BRANO 1
LES MYSTERES DU ROSAIRE
JOYEUX (Lundi et Samedi): l’Annonciation; la Visitation; la Naissance de Jésus; la Présentation de Jésus au Temple; le Recouvrement de Jésus au Temple.
LUMINEUX (Jeudi): le Baptême de Jésus au Jourdain; Les noces de Cana; l’annonce du Royaume de Dieu; la Transfiguration; l’institution de l’Eucharistie
DOULOUREUX (Mardi et Vendredi): l’Agonie de Jésus; la Flagellation; le Couronnement d’épines; le Portement de la Croix; la Crucifixion
GLORIEUX (Mercredi et Dimanche): la Résurrection de Jésus Christ; l’Ascension de Jésus Christ; la Descente du Saint-Esprit au Cénacle; l’Assomption de Marie; le couronnement de Marie au ciel.
BRANO 2
- Les sept péchés capitaux : 1. Acédie (ou paresse spirituelle). 2. Avarice. 3. Colère. 4. Envie. 5. Gourmandise. 6. Luxure. 7. Orgueil.
- Les sept œuvres de misericorde corporelles sont : 1. donner à manger aux affamés ; 2. donner à boire à ceux qui ont soif ; 3. vêtir ceux qui sont nus ; 4. accueillir les pèlerins ; 5. assister les malades ; 6. visiter les prisonniers 7. ensevelir les morts.
- Les sept œuvres de Miséricorde spirituelles : 1. conseiller ceux qui sont dans le doute, 2. enseigner les ignorants, 3. avertir les pécheurs, 4. consoler les affligés, 5. pardonner les offenses, 6. supporter patiemment les personnes ennuyeuses, 7. prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
BRANO 3
LES STATIONS DU CHEMIN DE CROIX
Première station – Jésus est condamné à mort
Duexième station – Jésus est chargé de sa Croix
Troisième station – Jésus tombe sous le poids de sa Croix
Quatrième station – Jésus rencontre sa Mère
Cinquième station – Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa Croix
Sixième station – Ste Véronique essuie la face de Jésus
Septième station – Jésus tombe pour la seconde fois
Huitième station – Jésus console les filles de Jérusalem
Neuvième station – Jésus tombe pour la troisième fois
Dixième station – Jésus est dépouillé de ses vêtements
Onzième station – Jésus est cloué sur la Croix
Douzième station – Jésus meurt sur la Croix
Treizième station – Jésus est descendu de la Croix et remis à sa Mère
Quatorzième station – Jésus est mis au tombeau.
BRANO 4
LES CINQ PRECEPTS GENERAUX DE L'EGLISE
1. Participer à l’Eucharistie dominicale et aux autres fêtes d’obligation et s’abstenir des travaux et des activités qui pourraient empêcher la sanctification de tels jours.
2. Confesser ses péchés au moins une fois par an.
3. Recevoir le Sacrement de l’Eucharistie au moins à Pâques.
4. S’abstenir de manger de la viande et observer le jeûne durant les jours établis par l’Église.
5. Subvenir aux besoins matériels de l’Église, selon ses possibilités.
BRANO 5
EXTRAITS DU CATECHISME
Les dix commandements. Je suis le Seigneur ton Dieu : 1. Tu aimeras Dieu par-dessus tout. 2. Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain. 3. Tu sanctifieras les fêtes. 4. Tu honoreras ton père et ta mère. 5. Tu ne tueras pas. 6. Tu ne commettras pas d'actes impurs. 7. Tu ne voleras pas. 8. Tu ne porteras pas de faux témoignage ni de mensonge. 9. Tu ne te livreras pas à des pensées ou à des désirs impurs. 10. Tu ne convoiteras pas les biens d'autrui.
BRANO 6
ANIMA CHRISTI
Âme de Jésus-Christ, sanctifiez-moi. Corps de Jésus-Christ, sauvez-moi. Sang de Jésus-Christ, enivrez-moi. Eau du côté de Jésus-Christ, lavez-moi. Passion de Jésus-Christ, fortifiez-moi. O bon Jésus, exaucez-moi. Cachez-moi dans vos plaies. Ne permettez pas que je sois jamais séparé de vous. Défendez-moi contre la malice de mes ennemis. Appelez-moi à l'heure de ma mort. Et ordonnez-moi d'aller avec vous. Afin que je vous loue avec vos Saints. Dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
BRANO 7
PRIERE A ST. MICHEL ARCHANGE
Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat, soyez notre secours contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu exerce sur lui son empire, nous vous le demandons en suppliant. Et vous, Prince de la Milice Céleste, repoussez en enfer par la force divine Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes. Ainsi soit-il.
BRANO 8
MEMORARE
Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu'on n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé votre secours, ait été abandonné. Animé d'une pareille confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je cours vers vous, je viens à vous et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. Ô Marie, Mère du Verbe incarné ne rejetez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer. Ainsi soit-il.
BRANO 9
PRIERE DE LEONCE DE GRANDMAISON
Sainte Marie, garde-moi un coeur d’enfant, pur et transparent comme une source. Obtiens-moi un coeur simple, qui ne savoure pas les tristesses. Un coeur magnanime à se donner, tendre à la compassion, un coeur fidèle et généreux, qui n’oublie aucun bien, et ne tienne rancune d’aucun mal. Fais-moi un coeur doux et humble, aimant sans demander de retour, joyeux de s’effacer dans un autre coeur, devant ton divin Fils. Un coeur grand et indomptable, qu’aucune ingratitude ne ferme, qu’aucune indifférence ne lasse. Un coeur tourmenté de la gloire de Jésus-Christ, blessé de son amour, et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.
BRANO 10
PRIERE DU CARDINAL NEWMAN
Conduis-moi, douce lumière, parmi l'obscurité qui m'environne, conduis-moi ! La nuit est sombre, et je suis loin du foyer, conduis-moi ! Garde mes pas ; je ne demande pas à voir les scènes éloignées : un seul pas est assez pour moi. Je n'ai pas toujours été ainsi : je n'ai pas toujours prié que tu me conduises . J'aimais choisir et voir mon chemin, mais maintenant conduis-moi. J'aimais le jour éclatant, et, malgré mes craintes, l'orgueil dominait mon vouloir : ne te souviens pas des années passées. Aussi longtemps que ta puissance m'a béni, aussi longtemps elle me conduira encore, à travers landes et marécages, rochers et torrents, jusqu'à ce que la nuit s'achève et qu'avec ce matin sourient ces visages angéliques que j'ai longtemps aimés et perdus pour une heure.
BRANO 11
PRIERE DE ST. AMBROISE
Ô mon doux Seigneur Jésus, je tremble pauvre pécheur, et je frissonne en m’approchant de votre Table sacrée, ne présumant rien de moi-même, et me confiant en Vos seules Bontés et Miséricordes. Car j'ai le cœur et le corps taché de beaucoup de crimes, ct l'esprit et la langue coupables de mille dérèglements. Donc, ô Miséricordieuse Divinité ! Ô Majesté Redoutable, moi misérable, réduit en de si dangereuses extrémités, j'ai recours à Vous, Fontaine de Miséricorde, je viens à Vous en hâte pour être guérie, je me refugie sous Votre protection, et je soupire afin d'avoir pour Sauveur, Celui que je ne puis supporter pour Juge. Ô Seigneur, je Vous montre mes plaies, je Vous découvre ma honte, je sais que mes péchés sont grands et en grand nombre pour lesquels je crains d'être condamné : mais je me confie en Vos Miséricordes, dont le nombre est infini. Regardez-moi donc de Vos yeux de pitié, ô mon bon Seigneur Jésus-Christ, Roy Eternel, Dieu et Homme, et qui avez été crucifié pour l'homme. Exaucez-moi qui espère en Vous, ayez pitié de moi qui suis plein de péchés et de misères, Vous qui êtes la Source éternelle des Miséricordes. Je Vous salue, ô Victime salutaire, offerte pour moi et pour tout le genre humain en l'arbre de la Croix, Je Vous salue, ô noble et précieux Sang, qui coulez des Plaies de mon Seigneur Jésus Crucifié, et qui lavez les péchés de tout le monde. Souvenez-Vous, Seigneur, de Votre créature, que Vous avez rachetée de votre Sang. J'ai le regret de Vous avoir offensé, et désire réparer les fautes que j'ai faites. Chassez-donc de moi, ô doux Jésus, tous mes péchés et toutes mes iniquités, afin qu'étant purifié d'esprit et de corps, je puisse goûter plus dignement le Saint des Saints ; et faites-moi la Grâce que le saint Attouchement de votre Corps et de votre Sang, que tout indigne que je suis, je me propose de recevoir, remette mes offenses, purge mes défauts, rétablisse le bon usage de mes sens, m'inspire les œuvres qui Vous plaisent, et soit ma défense assurée contre les embûches de mes ennemis.
BRANO 12
PRIERE DE ST. THOMAS D’AQUIN
Dieu tout-puissant et éternel, voici que je m'approche du sacrement de votre fils unique Notre Seigneur Jésus-Christ. Malade, je viens au médecin dont dépend ma vie ; souillé, à la source de la miséricorde ; aveugle, au foyer de la lumière éternelle ; pauvre et dépourvu de tout, au Maître du Ciel et de la terre. J'implore donc votre immense, votre inépuisable générosité, afin que vous daigniez guérir mes infirmités, laver mes souillures, illuminer mon aveuglement, combler mon indigence, couvrir ma nudité ; et qu'ainsi je puisse recevoir le Pain des Anges, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, avec toute la révérence et l'humilité, toute la contrition et la dévotion, toute la pureté et la foi, toute la fermeté de propos et la droiture d'intention que requiert le salut de mon âme. Donnez-moi, je vous prie, de ne pas recevoir simplement le sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, mais bien toute la vertu et l'efficacité du sacrement. Ô Dieu plein de douceur, donnez-moi de si bien recevoir le Corps de votre Fils Unique, Notre Seigneur Jésus-Christ, ce corps charnel qu'il reçut de la Vierge Marie, que je mérite d'être incorporé à son Corps Mystique et compté parmi ses membres. Ô Père plein d'amour, accordez-moi que ce Fils Bien-Aimé que je m'apprête à recevoir maintenant sous le voile qui convient à mon état de voyageur, je puisse un jour le contempler à visage découvert et pour l'éternité, Lui, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous dans l'unité du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
BRANO 13
RENOUVELLEMENT DES VŒUX DU BAPTEME
Pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu, rejetez-vous le péché?
Parents et parrains: Oui, je le rejette.
Pour échapper au pouvoir du péché, rejetez-vous ce qui conduit au mal?
Parents et parrains: Oui, je le rejette.
Pour suivre Jésus Christ, rejetez-vous Satan qui est l'auteur du péché?
Parents et parrains: Oui, je le rejette.
Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre?
Parents et parrains: Je crois.
Croyez-vous en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né de la Vierge Marie, a souffert la passion, a été enseveli, est ressuscité d'entre les morts, et qui est assis à la droite du Père?
Parents et parrains: Je crois.
Croyez-vous en l'Esprit Saint, à la Sainte Église catholique, à la communion des saints, au pardon des péchés, à la résurrection de la chair, et à la vie éternelle?
Parents et parrains: Je crois.
Telle est notre foi. Telle est la foi de l'Église que nous sommes fiers de proclamer dans le Christ Jésus notre Seigneur
Tous: Amen.
BRANO 14
- Les sept dons de l’Esprit Saint:
La Sagesse pour que ton coeur reconnaisse la présence de Dieu. Ainsi tu lui donneras une place importante dans ta vie, souvent tu l'écouteras et lui parleras. Tu auras le goût de Dieu et de tout ce qui le concerne.
L'Intelligence pour que tu sois capable de comprendre la Parole de Dieu et d'en vivre chaque jour.
Le Conseil pour que tu puisses choisir correctement quoi faire pour vivre en vrai chrétien, surtout dans les moments importants et difficiles de ta vie.
La Connaissance pour t'aider à comprendre le vrai sens de ta vie avec les autres dans le monde... pourquoi la mort?... la souffrance?... l'amour?...
La Fraternité (ou l'Affection filiale) pour te rendre capable d'aimer Dieu et ton prochain: tes parents, tes amis, tous ceux et celles qui vivent avec toi, et même ceux-là qu'il t'est plus difficile d'aimer.
La Force pour te permettre de prendre courageusement une décision, de vaincre les obstacles qui se présentent à toi, de changer de direction si c'est nécessaire.
L'Émerveillement (ou l'Adoration et la Louange) pour te rendre capable de reconnaître Dieu en toute confiance quand il se manifeste à toi, de le prier très simplement, de le remercier pour les merveilles qu'il fait pour toi!
BRANO 15
- Les fruits de l’Esprit. Nous pouvons classer les douze fruits de l’Esprit en trois groupes :
Les fruits qui concernent l’âme dans ses relations avec Dieu : la charité, la joie, la paix, la patience.
Les fruits qui concernent l’âme dans ses relations avec le prochain : la bénignité, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi.
Les fruits qui concernent l’âme dans ses relations avec son propre corps : la modestie, la continence, la chasteté.
Les douze fruits du Saint-Esprit sont inséparables : il s’agit d’être mû par l’Esprit Saint, et l’Esprit Saint est une personne vivante !
- Les vertus cardinales et théologales:
Une Vertu est une ferme disposition à faire le bien et à éviter ce qui est mal. C’est à la fois une grande qualité morale et une force surnaturelle divine.
Les vertus cardinales, célébrées depuis l’Antiquité grecque, sont au nombre de 4 : Prudence, Tempérance, Force d’âme, Justice.
Elles sont comme des «pivots» (cardines) sur lesquels repose la vie morale. L’Eglise catholique distingue en plus trois vertus théologales, ayant Dieu pour objet : la Foi, l’Espérance et la Charité.
