« La Quête du Graal et l’initiation du Verseau » (conférence)

par François-Xavier Chaboche

Texte révisé en mars 2001, d’après les sténographies des conférences données à Carcassonne (1990), Lausanne (1994 et 1997), Marseille et Nice (1996). Les notes sont de 2012 et 2017. 

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Permettez-moi d’abord d’exprimer le plaisir que j’ai d’être ici pour nous rencontrer et pour parler ensemble d’un sujet sans doute parmi les plus importants et les plus sacrés que l’on puisse évoquer.

En effet, il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’origine de l’humanité et de son devenir. Naturellement, le sujet étant très dense, nous n’en aborderons que les grandes lignes. Et je compte sur vos questions, tout à l’heure, pour développer les aspects qui vous intéresseraient particulièrement. J’aimerais que nous puissions avoir ainsi un dialogue.

Comme l’indique le titre de cette soirée, « la Quête du Graal et l’initiation du Verseau », il y a deux aspects, deux axes que nous allons développer. La Quête du Graal appartenant à toute époque mais l’initiation du Verseau étant spécifique à l’époque actuelle.

Pourquoi la quête du Graal ?

Il ne s’agit pas pour nous ce soir de faire un exposé historique ou littéraire, ni d’exprimer une doctrine, mais d’avoir un partage, dans une compréhension qui doit dépasser la dimension simplement intellectuelle ou mentale, pour aller vers une perception plus intuitive, plus profonde, par laquelle on ressent en quoi nous sommes chacun personnellement concernés, impliqués, dans notre propre être. La compréhension intellectuelle est toujours superficielle. Il ne s’agit pas de refuser la connaissance intellectuelle, mais il s’agit de la relier à une conscience, à une expérience vécue.

C’est donc dans la dimension symbolique et initiatique de cette quête du Graal que nous allons essayer de pénétrer, et nous verrons également en quoi cette quête est particulièrement d’actualité.

Qu’est-ce que le Graal ? La Légende dit que le Graal est un vase dans lequel Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ sur la Croix. La tradition dit aussi que l’origine de cette coupe remonterait à la nuit des temps et aurait été taillée dans une émeraude que Lucifer, « le porteur de Lumière », avait à son front avant la chute.

Puis Joseph d’Arimathie aurait emporté en Gaule ce vase, ce « Graal », qui voyagea peut-être même en Grande-Bretagne, puis fut perdu, du moins apparemment. On en retrouve plus tard la trace, notamment dans les Pyrénées, à l’époque des Cathares et des Templiers.

La chevalerie de la Table ronde aurait été constituée autour du roi Arthur, et avec l’aide de la figure emblématique du druide Merlin, quelques siècles après le Christ, pour retrouver ce Graal perdu.

Naturellement, cette chevalerie de la Table ronde a une dimension mythique plus qu’historique et, quand nous parlons de mythe, cela n’a rien de péjoratif. Le « mythe », pour les philosophes, pour les psychologues aussi, est un moyen d’exprimer de façon imagée une réalité difficilement exprimable dans un langage de tous les jours, plus « terre à terre ».

Que symbolisait donc cette quête du Graal ? On peut percevoir une dimension religieuse, puisque la référence au Christ est tout à fait explicite, mais ce mythe peut être compris par des non-chrétiens, même par des incroyants, parce qu’il concerne une réalité profonde qui n’appartient à aucune religion, mais qui appartient à toute l’humanité et à toute époque.

On peut dire que la quête du Graal est la recherche d’un absolu auquel l’être humain aspire. Et nous verrons que cette quête nous amène à comprendre que cet absolu se situe dans l’être humain lui-même, même s’il n’en a pas encore conscience, et que c’est donc dans l’être humain que se trouve la réponse.

Pourquoi l’être humain chercherait-il un absolu ? Eh bien, le plus souvent, parce qu’il souffre et cherche une réponse à sa souffrance, soit tout simplement parce qu’il est insatisfait. C’est une caractéristique de l’être humain que de chercher à donner un sens à sa vie. Certains cherchent un absolu dans le plaisir, d’autres dans le pouvoir, d’autres encore dans la création sous toutes ses formes. Quelles que soient les aspirations des humains, ils cherchent toujours à « remplir » leur vie. Est-ce qu’ils y parviennent ? Cela est une autre histoire ...

On ne peut pas séparer l’homme de son habitat, de sa Demeure qui est la Terre. Chacun peut constater que nous vivons dans un monde où s’expriment les conflits violents, la misère, l’exclusion, la maladie, les souffrances de toutes natures et cela a été vrai dans tout temps de l’Histoire connue de l’humanité. Aujourd’hui, en raison des moyens de communications qui sont une caractéristique de notre époque, nous ne pouvons plus vivre dans notre tour d’ivoire, isolés du reste du monde, en essayant de nous ménager un petit bonheur personnel : nous sommes littéralement bombardés d’informations du monde entier, et ces informations sont peu réjouissantes. Certains le déplorent et préféreraient vivre dans l’ignorance, mais je crois que c’est une bonne chose parce que nous sommes obligés d’être conscients de ce qui se passe sur notre planète avec laquelle nous sommes nécessairement solidaires puisque nous y vivons. Et nous ne pouvons plus dire que ce sont les autres qui sont responsables. Chacun d’entre nous est responsable de l’état du monde.

