Etude sur le Prieuré St Martin

(Cette photo m'a été transmise par Anne-Marie MAISTRE ;

il s'agit d'une aquarelle peinte par son papa.)

Avertissement :

Les lignes en italiques sont les renseignements ou les textes initiaux dénichés sur Internet ou ailleurs.

Les lignes en caractères normaux sont de mon cru.

Et vous n'êtes pas obligés de lire les textes en latin !!!!!!!!!

LES ORIGINES

PROLOGUE, par le Chanoine VENTRE

Allons est une des rare paroisse où titulaire et patron sont mentionnés séparément.

St Martin, Évêque de Tours, est titulaire.;

St Domnin, patron, premier Évêque de Digne (Chanoine Ventre)

(On sait depuis que, en fait, le premier Évêque de Digne a été St Vincent, et non St Domnin, qui fut son compagnon).

Le titre de St Martin, donné au prieuré et à l'église d'Allons, est très ancien. Au cours des siècles, c'est toujours sous ce nom que sont désignées les deux églises (Chanoine Ventre).

.....

J'ai toujours été étonnée, en regardant notre «vieille chapelle» St Martin, de la voir accolée à une tour de garde. Je parle de la Tour dite des Templiers, laquelle ne peut honnêtement être une habitation, étant donné son étroitesse.

«Vieille chapelle», entre guillemets ! Car celle-ci date en fait de 1850. Et il s'agit bien d'une chapelle, laquelle fut construite non pas sur les ruines de l'ancienne église, mais pas bien au même endroit.

Une église, on la trouve au cœur d'un village ; ou bien dans une abbaye, dont elle est le centre et l'organe vital.

Il semblerait que notre édifice de 1850 fut posée là, parce que c'était plus commode, peut-être parce qu'il y avait déjà le cimetière, tout proche, très proche même.

La preuve de la présence du cimetière en cet endroit ? Les anciens d'Allons nous diront que dans leur jeunesse l'on y voyait encore des tombes ; là.... regardez.... juste devant la chapelle démolie.

Si vous étudiez les registres paroissiaux sagement rangés aux Archives Départementales de Digne les Bains, vous verrez que tous nos ancêtres ont été inhumés dans le «Cimetière St Martin». Et ce depuis 1668, date limite dans le temps de ces registres.

Et en lisant attentivement les actes qui racontent la vie des anciens Allonsais, on peut s'apercevoir que tous les événements, quels qu'ils soient ( baptêmes, mariages, décès), ont été notés non par un Curé, mais par un Prieur... Ceci jusqu'à la Révolution.

Or un Prieur, comme son titre l'indique, dirige un Prieuré, même modeste, et non une Cure !

C'est d'ailleurs tout récemment que je l'ai découvert, grâce aux Cahiers du Chanoine Ventre, déposés eux aussi aux Archives de Digne.

Voici la preuve... en image.... un document du Terrier d'Allons (autrement dit : le Cadastre d'autrefois) ; Il concerne M. D'AILHAUD, prieur curé d'Allons.

Quelques mots à propos de ce brave chanoine, qui m'a ouvert les yeux et donné envie d'en savoir un peu plus sur ce «haut-lieu» de notre histoire locale.

Léon Charles Marie Ventre est né à Castellane le 8 août 1890. Il fut ordonné prêtre en 1913 et fut curé de Peyroules et professeur au Petit Séminaire. Le 4 janvier 1920, il prend possession de la cure d'Allons, qu'il occupera de cette date au 8 septembre 1923, avec une interruption de trois mois, durant laquelle le service fut assuré par le Chanoine Chalve. Il fut ensuite curé d'Ongles.

Nous remarquerons que le Chanoine Ventre était «curé d'Allons», et non prieur ; c'est normal, puisqu'il officiait entre 1920 et 1923, et que le prieuré était bien loin à son époque.

Il est à noter aussi que, dans ses cahiers, il appelle les habitants d'Allons, les ALLONCIENS ! Curieux, non ?

Cet homme, qui s'est penché sur notre passé, a établi un cahier spécial non pas sur notre village, mais sur son lieu de culte.

Lequel lieu n'était pas une église, mais un prieuré !

Mais comment savons-nous qu'il s'agissait d'un prieuré ?

Si vous le voulez bien, remontons le passé...

......

1042 –

Cette année-là, un grand propriétaire d'Annot fait des dons conséquents à l'Abbaye St Victor de Marseille, alors à l'apogée de son importance.

Il s'appelle Pons Silvain, et possède une maison noble à Annot, et une à Allons. Il a aussi des possessions au Fugeret, à Thorame et à Méailles, dans la vallée de la Vaïre.

Les dons qu'il effectue sur Annot sont assez importants ; à Allons, il donne à la célèbre Abbaye un "manse", situé à l'endroit que nous appelons aujourd'hui «Rampan» et où l'on peut voir la Tour ruinée dite des Templiers ainsi que les restes de la Chapelle St Martin.