BRANO 16
HISTOIRE DE LA BIBLE (1)
Les textes les plus anciens ne sont pas ceux du livre de la Genèse. Les savants s’accordent aujourd’hui à reconnaître que ce sont des parties du livre du prophète Amos, vers 750 av. J.-C., le reste du livre ayant été réécrit et complété au cours des siècles (les sociétés antiques n’ont absolument pas notre idée de « propriété littéraire »). Quant au livre le plus récent de l’Ancien Testament (non repris dans la Bible juive) il s’agit du livre de la Sagesse, écrit à Alexandrie, en Égypte, à la fin du 1er siècle avant notre ère. Les textes les plus anciens du Nouveau Testament sont les lettres de Paul (à partir de l’an 50). Le plus récent est l’Apocalypse (vers l’année 100). Ils sont rédigés en Judée, en Syrie, en Grèce, en Asie Mineure… Divers, ils portent la marque des débats qui animent les chrétiens à la fin du 1er siècle. Tous proclament que le Christ est ressuscité mais chaque communauté interprète de façon particulière ce qui est le cœur de la foi chrétienne. Voici une chronologie de l’histoire des livres bibliques articulée sur une chronologie de l’histoire du peuple d’Israël. Bien évidemment, plus on remonte dans le temps, plus il est difficile d’avoir de certitudes historiques.
BRANO 17
HISTOIRE DE LA BIBLE (2)
À une époque indéterminée du 2e millénaire av. J.-C., le « patriarche » Abraham est arrivé en Canaan avec son clan araméen. Plus tard, sans doute au 12e siècle av. J.-C., émerge un personnage important, Moïse, qui a guidé un exode d’Hébreux hors d’Égypte.
Bilan de cette période : quelle est l’historicité des patriarches, tels Abraham, Isaac et Jacob, ou de l’exode hors d’Égypte ? Aucun témoignage extérieur – égyptien ou mésopotamien – n’est venu les confirmer. Sans nier les faits, il faut souligner que les récits actuels, datés du 6e ou 5e siècle av. J.-C., ont moins pour intention « d’informer » le peuple d’Israël sur ce qui s’est réellement passé que de « former », dans un style grandiose, sa conscience religieuse de peuple choisi par YaHWeH (= le Seigneur) malgré sa petitesse.
BRANO 18
HISTOIRE DE LA BIBLE (3)
~ 1200 Les Hébreux, organisés en une douzaine de tribus dirigées par des « juges », occupent la montagne centrale du pays de Canaan. C’est peut-être dans les sanctuaires que se trouve l’origine des récits bibliques. C’est peut-être là qu’on a commencé à composer des hymnes et des récits sur les ancêtres : par exemple, il se pourrait qu’à Beersheva ou à Hébron, on évoque Abraham, et qu’à Béthel ou à Sichem, on évoque Jacob…
~ 1000 Après Saül, David, soutenu par le juge Samuel, est proclamé roi. Avec l’institution de la monarchie, des scribes auraient peut-être rédigé, comme on le voit ailleurs dans le Proche-Orient, des chroniques sur les juges, sur Saül et sur David ?
– 970 Salomon succède à son père David. La Bible lui attribue la construction d’un Temple en l’honneur de YaHWeH (= le Seigneur). Les savants discutent pour savoir si on a commencé à recueillir, dès cette époque, des traditions orales sur les temps fondateurs disséminées dans les sanctuaires. Aurait-on également commencé à éditer des textes législatifs ? À composer des anthologies de psaumes ?
– 930 Rupture politique entre le royaume du Nord (= Israël : la dernière capitale en sera Samarie) et le royaume du Sud (= Juda, la capitale en est Jérusalem).
~ 850 En Israël, apparaissent les prophètes Élie et Élisée, critiques du pouvoir royal. Puis, un siècle plus tard, les prophètes Osée et Amos. Amos et Osée seraient les premiers à avoir mis par écrit certains de leurs oracles, complétés plus tard par des disciples. Par ailleurs, au 9e et 8e siècle av. J.-C., des scribes rédigent sans doute, à la manière des cours princières du Proche-Orient, des Annales sur les règnes des rois de Juda et d’Israël (aujourd’hui perdues). Peut-être se livre-t-on également à une révision des textes législatifs et à la mise en forme de récits sur les ancêtres ?
– 721 La ville de Samarie est assiégée et prise par les Assyriens : c’est la fin du royaume d’Israël. Des Juifs sont déportés en Assyrie, en particulier à Ninive. Dans le royaume de Juda, soumis à la menace assyrienne, le prophèteIsaïe (vers 730) tout à la fois dénonce, critique et ravive l’espoir des habitants de Jérusalem. Sous le roi Ézéchias (vers 716-687), il y aurait eu une importante activité éditoriale.
– 622 Dans le royaume de Juda, le roi Josias se livre à une grande réforme religieuse. Le prophète Jérémie s’opposera à ses successeurs, moins religieux que lui. Après 721, des scribes de Samarie s’étaient réfugiés à Jérusalem. L’un de leurs écrits – qui pourrait être la base du livre du Deutéronome – est peut-être à l’origine de la réforme de Josias. Dans l’esprit de ce mouvement réformateur dit « deutéronomique », des scribes de Jérusalem se livrent à une vaste relecture de l’histoire d’Israël. D’autres actualisent les anciens textes législatifs. Sans doute aussi compose-t-on de nouveaux psaumes…
– 587 Les Babyloniens, nouveaux maîtres du Proche-Orient, assiègent et prennent Jérusalem puis incendient le Temple. C’est la fin du royaume de Juda. Les élites sont exilées à Babylone et dans les environs. D’autres fuient en Égypte. C’est en Babylonie que naissent les synagogues, rassemblement pour lire et méditer les œuvres anciennes. C’est aussi à cette période que se lève un nouveau prophète parmi les exilés : le prêtre Ezéchiel. En exil d’ailleurs, des prêtres commencent à écrire à leur tour une histoire d’Israël depuis les origines (tradition dite « sacerdotale ») alors que des scribes laïcs reprennent et continuent la réflexion de la tradition « deutéronomique ». Un prophète qui est passé à la postérité sous le nom de « second Isaïe » lance des oracles d’espérance.
Bilan de cette période : la fin de la royauté et l’exil à Babylone est le moment où l’on prend conscience qu’une période de l’Alliance entre YaHWeH (le Seigneur) et Israël s’achève, une période qui a produit des lois et des récits que l’on lit et relit. Ces lois et ces récits mis en forme par les traditions « deutéronomique » et « sacerdotale » vont servir désormais de références, de modèles afin de mieux vivre la période nouvelle qui s’ouvre, pleine d’espoir, et vers laquelle le « second Isaïe » invite à regarder.
BRANO 19
HISTOIRE DE LA BIBLE (4)
– 538 Le roi perse Cyrus investit la ville de Babylone et autorise le retour des Juifs à Jérusalem, désormais capitale de la région de Judée administrée par les Perses. Certains Juifs préfèrent rester à Babylone.
– 520 À l’appel des prophètes Aggée et Zacharie, le Temple de Jérusalem est reconstruit. Dans le pays retrouvé, prêtres et laïcs arrivent à une synthèse des traditions historiques « deutéronomique » et « sacerdotale ». Au cours du 5e et du 4e siècle av. J.-C., la quête de la sagesse produit des œuvres poétiques, graves ou légères : Job, Cantique des cantiques, Ruth. Pour le culte au Temple, on compose de nouveaux psaumes.
~ 400 D’après la tradition, le scribe Esdras est chargé (par le pouvoir perse ?) de fixer la « Torah » juive. C’est à partir de ce moment que la Torah (= Loi) prend la forme de 5 livres et est considérée comme le cœur de la foi juive et de l’obéissance à YaHWeH (= le Seigneur), Dieu unique.
Bilan de cette période : à partir de la fixation de la Torah, il n’y aura plus de réécritures des temps fondateurs de l’Alliance, mais des traductions et des commentaires (ce sont les « targoums » rédigés en araméen, langue du peuple). On médite la période royale et celle de l’exil : ainsi les Chroniques sont une relecture des livres des Rois. Les écrits des prophètes (anciens ou récents) sont reçus comme les meilleurs commentaires de la Torah pour obéir à Dieu et vivre dans l’Alliance. Encouragée par les psaumes et les écrits des sages, la liturgie dans les synagogues fait le lien entre la vie et les Écritures saintes.
BRANO 20
HISTOIRE DE LA BIBLE (5)
– 320 Les successeurs d’Alexandre le Grand se disputent son empire. Les Lagides (descendants du général Lagos) gouvernent la Judée. En Égypte, les colonies juives prospèrent. Vers 250, à Alexandrie en Égypte, la Torah est traduite en grec (= la Septante). Des écrivains composent les romans de Tobie ou d’Esther. Un sage publie le livre de Qohélet (appelé par la suite Ecclésiaste).
– 200 Les Séleucides (descendants du général Séleucos) arrachent la Judée au Lagides. Le monarque Antiochus IV Épiphane impose la culture et la religion grecque et provoque ainsi la révolte des Maccabées (167-164). Celle-ci débouche sur un essai d’autonomie politique avec la dynastie des Asmonéens. La réflexion sur l’identité du peuple juif s’approfondit avec les livres des Maccabées, de Judith ou du Siracide. Apparaît un nouveau mouvement de pensée, déjà présent dans les écrits d’Isaïe et Ézéchiel : l’apocalyptique (= la révélation du dessein de Dieu pour son peuple). Centré sur l’espérance au milieu des épreuves, il est très présent dans le livre de Daniel.
– 63 Le général Pompée pénètre dans Jérusalem et installe une domination romaine.
Bilan de cette période : la littérature apocalyptique redonne espoir dans les temps présents du malheur. En s’appuyant sur les grandes figures du passé (Énoch, Moïse, Élie, Esdras etc.) elle « révèle » la fin des temps. Son langage énigmatique et son imaginaire foisonnant disent l’extraordinaire du salut de Dieu, juge de l’Histoire. Les Bibles juive et chrétienne ont gardé peu d’exemples de cette littérature juive ancienne, mais on en a trouvé à Qoumrân (2e siècle av. J.-C. – 1er siècle ap. J.-C.). Pour les chrétiens, la résurrection de Jésus inaugurera « les derniers temps ».
BRANO 21
HISTOIRE DE LA BIBLE (6)
– 34 Soutenu par les Romains, Hérode le Grand se révèle à la fois tyran sanguinaire et grand bâtisseur : on lui doit les travaux de restauration du Temple. Dans les années qui suivent, les mouvements religieux foisonnent : pharisiens, sadducéens, esséniens, baptistes, zélotes…
+ 30 (ou 33) Crucifixion de Jésus, suivie de « l’évangile » (la Bonne nouvelle) de sa Résurrection. C’est le début de l’Église qui, au départ, est un mouvement interne au judaïsme.
+ 70 Lors de la première révolte juive contre le pouvoir romain, Jérusalem et le Temple sont incendiés par le général Titus. Sous l’influence du mouvement pharisien, le judaïsme se réorganise, alors que le christianisme se répand sur le pourtour de la Méditerranée. Les premiers écrits chrétiens sont les Lettres de St Paul (50 – 65 ?), suivies des récits sur Jésus, les Évangiles (Marc ~ 70, Luc ~ 80, Matthieu ~ 85 et les Actes des Apôtres (~ 80). L’œuvre attribuée à Jean (évangile, lettres, Apocalypse) est complexe, due à des divers auteurs et s’échelonne sur plusieurs années autour de l’an 100.
+ 135 Une seconde révolte juive est écrasée par l’empereur Hadrien. Jérusalem perd son nom et devient Aelia Capitolina. Du côté juif, au 2e siècle, les rabbins officialisent une liste de 24 livres en 3 recueils : Torah (= Loi), Neviim (= Prophètes), Ketouvim (= Écrits). Les textes hébreux continuent d’être traduits et commentées non seulement en araméen (les « targoums ») mais en grec. Puis le grec sera abandonné. À partir du 5e siècle, des rabbins, réfugiés pour la plupart en Galilée, fixent le texte hébreu et compilent, en araméen, les commentaires anciens dans le Talmud. Du côté chrétien, avant 200, les Églises ont à peu près fixé, en grec, la liste de leurs Saintes Écritures divisées en deux parties : « Ancien » (ou Premier) et « Nouveau » Testaments. Pour l’Ancien Testament, ils s’inspirent de la Septante. Suivent des traductions en syriaque, copte, arménien, latin etc., des commentaires des Pères de l’Église et une floraison de légendes ou d’écrits ésotériques (les « apocryphes » = à cacher, à lire avec précaution).
Bilan de cette période : Les difficultés d’interprétation religieuse ont fait l’objet de débats à la fois chez les Juifs et chez les chrétiens. Les discussions orales entre savants juifs, les rabbins, ont été rassemblées dans cet ouvrage imposant, trésor de la culture juive, le Talmud (d’un mot hébreu qui signifie « étude » ou « enseignement ») qui existe sous deux formes : le Talmud de Jérusalem (fin du 4e siècle) et le Talmud de Babylone (6e siècle). Les discussions entre savants chrétiens sont éparpillées dans les homélies et commentaires des Pères de l’Église (théologiens du 2e au 6e siècle environ), dans les conciles, dans les œuvres des poètes… Beaucoup de légendes pieuses rapportées dans les écrits « apocryphes » (à partir du 2e siècle) développent des situations ou des personnages sur lesquels la Bible ne dit rien ou si peu : ainsi l’enfance de Jésus, celle de Marie sa mère ou encore sur les voyages de St Pierre et sa mort à Rome… Il faut les lire avec un recul critique, même s’ils ont influencé la liturgie et les arts.
