D. 1650 - 1870

Conséquences de la guerre de Trente Ans

Le village sera repeuplé après la guerre par des colons suisses, en proie dans leur pays à une crise économique. Le premier document retrouvé à ce sujet (qui n’existe plus, détruit lors du bombardement par les Prussiens de la bibliothèque de Strasbourg en 1870) est un mémoire du comté de Hanau-Lichtenberg au ministre Colbert, affirmant que le gouvernement français envoya des hérauts et des trompettes dans les pays voisins, invitant les étrangers à venir s’établir chez eux en leur promettant l’exemption des impôts pendant une certaine période, une maison et autant de terres qu’ils seraient en état de labourer. Le défrichement des terres d’Alsace sera réglé par l’ordonnance du roi de novembre 1662 : les habitants originaires des pays d’Alsace qui s’en sont retirés à l’occasion de la guerre avaient trois mois pour présenter leurs titres de propriété, de venir habiter et cultiver lesdites propriétés, sans quoi ils seraient privés à perpétuité de tous les droits qu’ils y pouvaient prétendre. Une fois la quotité de terres disponibles établie par cette opération, le roi autorisa ses sujets, ainsi que les étrangers faisant profession de la religion catholique, de se retirer dans lesdits pays d’Alsace. Le texte mentionnait que «ces terres seront possédées par les immigrants incommutablement en toute propriété sans pour en payer aucune chose qu’une reconnaissance seigneuriale ; ces habitants seront quittes de toutes tailles, subsides, impositions, taxes et autres droits pendant six ans». Il leur est même permis de prendre pendant six ans « dans nos bois et forêts tout ce qui leur est nécessaire pour reconstruire des maisons ainsi que pour le chauffage et les usages domestiques sans rien payer». 

1664 est une date marquante pour la commune : la reconstruction de l'église dont la nef avait été entièrement ravagée par les Suédois (le clocher médiéval séparé du corps du bâtiment était resté en place). 

Les mouvements militaires ne sont pas encore terminés. En 1667 une partie de l'armée du Maréchal de Créquy campe à Steinbourg, en 1674 pendant la guerre de Hollande un corps de l'armée de Turenne est détaché au village qu'ils devaient utiliser comme repli en cas d'attaque, les gués sur la Zorn sont rompus. 

Afin d’activer le défrichement le roi de France enjoignit en 1682 à tous les propriétaires de terres en friche de les mettre en labour et en état d’être ensemencées dans un délai de trois mois, autrement toute autre personne pourrait le faire à leur place et jouir des revenus desdites terres pendant douze années sans en payer de rente au propriétaire ni dîmes au décimateur. La mesure n’étant pas assez attractive, une autre ordonnance de 1687 renverse la vapeur : cette fois-ci il fallait payer une rente minime au propriétaire pendant douze années, puis on pouvait racheter ladite rente et devenir propriétaire soi-même. Une deuxième vague d’immigration en résultera, celle de la décennie 1680-1690. Cette période charnière dans l’histoire du village aura des répercussions deux siècles plus tard lorsque la population steinbourgeoise, rebelle à la germanisation, revendiquera son profond attachement à la France, s'étant enracinée au village durant la période française que seront les années 1670 à 1870. 

Le village était géré par un Gericht, tribunal administratif et judiciaire dirigé par un Schultheiss (prévôt) nommé par le seigneur du lieu, devant veiller à la rentrée des impôts seigneuriaux. Pour faire partie du Gericht il fallait appartenir à l'assemblée des Bourgeois. Pour être Bourgeois en faire la demande et montrer « patte blanche ». Siégaient au Gericht les échevins de justice qui étaient désignés par tirage au sort parmi ces Bourgeois. Ce terme n'avait pas le sens de riche qu'il a aujourd'hui, laboureur propriétaire s'y superposait comme journalier à manant, mais il impliquait le devoir de contribuer à l'entretien des charges de la communauté. Il tombera en désuétude au fur et à mesure qu'on s'approchera de la Révolution. Le règlement de police (1664-1724) est conservé aux Archives départementales. 

Le château féodal "dont il ne paraît plus qu'un fossé sec" (Guillin, 1702), sera reconstruit par les Mayerhoffen, famille originaire de Raisdorff en Autriche, alliée du roi de France. Cette famille noble s'enracine dans le village durant 180 ans.

Le cadet de la famille, François-Joseph Ier de Mayerhoffen (1667-1752), reçoit le château de Steinbourg en fief en 1681, cette branche de la famille prenant désormais le nom de Mayerhoffen de Steinbourg. Il épouse en premières noces Marie Madeleine BEHR de Saverne le 10 janvier 1718 dont naîtront sept enfants. Quatre survivront, dont l'aîné et seul mâle, François Joseph II. François Joseph père s'était remarié en l'église de Steinbourg le 2 juillet 1731 avec Julie DUTRIE, veuve du seigneur de Sanleque, mais n'aura pas d'enfants du second lit. Comme sa première femme, celle-ci mourut au château de Steinbourg, en 1751, suivie de peu par son mari lui-même le 8.11.1752, des suites des fatigues endurées au siège de Prague. En juin 1742 pendant la guerre de Succession d'Autriche les forces françaises sous le commandement du général de Broglie sont encerclées par une armée autrichienne bien supérieure en nombre et les conditions de survie des assiégés sont très difficiles. Une partie des 20.000 hommes parviendra à s'échapper le 16 décembre et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes de Bohême dans des conditions climatiques difficiles, échappe à leurs poursuivants. Les 6.000 blessés ou malades qui étaient restés à Prague négocient les conditions de leur reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre, Mayerhoffen figurait dans un des groupes. Son neveu, François Félix, fut également blessé à Prague, en août 1742 lors d'une tentative de sortie, il fera une carrière remarquable par la suite (commandant en chef de l'armée d'Italie en 1748, commandant de la place de Saverne de 1757 à 1780), carrière à laquelle son oncle ne pouvait plus prétendre. 