Autre caractéristique de notre époque : une totale remise en cause des valeurs traditionnelles, qu’elles soient idéalistes ou matérialistes, aussi bien dans les sociétés dites développées que dans les sociétés dites en voie de développement[1]. Des bouleversements géopolitiques importants montrent que notre monde traverse une profonde mutation, mais avec des problèmes d’une telle envergure qu’on ne sait pas trop comment on y viendra à bout. Ce qui fait que même les nantis que nous sommes (la plupart d’entre nous) sont atteints par cette remise en cause. Cela se traduit souvent par la désillusion, le désarroi, l’angoisse, la peur du lendemain et parfois le désespoir...[2]

Quelques personnes se rendent compte que la course au bien-être matériel, la course au pouvoir, ne remplira jamais leur vie et qu’en plus cette course provoque de nombreux dégâts, aussi bien intérieurs qu’extérieurs. Et ces personnes dirigent donc leur recherche dans une autre direction. Elles comprennent que le bonheur auquel elles aspirent n’est pas de ce monde, parce qu’elles ont pris conscience qu’elles vivaient dans un monde où rien n’est stable, un monde où règnent la souffrance et la mort.

Par le fait même de ce constat, on peut se demander si la quête de l’absolu n’est pas une utopie totale, puisque cet absolu est introuvable dans ce monde. Jusqu’à présent, cet absolu semblait totalement inaccessible. Dans la légende du Graal, lorsque le chevalier au cœur pur, Galaad, arrive à conquérir le Graal, il regarde dans ce Graal, et il disparaît. Cela montre de façon imagée qu’il existait un abîme entre le monde de l’incarnation dans la matière et le monde spirituel de l’Absolu, et qu’il était impossible d’incarner la perfection dans ce monde. Nous verrons tout à l’heure qu’une des spécificités de l’Ère du Verseau est la possibilité pour chaque être humain de créer un pont entre ces deux mondes.

Beaucoup d’êtres se posent la question : existe-il autre chose que ce monde matériel ? Est-ce qu’il existe un monde spirituel, existe-t-il un Dieu, alors que s’Il existe Il semble se désintéresser totalement du sort des humains... Il y a une certaine difficulté pour l’être humain à reconnaître l’existence d’un monde spirituel.

Certains êtres croient pouvoir s’appuyer sur l’esprit scientifique pour nier a priori l’existence du surnaturel, ou d’un monde spirituel, ou de Dieu, mais cette attitude n’est pas scientifique puisqu’il s’agit là d’ « aprioris » philosophiques sur lesquels on ne peut pas fonder un raisonnement scientifique. La science doit se fonder sur l’expérience et non pas sur l’absence d’expérience. On ne peut pas nier l’existence de quelque chose que l’on n’a pas expérimenté...

De la même façon que des explorateurs, au cours des siècles, ont découvert sur la Terre des espaces inconnus, il y a également des voyageurs de l’esprit qui ont pu nous transmettre un témoignage selon lequel le monde spirituel est une réalité. Ces explorateurs ont parfois laissé un nom comme grand savant, prophète, comme grand voyant, ou comme saint. Et il ne s’agit plus là de religiosité intellectuelle ou émotionnelle, mais d’expérience vécue. La spiritualité ne peut pas être fondée sur une croyance, mais sur une conscience.

La première étape de ce qu’on appelle l’initiation est la découverte qu’il existe d’autres dimensions, d’autres mondes que celui dans lequel nous vivons et que nous connaissons avec nos cinq sens. C’est aussi la découverte qu’il y a une communication possible entre ces mondes, entre le monde visible et le monde invisible par une réceptivité intérieure, par un « sens » spirituel, un « toucher » spirituel. Mais cela n’est qu’une première étape.

L’initiation proprement dite, c’est la découverte de ce qu’on pourrait appeler notre être réel, ce que certains appellent le « JE SUIS ».

Qu’est-ce que ça veut dire « l’être réel » ? Pour certains, cette question n’a pas de sens puisque l’être est ce qu’ils peuvent voir, toucher, sentir uniquement avec les sens physiques.

D’autres sentent, au moins intuitivement, que l’être qu’ils ont en face des yeux lorsqu’ils se regardent dans la glace n’est pas tout à fait leur être réel, qu’il y a autre chose.

Il est difficile de parler de cet autre chose avec des mots, parce que les mots ont été forgés surtout pour parler du monde concret. Essayons d’aller au-delà des mots. Les mots sont des supports d’expression, ils n’ont pas d’importance en soi. Ce qui est important, c’est la réalité vibrante et vivante qui se cache derrière les mots, qui se cache aussi derrière les symboles et derrière les mythes.

Et même si l’on a quelque difficulté à l’accepter, essayons de le recevoir comme une « hypothèse », comme une possibilité qui mérite qu’on s’y attarde un peu.

Revenons à notre question : « Qu’est-ce que l’ “être réel” ? » Pour employer un langage qui est familier à nos cultures occidentales, le langage de la Bible, nous dirons que l’être réel, c’est l’ « Homme créé à l’image de Dieu ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Toutes les grandes traditions spirituelles dans le monde, et pas seulement la Bible, disent que l’être humain est d’essence divine, qu’il est fait de la substance même du Divin, le « Divin » étant l’un de nombreux noms donnés à cet Absolu que nous évoquions tout à l’heure.

Alors comment se fait-il que l’être humain n’ait pas conscience d’être divin, comment se fait-il qu’il ignore donc tout de ses potentialités divines ?

La Tradition nous explique que c’est le résultat d’un choix. Et nous allons faire une petite incursion dans le domaine de la Gnose.

La création de l’humanité est symbolisée, dans la Genèse, par la création d’Adam et Ève. Il est écrit que Dieu créa l’Homme (l’Humanité) à son image. « Homme et Femme il les créa », corps, âme et esprit, dès l’origine. Lorsque nous parlons d’Adam et Ève, comprenons qu’il ne s’agit pas d’un homme et d’une femme tels que nous les connaissons aujourd’hui. Ce sont des forces cosmiques, ce sont ce qu’on appelle des Archétypes, c’est-à-dire qu’ils sont produits par la pensée créatrice du Divin, et comme la pensée de Dieu ne peut être que parfaite, Adam et Ève ne pouvaient être que parfaits comme Dieu : ils étaient Dieu. Le sens même du paradis de l’Éden, c’est la vie dans la plénitude du Divin, dont, encore une fois, il est impossible de parler avec des mots.