BRANO 22
DE LA DIFFERENCE ENTRE L'ASSOMPTION ET LA DORMITION DE LA BEATE VIERGE MARIE
Après l’Ascension du Seigneur Jésus, les Actes des Apôtres montrent les Apôtres réunis tous ensemble, « avec quelques femmes, dont Marie, la Mère de Jésus » (Ac 1, 14). En prière, ils attendent la Pentecôte et la venue du Saint-Esprit. Marie est citée pour la dernière fois dans un livre du Nouveau Testament. En effet, les récits bibliques ne racontent pas la fin de sa vie terrestre. Aussi des chrétiens ont rédigé des textes pour l’évoquer. On les appelle des écrits apocryphes. On y trouve toujours les éléments suivants. Un ange annonce à Marie sa mort, paisible et sereine, tel un endormissement. De là vient le terme « Dormition ». Pour y assister, les apôtres, en mission d’évangélisation dans le monde, sont amenés miraculeusement par des anges. Au moment de l’endormissement de Marie dans sa mort, son âme quitte son corps. À cet instant, le Christ apparaît. Il prend dans ses bras l’âme de Marie, représentée sur les images par un bébé en signe de sa pureté. Il amène l’âme dans le Royaume de Dieu. Les apôtres célèbrent les obsèques de Marie. À la fin, les anges emmènent le corps de Marie au Paradis où son corps retrouve son âme. L’empereur romain d’Orient Maurice (539-602) décide de célébrer le 15 août cette fête de la Dormition. À l’origine, orthodoxes et catholiques honorent la fin de la vie de la Vierge Marie de façon identique. La différence va s’établir progressivement.
L’Église orthodoxe insiste sur la douceur de la mort de Marie. Elle est tournée vers Dieu, comme durant toute sa vie. Elle n’a pas peur de la mort. Elle sait que Jésus l’accueillera dans le Royaume de Dieu. L’Église catholique ne parle pas de sa mort mais d’Assomption. Ce dogme, défini par le pape Pie XII en 1950, explique qu’à la fin de sa vie, elle fut « assumée », corps et âme. Selon la foi catholique, tout être humain vivra cette même assomption, pas au moment de la mort, mais à la Résurrection de la chair. Là résident deux différences entre la foi catholique et la foi orthodoxe. La première concerne l’autorité dans l’Église. Pour les orthodoxes, seul un concile œcuménique, une réunion du pape et de tous les évêques catholiques et orthodoxes, est compétent pour définir un dogme. Ils ne reconnaissent pas au pape Pie XII la légitimité de définir le dogme de l’Assomption et ils ne définissent pas un dogme de la Dormition. Ils refusent aussi le dogme de l’Immaculée Conception, défini par le pape Pie IX en 1854, indiquant que Marie n’a pas été touchée par le péché originel. La seconde différence réside dans la compréhension de la Conception de Marie. Pie XII rappelle en effet les dogmes de la virginité perpétuelle de Marie, définie au concile œcuménique d’Éphèse en 431 donc reconnue par les orthodoxes, et de son Immaculée Conception. Le dogme de l’Assomption est la conséquence de celui de l’Immaculée Conception. Un privilège divin a épargné Marie du péché originel. Elle échappe donc à la mort, conséquence de ce même péché. Pour l’Orthodoxie, il n’y a pas de privilège dans la conception de Marie. Avec l’aide de la grâce, la Mère de Dieu s’est gardée toute sa vie pure de tout péché personnel. Elle a néanmoins été conçue avec le péché originel. Marie a partagé le sort commun de l’humanité, y compris dans la mort.
Dormition et Assomption ne recouvrent donc pas la même réalité. Elles sont cependant source d’espérance de la vie éternelle après la mort. À l’exemple de Marie, nous sommes invités à ne pas craindre la mort. Elle est passage avec Jésus pour entrer dans l’amour du Père miséricordieux. Avec Marie, nous sommes aussi invités à vivre notre vie d’enfant de Dieu dès à présent.
BRANO 23
SAINT JACQUES
Fils de Zébédée et frère de saint Jean, pêcheur sur le lac de Tibériade, compagnon et de Simon et d’André, il laisse les filets pour suivre Jésus. Avec Pierre, Jacques et Jean seront les plus proches des apôtres de Jésus. Ils sont à la Transfiguration, ils entrent auprès de la petite fille de Jaïre, ils seront au jardin des Oliviers. Jacques, comme Jean, désire la première place auprès du Maître (Marc 10, 37). Il y gagnera l’annonce de son martyre : « Ma coupe, vous la boirez. » De même quand il veut faire tomber le feu du ciel sur un village inhospitalier, ce fils du tonnerre s’attire une réprimande. Jésus ne ménage pas ceux à qui il accorde sa confiance privilégiée. Jacques but la coupe du Seigneur en l’an 43, lors de la persécution d’Hérode. Etienne avait eu la place de premier martyr. Jacques le suivit de peu. À la fin du 7ème siècle, une tradition fit de Jacques l’évangélisateur de l’Espagne, avant sa mort ou par ses reliques. Son corps aurait été découvert dans un champ grâce à une étoile : le campus stellae, devenu Compostelle. Après Jérusalem et Rome, c'est le lieu d’un des plus célèbres pèlerinages de la chrétienté.
Saint Jacques, priez pour nous !
BRANO 24
SAINT IGNACE DE LOYOLA, FONDATEUR DE LA COMPAGNIE DE JESUS (1491-1556)
(Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950)
Saint Ignace naquit au château de Loyola, en Espagne. Il fut d'abord page du roi Ferdinand V; puis il embrassa la carrière des armes. Il ne le céda en courage à personne, mais négligea complètement de vivre en chrétien, dirigé uniquement par l'orgueil et l'amour des plaisirs. De ce chevalier mondain, Dieu allait faire l'un des premiers chevaliers chrétiens de tous les âges. Au siège de Pampelune, un boulet de canon brisa la jambe droite du jeune officier, qui en peu de jours fut réduit à l'extrémité et reçut les derniers sacrements. Il s'endormit ensuite et crut voir en songe saint Pierre, qui lui rendait la santé en touchant sa blessure. A son réveil, il se trouva hors de danger, quoique perclus de sa jambe. Pour se distraire, il demanda des livres; on lui apporta la Vie de Jésus-Christ et la Vie des Saints. Il les lut d'abord sans attention, puis avec une émotion profonde. Il se livra en lui un violent combat; mais enfin la grâce l'emporta, et comme des hommes de cette valeur ne font rien à demi, il devint, dans sa résolution, un grand Saint dès ce même jour. Il commença à traiter son corps avec la plus grande rigueur; il se levait toutes les nuits pour pleurer ses péchés. Une nuit, il se consacra à Jésus-Christ par l'entremise de la Sainte Vierge, refuge des pécheurs, et Lui jura une fidélité inviolable. Une autre nuit, Marie lui apparut environnée de lumière, tenant en Ses bras l'Enfant Jésus. Peu après, Ignace fit une confession générale et se retira à Manrèze, pour s'y livrer à des austérités qui n'ont guère d'exemple que dans la vie des plus célèbres anachorètes: vivant d'aumônes, jeûnant au pain et à l'eau, portant le cilice, il demeurait tous les jours six ou sept heures à genoux en oraison. Le démon fit en vain des efforts étonnants pour le décourager. C'est dans cette solitude qu'il composa ses Exercices spirituels, l'un des livres les plus sublimes qui aient été écrits par la main des hommes. Passons sous silence son pèlerinage en Terre Sainte et différents faits merveilleux de sa vie, pour rappeler celui qui en est de beaucoup le plus important, la fondation de la Compagnie de Jésus (1534), que l'on pourrait appeler la chevalerie du Christ et le boulevard de la chrétienté. Cette fondation est assurément l'une des plus grandes gloires de l'Église catholique; sciences profanes et sciences sacrées, enseignement, apostolat, rien ne devait être étranger à la Compagnie d'Ignace. Les vertus du fondateur égalaient ses grandes oeuvres; elles avaient toutes pour inspiratrice cette devise digne de lui: Ad majorem Dei gloriam! "A la plus grande gloire de Dieu!"
BRANO 25
SAINT ALPHONSE DE LIGUORI (+1787) FETE LE 1 AOUT
De famille napolitaine noble, Alphonse était promis à un brillant avenir, du moins son père en avait-il décidé ainsi. L’enfant est doué. A seize ans, il est docteur en droit civil et ecclésiastique. Il devient un avocat de renom et de succès. Il ne perd aucun procès quand il le plaide. Mais, de son côté, le Seigneur plaide tout doucement la cause du Royaume des cieux dans le coeur du jeune homme si bien parti pour réussir dans le monde. Alphonse décide d’abord de se consacrer à Dieu dans le monde et, pour cela, renonce à un beau mariage. Désormais on le trouve assidu aux pieds du Saint-Sacrement et des statues de la Vierge Marie. Il fréquente les malades incurables et les condamnés à mort. A vingt-sept ans, il perd un procès, pourtant juste, à cause des pressions exercées sur les juges par des puissants fortunés. Désespérant de la justice humaine, il démissionne, devient prêtre et se consacre aux « lazzaroni », ces pauvres des bas-fonds de Naples et des campagnes. Il a choisi son camp, celui des pauvres rejetés. Pour eux, il fonde la congrégation des Rédemptoristes sous le patronage de saint François de Sales. Toute sa vie, il se battra contre le rigorisme et fera triompher dans l’Eglise une pastorale de miséricorde et de liberté. Devenu malgré lui évêque, brisé par la maladie, il revient mourir parmi les siens.
BRANO 26
20 AOUT, SAINT BERNARD, ABBE ET DOCTEUR DE L'EGLISE (1090 - 20 AOUT 1153)
Bernard, le prodige de son siècle, naît au château de Fontaines, en Bourgogne près de Dijon, en 1090 d'une famille distinguée par sa noblesse et par sa piété. Il fut, dès sa naissance, consacré au Seigneur par sa mère, qui avait eu en songe le pressentiment de sa sainteté future. Une nuit de Noël, Bernard, tout jeune encore, assistait à la Messe de Noël ; il s'endormit, et, pendant son sommeil, il vit clairement sous ses yeux la scène ineffable de Bethléem, et contempla Jésus entre les bras de Marie. La grâce de sa personne et la vigueur de son intelligence ont rempli ses parents des plus hautes espérances, et le monde était lumineux et souriant devant lui. Mais Bernard y renonça définitivement pour rejoindre les moines de Cîteaux, à quelques kilomètres de là. À dix-neuf ans, malgré les instances de sa famille, il obéit à l'appel de Dieu, qui le voulait dans l'Ordre de Cîteaux. Mais il n'y entra pas seul ; il décida six de ses frères et vingt-quatre autres gentilshommes à le suivre. Une seule sœur resta en arrière ; elle était mariée et aimait le monde et ses plaisirs. Splendidement vêtue, elle vint un jour rendre visite à Bernard, et il refusa de la voir. Il a finalement consenti à le faire, non pas en tant que son frère mais en tant que ministre du Christ. Les paroles qu'il prononça alors l'émouvèrent si profondément que deux ans plus tard, elle se retira dans un couvent avec le consentement de son mari, mourant plus tard dans la réputation de sainteté. Donc, trente jeunes chrétiens en tout, se rendirent quand il le fit à Citeaux, laissant le plus jeune frère, Nivard, être le soutien de son père dans sa vieillesse : « Adieu, cher petit frère, lui avait-il dit; nous t'abandonnons tout notre héritage. “Oui, je comprends, avait répondu l'enfant, vous prenez le Ciel et vous me laissez la terre ; le partage n'est pas juste.” » Plus tard, Nivard vint avec son vieux père rejoindre Bernard au monastère de Clairvaux. En effet, l'exemple de cette illustre jeunesse et l'accroissement de ferveur qui en résulta pour le couvent suscitèrent tant d'autres vocations, qu'on se vit obligé de faire de nouveaux établissements. Bernard fut le chef de la colonie qu'on envoya fonder à Clairvaux un monastère qui devint célèbre et fut la source de cent soixante fondations, du vivant même du Saint. Il réprimait ses sens au point qu'il semblait n'être plus de la terre ; voyant, il ne regardait point, entendant, il n'écoutait point ; goûtant, il ne savourait point. C'est ainsi qu'après avoir passé un an dans la chambre des novices, il ne savait si le plafond était lambrissé ou non ; côtoyant un lac, il ne s'en aperçut même pas ; un jour, il but de l'huile pour de l'eau, sans se douter de rien. Peu avare de lui-même, il attendait d'abord trop de ses moines, découragés par sa sévérité. S'apercevant bientôt de son erreur, il les conduisit à une merveilleuse perfection par la douceur de sa correction et la douceur de son gouvernement. Malgré son désir de rester isolé, la renommée de sa sainteté se répandit au loin et de nombreux diocèses le demandèrent comme évêque. Grâce à l'aide du pape Eugène III, son ancien sujet, il échappe à cette dignité. Néanmoins, sa retraite était continuellement envahie. Les pauvres et les faibles recherchaient sa protection ; les évêques, les rois et les papes lui demandaient conseil ; et enfin le pape Eugène lui-même lui ordonna de prêcher la croisade. Par sa ferveur, son éloquence et ses miracles, Bernard excita l'enthousiasme de la chrétienté et deux grandes armées furent organisées. Leur défaite n'était due, dit le Saint, qu'à leurs péchés, mais beaucoup avaient sauvé leur âme par leur dévouement à la gloire de Dieu. Bernard mourut en 1153. Ses écrits très précieux lui ont valu le titre de dernier Père de la Sainte Église et l'un de ses Docteurs les plus célèbres. Le Saint n'avait point étudié dans le monde ; mais l'école de l'oraison suffit à faire de lui un grand docteur, admirable par son éloquence, par la science et la suavité de ses écrits. Mais sa principale gloire, entre tant d'autres, semble être sa dévotion incomparable envers la très Sainte Vierge. Saint Bernard disait à ceux qui demandaient à être admis au monastère : Si vous désirez entrer ici, laissez au seuil le corps que vous avez apporté avec vous du monde ; ici il n'y a de place que pour ton âme. Chaque jour, il se posait la question : Pourquoi es-tu venu ici, Bernard ?