François-Joseph II de Mayerhoffen, né à Steinbourg le 15 avril 1729 et décédé en 1803. Cornette au régiment de Nassau en 1745 (le terme de cornette, correspondant à l'actuel sous-lieutenant, était l'équivalent dans la cavalerie de celui d'enseigne dans l'infanterie, l'officier porte-drapeau qui tenait l'étendard de la compagnie dans la bataille) puis capitaine au régiment Royal Nassau Hussard. Fait prisonnier devant le camp du Roi de Prusse à Olendorff en octobre 1757 et grièvement blessé il sera échangé en novembre 1759. Chevalier de Saint-Louis en 1761 il se retira la même année de l'active contre pension. L'ordre de Saint-Louis fut assimilé à une charge anoblissante en 1750 : le fait d'être capitaine et chevalier de Saint-Louis pendant trois générations légitimes et consécutives conférait la noblesse à titre héréditaire. Cette disposition créant une nouvelle noblesse militaire sera cependant remise en cause en 1789. François-Joseph réunit les deux lignées de Saverne et Steinbourg en épousant sa petite cousine, Françoise, le 22 février 1762 à Saverne et aura 5 enfants dont François Joseph Georges (1762-1814) qui hérite des biens à Steinbourg et Georges Louis Léopold (1770-1844), père du dernier Meyerhoffen à porter le patronyme, François Louis Auguste, qui décédera en 1901 à Nancy.

François-Joseph Georges, Révolution oblige, est le premier à franciser son nom en Meyerhoffen. Alsacianiser serait plus juste. Nommé sous-lieutenant au régiment de Bouillon, il fait les campagnes de 1792 à 1795 à l’armée du Nord. Il sera lui aussi capitaine, sous Napoléon, servant notamment durant la campagne d'Espagne. Fait prisonnier lors de la bataille de Bailen (voir colonel Delenne ci-dessous), il mourra du typhus en 1814 lors de son retour de captivité. Entre deux campagnes militaires il avait épousé Marie-Antoinette Léo qui lui donnera descendance le 5 avril 1806 à Saverne avec François Jean-Baptiste Charles

Charles de Meyerhoffen est attesté comme maire de Steinbourg jusqu'en 1862 (dernière séance en tant que maire le 12.08.1862). Il affirmera sa prééminence le 26 novembre 1858 en faisant rectifier son acte de naissance et rajouter la particule de à son nom par un jugement du tribunal civil de l'arrondissement de Saverne. La particule ne figurait pas sur l'acte de naissance ni sur la déclaration de son père mais les lettres de noblesse avaient été confirmées par Louis XIV et enregistrées par le Conseil Souverain d'Alsace. En 1860 il vend le château de Steinbourg. Il avait pourtant fait un beau mariage en 1842 en l'église de Steinbourg avec Dame Marie-Elisabeth Collignon, fille du commandant de la place de Phalsbourg, Pierre François Collignon, d'elle nous avons une trace dans le cimetière où elle fit ériger un monument pour sa tante Adélaïde Dugastel décédée en 1855. A l'heure qu'il est, nous ne savons pas ce qu'il est advenu de Charles de Meyerhoffen, qui n'est ni décédé à Steinbourg, ni à Saverne. Il n'aura pas de postérité, sa femme donnant naissance en 1843 à un bébé qui ne vivra que 27 jours.

Charles de Mayerhoffen n'aura pas beaucoup connu son père, celui-ci partit en Espagne deux ans après sa naissance et n'en revint qu'en février 1814 pour décéder la même année. Une tombe à Steinbourg éclaire cette petite histoire noyée dans la grande, celle du colonel Louis André Delenne né de Lenne (8.05.1761 à Nîmes - 16.12.1838 à Steinbourg), oncle par alliance de Charles de Meyerhoffen. Militaire de carrière, Delenne monte successivement les grades durant les campagnes de la Révolution et de l'Empire. Blessé de nombreuses fois (en 1797 en franchissant la frontière austro-italienne à Gradisca avec l'armée napoléonienne et lors du débarquement d'Alexandrie en Egypte), il devint membre de la Légion d'Honneur le 14 juin 1804. Affecté à l'armée d'Espagne en 1807 avec laquelle il participe à la victoire d'Alcolea. Nommé colonel le 13 juillet 1808 sa brigade se trouve encerclée 3 jours plus tard par une armée espagnole de 30.000 hommes ; l'envoi d'une armée de secours de Madrid tourne au désastre : 9.000 morts, 16.000 prisonniers au rang desquels le colonel Delenne et le père de Charles de Meyerhoffen. C'est la défaite de Bailen, première défaite des troupes napoléoniennes. La capitulation de Bailen prévoyait le rapatriement des troupes françaises en France mais ce traité qui déplaisait aux Anglais ne fut pas respecté. Après quatre mois passés à Cadix à même les pontons et les restes des navires français capturés lors de la bataille de Trafalguar, les prisonniers seront déportés sur l'île désertique de Cabrera où la mort frappera 40% des leurs (certains historiens parlent de beaucoup plus). En 1810 les officiers français furent envoyés en captivité en Angleterre où ils croupiront dans des cachots insalubres jusqu'en février 1814. La carrière de Delenne ne s'arrêtera pas de suite après l'abdication de l'empereur. Il sera nommé commandant d'armes à Gien, puis commandant du 71ème puis 85ème régiment de Ligne, officier de la Légion d'Honneur le 24 août 1814. Admis à la retraite le 28 avril 1815 il s'établit à Steinbourg où il est permis d'imaginer que, marié à la sœur de la mère de Charles Meyerhoffen il prit en charge l'éducation du jeune Charles. Cet homme habitué à commander a dû jouer un rôle dans la commune jusqu'à sa mort. En 1829 il est nommé chevalier de l'Ordre Royal et Militaire de Saint Louis (distinction créée par Louis XIV honorant au-moins 20 années de service et dont Louis XVIII voulait qu'elle remplace la Légion d'Honneur - elle sera supprimée en 1830). 