La Tradition nous dit que ce qui distingue l’Homme de l’Ange, c’est que l’Homme a un corps. Et cela est très important. Il y a beaucoup d’êtres qui ont été créés par la pensée divine. Mais la caractéristique de l’Homme, c’est qu’il s’exprime à travers ce que les hindous appellent un « véhicule », et qui est le corps. Et cela est déjà vrai de l’Homme originel créé à l’image de Dieu, fait de la substance même de Dieu. C’est-à-dire que cet Homme, à l’image de la Trinité, est triple, avec son esprit, son âme et son corps, et cela même dès l’aube de la Création. Mais cet esprit, cette âme et ce corps sont totalement divins, vibrent en totale unité avec le Divin. Ils sont trois en Un, comme la Trinité est Trois en Un.

L’esprit est la dimension de la conscience, en particulier la conscience divine.

L’âme est la dimension de la conscience de l’Autre, donc de l’amour.

Le corps est la dimension de la conscience de la Vie, de l’expression, de la manifestation de la vie.[3]

Et ces trois dimensions de l’Homme, qui n’en font qu’une, indivisible, constituent ce que nous appellerons le Corps d’éternité qui comprend en lui les trois dimensions : corps, âme, esprit. On l’appelle aussi corps de Lumière. Il est à la fois le corps des origines et le corps de la Résurrection finale. Et dans ce corps d’éternité circule la substance même de la vie divine, que nous appellerons le sang-lumière. Et c’est ce sang-lumière, qui est le sang du Christ, qui est contenu dans la coupe du Graal.

Je pense qu’à ce point de l’exposé, vous ressentez que nous essayons de nous situer à un très haut niveau de conscience, ce qui n’est pas forcément facile. Il faut retenir que si Adam et Ève sont symboliquement les « parents » de toute l’Humanité, ils en sont d’abord l’Archétype, c’est-à-dire le Prototype, l’Image parfaite de l’Humanité telle que Dieu l’a conçue.

On a précisé que cet Homme fait de la substance même de Dieu n’est en réalité ni homme ni femme, dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Il est à la fois homme et femme dans le sens où il porte en lui-même les deux polarités, c’est-à-dire qu’il est Androgyne. Et c’est une notion qu’il faut retenir.

Lorsque la Bible dit que Dieu créa Ève à partir d’une côte d’Adam, il faut comprendre qu’il s’agit d’un « côté » d’Adam. C’est-à-dire qu’Ève est entièrement intégrée à Adam et Adam n’existe pas sans Ève. Ils sont un. Ils sont Deux en Un, dans ce que l’on pourrait décrire comme un amour absolu. Le Couple primordial, symbolisé par Adam et Ève, et que l’on appelle aussi l’Androgyne principiel, vivait dans l’unité totale de Dieu, ils étaient le prolongement même de Dieu dans sa Manifestation. Ils vivaient donc dans la Lumière, dans le bonheur parfait, dans l’extase parfaite.

Mais ils voulurent connaître autre chose que l’extase en Dieu. Ils voulurent faire l’expérience de la vie autonome.

C’est ce qui est symbolisé, dans la Genèse, par le fait qu’Adam et Ève voulurent goûter le fruit de la Connaissance – et la Connaissance, c’était ce que la Bible appelle de façon symbolique la « connaissance du bien et du mal », c’est-à-dire la connaissance de la différence qui existe entre la vie divine et la vie séparée du Divin. Ceci eut des conséquences très importantes.

Effectivement, c’est une expérience cruciale, car Adam et Ève auraient pu choisir de rester éternellement dans la béatitude, ce qui, d’une certaine façon était une forme de torpeur bienheureuse, une forme d’inconscience. Ils voulurent, à l’image de Dieu, devenir à leur tour des créateurs. Ils voulurent enrichir leur conscience – et, d’une certaine façon, enrichir la conscience du Divin – en faisant l’expérience de la séparation, en projetant de revenir ensuite à l’unité, comme après un long voyage dans les univers qu’ils créèrent eux-mêmes. Et cela semble avoir été voulu dans la pensée divine créatrice. Il est très important de savoir que ce que l’on appelle la chute – et à laquelle on donne une connotation très négative – est en réalité voulue et acceptée par Dieu, et elle est accompagnée de la Promesse du Retour.

Seulement, à partir du moment où l’Homme et la Femme vécurent séparés de leur Source, séparés de la Lumière, ils oublièrent peu à peu cette Source, ils perdirent de vue la Lumière pour s’enfoncer progressivement dans un univers d’énergies lourdes que l’on appelle la matière. S’il y a un péché originel, ce n’est pas la descente dans la matière, que l’on appelle improprement la « chute », mais c’est l’oubli de la Source.

Alors que s’est-il produit lorsque l’Humanité archétypale, lorsque l’Adam primordial, ou lorsque l’être androgyne que nous appelons Adam et Ève, a décidé de choisir le chemin de la séparation ?

La première conséquence fut la séparation des pôles : Adam et Ève devinrent deux êtres distincts. C’est ce qu’évoque la Bible lorsqu’elle dit : « ils virent qu’ils étaient nus ». Adam et Ève, depuis lors, à travers toute l’humanité, se cherchèrent, cherchèrent leur unité, dans une quête sans fin.

Ensuite ils créèrent des enfants – non plus à l’image de Dieu, mais à l’image de l’homme vivant en dehors de Dieu ... (c’est-à-dire vivre en dehors de sa conscience, puisque Dieu étant Tout et en Tout, on ne peut pas à proprement parler vivre en dehors de Lui).