BRANO 27
SAINTS ANNE ET JOACHIM, PARENTS DE LA VIERGE MARIE
Nous ne possédons pas d’informations sûres au sujet des parents de la Vierge Marie ; celles qui sont parvenues jusqu’à nous aujourd’hui proviennent de la tradition, ou ont été relevées dans des textes apocryphes comme le Proto Evangile de Jacques et l’Evangile du pseudo-Matthieu. Anne semble être la fille de Achar et sœur d’Esmérie, mère de Elizabeth et donc grand’mère de Jean Baptiste. Joachim est considéré par la tradition comme un homme vertueux et très riche de la descendance de David, qui avait l’habitude d’offrir une partie de ses revenus au peuple et une autre partie en sacrifice à Dieu. Tous les deux vivent à Jérusalem. Mariés depuis plus de vingt ans, Joachim et Anne n’ont pas d’enfants. Ne pas engendrer de descendance en ce temps-là, c’était un signe du manque de la bénédiction et de la faveur de Dieu ; c’est pour cela qu’un jour, en portant ses offrandes au Temple, Joachim se voit réprimandé, par un certain Ruben (peut-être un prêtre ou un scribe) d’en être indigne car il n’a pas procréé ; en effet, selon lui, il n’a pas le droit de présenter ses offrandes. « Vous est-il permis, leur dit-il, de présenter votre offrande au Seigneur, vous qu'Il n'a pas jugés dignes d'avoir une postérité ? Ne savez-vous pas qu'en Israël l'époux qui n'a pas la gloire d'être père est maudit de Dieu ? » Et en présence du peuple il repoussa leur offrande. Joachim, humilié et choqué par ces paroles, décide de se retirer dans le désert, et pendant quarante jours et quarante nuits il implore Dieu, dans les larmes et les jeûnes, de lui donner une descendance. Anne aussi passe ses jours en prière en demandant à Dieu la grâce de la maternité. Les supplications de Joachim et Anne sont écoutées là-haut ; c’est ainsi qu’un ange apparaît séparément aux deux et leur annonce qu’ils vont devenir parents. Un jour qu'il se trouvait seul dans les champs, l'Ange Gabriel se tint debout devant lui. Joachim se prosterna, tremblant de peur : « Ne crains pas, dit le messager céleste, je suis l'Ange du Seigneur, et c'est Dieu Lui-même qui m'envoie. Il a prêté l'oreille à ta prière, tes aumônes sont montées en Sa présence. Anne, ton épouse, mettra au monde une fille ; vous la nommerez Marie et vous la consacrerez à Dieu dans le temps ; le Saint-Esprit habitera dans son âme dès le sein de sa mère et Il opérera en elle de grandes choses. » Après ces mots, l'Ange disparut. L’Enfant grandit entourée des attentions affectueuses du papa et tendres de la maman, dans la maison qui se trouvait non loin de la piscine de Bethesda, où les Croisés, au XII siècle, ont construit une église, qui existe encore aujourd’hui, et qui est dédiée à Anne qui a éduqué sa fille Marie aux tâches domestiques. Joachim vit bientôt se réaliser la prédiction de l'Archange. De son côté, il fut fidèle aux ordres du Seigneur : sa fille reçut le nom de Marie, Et quand sa fille eut trois ans, Joachim et Anne, pour remercier Dieu, la présentèrent au Temple pour la consacrer au service du Temple lui-même comme Joachim et Anne l’avaient promis dans leurs prières. Les apocryphes ne disent rien d’autre sur Joachim, alors que sur Anne, ils ajoutent qu’elle aurait vécu jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans. Ses reliques auraient été conservées longtemps en Terre Sainte, puis transférées en France et enterrées dans une chapelle creusée sous la cathédrale d’Apt. Le culte des grands-parents de Jésus s’est développé, d’abord en Orient, puis, en Occident, et au cours des siècles l’Eglise les a célébrés à des dates diverses. En 1481 le pape Sixte IV introduit la fête de sainte Anne dans le Bréviaire Romain, en fixant la date de la mémoire liturgique le 26 juillet, transmise comme jour de sa mort. Et en 1520 c’est Jules II, qui, insère dans le calendrier liturgique la mémoire de saint Joachim le 20 mars, puis déplacée plusieurs au cours des siècles successifs. En 1584, Grégoire XIII insère la célébration liturgique de sainte Anne dans le Missel Romain en l’étendant à toute l’Eglise . A la suite de la réforme liturgique du Concile Vatican II, en 1969, les parents de Marie ont été « mis ensemble » en une unique célébration le 26 juillet.
BRANO 28
SAINTE MARIE-MADELEINE (1)
(un texte du P. Philippe Devoucoux du Buysson)
Nous célébrons la fête de sainte Marie-Madeleine ! Notons tout d’abord que la Tradition orthodoxe FAIT LA DISTINCTION entre Marie-Madeleine, Marie de Béthanie et la « femme pécheresse » qui apparaît dans l'Évangile de Luc. - Cependant, il faut noter que certains auteurs de langue grecque : Saint Ephrem, Eusèbe de Césarée, saint Basile et Apollinaire, ont tendance à confondre Marie-Madeleine avec la soeur de Marthe et de Lazare. Cette confusion se reflète dans certains textes liturgiques. - Une telle opinion se remarque aussi parmi les auteurs latins : Tertullien, Augustin d'Hippone, Jérôme, Grégoire le Grand et Bernard de Clairvaux. Posons-nous la question : quel fut le destin de Marie-Madeleine, après la Pentecôte ? Marie- Madeleine n'est pas une sainte comme les autres. Sa vie est, en effet, si intrinsèquement liée à celle de Jésus qu'en tournant notre regard vers elle, nous ne pouvons éviter de nous trouver en face du visage même du Sauveur : elle nous conduit en plein cœur de la Passion-Résurrection de Jésus dont elle est le Prophète et l'Apôtre. Sa vie, c'est celle de Jésus : sur les routes de Galilée et de Judée, à Jérusalem où elle l'accompagne jusqu'à la croix, dans le jardin de son tombeau où elle le recherche, seule, et le trouve. Marie-Madeleine n'est pas qu'une simple disciple de Jésus, elle est collaboratrice de sa mission. Elle prend le relais de Jean Baptiste. Elle est le prophète des temps nouveaux, annonçant aux Apôtres et à tous les hommes la nouvelle présence de Jésus, transmettant la convocation du Fils de Dieu à nous lever pour monter ensemble vers le Père unique : « Va dire à mes frères : je monte vers mon Père et votre Père, et mon Dieu et votre Dieu ». Telle est bien la mission confiée par Jésus à Marie-Madeleine. Qu'est devenue Marie-Madeleine au-delà de ce que nous en disent les Écritures ? Nombre d'auteurs se plaisent à multiplier les pistes afin de mieux les rendre toutes invraisemblables et les réduire ainsi à de pieuses légendes sorties de l'imaginaire médiéval. Nous pourrions tout au plus dire qu'il y aurait trois traditions : celle de Béthanie, celle d'Éphèse-Constantinople et celle de Provence à laquelle se rattachent tous les autres lieux. Concernant Béthanie, si l'on peut effectivement y déceler un culte à partir du IVe siècle sur les lieux chers à Lazare, Marthe et Marie, il n'y a jamais eu de prétention à y vénérer les tombes et les reliques de ces saints (même en supposant que la sœur de Marthe ne soit pas Marie-Madeleine). La tradition d'Éphèse s'appuie essentiellement sur cette seule notice de Grégoire de Tours (fin VIe siècle) : - Dans cette ville (Éphèse), comme on le croit, repose Marie-Madeleine n'ayant sur elle aucune - couverture -. Il est à noter que saint Grégoire dit seulement : - Comme on le croit -. Il existait effectivement à Éphèse, près de la grotte des sept dormants, une sépulture sans protection, attribuée à une Marie-Madeleine, vierge et martyre. La confusion de cette femme, vierge et martyre, avec Marie-Madeleine, disciple proche de Jésus, engendra la légende de sa sépulture à Éphèse, de laquelle on transféra les reliques à Constantinople au IXe siècle, au temps de l'empereur Léon VI. La tradition de Provence n'a pas de comparaison avec celle de Béthanie ou celle d'Ephèse. Elle est plus étayée, plus largement connue et non moins ancienne. L'abbaye de Vézelay et la basilique du Latran à Rome s'y réfèrent pour donner l'origine des reliques de Marie-Madeleine qu'elles prétendent conserver. Vézelay, loin de s'opposer à Saint-Maximin et à la Sainte-Baume, les conforte. Les Bourguignons eux-mêmes disent qu'ils sont allés chercher les reliques de la Madeleine en Provence, dans le Comté d'Aix, en cette période troublée des incursions sarrasines. Quand aurait eu lieu ce transfert ? À l'époque même de la fondation de l'abbaye de Vézelay par Girard de Roussillon au IXe siècle. C'est le célèbre moine Badilon qui se serait acquitté de cette tâche ! Mais la prétention de Vézelay à posséder tes reliques de la Madeleine ne s'exprime qu'au début du XIe siècle, avec l'abbé réformateur Geoffroi. Le premier acte officiel du patronage de sainte Marie-Madeleine à Vézelay est la bulle adressée par le pape Léon IX à Geoffroi. Comme le note Dom Flanchet, historien de Bourgogne : « On ne voit rien de plus ancien qui fasse mention de sainte Madeleine à Vézelay ». Il y a donc beaucoup d'hésitation et d'imprécision dans la tradition de Vézelay. Par contre, il est incontestable que la tradition bourguignonne s'appuie sur la tradition provençale et que cette dernière la précède largement. Marie-Madeleine est-elle venue en Provence ? Il n'y a pas « un » récit de la venue de Marie-Madeleine en Provence, mais plusieurs, composés à des dates différentes, » enjolivés » les uns et les autres de détails particuliers et parfois pittoresques. Avec le temps, il est indéniable que des récits apocryphes et légendaires se sont greffés sur la tradition primitive, longtemps transmise oralement.
BRANO 29
SAINTE MARIE-MADELEINE (2)
(un texte du P. Philippe Devoucoux du Buysson)
C'est le caractère souvent fabuleux ou merveilleux de certains de ces récits qui a déterminé beaucoup d'auteurs à ranger cette tradition au rang des légendes médiévales. Quels sont ces différents récits et peut-on retrouver au milieu de ceux-ci la tradition primitive ? Pour y voir clair dans cet enchevêtrement, il faut déjà distinguer deux modalités de cette tradition : l'une qui fait de Marie-Madeleine une ermite pénitente et contemplative dans la grotte de Sainte-Baume ; l'autre qui nous rapporte la prédication de Marie-Madeleine à Marseille, avec son frère Lazare, ainsi qu'en Aix-en-Provence, avec saint Maximin. On a alors distingué une « vie érémitique » et une « vie apostolique -. Il est alors curieux de constater que la « vie érémitique » de Marie-Madeleine a davantage été connue dans le monde occidental, que sa « vie apostolique ». Pourquoi ? Sans doute parce que cette tradition provençale a été principalement divulguée par des moines des VIe et VIIe siècles, beaucoup plus attachés aux traits monastiques des récits de la vie de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume. En Angleterre, nous avons le témoignage de Bède le Vénérable (VIIIe siècle) et surtout celui d'un texte publié sous le titre : Martyrologe du Roi Alfred (IXe siècle). Ce dernier texte décrit toute la vie de Marie-Madeleine, dans sa grotte, avec les détails significatifs que nous connaissons : « Après l'Ascension, Marie-Madeleine fut tellement pénétrée du regret de l'absence du Christ, qu'elle ne voulut plus regarder aucun visage d'homme et se retira dans le désert, où elle demeura trente ans inconnue à tout le monde. Elle ne prenait ni nourriture, ni boisson matérielle, mais à chaque heure de la prière, les anges de Dieu descendaient du ciel et l'enlevaient en l'air, et elle entendait l'harmonie céleste, et puis ils la descendaient dans sa caverne creusée dans le rocher. Et c'est pour cette raison qu'elle n'éprouvait ni la faim, ni la soif. Et il arriva qu'après trente ans, un prêtre la rencontra dans le désert et il la conduisit à son église, et il lui donna la sainte communion, et elle rendit son esprit à Dieu et le prêtre l'ensevelit, et beaucoup de miracles s'accomplissent à son tombeau ». Telle est ce que j'appellerais la légende de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume. Car, dans cette description, il ne peut s'agir que d'une légende composée pour édifier ermites et moines placés sous le patronage de la pécheresse convertie. Il n'y avait pas de vie monastique, encore moins de vie érémitique, dans l'Église des temps apostoliques. De plus, en ce premier siècle de l'ère chrétienne, la forêt et la grotte de la Sainte-Baume n'étaient pas un lieu désert, telles qu'ont pu les connaître les moines de Jean Cassien au Ve siècle, mais un lieu païen, religieux et sacré, très fréquenté par les romains et les grecs de Marseille. Ainsi, à ne s'en tenir qu'à ce récit, on serait effectivement en droit de déclarer que la venue de Marie-Madeleine en Provence est une pure légende. Mais comme tout récit apocryphe, celui-ci, et aussi beaucoup d'autres, ne peut cacher complètement le récit primitif sur lequel il a été greffé. Un certain nombre d'auteurs, dont le pseudo-Raban Maur, dès le IXe siècle, auraient retrouvé cette tradition provençale primitive. Il s'agirait d'un texte resté pur de toute altération apocryphe qui nous décrit, non plus une vie érémitique, mais une vie apostolique de Marie-Madeleine en Provence, principalement à Aix et à Marseille. Cette « vie primitive » serait alors du Ve ou du VIe siècle. Il serait trop long ici de donner tout le texte de cette vie primitive dont nous possédons encore des manuscrits du Xe siècle. Mais d'après cette vie primitive et les différents textes que nous avons évoqués, voici comment nous pourrions exposer cette tradition, épurée de tous ses ajouts apocryphes : à cause de la persécution des chefs des juifs contre les premiers chrétiens, les plus proches parents et amis de Jésus durent s'exiler. Un groupe comprenant Marie-Madeleine, sa soeur Marthe et son frère Lazare, Marie-Jacobé et Salomé, parentes du Seigneur, Maximin, un des soixante-douze disciples, et quelques autres durent s'embarquer pour des terres lointaines ; ils seraient arrivés en Provence à l'embouchure du Rhône, en ce lieu qu'on appelle aujourd'hui Les Saintes-Maries-de-la-Mer. C'était alors l'avant-port d'Arles, capitale de la Provence, qui entretenait à l'époque d'intenses échanges commerciaux avec Rome et tous les pays du bassin méditerranéen. Le groupe d'exilés fut accueilli par une femme du nom de Sarah, que l'on dit être d'origine égyptienne et gitane. Sarah se convertit et reçut le baptême de Jésus-Christ. Elle allait devenir la patronne des gitans.
