Histoire

L'histoire d'un château sur l'Île Jésus

Au milieu du 19e siècle, le juge Desnoyers avait fait édifier une grande résidence sur le point le plus élevé de l’île Jésus, au-dessus de la rivière Des-Prairies. Ses fondations de pierres d’un mètre d’épaisseur portaient la maison de trois étages.  Comme une tour carrée à créneaux en faisait partie, les locaux l’appelaient château.

Le juge avait obtenu que les prisonniers du pénitencier tout près taillent 135 marches en pierre, larges et profondes, pour construire un escalier dans la falaise derrière la maison jusqu’à la rivière.

En 1961, mes parents ont acquis cette maison demandant à être adoptée. Pour la fillette de 8 ans que j’étais, explorer cette grande maison, remplie de cachettes et de vestiges et entourée de grands érables, de pommiers, de lilas, de noyers et d’acacias, avait été fantastique.

Pour ouvrir la porte d’origine, papa utilisait une énorme clé, forgée cent ans plus tôt. En pénétrant dans la maison aux odeurs entremêlées de poussière, d’humidité et de suie, on soulevait le lourd rideau de velours à frange dorée masquant l’escalier étroit montant aux chambres. Les rares ampoules éclairaient à peine les pièces aux petites fenêtres.

Les pièces de la cave devenaient notre repère pour se cacher. Papa y avait un établi où il nous fabriquait des jouets ou réparait quelque chose.  Au printemps, on entaillait les érables pour transformer la sève en sirop d’érable.

Au printemps acacias et lilas parfumaient ma chambre. Tout l’été, on se régalait de tartes à la rhubarbe, aux framboises, aux mûres puis aux pommes cueillies sur le terrain.

Papa, bon nageur, avait transformé un bassin de béton gris en une véritable piscine turquoise.

Une solide rampe, récupérée par maman, avant la démolition du vieux presbytère, a été installée le long d’un grand patio donnant sur la falaise.

Les jours pluvieux, on s’amusait dans une grande pièce, appelée « cuisine d’été ».  Autour de la table de ping pong qui servait aussi de surface pour y créer nos maisons de poupées, l’ancien poêle à bois couvert de porcelaine blanche et marine et les meubles d’antan abandonnés par les Desnoyers, devenaient le décor idéal pour jouer au restaurant.

À l’automne, le feu crépitait dans la grande cheminée de la cuisine et de la salle à manger de tous les jours. Le vrai salon avec salle à dîner officielle occupait l’autre moitié du rez-de-chaussée, divisé par l’escalier doté d’une élégante rampe en bois.

Après un revers économique en 1966, une affiche d’agent immobilier était devant la maison à mon retour de l’école. Nous y avions vécu cinq ans.  Peu d’enfants ont la chance de vivre dans un tel domaine enchanteur, pour y jouer et évoluer.

Ne subsistent depuis 2020 que ces bribes de souvenirs et une ancienne carte postale en noir et blanc montrant le  « château » au sommet de la falaise, vu de Montréal. Tout a été rasé.  Trois maisons en blocs de béton avec grosses portes de garage en façade, sans aucun arbre ou arbrisseau remplacent ce patrimoine.

Charlotte Boulanger - Créatrice en mots et en couleurs - Montréal - le 15 juin 2023

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Un être fascinant

Il y a plus de 500 ans, a vécu un homme d’une intelligence exceptionnelle; depuis il n’a jamais cessé de nous étonner et de nous séduire.  Il était peintre, inventeur, ingénieur, scientifique, humaniste et philosophe; je parle, bien sûr, de Léonard de Vinci (1452-1519).

Plus jeune, quand je suivais des cours d’histoire de l’art, j’ai été étonnée d’apprendre toutes les réalisations de cet être extraordinaire.  Elles m’ont émerveillée et surprise sur ce que le cerveau humain peut envisager et réaliser.