Steinbourg au XVIIIème siècle, situation économique

L'Alsace put jouir au cours du XVIIIème siècle d'une paix relative pour panser ses plaies, entrecoupée seulement en 1744 d'une incursion des redoutables Pandours ou Rothmäntel Impériaux (guerre de succession d'Autriche) qui pillèrent la ville de Saverne désormais sans fortifications. La vie matérielle s'améliora rapidement et le bien-être se répandit à nouveau, après les longues épreuves du siècle précédent. Au vu des relevés de superficie des masses de culture établies par l’intendant d’Alsace vers le milieu du XVIIIème siècle, Steinbourg n'était pas une communauté pauvre en raison des bois qui lui appartenaient (l'affaire de la Faisanderie illustrera l'importance du bois communal possédé en indivis sous l'Ancien Régime dont les conseils municipaux accordaient à leurs habitants la possibilité de se procurer gratuitement le bois nécessaire à leur chauffage domestique). En 1751 Steinbourg possède 1481 ha de champs, prés et bois pour 1800 livres de rente. C'est près du 1/3 du total des terres du baillage de Saverne (Saverne, Otterswiller, Ottersthal, Monswiller, Zornhoffen, Waldolwisheim, Altenheim, Kleingoeft) et plus que tout le baillage de Dettwiller réuni (Dettwiller, Rosenwiller et Dossenheim) pour 84,5 % du total des rentes du baillage. 

En 1760 la superficie est la suivante :

En 1751 on recense 77 foyers, 15 de bonne qualité (19,5 %) et 42 (54,5 %) de mauvaise, les villages environnants allant de 4,6 (Monswiller) à 10,8 % (Saverne) de bons feux (les villages voisins, Dettwiller, Dossenheim, en comptaient 9 %), on dénombrait 11 veuves et 5 sexagénaires. 

En 1766 les statistiques font état de 24 laboureurs (31 % de la population) avec 33 chevaux et 36 bœufs corvéables et 53 « pionniers » (manouvriers) ne pouvant fournir que des bras sans attelage. Le quotient laboureurs / pionniers (0,45) est supérieur aux localités voisines, hormis celles du Kochersberg. Mais ce rapport est assez similaire aux villages ruraux de la plaine d'Alsace, que ce soient ceux du Ried, d'outre-forêt ou du Sundgau. Il n'y a donc pas de meilleur niveau de vie qu'ailleurs mais moins de manouvriers et plus de propriétaires de leurs terres, une population plus protégée contre les aléas de la vie. On sait par les études qui ont été réalisées que ce quotient laboureurs / pionniers a fortement baissé entre 1746 et 1766, de moitié à 1/3 dans les environs immédiats. Dans le sillage de la guerre de Trente Ans, le nombre de laboureurs l'emportait largement sur les journaliers, des quotients de 3 n'étant pas rares. Mais à la veille de la Révolution, le rapport s'est notablement dégradé. La raison en est la démographie galopante. Alors que la population alsacienne sera multipliée par 3 en 150 ans (un dynamisme sans équivalent en France), à Steinbourg elle sera multipliée par 4 en moins d'un siècle, puis une seconde vague d'immigration vers 1750 accentuera encore le phénomène. En 1772 on en est déjà à 122 feux, l'église est devenue trop petite. En 1801 on comptera 744 habitants, la population aura quintuplé en 100 ans ! En épluchant les actes de naissance de la commune une forte fécondité des premiers immigrants saute aux yeux, il n'est pas rare à partir de la troisième génération qu'un homme engendre 13, 14 enfants avec plusieurs femmes (le droit de bourgeoisie se transmet uniquement par les hommes, les veuves retombant dans la manance : ceci conduira à des remariages rapides, y compris dans la famille du mari défunt). Les seconds et troisièmes mariages ne sont guère prolifiques, untel de 1743 à 1766 connaît une mauvaise fortune avec 9 enfants morts avant leur 6ème anniversaire, un autre a 8 enfants de 1750 à 1768 dont pas un ne franchira le 10ème anniversaire. Cette fécondité, dont on ne sait pas si elle était la cause ou la conséquence de la sur-mortalité infantile, mènera à une lente paupérisation. Les cadets et benjamins durent trouver un métier pour exister au sein de la société, notamment d'avoir droit à l'affouage en tant que foyer fiscal distinct. Au fur et à mesure cela mène à une parcellisation des terres néfaste à la transmission du patrimoine. Les habitants en étaient conscients, en témoignent les nombreux mariages dans des familles proches et indigènes au terroir local. 

