Le cloître
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(1) LE LIVRE DE GERALDINE MALET
Une présentation détaillée du cloître de l'ancien monastère de Saint-Genis des Fontaines vient de paraître
sous la plume de Géraldine Mallet, professeur d'Histoire de l'Art Médiéval à l'Université de Montpellier,
publié par les éditons Trabucaire conjointement avec l'Asvac.
C'est un éclairage important,qui manquait,pour cette oeuvre du XIII° siècle, d'un "roman" qui persiste dans une région
qui ne fut pas avare d'une production importante et de qualité liée à cette période dans l' Histoire de l'Art.
Ce cloître qui est une pièce maîtresse de notre patrimoine, un chef d'oeuvre de liberté dans une réalisation qui utilise admirablement,
dans une présentation rigoureuse, trois marbres de teintes différentes.
Le rose étant dominant mais n'écrasant pas pour autant les blancs et les gris.
Ce cloître dont les symboles sont très présents, puisque c'était leur destination première a connu une his toire mouvementée,
comme d'autres monuments de la région, qui fort heureusement s'est bien terminée puisque ses pierres qui avaient en grande partie été
arrachées et vendues ont retrouvé, quasiment toutes, leur exact emplacement d'origine.
Documents pdf : couverture, 4ème de couverture , table des matières
Lien : Editions Trabucaire
Le cloître de Saint-Génis-des-Fontaines. De la persistance de l'art roman au XIIIe siècle.
Auteur : Géraldine Mallet.
Collection : Découverte guidée en pays catalan
Editions Trabucaire. 11 Traverse de Piã, 66000 Perpignan
Date de parution : 29 juin 2015. Nombre de pages : 80. Prix de vente : 11,00 €
(2) AFFICHAGE DES PANNEAUX
(2.1) JADIS ET NAGUERE
Fin VIII ème siècle : l'un des premiers monastères carolingiens de la région s'implante et se développe à proximité immédiate de la
Via Domitia et de la Via Vallis Aspiranae sur l' espace d'une très ancienne et importante villa gallo-romaine.
Des sondages archéologiques réalisés récemment en ont montré l'ampleur.
(Ill.1) Monastère, vue aérienne vers l'Est
(Ill 2) Sondages sur l'arrière du site à l'Est
L'implantation et les règles d'organisation du monastère sont précisées par un précepte royal de 819 signé par LOUIS le Pieux.
Le site est dévasté par des incursions normandes vers 858-859 et immédiatement reconstruit.
Un synode s'y tient en 888 sous l'autorité de l'archevêque de Narbonne et de l'évêque d'Arles sur Rhône.
En 981 le roi LOTHAIRE renouvelle les privilèges du monastère et précise l'étendue de ses propriétés, déjà, très importantes.
Un village s'est implanté à l'Ouest contre le monastère. L'assise du cadastre napoléonien de 1811 ne doit pas en être bien éloigné.
(Ill 3) Plan 1811
(Ill 4) Photo aérienne
L'actuelle, et courte, rue de l'église reliant la place du village à la « place du Couvent » en est l'ancien « decumanus ».
( Ill 5) Rue de l'église
A partir du XII ème siècle, le monastère et ses Abbés deviennent puissants.
(Ill 6) La crosse abbatiale
(Ill 7) L'Abbé -chapiteau dans la galerie Nord-
Saint-Genis est dans l'orbite clunisienne depuis la fin du XI ème, également sous la protection de la royauté catalano-aragonaise depuis 1172
(l'Abbé RAMON est un très proche du roi ALPHONSE II ). En 1308 le roi JACQUES II de Majorque confère aux Abbés la juridiction civile sur
le village ainsi que sur les terres de Saint-Jean la Cella et Brouilla dont le Castrum a été acheté par l'Abbé SAPTE en1249.
C'est pendant ce « grand XIII ème » que la décision est prise de réaliser un grand cloître. Ce sera chose faite entre la fin du 2ème tiers et
la fin du 3ème quart du siècle. Cloître qui occupe une position particulière, donnant vers l'Est sur un grand jardin et un bassin
où se pratique l'élevage des poissons. Aucune trace n'a été retrouvée du précédent.
(Ill 8) Plan
(Ill 9) Bassin des moines
(Ill 10) Le monastère, clochers et cuisines, vus du bassin des moines. Dessin de Bruno Bieth.