Léonard de Vinci a touché à tout, à la peinture, on pense à La Mona Lisa ou à La Cène, à la sculpture dont une statue équestre en bronze pour Francesco Sforza, à l’organisation des spectacles et des fêtes de cour, à l’ingénierie pour, entre autres, l’irrigation des cultures et à des projets techniques tels que le métier à tisser et l’horlogerie.

Comme ingénieur, il a conçu un scaphandre à casques pour évoluer sous les eaux, il a participé à des travaux d’hydraulique, inventé des machines de toutes sortes utilisant le levier, les poulies, les manivelles, les engrenages, etc.

Il a étudié les mathématiques, la botanique, l’anatomie animale et humaine.  À l’abri des regards, il s’est autorisé à disséquer des cadavres humains à l’encontre de l’interdiction des papes de l’époque pour étudier l’anatomie interne.  On lui doit l’un des premiers dessins d’un fœtus dans l’utérus.  Il est passionné par le mouvement de l’eau des rivières et de sonérosion.  Il s’intéresse aussi au vol des oiseaux, à la lumière émise par la lune.  Il a dessiné à peu près tout ce qu’il rencontrait, humains, animaux, plantes et divers mécanismes.  Il a laissé derrière lui d’innombrables documents, manuscrits, études et dessins.

Il était de beaucoup en avance sur son temps.  Son imagination était fertile.  Il a imaginé et essayé toutes sortes de choses; son hélicoptère n’a jamais réussi à voler, son parachute était trop lourd, son char d’assaut n’était pas pratique.

Tous ces concepts étaient novateurs pour cette époque.  L’apport de Léonard de Vinci a probablement marqué les générations suivantes. Tout ce qu’il avait imaginé s’est concrétisé dans les siècles suivants.  Il était un précurseur de l’époque moderne.

On a pensé à tort que Léonard procrastinait car il passait sans cesse d’un sujet à un autre.  C’est qu’il ne cessait de retravailler ses peintures, ses dessins ou ses inventions.  Ayant sans doute la tête remplie de projets, il lui était difficile de terminer ce qu’il entreprenait de façon satisfaisante.

Léonard de Vinci était un être d’exception, un génie, un assoiffé de savoir, un curieux insatiable, un grand observateur. Tout était, pour lui, un moyen de connaître et d’apprendre.

Lorraine Charbonneau - Fonctionnaire - Résidente du Marronnier - Laval - Québec - le 7 juin 2023

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Désolant et merveilleux à la fois


Dans la journée du 5 avril, une pluie verglaçante, qui n’a pourtant duré qu’une seule journée, s’est abattue sur le Québec, faisant beaucoup de ravages.

Dans nos foyers, nos systèmes de chauffage sont adéquats.  Lorsque le temps à l’extérieur est désastreux, vaut mieux relaxer dans la chaleur et le confort de nos foyers douillets.  Il fait encore froid en avril au Québec.  À cause du verglas qui nous est arrivé soudainement plus d’un million de Québécois ont été privés d’électricité. Le lendemain, toutes les écoles, les services de garde et beaucoup d’autres bureaux administratifs à Montréal et dans les environs étaient fermés en raison des pannes d’électricité.

Les voitures, les routes, les trottoirs étaient recouverts d’une épaisse couche de glace.  Marcher sur un trottoir ou essayer de monter un escalier devenait une entreprise hasardeuse et dangereuse.

D’innombrables arbres ont été endommagés, beaucoup de branches sont tombées mettant en danger les piétons et les automobilistes.

Quatre jours plus tard, on fêtait Pâques sous un soleil radieux et une température frôlant les 10° C.  « Après la pluie, le beau temps » dit le dicton.

Nous, les Québécois, avons connu pire.  Ça s’est passé du 4 au 10 janvier 1998, il y a donc 25 ans de cela. Cette tempête de verglas a été l’une des plus grandes catastrophes naturelles dans l’histoire canadienne.