L’Humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui, dans sa multiplicité et dans ses divisions (à l’origine de tous les conflits, voir Abel et Caïn), est née symboliquement de la décision d’Adam et Ève de faire l’expérience de la séparation au lieu de rester dans la conscience de l’unité.

On voit ici l’importance de l’énergie sexuelle, qui est issue de la séparation de l’Androgyne, et qui est une énergie qu’il faut resituer dans sa dimension cosmique parce que, après avoir été le moteur de la procréation, donc de la dispersion de l’humanité, elle peut être le moteur de la réunification de l’humanité par le retour au Divin[4].

Autre conséquence : l’âme s’« involua », c’est-à-dire qu’au lieu de rester « l’âme vierge qui ne connaît que Dieu et que Dieu regarde », elle s’est investie dans l’expérience émotionnelle et dans l’expérience sensorielle, dans ce qu’on appelle l’aventure de la conscience, l’aventure d’une connaissance acquise par l’expérience vécue (connaissance qui, à la longue, devrait redevenir conscience). C’est donc la naissance de ce que nous appelons le psychisme (qui comprend aussi bien la vie émotionnelle que la vie mentale), mais c’est aussi les prémices de la perte de conscience. Ainsi, avec la recherche éperdue d’expériences toujours insatisfaisantes, le psychisme se réincarne de corps en corps dans une ronde sans fin.

En effet, une autre conséquence de la Chute fut la densification des corps qui d’immortels, devinrent mortels. De même que l’âme involua (« descendit ») dans le psychisme, le corps de lumière s’involua (« descendit ») dans des dimensions vibratoires de plus en plus denses, de plus en plus lourdes, et c’est ce qui donnera naissance non seulement au corps physique proprement dit, tel que nous le connaissons, mais d’abord aux différents corps subtils que sont [entre autres] les corps énergétique, sensitif, émotionnel, intellectuel, auxquels les traditions donnent différents noms – corps éthérique, corps astral, par exemple. Nous n’allons pas entrer ici dans ce vocabulaire, car les enseignements qui sont donnés à ce sujet sont très divers et emploient chacun un vocabulaire différent, et nous risquerions d’entrer dans des querelles d’écoles, ce qui n’est pas notre objectif.

Lorsque la Bible dit qu’Adam et Ève revêtirent des « peaux de bête », cela signifie qu’ils revêtirent des corps plus proches du corps animal que du corps lumière. Ils perdirent le contact conscient avec le sang-lumière, et continuèrent à vivre par un sang animal.

Malgré tout, l’être humain a gardé ses corps de lumière, mais ces corps vivent dans le plan de la Lumière dont nous avons perdu la conscience, et c’est pourquoi l’être humain croit en être séparé. Les corps de Lumière sont présents en l’Homme, ils sont la Présence de Dieu en l’Homme. Et il peut notamment avoir accès à ses corps de lumière par l’intermédiaire de ce que nous appelons les centres de force en l’homme, que les Hindous appellent les chakras (comme le plexus solaire), qui sont comme des portes, des sas, vers les plans subtils et vers les plans spirituels. Ils sont situés le long de la colonne vertébrale, depuis la base de la colonne jusqu’au sommet du crâne. Symboliquement, les principaux centres de force sont au nombre de sept, comme les sept sceaux de l’Apocalypse. Ce sont des portes ouvertes vers la Lumière. Une grande partie du travail initiatique concerne ces centres de force et, précisément, la descente de la lumière, à travers ces centres[5], dans le corps physique, pour réaliser la transformation de la matière en Esprit.

Une autre conséquence de l’involution d’Adam et Ève fut d’entraîner avec eux la planète divine qui leur avait été donnée comme Demeure, et qui devint la Terre.

Nous parlons de la Terre parce qu’elle est notre planète, mais l’Humanité multiple a pu habiter de nombreuses autres terres, et le même processus a pu se produire ailleurs dans l’univers.

La Terre-Mère – qui est un être vivant, avec son esprit, son âme et son corps ­– a donc suivi l’humanité dans sa « chute », dans le sens où elle a perdu son statut de planète divine, de planète purement lumineuse, qu’elle avait lors de sa création. C’est pourquoi, lorsque l’on parle de sauver la Terre (notamment dans le discours écologique), il ne s’agit pas seulement de vouloir la sauver d’un désastre physique – ­ce qui serait une vision limitée des choses –, mais il s’agit de faire en sorte que la Terre puisse accomplir sa destinée spirituelle.

La Terre n’est pas responsable de sa chute. C’est l’homme qui est responsable de sa propre chute et qui est responsable de l’involution de la Terre. L’Humanité est donc totalement solidaire de la Terre. Elle est responsable de la Terre.

D’ailleurs le corps physique est fait de la substance de la Terre. C’est ce dont parle la Bible en évoquant le limon qu’anime le souffle de Dieu. Car le souffle de Dieu est présent dans toute vie.

Malgré sa perte de conscience, l’Homme reste fait de la substance même de Dieu, et la matière elle-même resté le grand corps du Divin. Même si la conscience de l’Homme est voilée, il reste divin. Et comment en serait-il autrement ? Puisqu’en dehors de Dieu, il n’y a rien.

Il faut comprendre que tout ce dont nous parlons, sous la forme des symboles et du mythe biblique, se passe en réalité à l’intérieur de nous-mêmes. Nous sommes nous-mêmes cet Adam et cette Ève. Et toute l’aventure cosmique de l’Homme, c’est notre aventure personnelle, à chacun d’entre nous. Et, à la fois dans la plus grande profondeur, et dans la plus haute pointe de notre être, nous portons, en chacun de nous, l’androgyne lumineux des origines, nous portons Adam et Ève d’avant la chute. Et c’est parce que nous portons cette réalité en nous que nous cherchons à retrouver cette unité à travers les polarités, par la recherche d’un être complémentaire.