L'inventaire fiscal de 1766 fait état de 19,5 % de feux de bonne qualité, 26 % de moyens et 54,5 %, de mauvaise qualité. Sur le papier c'est mieux que la moyenne du baillage (12,3 % de bons feux et 61,3 % de mauvais) et des alentours mais c'est une image déformée de la réalité car si on gomme l'activité industrielle (3 usines dont 2 moulins), l'aubergiste attesté très tôt à Steinbourg, une tradition séculaire, les notables dont les Mayerhoffen ou le curé, on rejoint les mêmes taux qu'ailleurs. Le nombre de chevaux (66) et de bovins de tous âges (81) traduit la pauvreté des moyens d'une population de 350 à 400 habitants. Le nombre d'animaux aratoires est significatif : 69 bêtes de trait pour 24 laboureurs, un taux très faible, qui donne une pauvre image de la structure sociale. Un siècle après la reconstruction, les contribuables steinbourgeois sont des paysans modestes ne disposant que d'un attelage unique de deux boeufs ou de deux chevaux ne permettant pas une utilisation intensive du sol, préfigurant une crise agraire si la population continue à augmenter. La situation au XVIIIème siècle annonce déjà la disparition de nombre d'exploitations agricoles au siècle suivant et l'orientation vers une polyculture de subsistance. 

En 1772 Steinbourg comptait 122 foyers. L'église de 32 pieds de long est désormais trop petite et les notables du village en font part à l'Intendant d'Alsace. La commune n'étant pas en état de financer les travaux, le curé s'engagea à verser la moitié de la somme et commença à faire lire des messes. La commune promit de payer l'autre moitié. Le temps de réunir la somme de 4560 livres (portée à 5129), les travaux ne purent  débuter qu'en 1788 et durèrent trois ans. 

Le XVIIIème siècle dominé par l'affaire de la Faisanderie

La délimitation des bans communaux après les ravages qu’a connue la région occupera le devant de la scène juridique et notariale entre les villages et les seigneuries fin XVIIème - début XVIIIème siècle. C’est ainsi que le Conseil souverain d’Alsace diligente en 1715 une enquête au sujet des droits de l’abbaye de Saint-Jean sur la forêt des Quatre communes (Steinbourg, Dossenheim, Ernolsheim et Saint-Jean). 

Notre affaire commence le 26 août 1718, dix villageois députés de la part de la communauté se réunissent dans la forêt de Monsau avec le grand maître des Eaux et Forêts de l’Evêché pour borner ladite forêt par plantage de pierres. Le procès-verbal signé par tous mentionne « les jurés de justice » de Steinbourg présents : J.Michel ALEMAN (prévôt), Rémy BREVILLE (frère de l’échevin de justice au service du cardinal, Thomas), Jean Jacques BREVILLE (sergent, fils de Rémy), Jean MINY, Georges HAAS, Jacques KUHN, Claude HERTZOG, J.J. NENNINGER, Jacques BAYER et Jean Adam RICHERT. La même année le couvent de St Jean cède le village de Sornhofen, sur la rive droite de la Zorn, à l'Evêché, en échange du village d'Eckartswiller. Le prince-évêque peut à présent réaliser son rêve, celui de faire de sa résidence d'été un parc à la mesure de son ambition réunissant jardin, canal et parc de chasse dans un vaste ensemble unique en son genre. Les travaux dureront une dizaine d'années. En 1719 est construite la Faisanderie dans la forêt de Monsau située en grande partie sur le terrain communal de Steinbourg, suivie en 1725 de la maison du Faisandier et deux maisons de garde-chasses. Un réseau de routes est tracé à travers bois dont l'une, la route d'Estrées, dans l'alignement du château du Haut-Barr, fera 20 mètres de large avec tilleuls et marronniers de part et d'autre, des rond-points aménagés à certains carrefours. La route la plus longue, la rue Rohan, reliait sur 5 kilomètres la Faisanderie à la route Saint Jean - Steinbourg en passant par "la Rondelle". Des chasses à courre seront organisées dans la forêt épiscopale.  