BRANO 30
SAINTE MARIE-MADELEINE (3)
(un texte du P. Philippe Devoucoux du Buysson)
Alors que Marie-Jacobé et Salomé restaient auprès de Sarah, les autres membres du groupe se dispersèrent dans la Provence. Marthe s'établit à Tarascon, carrefour important sur une ancienne île du Rhône. Marie-Madeleine accompagna son frère à Marseille et y évangélisa les Marseillais sur le parvis du temple d'Artémis. Elle s'en fut aussi à Aix-en-Provence auprès de Maximin, son compagnon d'exil, qui devint le premier évêque de cette ville. On garde enfin la mémoire de sa présence et de sa prédication à la Sainte-Baume, haute montagne de la région, qui avec sa forêt très particulière et sa grotte, était déjà fréquentée par les pèlerins du culte aux déesses de la fécondité. C'est à Saint-Maximin, non loin de la Sainte-Baume - en pleine campagne mais au carrefour des routes de Nice, d'Aix, de Marseille et de l'arrière-pays - que sont conservées ses reliques dans un sarcophage de marbre datant de la fin du IVe siècle, ainsi que les tombes de saint Maximin et de deux de leurs compagnons. Ces sarcophages de toute beauté, trois étant du IVe siècle et un du Ve siècle, sont conservés dans une crypte de même époque, ou plus ancienne encore. En refaisant le dallage de cette crypte en 1859, on découvrit à 50 cm du sol trois autres tombes vides en pierres et en tuiles de l'époque gallo-romaine. Dès l'époque mérovingienne, une église était édifiée sur cette crypte. Elle était alors confiée aux moines cassianites de l'abbaye Saint-Victor de Marseille. Par crainte des pillages sarrasins, les sarcophages et la crypte furent ensablés au VIIIe siècle, avant d'être remis à jour en 1279 par le prince Charles de Salerne, futur comte de Provence. En 1295, la garde et l'animation du pèlerinage, qui prit une grande ampleur, furent confiées aux pères dominicains. Dès le début du XIVe siècle, commencèrent les travaux pour édifier la magnifique basilique gothique que l'on peut encore admirer. D'après les témoins « autorisés » du recouvrement des reliques de Marie-Madeleine, on trouva également dans sa tombe deux textes - l'un daté de 710 ou 716 - informait qu'au temps du roi des Francs Eudes d'Aquitaine, le corps de Marie-Madeleine avait été transféré dans la tombe de saint Sidoine, pour le soustraire aux recherches des sarrasins. Le deuxième texte, très bref, écrit sur une tablette enduite de cire, authentifiait le corps contenu dans le tombeau - Hic requiescat corpus beatae Mariae Magdalenae - (Ici repose le corps de Marie-Madeleine). Que faut-il penser de cette tradition provençale? Cette tradition doit être prise comme un tout, comprenant aussi bien la tradition des saintes femmes aux Saintes-Maries-de-la-mer, celle de Marthe à Tarascon et à Avignon, celle de Lazare à Marseille, de Maximin à Aix-en-Provence, que celle de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume et à Saint-Maximin. D'un côté, il y a TROP de monuments, de documents et de - convenances - pour réduire cette tradition de Provence à n'être qu'une pieuse légende. Mais d'un autre côté, il n'y en a PAS ASSEZ, surtout pendant les cinq premiers siècles, pour lui donner un statut historique. Ainsi, par rapport à cette très respectable tradition, il y aurait autant de malhonnêteté intellectuelle à vouloir affirmer qu'elle est totalement fausse et purement imaginaire, que de vouloir par des preuves indubitables en établir l'authenticité historique. On peut tout au plus dire que la tradition provençale est « probable » et - convenable - dans sa pureté originelle. De toutes façons, il est indéniable que, si ce n'est par les saints et les saintes dont cette tradition nous donne les noms, la Provence a été néanmoins évangélisée dès la deuxième moitié du premier siècle. Par qui ? Par des chrétiens anonymes d'humble condition et des martyrs dont quelques noms ont émergé dans les décombres de certaines fouilles : Volusianus, Fortunatus,... Chacun reste très libre d'adhérer ou non à cette séculaire tradition. Personnellement, instruit par elle, il me plaît de savoir que Marie-Madeleine et ses compagnons auraient été de ceux et celles qui, souterrainement et anonymement, ont semé la bonne graine de l'évangile dans notre terre provençale. Marie-Madeleine est certainement plus à l'aise dans une église invisible des catacombes, des martyrs et de la solidarité avec les pauvres.
BRANO 31
JEAN BORELLA CONTRE LA LECTURE MODERNISTE DE LA BIBLE (1)
(Dans son nouveau livre sur Le Sens perdu de l’Écriture. Exégèse et herméneutique, le philosophe Jean Borella part d’un constat : l’ampleur de l’érudition déployée par l’exégèse biblique au cours du dernier siècle par les clercs eux-mêmes est inversement proportionnelle au développement de la pratique cultuelle, qui s’est effondrée en Occident. L’auteur en exhume et déconstruit les raisons : le rationalisme exégétique a rendu incompréhensibles pour les croyants les événements sacrés de la Bible, sous un faux prétexte de scientificité.
Le document Pierres vivantes : recueil catholique de documents privilégiés de la foi, publié dans les années 1980, montre que la méthode historico-critique des exégètes de la Bible du dernier siècle a eu un fort impact dans la catéchèse des dernières décennies. Or il est patent que son mésusage a eu pour effet la diminution, voire la suppression, de la foi de nombreux séminaristes, tandis qu’énormément d’églises, encore « pleines à craquer » il y a cinquante ans, sont aujourd’hui presqu’intégralement désaffectées.
Certes, nombreuses sont les causes contextuelles qui permettent d’expliquer une telle désaffection moderne et contemporaine du culte. Néanmoins, Borella montre que les usages plus ou moins explicitement modernistes de l’exégèse (science de l’interprétation appliquée à un texte particulier) n’ont fait que soutenir activement la mécompréhension progressive, par les chrétiens du Vieux Continent, de la réalité historique de leurs propres dogmes fondateurs, en essayant de les rendre compatibles avec les représentations du monde tirées des résultats des sciences physiques modernes.
BRANO 32
JEAN BORELLA CONTRE LA LECTURE MODERNISTE DE LA BIBLE (2)
La Bible n’est pas un livre ordinaire : elle enseigne l’origine divine de l’humanité et du monde ainsi que l’histoire sainte du peuple juif puis du Messie et de ses premiers disciples. En ce sens, le propos de Borella s’organise autour du rappel, devenu nécessaire, d’un truisme : de même qu’on ne saurait étudier un texte quelconque en ignorant son intention narrative portée par son auteur, de même, on ne saurait validement étudier la Bible en excluant son Auteur divin, d’autant plus que l’objet même de ce livre est précisément la relation de cet Auteur avec ses lecteurs qui sont ses propres créatures.
C’est pourquoi « comprendre l’Écriture exige au fond trois sortes de conditions » : d’abord, une condition religieuse ou théologale, qui consiste en un acte de foi dans la prétention surnaturelle de l’Écriture et la garantie de son sens par la Tradition de l’Église, qui en a elle-même fixé son canon et développé sa signification. Ensuite, des conditions scientifiques, exégétiques : « connaissance des langues anciennes, des genres littéraires, des données historiques et géographiques, de la critique des textes, etc. » Enfin, des conditions philosophiques, herméneutiques, consistant en une « conversion de l’intelligence qui nous accorde à l’esprit de l’Écriture ». À un certain niveau d’interprétation, le point de vue scientifique doit donc être soutenu par un double acte de conversion : de la volonté (croire) d’une part, et de l’intelligence (comprendre) d’autre part. Deux exigences inséparables pour qui veut s’essayer à véritablement restituer le sens des Livres sacrés du christianisme en restant fidèle à leur contenu textuel.
Or le livre de Borella, constitué pour l’essentiel de chapitres publiés dans les années 1980 dans La Pensée Catholique, s’ouvre et se ferme sur la discussion de deux importants exégètes de la Bible : d’un côté le père Pierre Grelot, à qui fait défaut la première condition, théologale (et par voie de conséquence la seconde, herméneutique) ; d’un autre côté le père Vincent Mora, à qui fait défaut la troisième condition, herméneutique, celle du « sens du surnaturel » que présuppose pourtant le symbolisme constitutif des Saintes Écritures.
BRANO 33
JEAN BORELLA CONTRE LA LECTURE MODERNISTE DE LA BIBLE (3)
Le théologien protestant Rudolf Bultmann (1884-1976), et avec lui Karl Rahner et plusieurs autres, a redessiné le vaste champ de l’exégèse biblique en lui assignant un nouveau programme : celui de la « démythologisation » (Entmythologisierung). Elle désigne une attitude interprétative visant à montrer que les faits surnaturels racontés par la Bible n’ont d’autre fonction que de délivrer un enseignement moral et spirituel par l’emploi d’images en réalité dépourvues de tout caractère historique ou factuel. Le P. Grelot fut l’un des plus importants relais, au sein de l’Église catholique, de cette exégèse « démythologisante », qui sépare « l’historialité » de l’Évangile, c’est-à-dire « l’intention théologique du rédacteur […] voulant montrer la geste divine dans l’histoire humaine », de « l’historicité » de ses récits, c’est-à-dire leur réalisation effective et concrète dans l’histoire. Il s’agit donc de montrer que le « Jésus historique » est tout entier tributaire de la figure construite, par la tradition apostolique, du « Jésus néo-testamentaire » : qu’il n’y a pas besoin de croire à l’historicité des récits relatés pour adhérer aux vérités de la foi, puisque là n’est pas l’essentiel.
Pour Borella, dans cette perspective, l’exégèse moderne reproduit l’antique « docétisme », condamné en 451 par le concile de Chalcédoine qui proclame l’union des deux natures divine et humaine dans l’unique Personne, ou Hypostase, du Christ. Le docétisme (du grec dokein, « paraître ») est « une hérésie christologique des premiers siècles qui soutient que le Christ, de nature divine, n’était homme qu’en apparence. » Or selon le même schéma, le rationalisme exégétique qui fait du sens littéral la simple apparence du sens théologique qui, seul, importe, introduit un dualisme hérétique entre ce qui serait une « historicité non-signifiante » des événements bibliques et une « historialité théologique », seule réelle. Cet usage-là de la méthode historico-critique est donc tout bonnement incompatible avec la foi chrétienne, qui prolonge le sens littéral sans le nier aucunement, ce que fait pourtant cette exégèse en reléguant du côté du « mythe » ce qui relevait traditionnellement de « l’histoire » sainte.
BRANO 34
JEAN BORELLA CONTRE LA LECTURE MODERNISTE DE LA BIBLE (4)
Borella distingue « deux méthodes principales de la critique textuelle » : d’une part, « la critique externe », qui « cherche à authentiquer un texte en le mettant en relation avec des critères extérieurs au texte, historiques ou géographiques ». Il s’agit d’ajouter, de confirmer ou encore d’infirmer des informations textuelles en mobilisant des preuves positives, c’est-à-dire des faits ou des documents extérieurs au texte lui-même. Ce n’est pas cette méthode que critique Borella, mais la seconde, qu’il nomme d’autre part la « critique interne », en raison de sa subjectivité problématique. Celle-ci cherche en effet à « éclairer le texte par lui-même », en établissant, classifiant et comparant divers genres littéraires, ainsi qu’en examinant « le style, le vocabulaire, la syntaxe, la répétition des mêmes formules, les (apparentes) contradictions du récit, etc. » Or le problème majeur d’une telle critique est qu’elle dépend assez fortement « d’une idée préconçue concernant la nature du texte », par conséquent des représentations propres au critique lui-même.
C’est pourquoi, indépendamment des questions de foi, le rationalisme d’un ensemble d’exégètes blesse aussi et surtout l’intelligence par son anachronisme et son infidélité méthodologique à la nature même du texte biblique. Par la critique interne, on a remplacé « la positivité d’un sens littéral parfaitement constatable » par un « sens intentionnel généralement hypothétique et toujours construit selon des présupposés modernes, même si on les attribue aux Anciens ». Ce que craint en effet l’exégète moderne dans l’affirmation de la réalité des faits surnaturels de l’Écriture, c’est le « scandale cosmologique » qui consisterait à cautionner la valeur historique et concrète d’événements qui transcendent les lois matérielles et nos représentations du monde issues de la physique galiléenne. Pour cette raison, le Moderne cherche à attribuer aux rédacteurs anciens ses propres intentions pour se rendre l’Écriture acceptable ! Or tous ces exégètes « devraient pourtant savoir que la question cosmologico-philosophique est absolument inéluctable » : en effet, c’est elle qui discrimine dans l’esprit des commentateurs ce qui est physiquement vraisemblable et ce qui ne l’est pas, ce qui est cosmologiquement possible ou impossible. Pourtant, cette question, « ils ne se la posent jamais. »
C’est pourquoi le P. Mora, dans La symbolique de la création dans l’Évangile de Matthieu, dont Borella détaille et salue le travail, finit par se heurter contre le mur d’une ignorance que partagent l’ensemble des exégètes rationalistes : l’ignorance de la nature du symbole sacré. Ils séparent en effet ce que la Tradition de l’Église (et les traditions sacrées en général) n’ont jamais disjoint : « la matérialité d’un fait » d’une part, qui constitue la matière du symbole ou son « signifiant » sensible, et « son sens spirituel » d’autre part, qui réside dans son « référent » métaphysique. La loi qui préside à la manifestation d’un événement de nature proprement symbolique, au sens religieux ou sacré du terme, n’est pas physique, mais sémantique : le symbole sacré a ceci en propre qu’il rend présent dans l’ordre sensible ce qui lui est apparemment absent, car transcendant. Le symbole « présentifie » le supérieur, d’ordre surnaturel ou métaphysique, dans l’inférieur, d’ordre naturel ou physique. Son mode d’apparition n’est donc pas incompatible avec les lois physiques : il en est simplement différent et indépendant, car supérieur sur le plan de l’être. C’est pourquoi « en dehors de son sens spirituel, le fait [symbolique] n’aurait même pas de réalité physique ou historique ».