A cette époque les possessions du monastère s'étendent loin.
(Ill 11) Carte
Appliquant la règle de Saint-Benoît dès l'origine, le monastère est intégré, par une bulle du pape JULES II,
en 1507 à l'Abbaye de Montserrat (fondée vers l'an Mil à l'ouest de Barcelone).
Les moines en sont membres à part entière et l'Abbé, selon la règle de Valladolid qui y prévaut, est nommé pour trois ans
par l'Abbé de la maison mère.
Cette situation n'est pas modifiée par le traité des Pyrénées de 1659 rattachant le Roussillon à la France.
Elle perdure jusqu'à la Révolution de 1789. Saint-Genis devenant une sorte d'enclave extraterritoriale dans le nouveau territoire royal.
(2.2) LE DEMANTELEMENT 1924-1926
L'épisode révolutionnaire et la situation au XIX ème siècle :
En 1796 l'ensemble du monastère est vendu comme « bien national » sur la forte insistance du maire de Laroque.
Acheté en sous main (avec l'aide de 2 comparses perpignanais ) par Jacques Meric ancien fermier des revenus du monastère.
Devenus propriétés privées, église comprise, exploitations agricoles, viticoles, les bâtiments sont divisés par
le jeu des successions et héritages, l'usage en est complètement modifié et remodelé, des constructions nouvelles ajoutées
en fonction des besoins.
On y loge les gendarmes, les douaniers et s'y tiennent même les séances du conseil municipal !
L'église redevient bâtiment public et église paroissiale officiellement en 1850.
Ill 1 La situation en 1913
Le cloître se transforme en remises, hangars, chais..., des claires-voies des galeries sont murées en fonction des usages attendus.
C'est à cette époque que la colonne grise du milieu de la demi-claire-voie Est de la galerie Nord est sortie,
elle gênait la mise en place d'un foudre de 107 hl !
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L'antiquaire Paul Gouvert arrive !
A l'instar de ce qui s'est passé quelques années auparavant à Cuxa, cet antiquaire parisien va parvenir à convaincre des propriétaires et
racheter les ¾ du cloître ; M. Alfred Joud propriétaire de l'angle Sud-Est refusant.
Un plan signé Bernardi (autre propriétaire) daté du 11 mars 1924 présente la situation à l'époque du « grand chambardement »
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Gouvert a raconté lors d'une émission télévisuelle avec l'écrivain Paul Guth et dans un long article de « Connaissance des Arts »
N°21 Du 15 XI 1953 comment il avait procédé : voici quelques morceaux choisis :
« ...ensuite j'achetai le cloître de Saint-Genis...je le trouvai dans un état déplorable...
les arcatures étaient en grande partie détériorées.
On avait badigeonné le cloître avec un coaltar goudronneux... je le grattai et dessous je trouvai du marbre blanc, rose et noir...
en comptant le prix de l'achat, de la démolition, de la commission (sic!!!), le cloître me revint à peu près d'1 million...
la démolition fut déjà une grande entreprise, on dressa un « calepin d'appareillage »...
la vente au banquier Chrissoveloni me rapporta 1,2 million et la vente au musée de Philadelphie 1,5 million... »
La non-réaction des autorités culturelles de l'époque est assez problématique !
Les éléments achetés sont donc démontés et emmenés, remplacés par des piles de briques et des fers IPN.
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Le quart Sud-Est, propriété de M. Joud resté en place sera classé Monument Historique en juillet 1924,
ce qui permettra sans doute le maintien en France de la plupart des éléments authentiques déplacés.
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La demi-corbeille Est de la pile en marbre blanc du milieu de la galerie Sud était restée sur le site,
encastrée dans le mur Nord-Sud qui séparait en deux le cloître (voir le plan)
(2.3) LE TEMPS DE L'ERRANCE 1924-1983
Avec ¾ de cloître, avec des marbres récupérés ici ou là, ou en rouvrant des carrières (cf sa lettre),
Gouvert arrive à vendre 2 cloîtres « dits de Saint-Genis », le premier dans les Yvelines, le second aux Etats-Unis à Philadelphie.
L'Installation aux Mesnuls
Le château au temps du cloître
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Le château des Mesnuls, dont la première mention remonte au début du XIII ème siècle, est acquis en 1924 par Jean Chrissoveloni ,
banquier roumain d'origine grecque dont le siège est à Bucarest. Il désire embellir château et parc et acquiert de suite le « cloître de Saint-Genis »
qu'il fait installer non loin de la pièce d'eau du château.