On avait déploré la mort de 35 personnes et de 945 blessés.  On avait fermé des routes, des écoles, des commerces, des bureaux. Il y avait eu beaucoup de pannes d’électricité, qui dans certains secteurs ont duré jusqu’à cinq semaines. En cinq jours, le Québec recevait de la pluie verglaçante représentant le double de précipitations glacées annuelles normales.

Voyons maintenant l’autre côté de la médaille.  Quand on regarde des paysages verglacés à travers une fenêtre, quand on les contemple de plus près, avec plus d’attention, le décor devient époustouflant, je dirais même féérique.  C’est une œuvre d’art, une magnifique sculpture créée par Dame nature.

Lorraine Charbonneau – Fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier – Laval – Québec – le 16 avril 2023

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C’est arrivé chez nous!

Nous, les ainés, avons un devoir de mémoire et de transmission d’évènements tragiques qui ont eu lieu dans le passé afin qu’ils ne se reproduisent plus.  J’ai vécu la crise d’octobre 1970, je peux en témoigner.  Dès le début des années 60, le Québec était en période de grand changement.  Jean Lesage, du parti Libéral, prenait le pouvoir. 

Les Québécois en avaient gros sur le cœur, les anglophones conservaient toujours une grande partie du monopole économique au Québec.  Cette situation nous choquait parce que nous n’avions pas le contrôle de notre propre province.

Des mouvements alors se formèrent pour contester. Les membres du Front de libération du Québec (FLQ) faisaient valoir leur opinion et voyaient la souveraineté du Québec comme la solution. Des Québécois se radicalisaient à la suite de certaines situations jugées injustes. 

La crise d’octobre désignait une série d’événements politiques et sociaux regrettables.  Cette période en a été une de violence, d’attaques terroristes, de vols, d’attentats à la bombe dans des boîtes aux lettres, de grèves illégales et de manifestations de colère et d’exaspération.

Elle a débuté le 5 octobre 1970, avec l’enlèvement de James Richard Cross (1), un diplomate britannique, par la cellule du Front de libération du Québec (FLQ).  Il était détenu dans un immeuble à logements à Montréal-Nord.  Petite anecdote, on lui avait donné un exemplaire de Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières, comme livre de chevet. 

La crise d’octobre fut marquée par plusieurs évènements, d’abord en exigeant la lecture du Manifeste du FLQ à la télévision de Radio Canada, le 8 octobre. C’était un condensé énoncé crûment de tout ce qui allait mal dans notre société.

Par l’enlèvement du ministre provincial du Travail, Pierre Laporte, le 10 octobre et une semaine plus tard par l’annonce de son décès par strangulation.  Mon cerveau me renvoie encore l’image télévisée du corps de M. Laporte enveloppé et recroquevillé dans le coffre d’une voiture. 

Par la Loi des mesures de guerre qui donnait aux autorités policières de très vastes pouvoirs, elles pouvaient appréhender sans mandat ni justification quiconque pouvait représenter un danger pour la société et l’emprisonner.

Comme la majorité de mes concitoyens, je n’ai pas trempé dans ses eaux-là, mais pendant ces mois d’horreur, j’ai vécu comme dans un suspense, j’ai connu la peur, la suspicion et l’impression d’être constamment surveillée.  J’étais rivée à mon téléviseur, nerveuse, fébrile, et craintive de sortir de chez moi.

La crise d’octobre prit fin le 3 décembre 1970 par la libération de James Richard Cross par ses ravisseurs en échange d’un sauf-conduit pour Cuba.

L’Histoire n’a pas d’avant et d’après, elle est continuité.  Ce triste évènement fait malheureusement partie de notre histoire. Qui aurait cru que de telles choses pouvaient arriver chez nous?

(1)  M. Cross est décédé en Angleterre de la Covid-19, en 2021, à l’âge de 99 ans.


Lorraine Charbonneau – Ex-fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval – Québec - le 20 janvier 2023

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Don et greffe d’organes

L’idée de ce texte m’est venue en regardant un film à la télévision. Il était question d’un père qui, au chevet de son fils mourant, avait à prendre la pénible décision de le débrancher afin de permettre un don de ses organes.  Je me suis demandé quand on avait effectué la première greffe d’organe chez un humain.