BRANO 35
JEAN BORELLA CONTRE LA LECTURE MODERNISTE DE LA BIBLE (5)
Borella donnerait-t-il raison au fondamentalisme des « fidéistes littéralistes » contre les « modernistes mythologisants » ? Nullement : apparemment opposées, ces deux attitudes se rejoignent dans un même hermétisme au mystère et au symbolisme des Écritures : pour elles, « l’historicité (= la réalité) de ce qui est raconté est assurée si et seulement si les événements tels que le texte les énonce ne peuvent se produire qu’en conformité aux lois de notre monde. » Lesdits littéralistes, comme les modernistes, feignent donc confortablement d’ignorer que la Bible se divise en trois phases temporelles, dont les deux premières sont étrangères à notre expérience ordinaire : « métahistorique » des origines à la chute d’Adam, « parahistorique » de la chute à la Tour de Babel, et enfin « historique » à partir d’Abraham. Il suffit de lire le plus simplement du monde les textes sacrés pour l’apercevoir, constater par exemple que l’ordre chronologique de la création n’est pas le même entre le premier et le deuxième chapitre de la Genèse !
Comprendre l’Écriture suppose donc d’accepter que nos catégories usuelles de temps et d’espace puissent être entièrement remaniées par l’appréhension des réalités sacrées que conte la Bible du premier au dernier de ses livres. Borella montre en somme, en suivant la tradition antique et médiévale de l’Église, que nul n’accède au sens véritable de l’Écriture s’il ne voit pas en elle un « mystère » à part entière dans lequel l’intelligence s’abîme en s’y trouvant, un « divin sacrement » (saint Augustin) qui nous dépossède vertigineusement de nos représentations, de nos exigences commodes et horizontales pour ouvrir en nous une brèche, le courant d’air de l’Infini.
BRANO 36
Le Credo du peuple de Dieu (1)
par Paul VI
Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur des choses visibles comme ce monde où s’écoule notre vie passagère, des choses invisibles comme les purs esprits qu’on nomme aussi les anges1, et Créateur en chaque homme de son âme spirituelle et immortelle.
Nous croyons que ce Dieu unique est absolument un dans son essence infiniment sainte comme dans toutes ses perfections, dans sa toute-puissance, dans sa science infinie, dans sa providence, dans sa volonté et dans son amour. Il est Celui qui est, comme il l’a révélé lui-même à Moïse2; et il est Amour, comme l’apôtre Jean nous l’enseigne3: en sorte que ces deux noms, Être et Amour, expriment ineffablement la même divine réalité de Celui qui a voulu se faire connaître à nous, et qui, «habitant une lumière inaccessible»4, est en lui-même au-dessus de tout nom, de toutes choses et de toute intelligence créée. Dieu seul peut nous en donner la connaissance juste et plénière en se révélant comme Père, Fils et Esprit Saint, dont nous sommes par grâce appelés à partager, ici-bas dans l’obscurité de la foi et au-delà de la mort dans la lumière éternelle, l’éternelle vie.
Les liens mutuels constituant éternellement les trois personnes, qui sont chacune le seul et même Être divin, sont la bienheureuse vie intime du Dieu trois fois saint, infiniment au-delà de ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine5.
Nous rendons grâce cependant à la bonté divine du fait que de très nombreux croyants puissent attester avec Nous devant les hommes l’unité de Dieu, bien qu’ils ne connaissent pas le mystère de la Très Sainte Trinité.
Nous croyons donc au Père qui engendre éternellement le Fils, au Fils, Verbe de Dieu, qui est éternellement engendré, au Saint-Esprit, personne incréée qui procède du Père et du Fils comme leur éternel amour. Ainsi en les trois personnes divines, coaeternae sibi et coaequales6, surabondent et se consomment, dans la surexcellence et la gloire propres à l’être incréé, la vie et la béatitude de Dieu parfaitement un, et toujours «doit être vénérée l’unité dans la trinité et la trinité dans l’unité»7.
BRANO 37
Le Credo du peuple de Dieu (2)
par Paul VI
Nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est le Fils de Dieu. Il est le Verbe éternel, né du Père avant tous les siècles et consubstantiel au Père, homoousios to Patri8, et par lui tout a été fait. Il s’est incarné par l’œuvre du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie et s’est fait homme: égal donc au Père selon la divinité, et inférieur au Père selon l’humanité et un lui-même, non par quelque impossible confusion des natures mais par l’unité de la personne9.
Il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité. Il a annoncé et instauré le Royaume de Dieu et nous a fait en lui connaître le Père. Il nous a donné son commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Il nous a enseigné la voie des béatitudes de l’Évangile: pauvreté en esprit, douceur, douleur supportée dans la patience, soif de la justice, miséricorde, pureté du cœur, volonté de paix, persécution endurée pour la justice. Il a souffert sous Ponce Pilate, Agneau de Dieu portant sur lui les péchés du monde, et il est mort pour nous sur la croix, nous sauvant par son sang rédempteur. Il a été enseveli et, de son propre pouvoir, il est ressuscité le troisième jour, nous élevant par sa résurrection à ce partage de la vie divine qu’est la vie de la grâce. Il est monté au ciel et il viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour juger les vivants et les morts, chacun selon ses mérites; ceux qui ont répondu à l’amour et à la miséricorde de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les ont refusés jusqu’au bout allant au feu qui ne s’éteint pas.
Et son règne n’aura pas de fin.
Nous croyons en l’Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils. Il nous a parlé par les Prophètes, il nous a été envoyé par le Christ après sa Résurrection et son Ascension auprès du Père; il illumine, vivifie, protège et conduit l’Église; il en purifie les membres s’ils ne se dérobent pas à Sa grâce. Son action qui pénètre au plus intime de l’âme, rend l’homme capable de répondre à l’appel de Jésus: «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait»10.
Nous croyons que Marie est la Mère demeurée toujours vierge du Verbe incarné, notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ11, et qu’en raison de cette élection singulière elle a été, en considération des mérites de son Fils, rachetée d’une manière plus éminente12, préservée de toute souillure du péché originel13 et comblée du don de la grâce plus que toutes les autres créatures14.
Associée par un lien étroit et indissoluble15 aux mystères de l’Incarnation et de la Rédemption, la Très Sainte Vierge, l’Immaculée, a été, au terme de sa vie terrestre, élevée en corps et en âme à la gloire céleste16 et configurée à son Fils ressuscité en anticipation du sort futur de tous les justes; et Nous croyons que la Très Sainte Mère de Dieu, nouvelle Ève, mère de l’Église17, continue au ciel son rôle maternel à l’égard des membres du Christ, en coopérant à la naissance et au développement de la vie divine dans les âmes des rachetés18.
BRANO 38
Le Credo du peuple de Dieu (3)
par Paul VI
Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché. Nous professons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, «non par imitation, mais par propagation», et qu’il est ainsi «propre à chacun»19.
Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le sacrifice de la croix, nous a rachetés du péché originel et de tous les péchés personnels commis par chacun de nous, en sorte que, selon la parole de l’Apôtre, «là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé»20.
Nous croyons à un seul baptême institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour la rémission des péchés. Le baptême doit être administré même aux petits enfants qui n’ont pu encore se rendre coupables d’aucun péché personnel, afin que, nés privés de la grâce surnaturelle, ils renaissent «de l’eau et de l’Esprit-Saint» à la vie divine dans le Christ Jésus21.
Nous croyons à l’Église une, sainte, catholique et apostolique, édifiée par Jésus-Christ sur cette pierre qui est Pierre. Elle est le corps mystique du Christ, à la fois société visible constituée par des organes hiérarchiques et communauté spirituelle; elle est l’Église terrestre, le peuple de Dieu pérégrinant ici-bas et l’Église comblée des biens célestes; elle est le germe et les prémices du Royaume de Dieu, par lequel se continuent, au long de l’histoire humaine, l’œuvre et les douleurs de la Rédemption et qui aspire à son accomplissement parfait au-delà du temps dans la gloire22. Au cours du temps, le Seigneur Jésus forme son Église par les sacrements qui émanent de sa plénitude23. C’est par eux qu’elle rend ses membres participants au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, dans la grâce du Saint-Esprit qui lui donne vie et action24. Elle est donc sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce: c’est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient; c’est en se soustrayant à sa vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ses fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de l’Esprit-Saint.
Héritière des divines promesses et fille d’Abraham selon l’Esprit, par cet Israël dont elle garde avec amour les Écritures et dont elle vénère les patriarches et les prophètes; fondée sur les apôtres et transmettant de siècle en siècle leur parole toujours vivante et leurs pouvoirs de pasteurs dans le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui; perpétuellement assistée par le Saint-Esprit, elle a pour mission de garder, d’enseigner, d’expliquer et de répandre la vérité que Dieu a révélée d’une manière encore voilée par les prophètes et pleinement par le Seigneur Jésus.
BRANO 39
Le Credo du peuple de Dieu (4)
par Paul VI
Nous croyons tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel25. Nous croyons à l’infaillibilité dont jouit le successeur de Pierre quand il enseigne ex cathedra comme pasteur et docteur de tous les fidèles26, et dont est assuré aussi le Collège des évêques lorsqu’il exerce avec lui le magistère suprême27.
Nous croyons que l’Église, fondée par Jésus-Christ et pour laquelle il a prié, est indéfectiblement une dans la foi, le culte et le lien de la communion hiérarchique. Au sein de cette Église, la riche variété des rites liturgiques et la légitime diversité des patrimoines théologiques et spirituels et des disciplines particulières, loin de nuire à son unité, la manifestent davantage28.
Reconnaissant aussi l’existence, en dehors de l’organisme de l’Église du Christ, de nombreux éléments de vérité et de sanctification qui lui appartiennent en propre et tendent à l’unité catholique29, et croyant à l’action du Saint-Esprit qui suscite au cœur des disciples du Christ l’amour de cette unité30, Nous avons l’espérance que les chrétiens qui ne sont pas encore dans la pleine communion avec l’unique Église se réuniront un jour en un seul troupeau avec un seul pasteur.
Nous croyons que l’Église est nécessaire au salut, car le Christ qui est seul médiateur et voie de salut se rend présent pour nous dans son Corps qui est l’Église31. Mais le dessein divin du salut embrasse tous les hommes; et ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église mais cherchent Dieu sincèrement et, sous l’influence de Sa grâce, s’efforcent d’accomplir sa volonté reconnue par les injonctions de leur conscience, ceux-là aussi, en un nombre que Dieu seul connaît, peuvent obtenir le salut32.
Nous croyons que la Messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l’ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés par le Seigneur à la Sainte Cène ont été changés en son Corps et son Sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître à nos sens de la même façon qu’auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle33.
Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l’Église l’appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin34, exactementcomme le Seigneur l’a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l’unité de son Corps mystique35.
L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous.
BRANO 40
Le Credo du peuple de Dieu (5)
par Paul VI
Nous confessons que le royaume de Dieu commencé ici-bas en l’Église du Christ n’est pas de ce monde, dont la figure passe, et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaines, mais qu’elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l’amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes. Mais c’est ce même amour qui porte l’Église à se soucier constamment du vrai bien temporel des hommes. Ne cessant de rappeler à ses enfants qu’ils n’ont pas ici-bas de demeure permanente, elle les presse aussi de contribuer, chacun selon sa vocation et ses moyens, au bien de leur cité terrestre, de promouvoir la justice, la paix et la fraternité entre les hommes, de prodiguer leur aide à leurs frères, surtout aux plus pauvres et aux plus malheureux. L’intense sollicitude de l’Église, épouse du Christ, pour les nécessités des hommes, leurs joies et leurs espoirs, leurs peines et leurs efforts, n’est donc rien d’autre que son grand désir de leur être présente pour les illuminer de la lumière du Christ et les rassembler tous en lui, leur unique Sauveur. Elle ne peut jamais signifier que l’Église se conforme elle-même aux choses de ce monde, ni que diminue l’ardeur de l’attente de son Seigneur et du royaume éternel.
Nous croyons à la vie éternelle. Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du Christ, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps, Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, sont le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la résurrection où ces âmes seront réunies à leur corps.
Nous croyons que la multitude des âmes qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au paradis forme l’Église du ciel, où dans l’éternelle béatitude elles voient Dieu tel qu’il est36 et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire, en intercédant pour nous et en aidant notre faiblesse par leur sollicitude fraternelle37.
Nous croyons à la communion de tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre, des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel, tous ensemble formant une seule Église, et Nous croyons que dans cette communion l’amour miséricordieux de Dieu et de ses saints est toujours à l’écoute de nos prières, comme Jésus nous l’a dit: Demandez et vous recevrez38. Aussi est-ce avec foi et dans l’espérance que Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir.
Béni soit le Dieu trois fois saint. Amen.
BRANO 41
SERMENT ANTI-MODERNISTE contenu dans le Motu proprio Sacrorum antistitum, promulgué le 1er septembre 1910 par le pape Saint Pie X.
"Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Église, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps.
Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison "par ce qui a été fait" Rm 1,20, c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.
Deuxièmement, j’admets et je reconnais les preuves extérieures de la Révélation, c’est-à-dire les faits divins, particulièrement les miracles et les prophéties comme des signes très certains de l’origine divine de la religion chrétienne et je tiens qu’ils sont tout à fait adaptés à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui.
Troisièmement, je crois aussi fermement que l’Église, gardienne et maîtresse de la Parole révélée, a été instituée immédiatement et directement par le Christ en personne, vrai et historique, lorsqu’il vivait parmi nous, et qu’elle a été bâtie sur Pierre, chef de la hiérarchie apostolique, et sur ses successeurs pour les siècles.
Quatrièmement, je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation par les pères orthodoxes ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à l’autre, différent de celui que l’Église a d’abord professé. Je condamne également toute erreur qui substitue au dépôt divin révélé, confié à l’Épouse du Christ, pour qu’elle le garde fidèlement, une invention philosophique ou une création de la conscience humaine, formée peu à peu par l’effort humain et qu’un progrès indéfini perfectionnerait à l’avenir.
