Steinbourg, toponymie

Steinbourg, lieux-dits, Flurnamen

Ces dernières années les découvertes ont été nombreuses quant au passé de Steinbourg, d’abord en ce qui concerne le premier propriétaire des lieux, l’abbaye de Schwarzach, au VIIIème siècle, puis par l’archéologie qui nous a fait reculer à l’époque gallo-romaine. Les vocables géographiques, oeuvre de générations successives qui les ont transmis oralement de père en fils, complètent l’archéologie, qui permit d’établir le berceau physique du village : l’Altenberg au nom si évocateur. Loin d’être un assemblage de mots sans âme, la toponymie touche de toutes parts à la vie et nous donne une image des temps anciens ; l'empreinte des étapes successives de l'occupation humaine s'y lit.

En examinant une carte du relief de Basse-Alsace, la position de Steinbourg détonne. Situé sur la dernière de ce qu'on appelle communément les collines de Brumath, premier village au débouché du comté de Hanau-Lichtenberg, il constituera de par son emplacement une frontière politique dès le Xème siècle, puis religieuse à la Réforme. Il n'appartient géographiquement ni aux communes forestières sous-vosgiennes, ni au pays de Hanau et n'a rien en commun avec les fertiles collines loessiques du Kochersberg, il cumule un peu des trois. De prime abord l'endroit paraît assez ingrat. Au-delà de la Zorn commence un style nouveau où de petits bois occupent fréquemment les crêtes, restreignant l'espace des cultures. Bordé au sud par la forêt et les fonds marécageux de la Zorn, qui n'étaient pas cultivables, au nord et à l'est par les anciennes possessions des comtes de Dabo, (tout le croissant de Dettwiller à Dossenheim en passant par Wiesenau, aujourd'hui disparu, et Hattmatt, la rivière Zinsel faisant office de frontière), à l'ouest par des bois, les habitants mettront longtemps à façonner leur milieu de vie. Coincé entre Zinsel et forêt, Steinbourg devra trouver sa place au sein des entités voisines plus anciennes, d’où sa digitation nord-sud, alors que ses voisins ont une structure circulaire. Rappelons que les villages en -weiler (Dettwiller, Monswiller) sont la germanisation de villas gallo-romaines et que ceux en -heim (Dossenheim, Ernolsheim, Waldolwisheim) sont admis par les historiens être antérieurs au VIIIème siècle. Une statistique éclairante : au sud de la forêt de Haguenau, 85 % des villages bas-rhinois font partie de cette catégorie.

Au Nord donc Altenberg et Ramsberg, aux confins du pays de Hanau, collines exploitées dès le IIème siècle (vignes et labours). C’est le meilleur endroit car ailleurs les terres sont peu fertiles, marécages au nord-ouest (Kritzelwase, Strietlach) ou au centre du village (Dorfwase, Kerichwase), des terrains sablonneux (canton Sand), des terres incultivables au-delà de la Zorn (Gansewase, Bruckewase). Le Brüchelfels (Brüchel = diminutif pour marais) délimitant l’Altenberg à l’est vers le village aujourd’hui disparu de Wiesenau.

Une seconde phase de défrichement a lieu en partant de l’Altenberg vers la Zinsel à partir du IXème siècle. Nous savons que ces terres revinrent à l’abbaye d’Andlau, héritage de Ste Richarde, fondatrice du couvent, quelques 250 hectares de prairies dont on peut estimer que 7 % étaient cultivés en 828 vu l’outillage rudimentaire de l’époque et le nombre de serfs mentionnés dans l’acte d’échange Schwarzach-Erchanger. Andlau laissera une forte empreinte dans la toponymie, moulins de la Zorn (Mehlbarri), un de ces moulins dit "Schnellenmühle" pourrait être à l'origine du surnom donné aux Steinbourgeois, d'Schneller, les lanceurs de billes (une autre hypothèse voudrait que cela soit en rapport avec une carrière qui en fabriquait), Zehnerschier, ferme où l’on entreposait la dîme payée au couvent. Andlau possédait divers biens : la "Rietleheut", 2 Acker non localisés au nord du village (1 acker = 30 à 35 ares), un verger avec étang de la même superficie près du château, 13 Huben de champs cultivés c.à.d. entre 108 et 126 ha (1 Hube = 30 acker), une vaste prairie dénommée Bruehl, (les prés proches de la Zinsel portent encore le nom de Breijel). La colonge, cette organisation féodale reposant sur un contrat d'après lequel le propriétaire confiait ses biens à plusieurs personnes moyennant des redevances annuelles, était exploitée par un « mayer », qui a pu donner le nom au canton à angle droit présent sur les cartes anciennes, entre la rue de Rosenwiller et le Hattmatterwaj appelé Meyerplatz (à ne pas confondre avec la Meyerei, située plus loin du village, près de la Zorn, et qui sous-entend fermage et non exploitation directe). Ce qui plaide pour cette analyse est qu'il est stratégiquement à égale distance des premiers champs cultivés au nord et à l'est. Un chemin creux (Klamm en alsacien, l’actuelle rue de Rosenwiller) menant à ces dernières.