J’ai été étonnée d’apprendre que la première greffe d’organe était relativement récente. C’est en 1954 qu’un médecin américain, le Dr Joseph Murray a réussi cet exploit; un frère avait donné un rein à son jumeau pour lui sauver la vie.


Auparavant, il y avait eu des tentatives de greffes avec des organes d’animaux mais elles ont toutes été inefficaces. La science a progressé avec une meilleure compréhension du système immunitaire. On s’assure aussi de la compatibilité du donneur avec le candidat à la transplantation.


Ce fut un autre américain, le  Dr Thomas Starzi qui, en mars 1963, pratique la première greffe du foie, mais son jeune patient de trois ans meurt sur la table d’opération.  Quatre autres tentatives de greffe de foie furent effectuées la même année, toutes aussi infructueuses.  Mais l’aventure de la greffe du foie était lancée.  C’est en réalité le Dr Jean-Paul Clot qui réalise et réussit en France la première greffe du foie en 1968.

J’ai appris que le foie est le seul organe humain capable de se régénérer.  J’ai compris qu’on peut réaliser la transplantation du foie à partir d’un greffon prélevé chez un donneur vivant.

Qui aurait cru qu’on pouvait transplanter un cœur humain à un autre humain.  Ce miracle de la vie a été effectué en 1967 par le chirurgien Christiaan Barnard en Afrique du Sud. Le patient quinquagénaire recevait le cœur d’une jeune dame décédée dans un accident de voiture.  Il mourra dix-huit jours plus tard. Malgré cet échec, les greffes cardiaques deviennent rapidement une pratique courante.  J’ajoute une petite anecdote : il n’était pas question pour le Dr Barnard d’utiliser un noir comme premier transplanté du cœur car il ne voulait pas qu’en cas d’échec, on l’accuse d’avoir employé un noir comme cobaye.

Je n’ai mentionné que les trois premières transplantations chez un humain: rein, foie et cœur.  Ce sont de grandes premières médicales qui ont ouvert toute grande les portes à beaucoup d’autres transplantations partout dans le monde.  Ce sont aussi les organes les plus greffés avec les poumons.

C’est Transplant Québec qui gère la liste de toutes les personnes en attente d’une transplantation d’organe.

L’humain a toujours rêvé d’immortalité.  Quand nous mourons, nous continuons à vivre à travers nos enfants qui portent nos gênes, ainsi que dans leurs pensées et leur affection.  Continuer à vivre physiquement dans le corps d’une ou plusieurs personnes pourrait être considéré comme une certaine continuation puisqu’un donneur peut fournir jusqu’à 8 organes. 

Un don d’organes est un geste d’une grande générosité puisqu’il permet de sauver des vies.

Lorraine Charbonneau – Ex-fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval – Québec - le 4 janvier 2023.

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La bonne étoile 

Mon amie Nadette ayant la gentillesse de m’inviter régulièrement dans sa petite maison de campagne située à Parnac (Indre), nous y passons de très agréables moments.

La chaleur du mois d’août nous avait ce jour-là un peu accablées, nous ne sortîmes que dans la soirée empruntant un joli chemin.

C’est alors que plusieurs miaulements attirèrent notre attention : couchée dans un fatras de planches, une chatte européenne nourrissait avec tendresse quatre chatons : un roux et trois tigrés. Un cinquième chaton de couleur crème cherchait désespérément à obtenir une place au milieu de la portée, dansant même devant sa mère et lui léchant la tête. Malheureusement la chatte ne le reconnaissait pas comme l’un de ses petits, et impassible ne le laissait pas approcher. Voilà que c’est vers moi que ce pauvre affamé s’est tourné me tendant les pattes et poussant de multiples miaulements.