Douze ans plus tard, afin de faciliter l’établissement de faisans, préoccupation qui pouvait sembler bien éloignée des problèmes du moment et qui lui vaudra plus tard le reproche « de sacrifier le bien du public à son agrément particulier », le cardinal de Rohan-Soubise fait fermer de son plein gré par une palissade le bois appartenant à Steinbourg, empêchant dorénavant la pâture des bestiaux à cet endroit et englobant une partie du bois dans l’enclos. Les habitants ont l’air d’y souscrire dans un premier temps avant de se rendre compte des conséquences futures que cela pourrait avoir : difficultés pour labourer leurs terres s’ils devaient se séparer de leurs bestiaux et crainte de se voir un jour dépossédés d’office de leur propriété. L’ancienne coutume féodale en Alsace accordait déjà aux villageois le droit de couper dans les forêts seigneuriales ou communales le bois nécessaire à leurs foyers ou métiers, sauf en ce qui concerne les hêtres et les chênes, et le droit de vaine-pâture, droit de faire paître gratuitement le bétail en dehors de ses terres propres, dans les bords des chemins, friches, bois de hautes futaies ou taillis, permettant aux plus pauvres d'entretenir une ou deux têtes de bétail. Le droit de glandage est un droit plus ancien que le droit écrit romain, une des premières libertés des manants pour nourrir leurs cochons, le garde-manger ambulant de l'époque qui leur permettait de survivre à l'hiver, fumant et salant les charcuteries pour étaler leur consommation. Le droit d'affouage qui autorise à ramasser le bois mort et de glanage (les végétaux comestibles abandonnés dans les champs) complétaient cet usage. Ils se rétractent donc et présentent une requête dans laquelle ils espèrent qu’on voudrait bien leur accorder des reversales, acte d’assurance par lequel on reconnaîtrait leur droit de propriété et en assurerait l’exercice en leur permettant les coupes, le pâturage et la glandée à l’intérieur de l’enclos. 

L’écrit envoyé aux conseillers de la chambre des comptes de l’Evêché de Strasbourg est – encore - très respectueux, dans l’esprit de l’Ancien Régime : « Comme il n’y a rien dans la communauté qui puisse faire plaisir à son Altesse Eminentissime leur Seigneur qui ne doit avoir service, ils ne sont pas contraires à ce que l’ouvrage et la dite fermeture ne se fasse, comme elle est commencée, pourvu qu’ils soient assurés par un acte que le dit terrain leur appartient, qu’on ne soit pas intentionné de leur ôter aucun droit ni directement ni indirectement, qu’ils soient libres d’envoyer leurs bestiaux et notamment leurs chevaux et bêtes à cornes et de couper pour leur usage le bois qui est et sera par la suite sur leur terrain, comme aussi de jouir de la glandée, étant très parfaitement vos très humbles et très obéissants serviteurs et sujets ». Mais la contre-proposition de l’évêque n’accordait la pâture qu’aux chevaux seulement quelques jours par semaine et ce en dehors de la période de ponte des faisans, pas aux autres bêtes, et se fondait sur le bornage de 1718 pour les droits de propriété des taillis et broussailles (bois + glandée), pensant sans doute que le problème fut ainsi résolu. 

La communauté de Steinbourg ne s’en laisse pas compter et négocie un contrat d’échange avec le Grand Chapitre en 1733 qui stipule que la forêt du Hochwald située au nord du village et une partie de l’Espen à l’ouest appartenant à l’Evêché leur seront donnés en compensation des taillis devenus inaccessibles. Mais le droit d’enlever le bois blanc nécessaire au chauffage ou à la cuisson du pain qui croîtra dans la faisanderie leur sera refusé, et le document se réfère une nouvelle fois au bornage de 1718 pour le cas où la faisanderie serait un jour détruite ; dans ce cas le droit de pâturage leur reviendra automatiquement comme par le passé. Le cardinal de Rohan voulait faire subsister l’interdiction de la pâture à tout prix, pensant fort logiquement que le bois souffrirait du passage des habitants qui eux voulaient qu’un passage soit laissé libre aux troupeaux. Les termes de cet échange déplurent aux habitants qui ne l’acceptèrent pas tel quel. En effet, la glandée dans le bois d’Espen appartenait déjà à St Jean et l’aliénation du droit de pâture dans la Faisanderie n’avait pas été pris en compte dans l’expertise (l’Evêché estimant que cela était compensé par la plus-value du Hochwald), or c’est là-dessus que les habitants attachaient la plus grande importance. 

Finalement on en resta là ; la palissade devint muret de 9 pieds de hauteur sur 8 kilomètres, les Steinbourgeois auront le droit de couper du bois dans le parc de la Faisanderie une fois l’an et en useront, mais durent toujours demander par écrit qu’on leur ouvre les portes ; ce droit leur était consenti pour quelques jours seulement, ce qui ne pouvait que provoquer des dissensions futures. A cette époque les besoins de la population croissent à mesure que celle-ci augmente : de 1729 à 1790, la consommation de bois en Alsace aura crue de 400 %, son prix également d’autant. Le problème est sérieux, en 1745 l’Etat met en place une véritable administration forestière, différente des autres forêts du royaume. Plus aucune coupe ne devait se faire sans l’autorisation écrite de l’Intendant. Même pour du bois de charpente, il fallait présenter le devis d’un charpentier assermenté. Afin d’éviter de continuelles discussions avec Steinbourg, l’Evêché propose en 1745 de procéder à un échange.

Seconde étape en 1747

A cette époque 293,6 arpents appartenaient à la communauté tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des palissades. L’Evêché propose en échange :

Hochwald 92 arpents, 34 perches (au nord du village)

Espen 42 arpents, 27 perches (à l’ouest)

Monsau 141 arpents, 41 perches (attenante au ban de Dettwiller au sud-est)

Au total 276,2 arpents « avec cette prétendue différence que chacun des arpents cédés eu égard au sol et à la superficie est égal au double et même au triple de chacun de ceux cédés par la communauté qui ne sont que broussailles et mauvais taillis ».

