. La principale différence entre ces deux grandes voies de résolution du transport, c'est en gros "quand la moyenne est faite" : le transport déterministe régit (via l'équation du transport) le comportement moyen d'un neutron qu'il obtient par sa résolution tandis que le transport Monte Carlo procède par moyenne d'un grand nombre de comportements particuliers. Si vous cherchez plus de détails encore, la suite est disponible en bas de cette page, avec notamment la description de schémas de calcul "transport-diffusion" appliqués au CANDU et au REP (cf. ci-dessous) issue de mon mémoire d'HDR (2012).
Je conseille à ceux qui aimeraient aller un peu plus loin dans leur initiation au transport Monte Carlo tout en utilisant l'approximation de la diffusion (et en s'amusant un peu) de lire ce document. C'est la règle d'un jeu appelé La Mer des Fissions dont le but est d'estimer le facteur de multiplication d'un cœur rapide et qu'on peut facilement fabriquer avec les moyens du bord. Une partie à deux joueurs est résumée dans la vidéo ci-dessous.
N'hésitez pas à me contacter pour en faire une partie (1/2 h env., 3 joueurs max.) au LPSC.
2. En pratique : complémentarité du transport et de la diffusion (exemples de schémas de calcul)
On peut également s'intéresser à l'utilisation combinée (de plus en plus à la mode) du transport (pour calculer les sections efficaces) et de la diffusion (pour calculer le système complet). Pour montrer que ce type d'utilisation est très répandue et que vous y serez probablement confrontés, je passe la parole à Léa Fournasson (promo 2019) qui résume ainsi son début de stage de PFE au CEA de Cadarache (sur le recyclage du Pu en REP) :
J'utilise actuellement le code APOLLO2, qui est un code de simulation neutronique déterministe (de transport) pouvant utiliser deux méthodes de résolution, la méthode Pij, probabilité de première collision, ou la MOC (Méthod of characteritics), toutes les deux en transport. Je l'utilise pour faire des simulations à l'échelle d'un assemblage (MOX, UOX et UOX avec des crayons au gadolinium). Grâce à ce code je vais générer des bibliothèques de sections efficaces condensées à 2 groupes et plus (je vais aller jusqu'à 26 groupes), en fonction de divers paramètres, la température du modérateur, du combustible, la densité de l'eau (pour simuler une situation de vidange), la concentration en bore et le type de géométrie de calcul (homogène sur tout l'assemblage, hétérogène cellule par cellule ou hybride avec 6 compositions par assemblage).
Ces bibliothèques de sections efficaces seront ensuite entrées dans un autre code (de diffusion) qui lui fonctionne à l'échelle du coeur et couple la neutronique et la thermohydraulique : CRONOS. Ce code permettra de calculer des distributions de puissance sur le coeur entier, en situation de vidange et en situation normale. Il faudra d'abord faire une mise à l'équilibre, qui sera faite avec les sections efficaces homogénéisées et condensées à deux groupes en diffusion, puis les calculs en vidange seront faits de manière plus précise.
Un autre exemple de l'utilisation combinée du transport et de la diffusion est celui de la NDM (Nodal Drift Method, pour une résolution numérique simplifiée de la diffusion appliquée à l'étude de cœurs innovants) développée au sein du groupe de physique des réacteurs du LPSC. Ce premier article vous en donne les points essentiels (communs à toutes les méthodes du même genre) : modélisation du cœur par quelques grandes zones homogènes (dont les sections efficaces sont calculées au préalable en transport), discrétisation de l'opérateur Laplacien et recherche numérique de la criticité. Dans ce second article, quelques perfectionnements sont décrits qui permettent le calcul d'un transitoire d'éjection de grappe dans un "mini-cœur" de REP (inspiré du "benchmark" proposé par cet article) : interpolation des sections efficaces pour la grappe de contrôle et couplage au calcul (plus ou moins approché) de la thermohydraulique. Le TD5 (disponible en bas de page) revient sur ce benchmark en proposant un calcul d'efficacité de grappe basé sur la diffusion après homogénéisation (sans recours à la théorie des perturbations vue au chapitre précédent). Sur le même genre d'applications de l'approximation de la diffusion, couplée au transport mais aussi à des codes de thermohydraulique (et/ou de thermomécanique), on peut parcourir avec intérêt les quelques pages (215 à 226) consacrées à la neutronique couplée aux autres disciplines dans le chapitre "applications de la neutronique" du recueil très actuel "La Neutronique" du CEA (cf. lien dans la bibliographie de ce cours).
Bien entendu, de telles considérations dépassent largement le cadre de ce cours, dont l'objectif principal était de vous former à l'utilisation correcte et pratique de l'approximation de la diffusion neutronique. Elles n'en restent pas moins très importantes pour la suite.