Donc, malgré notre perte de conscience, nous avons en nous la Présence du Divin. Et malgré son involution, la matière porte en elle la Lumière. C’est cela notre réalité profonde. C’est cela notre « être réel » que nous évoquions tout à l’heure. Et c’est cela que l’initiation peut nous faire redécouvrir et vivre.

Alors, me direz-vous, si telle est notre réalité, si nous sommes Lumière, pourquoi ne le manifestons-nous pas ? Eh d’autres termes, qu’est-ce qui nous empêche de devenir ce que nous sommes ?

Chacun de nous peut constater qu’il est un champ de bataille. Parce que nos aspirations sont multiples et parfois contradictoires. Nous pouvons avoir en nous un désir de nous « élever » vers le Divin et en même temps sentir des résistances, que ce soit dans notre psychisme ou dans notre corps physique où sont inscrits des conditionnements tels que l’hérédité, l’éducation, l’imprégnation de toutes les impressions que nous avons reçue dans notre vie – aussi bien les impressions agréables que les souffrances, les frustrations, les chocs et les traumatismes. Tout cela constitue ce qu’on appelle la personnalité ou l’égo, l’égo pris ici dans son sens de « petit moi ». L’intérêt du psychisme et l’intérêt du corps n’est pas d’aller vers l’esprit, mais de continuer à vivre par eux-mêmes, pour continuer à jouir de l’existence, sans se préoccuper du reste... Le psychisme et le corps ont, profondément inscrits en eux, l’instinct de survie. Aller vers l’Esprit, c’est programmer la disparition du psychisme et la transformation du corps.

Nous sommes donc un champ de bataille, entre la conscience et la non-conscience, entre la lumière et l’absence de lumière. L’ « absence de lumière », c’est ce qu’on appelle les Ténèbres, qui n’ont pas d’existence en soi mais qui se manifestent par notre propre vécu dans l’inconscience ...

Lorsque l’on demande pourquoi il y a tant de malheurs, tant de souffrances sur la Terre, et qu’on a tendance, peut-être, à en rendre responsable Dieu lui-même, ou une entité ténébreuse ennemie de Dieu, il ne faut pas oublier que les ténèbres, à l’origine de ces souffrances, sont le résultat d’un choix de non-conscience, un choix de non-amour, que nous avons fait nous-mêmes. Nous sommes les créateurs de nos propres malheurs et de nos propres ténèbres.

Si les ténèbres n’ont pas d’existence en soi, avec le temps elles ont pris une certaine autonomie énergétique, et même une certaine autonomie de conscience, ou plutôt, d’anticonscience. D’où l’âpreté de la lutte, car les ténèbres ne veulent absolument pas abdiquer devant la lumière.

Et pourtant la Lumière est la seule réalité. Et les êtres qui croient se battre pour la lumière en luttant contre des ténèbres considérées comme une force extérieure à eux-mêmes, ceux-là se trompent de combat. Car le combat dont nous parlons est totalement intérieur. C’est un combat qui consiste à rechercher, coûte que coûte la Lumière en soi. C’est cela la quête du Graal.

La quête du Graal est éternelle, mais elle prend un relief tout particulier aujourd’hui, à l’aube de l’ère du Verseau.

Le Verseau, chacun le sait, c’est l’ère nouvelle qui commence et qui fait suite à l’ère des Poissons que l’on appelle aussi l’ère chrétienne. Nous n’entrerons pas dans une discussion pour savoir à quelle date on entre exactement dans l’ère du Verseau. Cela n’a strictement aucune importance. Le passage d’une ère à l’autre se fait de toute façon avec des transitions, comme le passage entre la nuit et le jour... Bien sûr, entre la nuit et le jour, il y a un moment précis où le soleil apparaît. De même dans la vie de chacun d’entre nous, il peut y avoir un moment précis où se dévoile le Soleil spirituel. Mais ce n’est pas une question de date, c’est une question d’expérience intérieure, de « vécu ».

Vous savez que le Verseau est symbolisé par un être qui verse une onde à partir d’un vase qu’il tient dans les bras.

Cette onde, cette « eau vive » du Verseau, c’est l’univers vibratoire auquel de plus en plus d’êtres sont sensibles et auquel de plus en plus d’enseignements font référence, mais c’est surtout ce que nous appelons la descente du Saint-Esprit sur la Terre, c’est-à-dire la rencontre de la Terre avec un plan vibratoire beaucoup plus élevé, qui est ce que nous appelons le plan des Hiérarchies de la Lumière ou le plan des Maîtres, ce qui a évidemment pour effet d’attiser les luttes dont nous avons parlé.

Les Hiérarchies de la Lumière sont d’une part les êtres qui n’ont jamais quitté le monde divin (tels que les anges), et d’autre part, les êtres qui nous ont précédés sur le chemin de l’involution et de l’évolution, et qui, ayant accompli leur périple, sont déjà retournés au Divin mais qui, par amour, restent solidaires de l’humanité incarnée et souffrante et la dirige vers une évolution plus haute (voie christique en Occident, ou voie des Bodhisattvas en Orient).

Ce que souhaitent les Hiérarchies de la Lumière, aujourd’hui, et qu’elles ont manifesté à travers de nombreux enseignements, c’est la transformation réelle de la Planète et de l’Humanité, pour leur rendre leur dimension lumineuse, leur dimension divine qu’elles auraient pu ne jamais quitter mais qu’elles doivent, de toute façon, retrouver.

Pourquoi avons-nous dit que la Coupe du Graal contient le sang-lumière ? La légende dit que c’est le sang du Christ.

Or, précisément, Jésus le Christ, il y a deux mille ans, a fait en quelque sorte la démonstration que l’Homme est le Fils de Dieu, que l’Homme porte Dieu en lui-même et que, par conséquent, il peut vaincre ses ténèbres, il peut vaincre la souffrance et la mort en retrouvant la Lumière qui est au cœur même de la matière et en rendant au corps physique sa gloire de Corps de Lumière, de Corps d’Éternité, qui prend alors le nom de corps de Résurrection.