On nommera des experts indépendants le 20.09.1747 qui se rendront sur place le 27.09. et dresseront un procès-verbal. Ce procès-verbal d’expertise ne parle plus que d’une valeur d’une fois et demie supérieure en ce qui concerne le Hochwald seulement par rapport à la Faisanderie (nuance importante : « que s’il n’y avait quelques places raides, l’arpent en vaudrait bien deux de ceux de la Faisanderie »). Le 20 novembre six députés de Steinbourg viennent se plaindre auprès du cardinal : Peter Brucker, Jean Diss, Jean Minni, Joseph Müller, Lanz Joseph et Nicolas Kimmenau. Ils prétendront :

1. que l’Espen sans droit de prendre le bois n’est d’aucune valeur (l'Evêché avait déjà conclu un traité en 1741 avec St Jean Eckartswiller pour le droit de glandée exclusif) 

2. qu’ils tirent le double de profit de la Faisanderie puisqu’ils peuvent y faire pâturer leurs bêtes et que cela n’avait pas été compris dans l’évaluation

3. enfin, Steinbourg fait faire des plans prouvant que l’arpentage du 20.09. est fautif et que le terrain de la Faisanderie surpasse celui du Hochwald 

Le ton de la requête est encore très respectueux. La formule de politesse suivante termine une des lettres : « ils (les habitants) offrent la vie et leur obéissance comme des fidèles sujets qui vous réclament pour leur père et ne cesseront de prier le Seigneur pour la Conservation de Votre Altesse Sérénissime et Eminentissime ». Devant ce second refus, l’Evêché reprend la jouissance du Hochwald. Il semblerait par contre, mais les textes ne sont pas clairs là-dessus, que les glandées du Hochwald et de la forêt de Monsau furent accordées aux Steinbourgeois selon l’ancienne coutume féodale.

L'affaire rebondit vers 1763 

Quinze ans plus tard rien n’est réglé, témoin cette correspondance à Messieurs le Président et Conseillers de la Chambre des Comptes de l’Evêché de Strasbourg :

« suppléant (c’est le greffier qui retranscrit en français) très humblement le bourgmestre et l’échevin de la communauté de Steinbourg, disant :

qu’ayant acquiescé en 1730 à la fermeture et l’enclavement d’une partie de leur forêt communale dans la faisanderie de son Altesse Eminentissime, ce n’a été que sous la condition expresse qu’ils continueraient à y jouir comme du passé de tous leurs droits d’usage et que la pâture de bétail ne leur serait pas interdite. C’est sous la foi de la même clause aussi qu’ils ont vu d’un œil fort tranquille l’extension qui a été donnée depuis au même parc et ils y acquiesceraient encore si la dite clause était exécutée comme elle devrait l’être en leur faveur. Le greffier donne son avis : « Il nous est connu, Messieurs, que le nombre des habitants de Steinbourg s’était augmenté de près de la moitié, celui de leurs bestiaux l’a été pour le moins d’autant depuis 1730, ainsi il est de la plus grande conséquence pour eux de rentrer au plus tôt dans la jouissance de leurs droits. Les suppliants connaissent trop la bonté et la bienfaisance de son Altesse Eminentissime pour oser douter de la justice qu’elle daignera leur rendre dans le moment ou vous lui aurez rendu compte de la nécessité urgente des suppliants à en demander l’exercice ». 

Sur demande du cardinal on procède à un nouvel arpentage :

bois appartenant à Steinbourg : 295,55

bois appartenant à l’Evêché : Monsau 147,35 (au lieu des 141,4 précédents)

            Hochwald 92,34 

            Espen 42,27

            Total 281,96 dont 9 de routes. 

C’est moins en superficie mais l’Evêché prétend que ses bois valent un tiers de plus ! A la même époque il semblerait que quatre habitants aient pris du bois dans la faisanderie sans permission dont deux tonneliers mandatés par la commune. L’un d’entre eux sera mis en prison pour l’exemple, ce qui occasionnera des troubles. 

Les habitants de Steinbourg portent dès lors l’affaire devant le Conseil du Roi. On trouve dans le dossier cette réponse du Duc de Choiseul au cardinal de Rohan datée du 20 août 1764 : « le Roi a jugé qu’en de pareilles circonstances il fallait qu’un subdélégué de Strasbourg se transportât à Saverne pour entendre les raisons d’opposition que prétend avoir la communauté dont il s’agit et pour l’amener à donner volontairement les mains à l’échange. Si les voies de persuasion qu’il emploiera ne suffisent pas, il dressera procès-verbal des raisons d’opposition et de manière ou d’autre le Roi statuera. Seule une voie régulière peut assurer à votre Eminence une décision solide et sans retour. » Le 7 septembre 1764 les Steinbourgeois présentent au Roi un mémoire récapitulant leurs griefs et font donc monter la pression. Le 10 janvier 1765, le Duc de Choiseul écrit au cardinal de Rohan : « J’aurais bien désiré procurer à Votre Eminence une décision définitive sur l’échange qu’elle veut faire avec les habitants de Steinbourg mais au moment où j’allais en rendre compte au Roi, ces habitants ont présenté un mémoire dont je n’ai pas pu me dispenser de dire un mot au Conseil. Sa Majesté, avant de statuer sur le fond, a jugé devoir ordonner la communication de ce mémoire à N.E. C’est ce que j’exécute en le joignant à cette lettre, et lorsque Votre Eminence me l’aura renvoyé avec la réponse qu’elle croira devoir y faire, je ne manquerai pas de mettre cette affaire sous les yeux du Roi ».

