Le cadre

            Située dans le ROUSSILLON, département des Pyrénées Orientales, au pied de la chaîne des Albères et extrémité Est de l'axe central du massif pyrénéen (plaine qui a sa symétrie avec celle de l'Ampourdan voisine), cette ABBAYE et ses trois voisines immédiates : Sainte Marie d'Arles, Saint André de Sureda et San Pere de Roda se sont installées et développées à la même période. Période pendant laquelle les limites géographiques, autant que les statuts politiques, sont loin d'être totalement stabilisés.

            Ces caractères vont cependant considérablement marquer ces édifices de leur implantation à leur développement

 

            Saint Genis et les deux autres monastères roussillonnais sont en place fin VIIIème siècle dans une région-contact qui depuis l'antiquité romaine jusqu'à cette implantation a connu une histoire riche et mouvementée. C'est une zone carrefour de voies commerciales, une zone passage d'invasions et/ou de conquêtes militaires, une zone frontière, une zone d'implantation, de mission et de développement religieux. Une région qui présente donc toutes les caractéristiques nécessaires pour une histoire mouvementée.

            Née de la conquête, l'une des plus importantes voies romaines : la VIA DOMITIA, passait à peu de distance au Nord de ce qui deviendra Saint Genis.  (voir la carte annexe) .  Après l'angulation de Salsulae(Salses) La via domitia passait leTech vers Sainte Eugénie de Tresmals, entre Latour Bas-Elne et Taxo d'Avall (Tatzo=station?), ou le relais d'étape d' Ad Stabulum reste à retrouver.A partir de là, une branche de la Domitienne partait vers la côte et Portus Veneris (Port Vendres)  puis suivait l'ancienne voie hérakléenne ou continuait vers le col de Banyuls, l'autre branche partait vers la station d' Ad  Centuriones (Saint Martin de Fenollar) puis remontait la rivière Rome vers Les Cluses – Castrum Clausurae- ou se trouvent encore les ruines de deux importants forts romains encadrant sur la via Domitia parfaitement visible le Portorium (poste de douane) ou était perçu le « quarantième des Gaules » le péage et la taxe commerciale. Ensuite cétait le Summum Pyrenaeum (le col de Panissars), l'ensemble constituant la limite entre la Narbonnaise au Nord et la Tarraconnaise au Sud .

  Il y a hésitation entre rive gauche et rive droite du Tech pour Saint Genis mais le tracé rive droite est le plus plausible, passant par Palau Del Vidre et par Villeclare ou furent retrouvés un fragment de borne milliaire de l'époque de Constantin(IVème siècle) et la nécropole de Batipalmes des III et IVème siècle.

  D'autre part d'importantes VILLAS romaines sont repérées, l'une au contact immédiat du monastère de Saint Genis coté Est et contigue au jardin des moines (un récent sondage en a révélé l'importance) ; une autre à proximité immédiate du lycée A. Sauvy à l'Ouest de Saint Genis.

  Des voies romaines secondaires : la Via Confluentana remontant la vallée de la Têt vers la Cerdagne puis Lerida, la Via Valespiriana remontant la vallée du Tech vers le col d'Arès, la Via Vallis Aspiranae venant de la côte et allant vers Ad Centuriones concernait directement Saint Genis puisqu'elle passait,semble-t-il, au Sud immédiat du monastère.

  Lequel était donc situé entre deux voies romaines distantes de quelques kilomètres. Cette configuration est le signe d'une région active, d'antériorité de positionnement d'une population certainement assez importante. Les monastères se réimplantent sur des structures encore certainement parfaitement visibles. Le réemploi de matériaux romains au niveau de l'église intérieur et façade en est manifestement la preuve et le Dolium d'assez grandes dimensions retrouvé a l'entrée du monastère ne fait que le confirmer.

            Le royaume wisigoth de Toulouse installé à partir de 418 sera réduit après la victoire de Clovis à Vouillé en 507 à la Septimanie (Bas-Languedoc et Roussillon actuels) avant de disparaître lors de la conquête dite « arabe » entre 711 et 732. La Septimanie est conquise en 719, Narbonne devient Arbûna pendant 40 ans. Ces aléas sont importants pour nos monastères car les influences dites hispano-wisigothiques y seront très développées lors de leur implantation.

  Celle-ci est intimement liée aux épisodes de la reconquête carolingienne et de ses suites. Elle a commencé sous Pépin le Bref avec la prise en main du Bas Languedoc à partir de 751- Narbonne reprise en 759- puis de l' Aquitaine entre 761 et 768.

  En 777 Charlemagne décide l'expédition vers Saragosse pour assurer l'arrière de l' Aquitaine, ce sera  le gros échec de 778 et le reflux de l'armée carolingienne qui fera de quelques » hispani » les créateurs de nos trois nouveaux monastères dont SENTIMIR à Saint Genis.

  Un nouveau raid musulman vers Narbonne qui sera assiégée verra une nouvelle défaite des troupes carolingiennes à la bataille de l'Orbieu. Il faudra attendre les ex péditions du roi Louis d'Aquitaine (fils de Charlemagne) et du Comte de Toulouse Guillaume (le fondateur de l'abbaye de Gellone en 804 , le futur Guilhem de Saint Guilhem le Désert) grand ami du fils du comte wisigoth de maguelonne : Witiza devenu Benoît fondateur d' Aniane en 784 et refondateur de la règle bénédictine. La réforme de Benoît très proche de Charlemagne sera appliquée dans tout l'occident et   bien sûr dans nos monastères.

  Les expéditions de Louis et Guillaume permettront la prise de Gérone, de Barcelone en 801 puis de Tortosa en 811 et feront de la Marca Hispanica une avancée carolingienne en zone ibérique et mettront le Roussillon un peu plus à l'abri, particulièrement avec l'organisation des Comtés.

  C'est pendant ces périodes agitées que les murs de nos monastères montent et que leur emprise territoriale s'affirme. Ceci est confirmé à Saint Genis par un précepte de Louis le Pieux de 819.

  Difficultés qui ne sont pas pour autant terminées, les raids normands viendront très rapidement le rappeler à tous !