L’essentiel de l’enseignement du Christ est contenu dans sa vie même qui symbolise l’œuvre alchimique de Transformation de l’homme-animal en homme divin. Il a manifesté la seule force au monde qui peut vaincre la souffrance et la mort, qui peut transformer la condition humaine sur la terre en condition divine. Et cette force s’appelle l’Amour, mais pas n’importe quel amour : ce n’est pas l’amour sentimental, c’est l’amour-force, l’amour total, l’amour qui transforme.

Jésus le Christ ne s’est pas contenté d’affronter la souffrance et la mort. Les Écritures disent qu’après sa mort, Il est descendu jusqu’aux Enfers. Qu’est-ce que les Enfers ? C’est un plan vibratoire, un plan d’existence dans lequel vivent les âmes qui se sont tellement éloignées de la Lumière qu’elles s’imaginent que celle-ci n’existe plus. C’est ce qu’on appelle, dans le langage religieux, les âmes damnées. Jésus le Christ est descendu aux Enfers, avant la Résurrection, pour apporter aux soi-disant damnés la promesse d’une délivrance.

Mais il faut comprendre que les enfers sont d’abord en nous-mêmes, et c’est à nos propres révoltes, à nos propres désespoirs, à nos propres refus, en un mot à toutes les énergies négatives que nous entretenons en nous-mêmes que nous devons apporter la promesse d’une délivrance. Et seule la profondeur de cet amour incommensurable du Christ qui intègre en lui jusqu’aux ténèbres a pu donner l’énergie nécessaire à la Résurrection du corps.

Jésus le Christ a ouvert ce qu’on appelle un canal : il a invité toute l’humanité à le suivre en indiquant : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. « Mais il n’a pas été compris. L’humanité de son époque, et l’humanité qui a suivi pendant deux mille ans, n’a pas compris que Jésus le Christ avait montré un chemin. Beaucoup de chrétiens ont cru que Jésus les avait sauvés une fois pour toutes et ils se sont contenté de l’adorer comme Dieu, en oubliant totalement de mettre en pratique son enseignement, c’est-à-dire de suivre son exemple.

Mais il était venu comme précurseur, comme pionnier. Et l’Ère du Verseau permet, grâce à l’aide de la descente du Saint-Esprit, grâce à l’aide des Hiérarchies de la Lumière, de mettre enfin en pratique le chemin indiqué par le Christ.

Comme le Christ, nous devons faire ce travail de transformation dans l’incarnation, et sans fuir nos enfers intérieurs. C’est-à-dire qu’il ne s’agit plus, comme dans beaucoup d’initiations anciennes ou certaines initiations orientales, d’aller chercher la lumière en dehors de la matière et en dehors du corps physique, mais au contraire, de rechercher la Lumière là où elle est aussi : au cœur de la matière et au plus profond des cellules du corps physique. Cela passe notamment par la transformation et la sacralisation de l’énergie sexuelle, c’est-à-dire en lui redonnant sa dimension divine.

C’est aller chercher aussi la lumière jusque dans la non-conscience, jusque dans le non-amour, puisque la racine de tout, c’est la Lumière, c’est la conscience, c’est l’amour.

En d’autres termes, c’est la conscience de l’Unité de toutes choses, unité de l’esprit et de la matière, unité des ténèbres et de la lumière, unité de la terre et du Ciel, unité des êtres humains apparemment dispersés, dans la conscience d’appartenir à l’Humanité une, qui est l’Homme créé à l’image de Dieu.

La seule maladie de l’homme, qui est à l’origine de toutes les souffrances, de la décrépitude et de la mort, c’est la séparation. Cette maladie ne peut être guérie que par la conscience de l’Unité.

On peut même aller plus loin en s’aventurant dans le monde de la thérapeutique en disant qu’aucune maladie ne résiste à la conscience de l’unité. Il existe même une approche de la guérison par un travail sur l’éveil de la conscience des cellules du corps. C’est une approche qui d’ailleurs est familière à ceux qui ont approfondi les enseignements de Sri Aurobindo, de Mère et de Satprem, et que l’on peut appliquer au quotidien.

Certains enseignements disent, à juste titre, qu’il faut mettre la conscience dans la matière. On peut aller plus loin en disant qu’il faut découvrir la conscience qui se trouve déjà dans la matière. L’esprit est au cœur de la matière.

On s’aperçoit alors que le monde spirituel, que le Divin, ne sont pas extérieurs, mais intérieurs, pas seulement dans l’âme, mais aussi dans le corps physique. Le monde spirituel est présent à la fois en nous et autour de nous. Si, dans la Légende, le chevalier au cœur pur, Galaad, ne peut pas rester dans son corps après avoir contemplé le Graal, aujourd’hui, à l’Ère du verseau, le Graal peut s’incarner dans le corps.

C’est cela la nouveauté et la spécificité de l’initiation du Verseau. C’est que l’être tout entier, dans son incarnation, avec toutes ses facettes intérieures, doit devenir lui-même le réceptacle, le Graal, qui va recevoir le sang-lumière de la vie divine, c’est-à-dire, le sang du Christ – ce sang répandu qui a imprégné la Terre elle-même il y a deux mille ans.

Le Graal est bien ce vase qui a reçu en lui le sang du Christ rédempteur. Par l’alchimie de transformation, nous pouvons nous aussi devenir rédempteurs de l’Humanité et rédempteurs de la Terre, nous pouvons devenir ce que les alchimistes appellent des Pierres philosophales au contact desquelles tout se transforme en or, c’est-à-dire, symboliquement, en vibration solaire.