( Il n'en profitera pas longtemps, il meurt en 1926 et son épouse en 1931. Entre 1924 et 1931, son beau frère,
l'écrivain Paul Morand, époux de sa sœur Hélène, y écrira une partie de ses romans.
Pendant la guerre le château est le siège de l'Etat-Major de l'amiral Döenitz Cdt en chef de la Kriegsmarine.
A partir de 1947 il devient une institution pour enfants orphelins de guerre ).
Le cloître aux Mesnuls
L'ensemble cloître avec le portail de ND del Vilar de Villelongue dels Monts
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Les galeries et colonnades
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Aux Etats-Unis
Le musée de Philadelphie reçoit son cloître « de Saint-Genis » avec, au centre de la cour, la vasque de Cuxa.
Le cloître se révélera en majeure partie faux lors du démontage de 1983 aux Mesnuls.
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Les 2 piliers blancs au premier plan et leur équivalent à l'arrière plan sont les pierres véritables.
Leur moulage permettra leur restitution lors du remontage à Saint-Genis.
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Gouvert avait revendu un siège épiscopal ou abbatial comme étant celui de Saint-Genis. Il l'avait trouvé, disait-il, dans le monastère.
Pour « l'embellir » il avait re-sculpté le dossier. Se pourrait-il que ce soit le vrai ? Il y a quand même de gros doutes !
Les Cloisters de New York disposent de la vasque de Saint-Genis au milieu du cloître reconstitué de Saint-Michel de Cuxa.
Il y a questionnement sur l'authenticité de cette vasque, malgré son apparence et le blason, ce qui a expliqué le refus de réaliser un moulage.
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D'autres éléments en provenance de Saint-Genis sont aux Etats-Unis comme la pierre épigraphiée de l'Abbé Gauzbert (1212-1234)
scellée sur la façade du Glencairn Museum de Bryn-Athyn ( Pensylvanie )
(2.4) LE RETOUR ET LA RECONSTRUCTION 1983-1988
Après une première tentative infructueuse de rachat du cloître au début des années 1960 auprès des héritiers- Pierre Ponsich avait déjà affirmé que
la plupart des chapiteaux des Mesnuls étaient authentiques – de nouvelles négociations sont engagées au nom d'une association naissante : l'ASVAC
(Association pour la Sauvegarde des Valeurs Archéologiques et Culturelles de Saint-Genis des Fontaines) dès l'hiver 1975-1976,
particulièrement par Louis Boulet. L'assemblée générale constitutive a été réunie en juillet et enregistrée en janvier 1977.
Un accord de principe est obtenu en 1980 et les moyens financiers dégagés par le Ministère de la Culture, le Conseil Régional,
le Conseil Général et la municipalité de Saint-Genis.
Les pierres sont démontées aux Mesnuls pendant l'année 1983. Elles arrivent à Saint-Genis le 23 octobre.
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réceptionnées par Pierre Ponsich
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Les trois éléments exposés au Louvre depuis 1926 les rejoignent à la Noël 1984.
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La reconstruction peut commencer sous la direction de Jean-Claude Rochette, Inspecteur Général des Monuments Historiques.
C'est la remise à leurs places originelles de tous les éléments à partir du calepinage de Gouvert,
des photos du début du siècle et de l'alternance des marbres de couleur. Sans oublier les éléments restés sur place.
Les 5 moulages venus des Etats-Unis viendront, quelques temps plus tard, compléter l'ensemble.
Après l'assemblage au sol, il faut réintégrer les éléments sous les constructions supérieures existantes réalisées dans une période postérieure et
qu'il faut garder.
C'est la reprise en sous-oeuvre, un travail délicat et méticuleux.
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L'inauguration officielle eut lieu le 8 juillet 1988
(2.5) LA RESTAURATION 1993-1994
Elle est menée par Régis Martin, architecte en chef des Monuments Historiques, et élève de Jean Claude Rochette.
Commencée en octobre 1993 elle se termine en décembre 1994.
Il fallait rendre au cloître, après la repose des colonnades, la symbolique de son existence...
la vision de la Jérusalem céleste et la préfiguration du Paradis.
Il fallait rendre l'harmonie qui était nécessaire à la méditation, à la prière et à la lecture des Ecritures.
