La dernière grande confusion du siècle...
(le passage au troisième millénaire)

Au cours de l’année 1999, l’ensemble de la presse écrite, radiophonique et télévisuelle (suivie ou précédée par les publicitaires) diffusait quotidiennement une fausse nouvelle, une rumeur mensongère qui fit l'objet d'un « matraquage » systématique   au fur et à mesure que se rapprochait l’échéance : à savoir que le troisième millénaire commencerait en l’an 2000.

Or, l’entrée dans le 21e siècle et le troisième millénaire et intervenue le 1er janvier 2001 à 0 h.

Le 9 septembre 1999 je terminais la rédaction de l’article qui suit.

Par ailleurs j’ai entretenu une abondante correspondance, notamment avec des journalistes et des particuliers plus ou moins convaincus. Vous en trouverez les extraits les plus significatifs dans le dossier annexé (fichier pdf en bas de page, intitulé « Dossier Passage au troisième millénaire »).


« L’an 2000 n’est plus ce qu’il était... » 
(texte de la fin 1999)

Sommes-nous tous victimes d’une forme de somnambulisme collectif  ? Avons-nous tous oublié les rudiments de l’arithmétique ?

On nous répète à l’envi, à la télévision, à la radio, dans la presse écrite et même dans la publicité et le cinéma, que 1999 est la dernière année du siècle, la dernière année du millénaire

Eh bien, non... Un centenaire, c’est 100 ans, un millénaire, c'est 1 000 ans. Une simple application des lois élémentaires de la numération et du calcul, basée sur le système décimal universellement utilisé, nous permet de savoir (sans faire appel à des experts) que le XXIe siècle, ainsi que le IIIe millénaire commencent en 2001 (le 1er janvier à 0 heure, exactement...). Le premier millénaire s'étendant de l’an 1 à l’an 1000, le second millénaire de l’an 1001 à l’an 2000. Les événements de l’année 1900 appartiennent encore au XIXe siècle, le XXe siècle commençant en 1901 et finissant en 2000. [Voir graphique ci-dessous.]

Comment expliquer la confusion générale ?

Même s'il existe plusieurs sortes de calendriers en vigueur dans le monde (en particulier les calendriers bouddhiste, juif et musulman sans parler de l’éphémère calendrier “républicain” [1] - voir notes en bas d'article), le calendrier dit “de l’ère chrétienne" est utilisé dans le monde entier comme référence de notre vie quotidienne incarnée dans l’espace-temps. Cela permet aux compagnies aériennes, aux télécommunications (notamment internet), aux échanges commerciaux internationaux, voire aux observations astronomiques, de fonctionner sans accroc.

Certains objecteront que le calendrier n’est qu'une convention. Que l’ère chrétienne n’a pas commencé en l'an 1, puisque les historiens nous expliquent que Jésus est né entre quatre et six ans... avant J.-C. (paradoxe temporel pouvant intéresser les amateurs de science-fiction...) Que l’année ne commence pas en janvier mais en mars, puisque comme leurs noms l'indiquent étymologiquement, les mois de septembre, octobre, novembre et décembre sont les 7e, 8e, 9e, et 10e mois de l’année, du moins chez les Romains. (Depuis, pour christianiser le calendrier, on a fait commencer l'année entre Noël et l’Épiphanie, avec un décalage pour le calendrier orthodoxe.)

Quel que soit l’intérêt historique de toutes ces notions, il n’en reste pas moins que le calendrier chrétien, appelé calendrier civil chez les juifs et les musulmans [2], est celui que nous utilisons tous, sur la planète entière... Et, à ce titre, s’impose à tous, y compris dans sa logique mathématique interne...

Faire de 1999 la « dernière année » du siècle et du millénaire nous plonge dans la bizarrerie d’un temps irréel et d’une arithmétique fantaisiste.

L’origine de la confusion est multiple. Il y a d'abord le mythe de l’an 2000, qui a un formidable impact dans l’imaginaire collectif. Il y eut déjà, au Moyen Âge, la « grande peur de l’an Mil ». À notre époque, plusieurs générations, aidées par les auteurs d'anticipation, ont projeté dans l’an 2000 les espoirs, et les angoisses, liés au futur. Lorsque nous étions enfants, on nous expliquait qu’en l’an 2000 on aurait vaincu la maladie et la pauvreté, que les progrès technologiques seraient tels que s’ouvrirait une ère nouvelle ou un âge d’or, où la vie serait facile... Évidemment, plus notre présent se rapproche de ce futur théorique, plus on s’aperçoit qu'on est loin du compte. Si la technologie est au rendez-vous, la prospérité et le bien-être pour tous se fait largement attendre...

Mais l’an 2000 reste cette date symbolique qui nous fait entrer dans le futur, parce qu’elle fait justement la jonction entre deux millénaires. Observons pourtant que c’est en 2001 que Arthur Clarke et Stanley Kubrick ont situé leur « Odyssée de l’espace »... 2000 est une ultime année, et non une première...

L’affaire du « bogue » de l’an 2000 est venue enfoncer le clou. Mais il faut observer que ce fameux bogue est d'abord un problème d’écriture informatique, et non spécifiquement un problème de calendrier. (Autrement dit, ce sont des programmeurs imprévoyants qui ont fait une erreur, et non pas les auteurs d’almanachs...)

L'autre origine de la confusion est purement arithmétique. On oublie qu'il n’y a pas d’année zéro (historiquement, c'est l’année moins un qui précède l’année un [de l’ère chrétienne]). Que l'on ne compte pas les années (qui portent un numéro dès la première seconde) comme les âges individuels qui sont comptés en temps révolu, c’est‑à‑dire à la fin de l'année écoulée depuis le dernier anniversaire. Que les siècles et les millénaires sont comptés en numération décimale, et que la dernière année d’un siècle ou d’un millénaire est donc nécessairement un multiple de 10...

Mais le bon sens logique ne résiste pas au matraquage médiatique et, surtout, au matraquage commercial. Si l’on peut accorder aux publicitaires ou aux animateurs de variété une certaine « licence poétique », on comprend moins que des journalistes mettent en jeu leur crédibilité en colportant largement une inexactitude flagrante...

Lorsqu’on émergera de la gueule de bois du réveillon de l’an 2000, et qu’on sortira de l'hypnose de la langue de bois, il sera toujours temps de se préparer au vrai réveillon du passage au Troisième Millénaire, qui ne peut avoir lieu, qu’on le veuille ou non, que dans la nuit du 31 décembre 2000 au 1er janvier 2001. 

Et, comme disent les Anglo-Saxons : « Joyeux Millénium ! »

Notes :

[1] J’avais oublié l’inévitable calendrier « maya » et quelques autres (note de 2012)…

[2] Et chez tous les peuples « modernes », même à majorité non chrétienne, comme les Chinois (note de 2012).