C’est aussi par la Résurrection que l’Humanité met fin à son périple dans l’involution de la matière, qu’elle met fin à son périple des multiples réincarnations, en retrouvant sa stature divine originelle.

Cette compréhension devrait mettre fin à une polémique suscitée notamment par les Églises qui refusent la notion de réincarnation en expliquant qu’elle est contradictoire avec la Résurrection. En réalité il s’agit de deux notions complètement différentes mais complémentaires, la réincarnation concernant l’involution et l’évolution de l’homme dans l’espace-temps, alors que la Résurrection concerne l’Accomplissement de l’Homme retrouvant sa Source en dehors de l’espace-temps[6].

Voilà ce que nous proposent aujourd’hui les Maîtres de Lumière.

Bien sûr, il s’agit d’un chemin, d’une direction à prendre. Tout ce travail alchimique de transformation intérieure ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut beaucoup de travail, beaucoup d’efforts (mais le but n’en vaut-il pas la peine ?). Avant de devenir soi-même un Graal vivant, il faut partir à la quête de sa propre réalité, c’est-à-dire devenir des chevaliers du Graal. Naturellement, on peut très bien partir à la quête de sa propre réalité sans porter une étiquette : ce ne sont pas les mots qui comptent; ce qui compte, c est la réalité qui est derrière les mots. Devenir chevalier du Graal, cela a un sens symbolique.

Alors comment doit-on procéder ? C’est la question qu’un certain nombre de personnes poseront, et qui demanderont aussi : peut-on travailler seul ou bien doit-on se joindre à d’autres pour suivre un enseignement ?

Il faut donc parler des chemins qui existent, et de la nécessité du discernement.

Une caractéristique de l’époque actuelle, et que vous avez pu constater, c’est le foisonnement des mouvements spirituels, initiatiques ou ésotériques, des enseignements très nombreux et divers qui sont proposés. Suscités sans doute par une vague de fond dans l’inconscient collectif qui pressent les mutations à venir, de nombreux canaux s’ouvrent, spécifiques à notre époque, permettant un accès plus direct et plus rapide à des sources autrefois cachées dans les sanctuaires de l’initiation.

Ce foisonnement témoigne de la vitalité de la recherche spirituelle. Il y a partout des êtres qui travaillent, et qui forment, dans l’invisible, un tissage, un tissage de bonnes volontés, un tissage de lumière.

Mais ce foisonnement fait ressortir également des ambiguïtés...[7]

Un des critères essentiels pour les êtres qui sont à la recherche d’un chemin spirituel, d’un chemin initiatique, d’un enseignement authentique : c’est l’intériorité. Si l’on vous propose un enseignement qui préconise la transformation intérieure, qui préconise la lucidité sur soi-même, qui préconise de travailler sur ses propres facettes d’ombre pour les rendre lumineuses, alors cet enseignement a de grandes chances d’être authentique.

En revanche, un enseignement qui promet un bien-être personnel, une valorisation personnelle, qui promet des pouvoirs, qui promet la réussite sur le plan matériel, est un enseignement douteux du point de vue de l’évolution.

Ou bien un enseignement qui vous dit : « croyez-nous sur parole », c’est aussi un enseignement discutable. Car l’enseignement authentique des Maîtres de Lumière dit, au contraire : « Ne nous croyez surtout pas sur parole, mais expérimentez ! »

Si nous expérimentons sur nous-même cette vérité que Dieu est en nous, que nous pouvons non seulement le sentir mais le manifester par tout notre être, alors nous ne pourrons plus avoir de doutes.

Là s’applique cette phrase de l’Évangile : « On reconnaît l’arbre à ses fruits. » Si quelqu’un vous dit : « Transformez-vous », et qu’il ne le fait pas lui-même, c’est un menteur ! Si quelqu’un vous dit : « Je vais vous faire trouver Dieu, je possède les clés du Royaume des cieux », mais qu’il exprime dans sa propre vie un monumental égo, vous devez vous méfier. Car l’égo est le grand ennemi de la Lumière. L’égo, c’est le Dragon noir des légendes, qui empêche l’accès au trésor, ce trésor qui est notre Graal intérieur.

Il y a un autre écueil, qui est lié à ce qu’on pourrait appeler l’orgueil spirituel. Non seulement les enseignements, les écoles, sont parfois en conflit entre elles, notamment pour s’assurer le contrôle du plus grand nombre d’adeptes, mais il y a aussi ce qu’on peut appeler une lutte d’idées-forces, en ce qui concerne la vision même du travail spirituel.

On pourrait croire que la grande lutte se situe entre la spiritualité et la matérialité. Il n’en est rien. Le vrai clivage se situe entre les doctrines qui opposent matière et esprit (ou bien qui nient l’existence de l’esprit, ou qui nient l’existence de la matière, ce qui revient à opposer esprit et matière) et qui, faisant cela, oblige les humains à vivre dans une conscience de séparation, et les doctrines qui affirment que la matière est spirituelle, ce qui ouvre la possibilité pour les humains de vivre dans une conscience d’unité.

Il y a beaucoup d’êtres pour qui le monde d’« En haut » et le monde d’« en bas » doivent soigneusement rester séparés et pour qui l’accès au monde d’ « En haut » ne peut se faire que pour quelques élus qui montrent « patte blanche ». Ils insistent beaucoup sur la nécessité d’être purs. Mais leur vision repose sur une conception de la pureté qui sépare les plans vibratoires, en rejetant les plans vibratoires qualifiés d’inférieurs. C’est une vision un peu égoïste et orgueilleuse de la spiritualité : mais l’égoïsme et l’orgueil sont-ils purs ? La vraie pureté consiste à transformer les vibrations dites « inférieures » et non pas à les rejeter.