Il fallait rendre rendre de nouveau perceptible ce que pouvait être l'imaginaire, les conditions de l'intériorité de l'âme dans le jardin des délices
qu'est un cloître pour ceux qui avaient faits vœu d'y consacrer, en reclus, leur existence terrestre.
Sans oublier que s'y déroulaient également les tâches de cette vie de tous les jours, de la lessive à la coupe des cheveux !
La salle capitulaire qui s'ouvrait sur cette cour résonnait des décisions spirituelles et matérielles quotidiennes sous la férule de l'Abbé.
Cette restauration concerne donc, avant le jardin central :
Les VOUTES et PLANCHERS
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Les DEAMBULATOIRES
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Les GALERIES supérieures
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Les TOITURES
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L'inauguration a eu lieu le 18 février 1995.
(2.6) AUJOURD'HUI
Nous sommes dans un cloître dont, malgré une histoire longue et agitée, tous les éléments occupent leur emplacement originel.
Ce qui n'était pas évident après le démembrement. Lorsque vous pénétrez dans cet espace vous êtes dans le dernier quart du XIII ème siècle,
dans un espace claustral presque intact. N'y manque que la colonnade qui a laissé place à l'anse de panier ;
qui a permis, probablement au début du XIX ème, l'accès à la cour pour le matériel agricole.
Les quatre piliers en marbre blanc des milieux de claire-voie ont été refaits d'après moulage des originaux à Philadelphie
ainsi que la colonnade grise de la demi-claire-voie Nord-Est.
L'aménagement du jardin avec la margelle en marbre du puits, celui des galeries supérieures à usage d'exposition sont réalisés en 1997-1998.
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En 2000 la pierre épigraphiée de l'Abbé RAMON retrouve sa place et en 2002 ce sont les clochers qui sont restaurés.
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(2.7) ET DEMAIN ?
Le cloître a retrouvé une nouvelle légitimité, telle la vision des premiers acteurs de cette remise en ordre...
qui selon les propres termes du Ministre de la Culture qui eut à conclure le dossier en 1981 : « est une opération exemplaire unique »
« ...et les générations futures, pas à pas, pourront reconstituer l'emprise de l'ancien monastère pour y accueillir,
dans des espaces aménagés, des spécialistes et autres amateurs éclairés au sein d'une possible Fondation internationale pour la recherche en Art Roman Catalan... »
Une vision généreuse trop optimiste ?
Voire !
Un long article de Pierre Ponsich en 1963 paru dans « l'Indépendant » rappelait l'importance de ce cloître :
« le sculpteur parvient souvent à une grande force expressive, au point que tels chapiteaux jouissent d'une étrange et
comme envoûtante puissance de suggestion. Tel qu'il est, avec ses faiblesses et avec ses qualités spécifiques le cloître de Saint-Genis
représente un chapitre original et toujours inédit de l'histoire de l'art roman roussillonnais.
Il est en définitive un des rares monuments de notre patrimoine artistique et historique d'une valeur architecturale certaine et
d'un charme prenant, sensible même aux profanes... »
(2.8) Réalisé par l'ASVAC
pour le service culturel de l'Office de Tourisme
de Saint-Genis des Fontaines
Documentation et ressources photographiques :
Fonds ASVAC, R.BARDE, J.COLOMINES, R.GARDEZ,
G.MALLET, Les MESNULIENS, SERVICE CULTUREL.
Gestion informatique du montage visuel : Daniel CANELA
(2.9) Bibliographie :
L'Abbaye romane de Saint-Genis « que l'on dit des Fontanes » L.Boulet, R.Barde. ASVAC
Les cloîtres démontés du Roussillon, G. Mallet, Archives Municipales de Perpignan 2000
Le cloître de Saint-Genis des Fontaines - Pyrénées Orientales - De la persistance de l'art roman au XIII°siècle 2015, Editions Trabucaire.
Le cloître de Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales). Historiographie. G. Mallet
In: Archéologie du Midi médiéval. Tome 5, 1987. pp. 109-118. Persée (document pdf téléchargeable).
(2.10) Vidéo sur le Cloître de Saint-Genis-des-Fontaines :
Remise en place et restauration du cloître de Saint-Genis-des-Fontaines après son démantèlement au début du XXème siècle.
vidéo sur "Le Cloître de Saint-Genis-des-Fontaines" de Catherine HUSSENOT