La réponse du Cardinal est un modèle du genre. On y trouve certaines mentions difficilement concevables aujourd’hui comme par exemple la phrase : « protecteur né des habitants des communautés qui lui appartiennent, il n’est occupé que du désir de contribuer à leur bonheur et leur avantage ; les grâces qu’il leur fait tous les jours sembleraient devoir le mettre à l’abri des reproches indécents qu’ils osent lui faire ». Le Cardinal de Rohan-Guémenée en place depuis 1756 prétend que les Steinbourgeois doivent accepter l’échange car :

Sur ce dernier point le Duc de Choiseul répond au cardinal le 26 juin 1765 :

« Je ne dois pas laisser ignorer à Votre Eminence qu’elle a été la décision du Roi sur l’affaire relative à la Communauté de Steinbourg. Sa Majesté qui jusqu’à présent a trouvé bon qu’on fit usage de moyens de persuasion pour l’amener à cet échange, n’a pas jugé devoir employer son autorité pour les y contraindre».

Le 12 août 1767 les Steinbourgeois constatent que près du 1/3 de la forêt de Monsau avait été coupée ; interdiction fut faite au bétail d’y entrer tant que la forêt ne serait pas reconstituée. Les habitants demandent dès lors « indemnisation des pertes et dommages qui en résultent étant longtemps frustrés de leurs droits. Ils s’opposent fermement à toute coupe ultérieure sinon ils se pourvoiraient contre le cardinal par devant Messeigneurs du Conseil souverain d’Alsace ». Le ton a bien changé. Le 17 août 1767 : nouvelle requête des Steinbourgeois au cardinal, cette fois en des termes peu amènes : «les requérants viennent d’apprendre avec surprise que son Altesse a décidé de faire clore avec un mur la partie du jardin aux faisans qui leur appartient en toute propriété contrairement à la transaction passée le 7 avril 1730 avec feu Monsieur le cardinal Louis de Rohan d’heureuse mémoire. Ils s’opposent fermement à la clôture par la présente, au cas contraire ils le poursuivraient par-devant le juge compétent pour être maintenus dans leur droit et de faire condamner son Altesse en tous frais et dépens, dommages et intérêts ». L’Evêque fait une nouvelle proposition : la Monsau et l’Espen évalués à 209,12 arpents (il n’est plus fait mention du Hochwald) mais sans droit de pâturage contre 206,41 arpents (dont 164,4 enclos depuis 40 ans). On remarque qu’il y avait vraiment incompréhension de la situation, puisqu’on leur retirait par là la chose à laquelle ils tenaient le plus et qu’ils n’ont cessé de brandir : le droit de pâture.

Le 4 août 1777 comparaissent à nouveau devant la Chambre des Comptes Georges HALTER, bourgmestre, Joseph LAURENT, curé et Georges GRUSS, juré, qui réclament « qu’en diminution de la pâture occasionnée par la clôture de la grande faisanderie, il plaise à la chambre de permettre à la communauté d’envoyer en tout temps et sans gêne leurs troupeaux pâturer dans la petite faisanderie ». Ce sera chose faite lorsque, profitant de l’effacement des autorités au début de la Révolution, la commune rétablira de fait le droit de parcours et de coupe des arbres. Une loi du 12 fructidor an II (29 août 1794) confirmant plus tard qu'il est permis à tous particuliers d'aller ramasser les glands, les faînes et autres fruits sauvages dans les forêts et les bois appartenant à la nation. et que les troupeaux de porcs peuvent  être introduits à partir  du 10 brumaire (31 octobre). 

Postface de l'auteur. 

Cette affaire met en relief une liberté méconnue. Pour nos ancêtres miséreux, ramasser glands et faînes ou conduire les cochons en forêt était une question de survie. Ils pouvaient en nourrir les cochons et ainsi, une fois l'an, tuer ce garde-manger sur pattes pour bénéficier de ses apports protéiques, boudin, jambon, saucisses, etc... qui leur permettaient de franchir l'hiver. De notoriété publique les cochons nourris aux glands sont plus gras, plus savoureux, que les verrats qui ont dû se repaître des ordures de la communauté.  Tâche peu fatigante au regard du reste, c'est de là que vient l'expression "glander". Le droit de glandage est une exception ancienne du droit de propriété, tout comme l'affouage qui autorisait le ramassage du bois mort en forêt, et le glanage, celui de végétaux comestibles dans les champs. Ce sont nos plus anciennes libertés, d'avant le droit écrit romain. Des générations de pauvres ont survécu grâce à ces libertés car seuls les nobles avaient le droit de chasser avant la Révolution. Les Révolutionnaires graveront cette loi dans le marbre le 29 août 1794, tout en le restreignant aux forêts domaniales, excluant les propriétés privées. En 1827 la loi sera abrogée lors de la rédaction du code forestier. On avait besoin de bois pendant la Révolution industrielle et on voulait dissuader les gens d'errer sous les futaies. Le code forestier fut remanié en 2012, en partie pour restreindre la cueillette des champignons. Dans les forêts publiques cette autorisation se limite désormais à un volume maximal de 5 litres, et sur les terrains communaux c'est un droit acquis, pour les contribuables de la commune uniquement, et à condition de ne pas en faire commerce.

