Définition matérielle de l’icône :
L’icône est traditionnellement composée :
1. D’un panneau de bois constitué d’une ou de plusieurs planches assemblées.
2. Sur ce panneau sont appliquées plusieurs couches de colle animale dans lesquelles est souvent noyée une toile plus ou moins fine qui peut couvrir partiellement ou totalement la surface.
3. Par dessus, est posé un enduit (appelé levkas), préparation à base de colle animale et de sulfate ou de carbonate de calcium selon le pays d’origine.
4. Sur cette surface soigneusement polie, le dessin préparatoire est réalisé au pinceau et souvent partiellement ou entièrement gravé.
5. Le fond est constitué de feuilles d’or ou d’argent appliquées sur un bolus.
6. La couche picturale est une succession de couches de couleurs de plus en plus claires et plus ou moins fondues, mélanges de pigments naturels (d’origine animale, végétale et minérale) liés, généralement, avec une émulsion au jaune d’œuf à laquelle est ajouté un composant conservateur (sel, kvas, jus de figue ou vinaigre selon les pays).
7. Le vernis de protection (olifa) - mélange traditionnel d’huile cuite et dorée au soleil et de résine ou/et de siccatif - est appliqué à la main en couche plus ou moins épaisse. L’avantage et l’inconvénient d’un tel vernis est qu’il pénètre en profondeur, unissant les couleurs, mais peut s’oxyder avec le temps.
Dommages subis par les icônes :
La composition complexe des icônes subit - comme toute peinture ancienne sur bois - les variations hygrométriques et climatiques environnantes.
1. Ainsi, le support de bois gauchit, se courbe.
2. A l’extrême, il peut aller jusqu’à se désassembler ou se rompre.
3. Le levkas, ne pouvant suivre le mouvement du bois, se fendille et forme un réseau de craquelures.
4. Dans les cas extrêmes, la couche picturale se soulève et se désolidarise de son support.
5. N'étant plus fixée à son support, elle peut finir par tomber, ce qui entraîne des pertes de matières picturales.
6. L’icône est également soumise à l’action néfaste des moisissures et des insectes xylophages qui creusent des galeries, transforment la lignine en une substance friable et ruinent la base de la couche picturale.
7. L’exposition à une humidité trop grande (comme une inondation ou la conservation dans une cave, une crypte) peut aussi attaquer le levkas qui se délite et se dissout ou gonfle, se souffle et, après séchage, se fracture et tombe.
L’icône occupe une place importante dans la liturgie. Elle subit d’autres dommages spécifiques dus à ses fonctions cultuelles et à son exposition à la vénération des fidèles :
8. Des orifices d’accrochages peuvent être grossièrement percés dans le panneau afin de l’accrocher à un mur ou à un bâton de procession (l'icône peut être carrément transpercée).
9. Des frottements, griffures, chocs et traces de manipulation résultent des processionset.
10. Un ternissement des couleurs peut être la-conséquence de leur exposition aux intempéries et au soleil lors de ces processions ou à leur présentation permanente à l' extérieur pour certaines.
11.- Des morceaux peuvent être ôtés pour en faire des reliques qui sont distribuées aux fidèles.
12. Des chutes occasionnent la fracture du panneau et la perte de matière picturale.
13. D’autres usures, taches et salissures résultent des caresses, des baisers de dévotion (avec ou sans rouge-à-lèvres), d’aspersions d’eau bénite, de coulures de cire des cierges, de projection d’huile ou de cire brûlante (quand des fidèles soufflent cierges ou veilleuses), parfois d’onctions de parfums, voire de bains d’huile sainte…
14. Parfois, "chiures" de mouches, coups de pinceaux et coulures de peintures ou de produits nettoyants témoignent d’un manque ou d'un excès d’entretien ou d’un manque de précaution lors du rafraîchissement des murs de l’église ou de la demeure.
15. La suie des cierges et la fumée de l’encens se déposent à la surface durant les offices. Ces dépôts créent une réaction chimique avec l’olifa qui s’assombrit jusqu’à former une couche noire qui ternit l’image et peut la rendre illisible à long terme.
16. La flamme trop proche des cierges et des veilleuses chauffe l’olifa qui se caramélise en surface. L’image disparaît sous une croûte noire ou devient poisseuse et accroche les poussières.