Cinquièmement, je tiens très certainement et professe sincèrement que la foi n’est pas un sentiment religieux aveugle qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du cœur et l’inclination de la volonté moralement informée, mais qu’elle est un véritable assentiment de l’intelligence à la vérité reçue du dehors, de l’écoute, par lequel nous croyons vrai, à cause de l’autorité de Dieu souverainement véridique, ce qui a été dit, attesté et révélé par le Dieu personnel, notre Créateur et notre Seigneur.
Je me soumets aussi, avec la révérence voulue, et j’adhère de tout mon cœur à toutes les condamnations, déclarations, prescriptions, qui se trouvent dans l’encyclique Pascendi (3475-3500) et dans le décret Lamentabili 3401- 3466, notamment sur ce qu’on appelle l’histoire des dogmes.
De même, je réprouve l’erreur de ceux qui affirment que la foi proposée par l’Église peut être en contradiction avec l’histoire, et que les dogmes catholiques, au sens où on les comprend aujourd’hui, ne peuvent être mis d’accord avec une connaissance plus exacte des origines de la religion chrétienne.
Je condamne et rejette aussi l’opinion de ceux qui disent que le chrétien savant revêt une double personnalité, celle du croyant et celle de l’historien, comme s’il était permis à l’historien de tenir ce qui contredit la foi du croyant, ou de poser des prémices d’où il suivra que les dogmes sont faux ou douteux, pourvu que ces dogmes ne soient pas niés directement.
Je réprouve également la manière de juger et d’interpréter l’Ecriture sainte qui, dédaignant la tradition de l’Église, l’analogie de la foi et les règles du Siège apostolique, s’attache aux inventions des rationalistes et adopte la critique textuelle comme unique et souveraine règle, avec autant de dérèglement que de témérité.
Je rejette en outre l’opinion de ceux qui tiennent que le professeur des disciplines historico-théologiques ou l’auteur écrivant sur ces questions doivent d’abord mettre de côté toute opinion préconçue, à propos, soit de l’origine surnaturelle de la tradition catholique, soit de l’aide promise par Dieu pour la conservation éternelle de chacune des vérités révélées ; ensuite, que les écrits de chacun des Pères sont à interpréter uniquement par les principes scientifiques, indépendamment de toute autorité sacrée, avec la liberté critique en usage dans l’étude de n’importe quel document profane.
Enfin, d’une manière générale, je professe n’avoir absolument rien de commun avec l’erreur des modernistes qui tiennent qu’il n’y a rien de divin dans la tradition sacrée, ou, bien pis, qui admettent le divin dans un sens panthéiste, si bien qu’il ne reste plus qu’un fait pur et simple, à mettre au même niveau que les faits de l’histoire : les hommes par leurs efforts, leur habileté, leur génie continuant, à travers les âges, l’enseignement inauguré par le Christ et ses apôtres.
Enfin, je garde très fermement et je garderai jusqu’à mon dernier soupir la foi des Pères sur le charisme certain de la vérité qui est, qui a été et qui sera toujours "dans la succession de l’épiscopat depuis les apôtres", non pas pour qu’on tienne ce qu’il semble meilleur et plus adapté à la culture de chaque âge de pouvoir tenir, mais pour que "jamais on ne croie autre chose, ni qu’on ne comprenne autrement la vérité absolue et immuable prêchée depuis le commencement par les apôtres.
Toutes ces choses, je promets de les observer fidèlement, entièrement et sincèrement, et de les garder inviolablement, sans jamais m’en écarter ni en enseignant ni de quelque manière que ce soit dans ma parole et dans mes écrits. J’en fais le serment ; je le jure. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles".
BRANO 42
SAINT JACQUES
Fils de Zébédée et frère de saint Jean, pêcheur sur le lac de Tibériade, compagnon et de Simon et d’André, il laisse les filets pour suivre Jésus. Avec Pierre, Jacques et Jean seront les plus proches des apôtres de Jésus. Ils sont à la Transfiguration, ils entrent auprès de la petite fille de Jaïre, ils seront au jardin des Oliviers. Jacques, comme Jean, désire la première place auprès du Maître (Marc 10, 37). Il y gagnera l’annonce de son martyre : « Ma coupe, vous la boirez. » De même quand il veut faire tomber le feu du ciel sur un village inhospitalier, ce fils du tonnerre s’attire une réprimande. Jésus ne ménage pas ceux à qui il accorde sa confiance privilégiée. Jacques but la coupe du Seigneur en l’an 43, lors de la persécution d’Hérode. Etienne avait eu la place de premier martyr. Jacques le suivit de peu. À la fin du 7ème siècle, une tradition fit de Jacques l’évangélisateur de l’Espagne, avant sa mort ou par ses reliques. Son corps aurait été découvert dans un champ grâce à une étoile : le campus stellae, devenu Compostelle. Après Jérusalem et Rome, c'est le lieu d’un des plus célèbres pèlerinages de la chrétienté.
Saint Jacques, priez pour nous !
BRANO 43
SAINT BENOIT, PATRON DE L'EUROPE
Par sa vie et par son œuvre, saint Benoît a exercé une influence fondamentale sur le développement de la civilisation et de la culture européenne. Né dans un monde bouleversé par une terrible crise des institutions, causée par la chute de l'Empire romain, par l'invasion des barbares et par la décadence des mœurs, le saint abbé va transformer le visage de l'Europe au cours des siècles, bien au-delà des frontières de sa patrie et de son temps, suscitant une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne partagée par les peuples du continent. C'est précisément ainsi qu'est née l’ "Europe". La naissance de saint Benoît se situe autour de l'an 480. Ses parents, qui étaient aisés, l'envoyèrent suivre des études à Rome pour sa formation. Il ne s'arrêta cependant pas longtemps dans la Ville éternelle. Le jeune Benoît était écœuré par le style de vie d'un grand nombre de ses compagnons d'étude, qui vivaient de manière dissolue. Il craignait tomber dans les mêmes erreurs car voulait ne plaire qu'à Dieu seul. Il se retira alors dans la solitude mais dut supporter et surmonter les trois tentations fondamentales de chaque être humain : la tentation de l'affirmation personnelle et du désir de se placer lui-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd'hui souvent exaltée, l'engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant, ne devant rien placer avant l'amour pour celui-ci et c'est précisément ainsi, au service de l'autre, qu'il devient un homme du service et de la paix. De cette manière, l'homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l'image et à la ressemblance de Dieu. Après avoir créé de nombreux monastères, communautés et réalisé de nombreux miracles, saint Benoît nous a aussi livré sa « Règle » de vie, adressée certes aux moines mais également utiles à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu'à aujourd'hui. En recherchant le vrai progrès, nous pouvons écouter encore aujourd'hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure un véritable maître à l'école de qui nous pouvons apprendre l'art de vivre le véritable humanisme.
BRANO 44
SAINTE MARTHE
Dans l’Evangile de ce 29 juillet, nous fêtons saintes Marthe, Marie et saint Lazare. Alors qu’avec sa sœur, Marie de Béthanie, elle reçoit le Christ, Marthe se plaint que cette dernière soit aux pieds du Christ à l’écouter alors qu'elle, elle s’affaire pour préparer le repas. Jésus lui répond : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10, 38-42). Je me souviens d’une mère de famille un peu agacée par cette page d’Evangile : « C’est un peu facile ! Marthe en effet, travaille et prépare le repas que le Christ sera bien content de trouver tout chaud ; Marie L’écoute et c’est Marthe qui se prend au final une remarque »… Il ne s’agit pas d’opposer les deux sœurs… Comme si l’une était active et l’autre contemplative… Le problème repose sur une question de « Timing » ! Notons d’abord que le Christ ne reproche pas à Marthe « d’agir »… mais de « s’agiter » ! Ce n’est pas la même chose… Et résultat elle en oublie Jésus Lui-Même qui est sous son toit. Cela nous est tous arrivé d’être invité un jour chez quelqu'un qui à force d’aller à droite et à gauche nous délaisse complètement… et on se retrouve un peu « bêta », seul, dans le fauteuil du salon à se demander quoi faire… D’ailleurs dans son agitation, Marthe va juger sa sœur, la critiquer, se plaindre et en perdre la paix intérieure : « Tu te donnes du souci pour rien ». Perdre sa sérénité en présence du Christ… Il fait le faire ! C’est qu'elle n’a pas su mettre les choses en perspective, en ordre. Parfois on entend des gens qui à propos de la vie spirituelle et des questions fondamentales répondent qu'elles n’ont pas le temps ! N’entrons pas dans cette espèce d’immense centrifugeuse qui nous plaque à la surface de nous-mêmes. Ne soyons pas plongés dans le tourbillon de l’instantané et de l’éphémère, nous fuyant nous-mêmes, menés par des impératifs à court terme qui laissent au final le goût amer d’avoir cherché l’accessoire en oubliant l’essentiel. Comment pourrions-nous nous connaître nous-même sans chercher à écouter Dieu à l’image duquel nous avons été créés. Marthe a oublié qu'il y avait un temps pour chaque chose !
BRANO 45
SAINTS ANNE ET JOSCHIM, PARENTS DE LA VIERGE MARIE
Nous ne possédons pas d’informations sûres au sujet des parents de la Vierge Marie ; celles qui sont parvenues jusqu’à nous aujourd’hui proviennent de la tradition, ou ont été relevées dans des textes apocryphes comme le Proto Evangile de Jacques et l’Evangile du pseudo-Matthieu. Anne semble être la fille d'Achar et sœur d’Esmérie, mère d'Elizabeth et donc grand-mère de Jean Baptiste. Joachim est considéré par la tradition comme un homme vertueux et très riche de la descendance de David, qui avait l’habitude d’offrir une partie de ses revenus au peuple et une autre partie en sacrifice à Dieu. Tous les deux vivent à Jérusalem. Mariés depuis plus de vingt ans, Joachim et Anne n’ont pas d’enfants. Ne pas engendrer de descendance en ce temps-là, c’était un signe du manque de la bénédiction et de la faveur de Dieu ; c’est pour cela qu’un jour, en portant ses offrandes au Temple, Joachim se voit réprimandé, par un certain Ruben (peut-être un prêtre ou un scribe) d’en être indigne car il n’a pas procréé ; en effet, selon lui, il n’a pas le droit de présenter ses offrandes. « Vous est-il permis, leur dit-il, de présenter votre offrande au Seigneur, vous qu'Il n'a pas jugés dignes d'avoir une postérité ? Ne savez-vous pas qu'en Israël l'époux qui n'a pas la gloire d'être père est maudit de Dieu ? » Et en présence du peuple il repoussa leur offrande. Joachim, humilié et choqué par ces paroles, décide de se retirer dans le désert, et pendant quarante jours et quarante nuits il implore Dieu, dans les larmes et les jeûnes, de lui donner une descendance. Anne aussi passe ses jours en prière en demandant à Dieu la grâce de la maternité. Les supplications de Joachim et Anne sont écoutées là-haut ; c’est ainsi qu’un ange apparaît séparément aux deux et leur annonce qu’ils vont devenir parents. Un jour qu'il se trouvait seul dans les champs, l'Ange Gabriel se tint debout devant lui. Joachim se prosterna, tremblant de peur : « Ne crains pas, dit le messager céleste, je suis l'Ange du Seigneur, et c'est Dieu Lui-même qui m'envoie. Il a prêté l'oreille à ta prière, tes aumônes sont montées en Sa présence. Anne, ton épouse, mettra au monde une fille ; vous la nommerez Marie et vous la consacrerez à Dieu dans le temps ; le Saint-Esprit habitera dans son âme dès le sein de sa mère et Il opérera en elle de grandes choses. » Après ces mots, l'Ange disparut. L’Enfant grandit entourée des attentions affectueuses du papa et tendres de la maman, dans la maison qui se trouvait non loin de la piscine de Bethesda, où les Croisés, au XII siècle, ont construit une église, qui existe encore aujourd’hui, et qui est dédiée à Anne qui a éduqué sa fille Marie aux tâches domestiques. Joachim vit bientôt se réaliser la prédiction de l'Archange. De son côté, il fut fidèle aux ordres du Seigneur : sa fille reçut le nom de Marie, Et quand sa fille eut trois ans, Joachim et Anne, pour remercier Dieu, la présentèrent au Temple pour la consacrer au service du Temple lui-même comme Joachim et Anne l’avaient promis dans leurs prières. Les apocryphes ne disent rien d’autre sur Joachim, alors que sur Anne, ils ajoutent qu’elle aurait vécu jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans. Ses reliques auraient été conservées longtemps en Terre Sainte, puis transférées en France et enterrées dans une chapelle creusée sous la cathédrale d’Apt. Le culte des grands-parents de Jésus s’est développé, d’abord en Orient, puis, en Occident, et au cours des siècles l’Eglise les a célébrés à des dates diverses. En 1481 le pape Sixte IV introduit la fête de sainte Anne dans le Bréviaire Romain, en fixant la date de la mémoire liturgique le 26 juillet, transmise comme jour de sa mort. Et en 1520 c’est Jules II, qui, insère dans le calendrier liturgique la mémoire de saint Joachim le 20 mars, puis déplacée plusieurs au cours des siècles successifs. En 1584, Grégoire XIII insère la célébration liturgique de sainte Anne dans le Missel Romain en l’étendant à toute l’Eglise . A la suite de la réforme liturgique du Concile Vatican II, en 1969, les parents de Marie ont été « mis ensemble » en une unique célébration le 26 juillet.