Le spirituel ne doit pas être une évasion. Dans l’alchimie transformatrice, nous l’avons vu, nos profondeurs, nos enfers, nos ténèbres sont pris en compte pour être transformés, dans une conscience de l’unité de tous les plans, et aussi dans une conscience de la solidarité spirituelle entre tous les humains et entre les humains et les autres règnes de la Terre.

Il faut savoir que de nombreux êtres ont été appelés par la Lumière, de nombreux êtres ont été missionnés pour aider leurs frères en humanité à trouver cette Lumière. Mais, parmi ceux-là, beaucoup ont dévié dans leur mission, parce qu’ils ont perdu de vue l’essentiel, l’essentiel qui est la transformation intérieure et, surtout, en toute humilité, en commençant par soi-même. Souvent, ces êtres ont de réelles connaissances initiatiques, ils ont parfois de réels pouvoirs, mais justement, ces connaissances et ces pouvoirs ont pu quelquefois leur monter à la tête, comme on dit familièrement. Et il leur arrive de se prendre pour plus haut que le Bon Dieu ... Et au lieu d’aider les êtres à se réaliser, ils ont tendance à les manipuler à leur propre profit... Voilà qu’au lieu de servir la Lumière – car ils étaient appelés à servir – ils se mettent à se servir, voire à se faire servir ... C’est ainsi que naissent les sectes ...

Les connaissances, les pouvoirs ne prouvent rien du tout quant à l’authenticité d’un enseignement. Ils peuvent être des pièges, des tentations qui détournent de la Lumière.

Au Moyen Âge, les alchimistes donnaient à la Pierre philosophale le nom de Christ et ils donnaient à une pierre philosophale ratée le nom de Faux Prophète. Eh bien, de la même manière je dirais qu’un faux prophète, aujourd’hui – et il y en a malheureusement beaucoup –, c’est un être qui avait pour vocation de devenir un Christ mais qui a raté la construction de sa Pierre philosophale, c’est-à-dire qu’il n’a pas accompli lui-même l’alchimie de transformation. Cela explique pourquoi, parmi tous les enseignements qui sont proposés aujourd’hui, il y a parfois des choses très vraies, mélangées à des choses très douteuses.

Un certain nombre d’entre nous ont connu de ces êtres extraordinaires qui avaient pour seul défaut de ne pas supporter que l’on aille voir ailleurs : il fallait les reconnaître comme maître et leur rester dévoués, sinon, on était rejeté... Ce n’est pas ainsi que les Maîtres authentiques travaillent. La relation de maître à disciple, lorsqu’elle existe authentiquement, ne peut être qu’une relation libre de toute attache.

À moins d’être le Christ en personne, celui qui vous dit : « Suivez-moi et vous serez sauvés », celui-là est assurément un faux prophète. Celui qui dit : « Découvrez votre lumière intérieure, faites-lui confiance et suivez-là », celui-là nous met sur la bonne route.

C’est pourquoi, dans le choix d’une route, mais aussi dans le choix des compagnons de route, nous devons avoir un grand discernement, et ensuite une grande exigence. Nous devons notamment exiger de ceux qui prétendent nous enseigner qu’ils soient à la hauteur de leur enseignement. Ou bien qu’ils aient l’humilité de reconnaître qu’ils ne sont que des canaux et qu’ils ont encore eux-mêmes leur propre transformation à accomplir.

Sous l’influence du Saint-Esprit, et sous l’influence des effluves du Verseau, qui ne sont pas une métaphore mais une réalité vibratoire évidente et brûlante, on va assister à une grande transformation des mouvements spirituels. Les « gourous » vont disparaître, parce que chacun doit être un gourou pour soi-même, ou trouver le gourou en soi-même, et chacun peut devenir un gourou pour les autres, par son exemple et son rayonnement, mais en dehors de toute personnalisation, en dehors de tout culte de la personnalité.

Les groupes, les mouvements, les écoles initiatiques vont soit se spiritualiser dans une conscience de l’unité qui rend impossible tout sectarisme, soit disparaître : parce que là où les personnalités, les égos sont trop forts, le Saint-Esprit fera tout éclater[8].

C’est pourquoi la Chevalerie du Graal des temps modernes ne peut pas être une organisation humaine, mais elle est une chaîne de solidarité de tous les êtres dont la seule préoccupation, dont la détermination essentielle est le service de la Lumière. Qui que l’on soit, où que l’on soit, même dans la solitude, nous pouvons faire partie de cette chaîne de solidarité immense qui se déploie des plans visibles aux plans invisibles. Car dans les plans invisibles sont non seulement les Maîtres, mais aussi tous les êtres qui, avant nous, ont pris ce chemin du service et qui nous aident.

Comment devient-on des chevaliers du Graal des temps modernes ?

La première chose est de sentir l’appel en soi. Que l’âme ressente une irrésistible attraction envers sa Source et aspire à la retrouver.

Lorsque cette attraction existe, lorsque cette aspiration existe, alors, dans le respect de la liberté de chacun, les Hiérarchies prendront en charge cet être qui aspire au Divin.

 

[1] Aujourd’hui, on dit « pays émergents ».

[2] C’était déjà vrai il y a plusieurs décennies.

[3] Ces formulations sont celles de l’auteur, à un moment donné. Bien entendu, chacun peut donner des définitions avec d’autres mots correspondant à sa propre sensibilité ou perception.

[4] Voir le livre d’Anna Schakina, Sur les ailes d’Éros.

[5] Sans oublier la « remontée » du feu des profondeurs (par la Kundalini). Voir ma préface à La Flamme de vie ressurgie d’Anna Schakina (note de 2017).

[6] Voir ma conférence « Réincarnation et résurrection : la destinée de l’âme humaine» (note de 2017).

[7] Voir ma conférence « Recherche spirituelle, discernement et liberté : comment faire face aux dérives sectaires » (note de 2017).

[8] Phénomène qui se produit souvent, hélas ou heureusement selon le point de vue… (note de 2017).