Le catalogue

Catalogue de l'exposition disponible au Centre du Patrimoine Arménien au prix de 10 euros.

14 rue Louis Gallet à Valence

Tél. : 04 75 80 13 00

www.patrimoinearmenien.org

Ouvert du mardi au dimanche

Jusqu’au 31 mars : de 14h à 17h30

À partir du 1er avril : de 14h30 à 18h30

Fermé les jours fériés

Le Centre du Patrimoine Arménien (CPA) est un lieu original dédié aux migrations, à l’histoire des peuples et des cultures et à la mémoire des conflits. Les expositions et animations programmées invitent à poser un autre regard sur notre société et ses enjeux.

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EXTRAITS DE L'OUVRAGE

Avant-propos :

C'est en observant, en l'espace de quelques mois, leur implantation dans le cœur historique de Valence, qu'est née l'idée de consacrer une exposition aux migrations chinoises. Dédié à l'histoire et à la mémoire de l'immigration, tout particulièrement à celle de la diaspora arménienne en France, le Centre du Patrimoine Arménien prolonge ainsi le travail de réflexion mené depuis plusieurs années sur les enjeux des mobilités internationales et l'actualité des questions migratoires.

L'exposition Huaqiao, regards sur les présences chinoises à Valence, nous amène ainsi à la rencontre de ces nouveaux Valentinois, étudiants, commerçants, artistes, mais ravive également le souvenir d'autres installations, plus anciennes et plus discrètes. Elle rappelle l'histoire méconnue, voire oubliée, des travailleurs recrutés en Chine pour soutenir l'économie française pendant la Première Guerre Mondiale, celle des étudiants-ouvriers ou des boursiers du Collège de Valence, futures élites de la Chine contemporaine venues se former en France.

Ce projet s'est appuyé sur un résidence d'artiste, celle du photographe Emmanuel Sapet, qui a parcouru notre territoire plusieurs semaine durant. En sont nées une cinquantaine de photographies, alternant portraits d'individus et natures mortes, qui mettent en lumière une présence chinoise qui s'est affirmée sur Valence ces dernières années. Avec ces images, se pose la question de l'identité : qu'est-ce qu'être chinois ? Comment est vécu l'éloignement ? Quels sont les indices de cette appartenances culturelle ?

Emmanuel Sapet a été accompagné dans sa démarche par Yalan Song, anthropologue et doctorante à l'Institut d’Études Transtextuelles et Transculturelles de l'Université Jean-Moulin - Lyon 3. Balayant les clichés, notamment la vision uniforme d'une communauté en diaspora, leurs recherches rappellent au contraire la grande diversité des situations, des motivations, des histoires individuelles.

Cette exposition contribuera, nous l'espérons, à faire évoluer le regard porté sur ces habitants, à mieux les connaître et à mieux les comprendre.... Renforçant ainsi le lien entre les habitants de l'agglomération, un lien fondé sur la diversité comme source de valeurs communes.

Alain Maurice

Maire de Valence, Président de Valence Agglo Sud Rhône-Alpes.

Jean-Michel Bochaton

Vice-Président de Valence Agglo Sud Rhône-Alpes en charge de la Culture.

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Foreword:

It was by observing, within a just few months, their setting-up in the historical heart of Valence that the idea of dedicating an exhibition to the Chinese migrations germinated. Devoted to the history and the memory of immigration, particularly to the Armenian diaspora in France, the CPA / AHC (Centre du Patrimoine Arménien / Armenian Heritage Center) thus continues the long-term study concerning the stakes of international mobilities and the topicality of migratory questions.

The Huaqiao, a look at the Chinese presence in Valence exhibition leads us therefore to meet with these new inhabitants of Valence, students, shopkeepers, artists, but also revives the memory of other setting-ups, more ancient and more discreet. It reminds us of the unsung, even forgotten history of workers recruited in China to support the French economy during the First World War, the history of the student-workers or grant holders of the Collège de Valence, contemporary China's future elites who came to train in France.

This project relied upon the photographer Emmanuel Sapet during his artist's residency and in the course of which he travelled all over our territory for several weeks. This resulted into about fifty photographs, alternating portraits of individuals and still-lifes, highlighting a Chinese presence which asserted itself over the last few years. Through these pictures the question of identity arises: what is it to be Chinese? How is the estrangement lived through? Which are the indications of this cultural belonging?

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Alain Maurice

Mayor Valence, President of Valence Agglo Sud Rhône-Alpes.

Jean-Michel Bochaton

Vice President de Valence Agglo Sud Rhône-Alpes in charge of Culture.

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Épicerie Toky, rue Madier-de-Monjeau, Valence / Toky Grocery, Madier-de-Montjau Street, Valence.

Introduction à "Huaqiao, Regards sur les présences chinoises à Valence":

« Le photographe : Il y a longtemps que ce magasin existe ?

L'épicière : Oui cela fait trente ans.

Le photographe : Vous êtes de quelle origine ?

L'épicière : Je suis métissée. De père Français et de mère Vietnamienne. Et vous ?

Le photographe : Je suis né ici à Valence.

L'épicière : Vous n'êtes pas métissé ? Vous avez l'air pourtant.

Le photographe : ... »

Le propriétaire chinois à qui le magasin To-Ky devait son nom était parti depuis longtemps. Pourtant, au début de mon travail photographique à Valence ce magasin exotique m'avait été donné comme chinois.

Fausse piste ? D'où pouvait venir alors la nature chinoise que conféraient les Valentinois à ce magasin ?

L'épicière me livre une réponse à la fin de notre conversation. Avec l'air de s'excuser elle me souffle :

«  Oh vous savez, ici, ce qu'on vend ce ne sont que des chinoiseries ».