Avec émoi, je l’ai pris dans mes bras, réfléchissant à l’organisation que j’allais mettre en place pour le nourrir. J’ai acheté dans le village voisin du lait et un biberon malheureusement mon protégé les a refusés et ce sont des petites boîtes d’une pâtée adaptée sur lesquelles il s’est précipité goulument, il mourait de faim.

Ne voulant pas quitter mes bras, j’ai drapé mon paréo comme les femmes africaines et l’ai installé au chaud contre mon cœur, c’était un grand bonheur réciproque d’autant plus que quelques mois auparavant j’avais dû faire euthanasier ma Florette atteinte d’un cancer.

Je l’ai prénommé « Darling » car je voulais que l’amour figure dans son nom et d’autre part il convenait pour les deux sexes (je ne connaissais pas encore le sien).

 Je n’avais pas fait le choix de reprendre si vite un autre chat mais je pense que c’était une bonne étoile pour nous deux.

De retour à Boulogne, je suis allée chez la vétérinaire qui m’a dit : « vous pouponnez ! »

Mon chaton était en fait une minette qui pesait 150 grammes (elle pèse maintenant cinq kilos). La vétérinaire m’a dit qu’elle serait morte très rapidement de malnutrition et qu’il arrivait que les mères rejettent leurs petits lorsqu’elles ont été fécondées dans la même période par des mâles différents.

Darling ayant beaucoup du chat siamois dont de magnifiques yeux bleus, je pense que c’est peut-être un chat de vacancier qui a copulé avec succès car je n’ai jamais vu de chat siamois dans le village.

En grandissant, son pelage s’est beaucoup métamorphosé, son mélange étant celui de la chatte européenne et du chat siamois ; des années durant, elle me tétait les doigts chaque soir en venant se faire câliner.

Elle mène une vie très heureuse en appartement faisant le bonheur de ma voisine de 97 ans qu’elle entoure de sa présence et de son affection, elle bénéficie donc de deux appartements et de beaucoup d’amour.

Lorsque je retourne à Parnac, elle est de la partie, retrouvant immédiatement un instinct de chasseuse. Elle a maintenant 12 ans et se porte très bien.

Voir les photos reliées à ce texte sous l'onglet https://www.cestatontourdecrire.com/photos et dessins/animaux et oiseaux 

Marie-France Lefebvre -  Anciennement directrice d'un jardin d'enfants - Boulogne Billancourt - France - le 20 décembre 2022

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Le début d’un temps nouveau

L’exposition universelle de 1967 à Montréal a été un évènement extraordinaire que je me souviendrai avec grand plaisir jusqu’à la fin de mes jours.  J’étais enceinte de mon fils, Sylvain.  Il a certainement dû ressentir des tressaillements de joie dans mon sein.

Il faut souligner que les années 60 insufflèrent un vent de profonds changements dans la société québécoise. Pendant ce temps, Montréal se préparait à accueillir des milliers de personnes venant du monde entier.

L’Expo 67 était le début d’un grand rêve, c’était une année d’amour, c’était comme si toute la planète s’était donné rendez-vous pour une grande fête.

D’abord, Montréal a fait surgir au milieu du Saint-Laurent dans un temps record d’une douzaine de mois, une île qui allait servir de site à l’Expo. On a déversé dans le fleuve 25 millions de tonnes de roches et de terre provenant du creusage du métro.

En prévision de l’Expo, la construction du métro débuta en 1962, pour se terminer en 1966. Cela s’est produit durant le mandat de Jean Drapeau, le maire visionnaire de Montréal qui a su réaliser de grands rêves.

C’était la fête, Montréal allait devenir, pour six mois, la “Terre des Hommes”, le lieu de la plus grande Exposition universelle la plus visitée de tous les temps. L’Expo a duré du 27 avril au 29 octobre 1967. Elle a attiré plus de 50 millions de visiteurs en six mois. 60 pays y ont participé, chacun avait un pavillon bien particulier et original qui le représentait.  Celui qui m’a le plus ébloui était celui de la France, il était le plus grand et le plus beau du site et le plus original, le pavillon des États-Unis, la Biosphère.  Ces deux chefs-d’œuvre subsistent encore aujourd’hui.