17. Mais, parfois, aussi cierges et veilleuses causent des cloques et des brûlures à l’icône, déformant ou détruisant une partie de la couche picturale, et même carbonisant le bois de support.
18. Enfin, des revêtements métalliques - éléments de décoration destinés à honorer le saint représenté - sont cloués sur les bords et la surface de l’icône et usent la couche picturale par frottements.
Peuvent s’ajouter à ces altérations, des "restaurations" anciennes, souvent brutales, réalisées dans un lointain passé :
19. Eliminations de parties originales pour les remplacer par de nouvelles...
20. Repeints plus ou moins partiels, plus ou moins étendus,
21. Rajouts de pièces métalliques (clouées ou collées directement sur la couche picturale), afin de dissimuler des pertes importantes et profondes.
Ces « interventions » occultantes ou destructrices étaient destinées, dans ce contexte ecclésial, à conserver sa fonction religieuse à l’icône.
En effet, aucun vieillissement ne devait diminuer son contenu théologique, sa faculté d’intercession. L’icône était donc rafraîchie, dès qu’elle était usée, abîmée ou ternie. (Cette considération est toujours d'actualité, mais on peut la respecter en suivant la déontologie actuelle de la restauration.)
22. Dans cette tradition, l’icône fut, parfois, totalement repeinte et modifiée selon l’évolution des goûts et la mode d’une époque : une autre image était superposée à l’image d’origine.
Mais à notre époque, les icônes subissent encore les actions néfastes d'amateurs - souvent bénis dans nos petites églises et petits ateliers d'iconographie de la région parisienne - telles que :
23. Frottements à l’oignon, à la pomme de terre (nourriture propice aux micro-organismes qui se logent dans les fractures de la couche picturale et finissent par la faire tomber) ;
24. Nettoyages plus drastiques tels que grattages au couteau, lessivages aux produits d'entretien, frottements à l'alcool à brûler, ou applications de solvants chimiques non dosés qui détruisent la couche picturale ;
25. "Consolidations" avec des colles de commerce, qui emprisonnent la peinture dans une gangue transparente mais trop brillante ou dans une gangue opaque blanche ou brune ;
26. Retouches picturales avec des pigments et liants non adaptés qui sont posées sans masticage, ni isolation, directement sur la lacune ou qui débordent largement sur les couches saines ;
27. Applications de pâte ou de peinture dorées inesthétiques - et pratiquement indélébiles ! - pour donner l’illusion de l’or...
28. Ou, au contraire, grattage de restes de fond d'or pour "unifier" l'image ;
29. Application (pour faire briller, ce qui est contraire à l'éthique de l'icône) d'un vernis trop siccatif qui fait se rétracter la couche picturale et crée des crevasses...
30. Frottement au cirage noir ou brun pour, au contraire, donner un aspect vieilli ;
31. Revernissage avec un vernis vinylique qui plastifiera l'icône ou avec une olifa de mauvaise qualité, trop cuite et trop siccative, qui encrassera l'icône et attirera les poussières et les dépôts d'encens.
Actuellement, de telles interventions se poursuivent, malheureusement, au détriment des icônes, lorsque des fidèles qui veulent bien faire - ou encore les membres d'une paroisse qui désirent faire des économies – ignorent les conséquences de leurs actes.
Mais, il y a des cas plus dramatiques où des fidèles ont oublié la nécessité de préserver leur bien patrimonial et sacré.
Dans ce dernier cas, les saintes icônes ne sont même plus vues ni respectées. On les laisse se détruire sans remarquer la progression des dégradations. On préfère ajourner leur restauration pour faire d’autres frais que l’on juge plus importants. Pis, on fait appel à un "iconographe" qui, ignorant la déontologie de la restauration, traitera une icône ancienne ou une peinture murale d'un maître reconnu comme une icône ou une peinture murale contemporaine ou, même, la détruira pour la remplacer par une autre de sa facture, avec l’assentiment des paroissiens. Ainsi, la pérennité d’icônes anciennes est sérieusement compromise.
32. Egalement, l’icône n’est pas toujours à l’abri d’un iconoclasme volontaire perpétré dans un but profanateur ou par fanatisme religieux : elle peut être défigurée par aspersion de produit chimique (vitriol), stigmatisée par des graffitis ou tailladée au cutter, aveuglée (les yeux du saint personnage représenté sont détruits), brisée et piétinée après avoir été jetée à terre, brûlée, fusillée, etc.