BRANO 46
Les Français et les fêtes religieuses
(https://cybercure.fr/actualites/article/les-francais-et-les-fetes)
Selon le sondage publié par "La Croix", les Français attachent moins d’importance à Noël, Pâques ou la Toussaint qu’il y a deux ans. En d’autres termes, les citoyens de l’hexagone seraient moins réceptifs aux fêtes religieuses. C’est ce qu’indique un sondage CSA publié par le quotidien catholique français "La Croix." Pour la grande majorité des Français, 3 sur 4, Noël reste la fête des fêtes et ils y sont personnellement attachés, même s’ils n’y mettent pas tous le même sens religieux. En tous cas, la proportion se maintient depuis le dernier sondage du même genre. Qu’ils soient pratiquants réguliers ( 85 %), pratiquants irréguliers (84 %), non pratiquants (84 %) ou sans religion (63 %). Tel n’est pas le cas de Pâques, dont la cote baisse de trois points : 37 % Pâques (40%), en deux ans. Surtout paradoxalement chez les catholiques pratiquants réguliers, où la chute est plus sensible : de 70 à 60 %. Ils rejoignent ainsi les réponses de la plupart des Français. Fête longtemps populaire, la Toussaint connaît aussi une baisse d’intérêt. En deux ans, elle perd 5 points, de 14 % à 9 %, surtout chez les pratiquants réguliers. Pour les autres fêtes religieuses qui ont un moindre impact sur la vie religieuse des pratiquants, il faut noter en deux ans : 7 % l’Assomption (8 %), 4% la Pentecôte (sans changement), 2 % l’Ascension (3 %). Le Ramadan progresse un peu, au point que le jeûne musulman est cité comme la fête la plus importante pour 6% des Français, de 90 à 97 % en deux ans pour les musulmans, mais 26 % des jeunes de 18 à 24 ans. 1 % pour la fête juive de Yom Kippour (2 %). 12 % des sondés ne se prononcent pas, contre 8 % il y a deux ans. Pour 80 % des Français, les fêtes religieuses sont d’abord l’occasion de se retrouver en famille, quelles que soient les pratiques et les religions, quels que soient le sexe, l’âge, les sensibilités politiques. Il faut aussi remarquer que plus le niveau de pratique est élevé, plus les fêtes religieuses recouvrent cette dimension familiale. Il faudra se reporter au journal lui-même pour avoir les points de vue plus détaillés concernant les temps de réflexion que sont les fêtes religieuses, les pratiques qui les marquent, les temps de prière, de ressourcement et de retraites qu’elles mettent en œuvre. Ce sondage CSA-La Croix a été réalisé par téléphone les 8 et 9 août 2003 auprès d’un échantillon national de 1.001 personnes âgées de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. (source : la Croix)
BRANO 47
L’APOSTASIE, DÉSERTION DE LA FOI (1)
(par Isabelle Poutrin, en "Conversion/Pouvoir et religion", Hypotheses.org, 10 juin 2014 (mis à jour le 25 septembre 2016))
Le terme apostasie (du grec apostasia : défection, abandon) désigne l’abandon volontaire et public d’une religion. Il s’emploie tant pour les diverses confessions chrétiennes que pour le judaïsme et l’islam. En des temps où certains catholiques demandent à être radiés de la liste des baptisés, où le mot « débaptisation » est apparu dans la langue française et où les évêques s’inquiètent de “l’apostasie silencieuse” de leurs ouailles, il semble utile de préciser quelle était la position de l’Église catholique à l’égard de l’abandon du catholicisme, sous l’Ancien Régime. Je présenterai ici l’apostasie telle qu’elle était définie dans la théologie catholique et le droit canonique après le concile de Trente (1563). Rappelons que durant cette période, dans les États catholiques, l’absence de toute affiliation religieuse était pratiquement inconcevable, de même que l’idée d’un État qui aurait été neutre en matière religieuse. Je terminerai par quelques précisions sur l’évolution de l’Eglise à partir de 1965 (concile Vatican II) et dans le code de droit canonique de 1983. Cette présentation se fonde sur trois auteurs du XVIIe siècle : le jésuite espagnol Juan Azor (1535-1603), auteur d’une vaste somme de théologie morale [1], le juriste italien Antonio Ricciulli (1582-1643), qui fut archevêque de Cosenza et l’auteur d’un Traité du droit des personnes qui se trouvent hors de l’Église catholique [2], et le jurisconsulte Prospero Farinacci (1554-1618), italien lui aussi, spécialiste de droit pénal et auteur d’un Traité de l’hérésie [3]. Considérés comme des classiques et largement repris par leurs collègues jusqu’au XVIIIe siècle, ces trois auteurs sont représentatifs des positions de l’Église sur l’apostasie durant cette période.
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L’APOSTASIE, DÉSERTION DE LA FOI (2)
(par Isabelle Poutrin, en "Conversion/Pouvoir et religion", Hypotheses.org, 10 juin 2014 (mis à jour le 25 septembre 2016))
Les trois sortes d’apostasie
Le texte de référence au XVIIe siècle restait le passage que le théologien dominicain Thomas d’Aquin, au XIIIe siècle, avait consacré à l’apostasie dans la Somme théologique (IIa-IIae, question 12), après avoir traité de l’infidélité (q. 10) et de l’hérésie (q. 11). Thomas d’Aquin expliquait tout d’abord la différence entre l’apostat et l’infidèle, puis il se demandait si les sujets d’un prince qui devient apostat sont encore tenus de lui obéir. Au passage, il différenciait trois sortes d’apostasie : l’apostasie de la foi, qui éloigne l’individu de toute possibilité de salut ; l’apostasie de l’état clérical qui concerne les prêtres, et l’apostasie des vœux de religion pour les moines. C’est au XIIIe siècle, en effet, que les moines fugitifs et vagabonds furent qualifiés d’apostats et que la désobéissance envers l’autorité du supérieur fut désormais assimilée à une rébellion [4]. Au XVIIe siècle, cette triple signification du terme « apostasie » est bien établie. Après avoir rappelé que le mot apostasia est emprunté au grec, nos auteurs en donnent une définition et des synonymes. Selon Azor, « l’apostat est celui qui abandonne son état de vie précédent, qu’il professait publiquement et avait reçu par une profession solennelle », il est celui qui trahit le lien qui l’attachait à Dieu en abandonnant la foi, ou les ordres sacrés, ou l’obéissance envers ses supérieurs. C’est un déserteur, un transfuge (desertor, transfuga) ; son acte est une défection, une rébellion (defectio, rebellio). L’apostasie de foi n’est donc pas ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui « la perte de la foi », une évolution de la conscience dans laquelle se désagrège une foi en Dieu reçue bien souvent dans l’enfance, et qui peut se traduire par un arrêt silencieux de la pratique religieuse. L’apostasie est définie comme une rupture publique avec la foi et avec l’Église catholique. Ricciullo, comme plusieurs de ses prédécesseurs, illustre sa définition par des exemples de gestes transgressifs : l’apostat est « celui qui se joint à des réunions sacrilèges », sacrifie aux idoles, conclut un pacte avec le démon. « Le chrétien qui adore le tombeau de Mahomet est un apostat », rappelle-il d’après un exemple que l’on trouve déjà chez Thomas d’Aquin. Farinacci rappelle que le terme « apostat » était appliqué aux déserteurs de l’armée impériale romaine et ajoute : « L’apostat de la foi est celui qui abandonne complètement la foi chrétienne et, étant chrétien, se fait juif ou Turc ».
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L’APOSTASIE, DÉSERTION DE LA FOI (3)
(par Isabelle Poutrin, en "Conversion/Pouvoir et religion", Hypotheses.org, 10 juin 2014 (mis à jour le 25 septembre 2016))
Apostasie et hérésie
L’apostasie est-elle la même chose que l’hérésie ? Il s’agit en premier lieu de déterminer le type de péché que constitue l’apostasie : c’est ici le domaine du confesseur, de la conscience, du for intérieur – et il s’agit aussi de déterminer quel est le tribunal (ce qu’on appelle le for externe) qui doit juger l’apostat et quelles sont les sanctions que celui-ci encourt, sachant que l’hérésie était pour l’Église un crime qui relevait des tribunaux d’Inquisition. Pour Azor, l’apostasie est bien un péché différent de l’hérésie, mais il s’agit d’une différence de degré, et non de nature, car apostasie et hérésie sont toutes deux sont des “erreurs contre la foi”. Si l’hérétique ne refuse la foi catholique qu’en partie, l’apostat l’abandonne en totalité. Il arrive ainsi, dit-il, que l’apostat passe au paganisme, au judaïsme ou à l’islam, alors que l’hérétique ne devient ni païen, ni juif, ni musulman. Ricciullo aussi précise la différence entre les deux notions : le chrétien qui refuse plusieurs articles de foi de l’Église mais qui conserve « un reste de foi chrétienne » et continue à se désigner comme chrétien est considéré comme un hérétique, et non comme un apostat. L’apostasie est caractérisée par une séparation complète de la foi catholique. Enfin, celui qui passe d’une religion non-chrétienne à une autre ne peut être considéré comme un apostat, puisqu’il n’a jamais été chrétien. Farinacci, quant à lui, considère l’apostasie comme une circonstance aggravante de l’hérésie. C’est le même jugement que portait le franciscain Alonso de Castro (v. 1495-1558), auteur d’un traité sur La juste punition des hérétiques (1547) qui restait une référence au XVIIe siècle : « L’apostasie est comme une espèce d’infidélité renfermée sous le nom d’hérétique. Ainsi tout apostat est hérétique, mais tout hérétique n’est pas apostat [5] ». De toutes façons, souligne Farinacci, l’apostasie doit être punie comme l’hérésie, et toutes les normes juridiques concernant le châtiment des hérétiques s’appliquent également aux apostats. Ainsi, il existe bien une différence dans le rapport à l’Église et à la foi chrétienne : l’apostat abandonne le christianisme tandis que l’hérétique continue à s’en réclamer. Mais pour le droit canonique, l’apostat relève de la même juridiction (l’Inquisition) et encourt les mêmes peines que l’hérétique : la peine capitale, à moins qu’il ne fasse pénitence pour être réconcilié avec l’Eglise.
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L’APOSTASIE, DÉSERTION DE LA FOI (4)
(par Isabelle Poutrin, en "Conversion/Pouvoir et religion", Hypotheses.org, 10 juin 2014 (mis à jour le 25 septembre 2016))
L’importance des apparences
L’individu qui n’a pas été baptisé selon les règles et qui passe à une autre religion est-il considéré comme un apostat ? Ricciulli, qui pose cette question délicate, examine trois cas de figure. Si l’individu est au courant de la nullité de son baptême et qu’il ne se préoccupe pas de se faire baptiser selon les règles, il ne peut pas être considéré comme un chrétien, il reste extérieur à l’Église. Dans ce cas, s’il passe d’une religion à une autre (Ricciulli dit « une mauvaise secte », c’est le vocabulaire qu’emploient les auteurs catholiques au XVIIe siècle pour désigner les religions non-chrétiennes), l’Église n’est en rien concernée. Deuxième cas de figure : si l’individu ignore que son baptême présente un défaut – il se croit donc baptisé en bonne et due forme – et qu’il abandonne le christianisme, alors oui, il faut le considérer comme un apostat et le punir comme tel puisque, dans les faits, rien ne le différencie des autres chrétiens. Le troisième cas est plus compliqué. L’individu sait que son baptême n’est pas valide, mais il a toujours négligé de se faire baptiser dans les règles ; et pourtant, il se dit chrétien et la société le considère comme tel. À la suite d’Alonso de Castro, Ricciulli emploie la distinction du for interne et du for externe pour résoudre la question. Cet individu, du point de vue de la conscience, ne peut pas être considéré comme un chrétien, ce qui veut dire que, du point de vue moral, il n’est pas considéré comme un pécheur. Mais pourtant, il encourt les mêmes peines que les autres apostats puisqu’il se présente comme un chrétien aux yeux de la société « car en la matière, l’opinion importe plus que la vérité » souligne Ricciulli. Et celui-ci ajoute qu’il ne doit pas être permis de se donner le nom de chrétien, tout en prétendant échapper aux punitions qu’encourent les transgresseurs de la foi chrétienne. Autrement dit, il appartiendra au tribunal de l’Inquisition de condamner l’imposteur. Par son caractère public, l’apostasie faisait scandale, défi lancé à l’Église dans sa prétention au monopole de la vérité et du salut. Ne pouvant lire dans les consciences, l’Église devait s’en remettre au repérage des gestes par lesquels l’apostat manifestait sa rupture avec la foi chrétienne et son adhésion à une autre religion. Le châtiment ne visait pas la perte de la foi, mais la manifestation de cette rupture qui pouvait heurter les chrétiens restés fidèles, ou constituer pour eux un exemple de désobéissance envers l’Eglise.
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L’APOSTASIE, DÉSERTION DE LA FOI (5)
(par Isabelle Poutrin, en "Conversion/Pouvoir et religion", Hypotheses.org, 10 juin 2014 (mis à jour le 25 septembre 2016))
En guise d’épilogue à cette présentation, je rappelle ici les dispositions du Code de droit canonique de 1983 concernant l’apostasie et l’hérésie : “Can. 1364 – § 1. L’apostat de la foi, l’hérétique ou le schismatique encourent une excommunication latae sententiae“. La sanction de l’apostasie est donc aujourd’hui l’excommunication (exclusion solennelle de l’Eglise), peine qui est destinée à inciter l’apostat à la pénitence. L’Eglise a pris acte du fait qu’elle ne s’appuie plus sur la puissance des Etats pour maintenir les catholiques en son sein. Cette disposition s’accorde avec la loi française, puisque “Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi” (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789 art. 10) et que “La République assure la liberté de conscience” (Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, 1905, art. 1). Le tournant majeur dans ce domaine a été la déclaration “Dignitatis humanae” votée en 1965 au concile Vatican II : la liberté religieuse est désormais affirmée comme un droit reconnu à tout être humain (qu’il soit croyant ou athée, homme ou femme, etc.) en vertu de la dignité humaine : « Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres ». Le concile donne aux autorités civiles la mission de veiller à la liberté religieuse dans les limites de l’ordre public, et les enjoint de légiférer “selon l’ordre moral objectif”, ce qui signifie que l’Eglise entend bien se faire entendre sur des sujets de société tels que l’interruption volontaire de grossesse, le mariage des homosexuels, la critique du capitalisme et la protection de l’environnement, par exemple. Mais toujours est-il que Dignitatis humanae a ouvert la voie vers la dépénalisation de l’apostasie, en rupture avec des normes juridiques qui remontaient à plus de 1500 ans.