Ce premier contact avec un Extrême-Orient de quartier m'invitait à penser ce que pouvait signifier « être Chinois à Valence ».

D'un point de vue identitaire les Chinois ne constituent pas une ethnie (la Chine en compte 56 différentes), ni même une nation (s'il on entend par là un peuple uni se limitant à son territoire) et à Valence il est difficile même de parler de communauté (il n'y a pas encore de chinatown). Même les valeurs traditionnelles privilégiant l'ordre, la famille et le groupe tendent à s'affaiblir en France pour faire place à un certain sentiment de solitude et de doute.

Si l'on peut se représenter différents groupes de population d'origine chinoise à Valence - étudiants, anciens étudiants, commerçants, enseignants - mes photographies attestent avant tout de ma rencontre avec des individus.

Tranchant avec l'idée de Chinois qui n'évolueraient qu'en un groupe massif et indistinct, elles déroulent une galerie de portraits individuels posés.

Certains d'entre eux font entrer le sujet dans un rôle social défini, sans pour autant l'enfermer, car le même sujet peut-être décliné dans un rôle différent. Ainsi un étudiant comme Tan Xin, peintre aux Beaux-Arts, pourra se muer, d'une image à l'autre, en commis de cuisine.

D'autres portraits, au contraire, sont réalisés en situation de rue et n'affirment rien d'autre que leur présence immédiate dans l'espace urbain.

Ces photographies évoquent ainsi à la fois un jeu de rôles, avec l'idée que l'identité est affaire de négociations permanentes, et un paysage qui nous invite à revisiter la ville.

Enfin, ces portraits contemporains, dans la suite des images d'archives présentées dans cette exposition, peuvent être considérés comme des éléments participant à la mémoire d'une Histoire chinoise locale qui continue à s'écrire, avec tout ce qu'elle pourra encore compter de pages, petites ou grandes, d'héroïsme et de tragédie.

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An introduction to "A look at the Chinese presence in Valence":

"The photographer: Has this store been existing for long?

The grocer: Yes, it's been thirty years.

The photographer: Of what origin are you ?

The grocer: I am of mixed race. French father and Vietnamese mother. And you?

The photographer: I was born here in Valence.

The grocer: You're not of mixed race? You look like you could be though.

The photographer: ... "

The Chinese owner who gave his name to the Toky shop had gone a long time ago. Nevertheless, at the beginning of my photographic work in Valence, I was told this exotic shop was Chinese.

Wrong path? Then where could the Chinese nature given to this shop by the people living in Valence have actually come from?

The lady grocer discloses an answer at the end of our conversation. As if she were apologising, she whispered: "Oh, here, we only sell chinoiseries, you know."

This first contact with a Far-East district led me to wonder what could possibly be the signification of "being Chinese in Valence".

As far as identity is concerned, the Chinese do not come forward as an ethnic group - China counts 56 of them - nor even a nation - if by that we mean a united people restricted to its territory - and in Valence it is even hard to talk about a community - there is no Chinatown as yet. Even the traditional values favouring order, family and affiliation tend to weaken in France, giving way to a kind of feeling of loneliness and doubt.

If one can figure out different groups of populations of Chinese origin in Valence - students, former students, shopkeepers, teachers - my photographs attest above all my meeting with individuals. Contrasting with the preconception of Chinese people not evolving otherwise than in a massive and indistinguishable group, they unroll a gallery of posing individual portraits.

Some of them make the subject enter into a definite social role, without confining them to it however, since the same subject can be portrayed in a different role. For instance, a student like Tan Xin, painter at the Fine Arts, can change, from one picture to another, into a cooking assistant.

Other portraits, on the contrary, were made in a street situation and affirm nothing else but their immediate presence in the urban space. In that way, these photographs simultaneously bring to mind a role playing game, with the idea that identity is a matter of permanent negotiations, and a landscape inviting us to revisit the city.

Finally, these contemporary portraits can be considered as elements participating to the memory of a local Chinese story still continuing to write itself, and that might still add new pages, great or small, of heroism and tragedy.

Emmanuel Sapet

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Épicerie Toky, rue Madier-de-Monjeau, Valence / Toky Grocery, Madier-de-Montjau Street, Valence.

Cette première série de photographies fait office de préambule. Elle nous introduit dans un univers asiatique traditionnel pour mieux le questionner.Si les produits alimentaires « exotiques » alignés dans les rayons ou entassés dans d'obscures armoires frigorifiques présentent encore leur part de mystère et inquiètent nos estomacs, les objets décoratifs nous offrent en revanche une part de culture asiatique bien assimilée. Le goût pour les Chinoiseries commence en effet dès la Renaissance et connaît son apogée au XVIIIième siècle. D'abord rêvées par les Beaux-Arts, elles sont aujourd'hui manufacturées à échelle industrielle pour agrémenter les intérieurs de tout un chacun. Dans cette série d'images composites, où le postiche côtoie le costume, nous sommes aussi, en contrepartie, invités à penser l'Autre non pas comme sujet exotique mais comme sujet jouant un rôle. Nous sommes invités à envisager l'identité comme quelque chose de mouvant et en permanente négociation.

This image acts as a preamble. It takes us into an Asian universe in order to question it better. If the "exotic" food products aligned on the shelves or piled up inside some dark refrigerated cupboards still offer their part of mystery and worry our stomachs, on the other hand the decorative objects are exposed to us as a well assimilated part of the Asian culture. Indeed, the taste for chinoiseries starts as from the Renaissance and reaches its peak during the XVIIIth Century. First dreamed by the Fine Arts, they are manufactured today on an industrial scale to embellish everyone's interior. In this series of composite images, where hairpieces go alongside costumes, we are also invited, in return, to think the Other not as an exotic subject but as a subject playing a role. The identity is considered as something that can possibly change.