Une autre phase de développement a lieu vers l’ouest, défrichage progressif des bois, Daibelsrain, Prinzenrain (le terme rain signifiant lisière d'un bois, supposerait que le Stockwald appartenant aux princes-évêques de Metz devait être contigu et beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui) avec fixation de l’habitat une fois la région pacifiée des luttes dynastiques entre Carolingiens descendants de l’aristocratie austrasienne ayant étendu leur foncier jusqu’en Alsace (fondation de l’abbaye de Neuwiller en 750), et les ducs et comtes allémaniques. Le Liesmattgraben, un fossé qui a longtemps été une frontière politique, implique le caractère ancien du territoire qui jouxte le finage (Lies = ancien lot en alsacien). Le Prinzenrain fait peut-être référence aux princes-évêques de Metz possessionnés en face. A proximité immédiate, le cimetière actuel, qui était fortifié. Car Steinbourg, entré dans l’histoire sous le nom de Steingewirke, tient un rôle militaire (wircki signifie ouvrages défensifs en francique). La région est stratégique, le promontoire sur lequel est situé le village contrôlant la route Brumath-Metz (le Kritzelwase endroit où cette voie disparue croisait celle de Wasselonne à Neuwiller ?), le fief est ainsi à la lisière physique des luttes d’influence du Haut Moyen-Age en Basse-Alsace.

Entre le Meyerplatz et l'Altenberg évoqués plus haut, l'Albertsmatt est la seule partie du ban dérivée d’un prénom. Or en l’an 1317 un pré est vendu par un certain Albert Senger, écuyer, à un chevalier du Kochersberg. L’Albertsmatt dû au prénommé Albert ? Il y a des chances, car nous retrouvons mention de cet Albert Senger avec la particule nobiliaire « de Steingewirke » en 1349 en tant que co-propriétaire du château de Géroldseck (1/4 du château lui appartenant). C’est l’époque ou l’abbaye d’Andlau perd progressivement toute influence en raison de la vie dissolue de ses abbesses et du contexte guerrier avec un Evêché de Strasbourg essayant de se tailler un fief en face de celui de Metz ; Steinbourg tombe dans l’orbite des Geroldseck, alliés à l’évêque de Strasbourg (dans un acte du 9 février 1358 établi à Avignon par le pape Innocent VI, Jean de Geroldseck est mentionné comme Kirchherr de la paroisse, lui aussi possédait 1/4 du château familial). 53 ans plus tard, Senger et Geroldseck étant décédés tous deux sans héritier, Steinbourg sera donné en fief aux Münch de Willsberg, prévôts de Saverne.

La dernière phase de développement se fera tardivement vers le sud à distance respectable du lit de la Zorn instable de jadis (voir carte XVIIIème siècle dans affaire de la Faisanderie) et au-delà du canal où l'on note les parties les plus régulières et anguleuses (Klein-Gerieth, Gross-Gerieth, Gerieth vient de l'allemand reuthen = défricher) ou en lanières (lange Stränge). Cette partie au sol ingrat (Heide au-delà de la Zorn = terre en friche où on implantera une carrière de pierre plus tard), dont les noms font encore état de la lutte contre la nature grâce à l’endiguement et au drainage successif du fleuve, lutte qui durera jusqu’à la fin du XXème siècle. Les crues mémorables du fleuve sont encore dans tous les esprits, celle de 1947 fut monstrueuse, isolant les deux parties du village. Des alluvions ont été déposés jusqu'au stade de football actuel à certaines époques.

C’est à cet endroit que se situeront les biens communaux après la Révolution, canton Olme à droite de la rue de la gare actuelle (Olme signifie Allmend en dialecte, le domaine de tout le monde), ou Zinsel Olme derrière le Birkenfeld, le long de la rivière. Les Allmend sont caractéristiques de l'Alsace, des biens sur lesquels les membres de la communauté exercent un droit d'usage temporaire ou en commun (pâturage, droit de prendre du bois...), souvent des marécages inondables. De l'autre côté de la route vers la Zinsel, derrière les Maddle, le Laemmerollmend, endroit où les habitants amenaient les agneaux en pâture, situé devant l’explicite Söejmatt, à l'écart des habitations. La section devant la forêt de Monsau est aussi attestée comme bien commun au début du XIXème siècle. Une utilisation rationnelle de l'espace, nos ancêtres étaient des gens pratiques qui maximisaient le peu dont ils disposaient. Des tensions apparaîtront avec les voisins au sujet de cet espace restreint et même avec le seigneur du lieu (voir l’affaire de la Faisanderie) au XVIIIème siècle. En pièces jointes, lieux-dits 1825.