C’était agréable à voir, tous ces gens colorés et vêtus de costumes différents qui nous faisaient connaître leurs pays, interprétaient leurs danses et nous faisaient goûter leurs mets.  Tous se côtoyaient dans le respect, sur le même pied d’égalité, les yeux tournés vers un avenir prometteur.

Le motif qui a donné naissance à l’emblème de l’Expo 67 est un ancien cryptogramme représentant l’homme debout, les bras tendus exprimant l’amitié universelle dans une ronde symbolisant l’amour et la paix.

Les adultes et les enfants pouvaient se procurer un passeport pour la saison.  On le présentait aux pavillons qu’on visitait pour le faire estampiller. C’était comme une fierté de posséder le plus d’estampilles possible.

L’Expo 67 a été un évènement grandiose, démesuré, inimaginable, une grande aventure, une formidable ouverture sur le monde. Tout était magique, original, positif et passionnant.

On sentait bien qu’on vivait un évènement unique, il y avait de la fébrilité, de l’effervescence dans l’air. C’était, comme disait la chanson, le début d’un temps nouveau.

Pour Montréal, l’Expo 67 a été l’évènement culturel le plus important du XXe siècle.  Et pour moi, une année de grand bonheur.

Lorraine Charbonneau – Ex-fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval – Québec - le 1er décembre 2022

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Le Refus global

Je n’avais que quinze ans quand le Refus global a été publié. J’étais trop jeune pour savoir ce qu’il en était, ce n’est qu’une fois adulte que j’en ai pris connaissance.

Le manifeste du Refus global a été publié le 9 août 1948. Paul-Émile Borduas (1) a signé le manifeste avec quinze artistes, en majorité des peintres et des poètes. Je crois qu’aujourd’hui, on les qualifierait de «wokes», dans le bon sens du terme.

Il faut d’abord se mettre dans le contexte, c’était l’après-guerre, on vivait sous le régime de Duplessis qu’on a qualifié « le temps de la grande noirceur ».  Borduas désirait, plus que tout, soustraire la société québécoise des contraintes morales qu’elle subissait afin qu’elle puisse s’épanouir en toute liberté.

On peut y lire une description sans complaisance de la société engloutie dans la religion : « Un petit peuple serré de prêt aux soutanes, restées les seules dépositaires de la foi, de la vérité et de la richesse nationale ». Le sujet contenant la plus lourde portée contestataire et révolutionnaire est sans contredit le suivant. Il y est décrit l’emprise du clergé sur le peuple canadien-français, l’idéalisation de l’idéologie traditionnelle du terroir et le culte voué à la noirceur intellectuelle et à l’ignorance.

La publication du Refus global a valu à Borduas d’être expulsé de l’École du Meuble où il était professeur de dessin et a suscité dans les journaux une polémique qui durera deux mois. Borduas fut ostracisé par le pouvoir politique pour avoir osé dire tout haut ce que plusieurs pensaient tout bas.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on veut empêcher les gens de dire, d’écrire ce qu’ils pensent ou de faire des caricatures.

Pour Borduas et son groupe, une transformation profonde s’imposait dans notre société. Il fallait faire place à une ère nouvelle dominée par d’autres valeurs.

Et puis est venu Jean Lesage qui est devenu le premier ministre du Québec en 1960 et le père de la Révolution tranquille avec son slogan « C’est le temps que ça change ». Il fut certainement influencé par le Refus global.  « Révolution tranquille » bien sûr, pour ne pas trop bousculer le peuple en changeant trop radicalement.

J’ai été témoin de cette prise de conscience collective qui a eu l’effet d’un coup de fouet afin de réveiller un « petit peuple » qui s’était endormi.  Ce manifeste a apporté un grand changement et une prodigieuse évolution dans notre société.

(1) Peintre, sculpteur et professeur québécois

Lorraine Charbonneau – Ex-fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval – Québec - le 13 novembre 2022

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