Le XVIIIème siècle avait été dominé par la reconstruction économique. Les cultures remises sur pied, le village grandit à l'abri du danger. Jusqu'à la Révolution où il redevient brièvement le théâtre d'un affrontement militaire. En octobre 1793, une dernière bataille décisive pour désenclaver Saverne se déroule sur le sol de Steinbourg entre les armées de la Révolution et celle des Princes allemands appuyés de nombreux émigrés (bataille à laquelle participe Delenne cité plus haut). Les troupes autrichiennes du général Hotze occupent Steinbourg à partir du 20 et lancent une grande offensive vers St Jean le 22 en vue de couper l'Armée du Rhin dont l'aile gauche s'appuie sur Saverne, de celle de Moselle. Le 23 le général Ferrino rassemble dans le parc du château de Saverne attaqué trois bataillons entrain de se débander et fait jurer aux soldats de ne pas reculer. Les renforts arrivent entretemps par le col de Saverne et les Français contre-attaquent baïonnette en avant. Les Autrichiens sont repoussés au-delà de la Zorn jusqu'au cimetière de Steinbourg où étaient placés une douzaine de batteries qui arrêteront la charge des Français en fin d'après-midi. La bataille d’artillerie du cimetière durera jusqu'au 24 lorsque six bataillons du général Burcy arrivent à la rescousse. Les Impériaux, défaits, retraitent vers Bouxwiller et prennent leurs quartiers sur les bords de la Moder et de la Zinsel, ils seront chassés définitivement d'Alsace (bataille du Geisberg à Wissembourg) fin décembre.

La période de transition post-révolutionnaire ne semble pas profiter aux habitants. Des délits forestiers mettent régulièrement aux prises la population pauvre et l'administration forestière. Le 22 janvier 1838, les habitants de Steinbourg toujours aussi farouches, commettent des dévastations dans la forêt domaniale de la Faisanderie en voulant ramasser des feuilles mortes. Le sous-préfet Féburier, compatissant ("nous avons reconnu avec douleur que la misère des habitants de Steinbourg est extrême : sans feu, sans bois, sans moyens pour s'en procurer ils ont vu pour la plupart geler leurs provisions de pommes de terre, faute d'avoir été protégées contre le froid avec les feuilles mortes que l'administration forestière avait interdit d'enlever") s'emploie néanmoins à faire respecter la loi. 3 à 400 hommes armés de fourches et de bâtons s'opposeront plusieurs jours aux autorités appuyés par une cinquantaine de gens d'armes appelés en renfort. Une femme enceinte blessera à la tête le garde forestier avec un projectile. Les neufs principaux protagonistes seront condamnés à plusieurs mois de prison (tiré du livre "L'opposition politique à Strasbourg", de Ponteil, 1932). A la suite de quoi un Armenrat sera créé pour donner assistance aux pauvres. Les délibérations du conseil municipal de cette période font régulièrement état de soutiens financiers lors d'hospitalisation ou maladie de familles aux maigres ressources. 

En 1840 fut organisé le premier messti qui perdure toujours. En 1851 l'inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg avec la construction de la gare (détruite en 1995), suivie en 1853 du canal de la Marne au Rhin, impulsent une nouvelle dynamique et font de Steinbourg un pôle économique attractif révolutionnant les conditions de vie de nos ancêtres, enfin assurés d'une paye à la fin du mois. L'industrie, Goldenberg à Monswiller ou les usines de chaussures à Dettwiller, contribue à fixer les habitants. En 1853 l'installation de la première boucherie, Rang, plus tard Wollbrett, met fin au colportage de viande qui jusque là venait de Saverne. Marqué par sa démographie galopante (en 1801 on relèvera 744 habitants, puis 1039 en 1821, 1144 en 1836), les premières années du XIXème siècle ne sont pas faciles mais l'instruction se développe. En 1832, construction de l'école primaire, ce sont les soeurs de Saint Jean de Bassel qui s'occuperont de l'école des filles, dont soeur Laurentine Weber dont on reparlera. En 1844 l'école comptera 146 garçons et 84 filles. En 1848, ouverture d'une maternelle. Transmettre le savoir n'était pas bien rémunéré au XIXème siècle : le traitement de l'instituteur de l'école des garçons s'élève à 630 Francs en 1861 puis 700 en 1863, celui des 3 Soeurs enseignantes pour les filles, Soeur Laurentine, Colombe et Cléophée à 300 Francs chacune (elles ne seront pas augmentées). Le maire Charles de Mayerhoffen qui administre la communauté jusqu'en 1862 ne laisse pas filer les comptes, Steinbourg a un budget excédentaire de 3150 Frs en 1861 pour 26.492 Frs de recettes. Le maire Joseph, son successeur, géra de même très précautionneusement. L'instituteur recevra une gratification complémentaire de 140 Francs pour cours du soir adultes en 1869 et il est précisé dans le registre du Conseil municipal qu'il doit avec cela couvrir les frais d'éclairage et de lampe !

Vu l'explosion démographique se posent alors à nouveau le problème de l'église trop petite ainsi que du cimetière. Lors de la séance du conseil municipal du 10.02.1865 la lettre au préfet pour l'extension du cimetière finit ainsi : "ce serait avec un sentiment des plus pénibles et des plus douloureux que les habitants entreverraient la perspective d'être enterrés loin des tombes qu'ils sont habitués à visiter avec autant d'amour que de respect et ils espèrent que les générations successives qui ont vécu dans la même localité restent également réunies après la mort dans le même cimetière". L'attachement à leur terre natale y compris après la mort va bientôt se poser de manière dramatique.