Cependant, si les dons en provenance d'Annot se sont bien passés en 1042, on ne peut pas affirmer de source certaine que celui d'Allons se déroula bien cette même année ; peut-être la donation fut-elle ultérieure...

Je vous fait «cadeau», ci-dessous, du texte en latin, extrait du Cartulaire (Chartes) de St Victor de Marseille.

Ego Pontius Silvanus, pro remedio anime meç et pro animabas parentum meorum, dono Deo et saneto Victori, Massiliensis monasterii, martiri Christi, et ejus eongregationi duos mansos, unum in villa quam uominant Alons, quem tenet Girardus Pecia Cudas, et alium in castro quod nommant Petriscum, quem tenet Abundius.

Vous remarquerez le nom du donateur : Pontius Silvanus = Pons Silvain.;

Ainsi que la dénomination du lieu qui allait devenir ALLONS = ALONS.

Pour information, le terme VILLA désigne un petit village ouvert et bâti aux pieds des murailles (Chanoine Ventre)

De même que MANSOS (Manse) désigne une ferme (exploitation de terres et habitations).

....

1070 -

Quelques années plus tard, au mois de juin 1070, deux fils de Pons Silvain font à leur tour un don à St Victor de Marseille. Ce don concerne cette fois-ci non pas un terrain, mais bel et bien une église.

J'ai, dans mes tablettes, le texte en latin trouvé sur un formidable site Internet consacré aux anciennes Chartes cléricales. (E-corpus)

(A ce propos, qu'est-ce que ces Chartes (ou Cartulaire) ? Il s'agit là de recueils, établis au cours du Moyen-âge, par des religieux ou même des laïcs, surtout de grands personnages, et contenant les «actes» de donations effectués par des individus soit à un monastère, un couvent, une abbaye (comme à Allons) ; ces donations étaient réalisées «en rémission des pêchés», par une population très croyante et très pratiquante. Les chartes mentionnent en général les noms du principal personnage effectuant le don, mais aussi toute sa parentèle: épouse, enfants, frères, neveux, etc.. même si tous les noms ne sont pas mentionnés.

Voici le texte en latin de la Charte de 1070 :

Ego Vuilelmus Silvani et Vidianus, frater meus, filii Cesari pro remedio peccatorum nostrorum.... ecclesiam Sancti Martini parrochialem de villa que dicitur Alonz ab integro cum omni fevo presbiterali id est...

Comment savons-nous que Guillaume Silvain (Vuilelmus Silvani) et son frère Vidian (Vidianus), fils de Césarie, sont aussi les enfants de Pons Silvain d'Annot ?

Tout simplement parce que leurs noms sont aussi mentionnés au côté de celui de leur père dans d'autres dons effectués au Fugeret.

Le court extrait du texte en latin de la Charte dont je n'ai insérée ici qu'une partie nous apprend également quelques détails..

(mes cours de latin au collège m'ont laissé quelques traces et j'avoue aussi que les traducteurs sur Internet m'ont bien aidée !)

A savoir que, en 1070 :

1. Il y a déjà un village (Villa)

    1. Il y a aussi une paroisse (parrochialem)

    2. Et une église (ecclesiam)

    3. Laquelle s'appelle déjà St Martin (Sancti Martini)

Vous remarquerez que, cette fois-ci, Allons est nommée ALONZ !

Plus loin dans le texte latin, on apprend que « l'église est aux moines ».

Donc, elle fait partir du monastère ! Ce n'est pas une église de village !,

Cette église dont il est question est placé sous le vocable de St Martin de la Sappée.

(Il s'agit de St Martin de Tours)

[Pour la petite histoire, et d'après certain article des Annales des Basses-Alpes datant de 1906, il serait fort possible que le Guillaume Silvain qui donna l'église du prieuré d'Allons était le même personnage que le Guillaume de Réquiston qui se croisât en 1096 ! Il est curieux d'ailleurs de remarquer que les deux premiers seigneurs d'Allons «certifiés», des Réquiston, portaient le prénom de Salvain !]

Après cette aparté, continuons nos recherches.. ci-dessous dans la deuxième partie...

LES EVEQUES DE SENEZ

1090 -

Le 9 Février 1090 donc vingt ans après la donation de l'église, l'Evêque de Senez Pierre II confirme :

La cession de l'église de Saint-Martin d'Allons , avec le cimetière de trente pas ecclésiastiques qui l'entoure, les chapelles qui s'y trouvent, avec toutes leurs dîmes, prémices, limites et appartenances.

Ce qui implique que :

    1. L'église est bien place

    2. le cimetière existe déjà, autour de l'église, et non devant ;

    3. le prieuré est sans doute plus important que ce que l'on peut imaginer puisque s'y trouvent des chapelles, en plus de l'église.

1113 –

Le 23 avril, le pape Pascal II confirme les possessions de St Victor à Allons.

1122 -

Cette année-là, l'Evêque de Senez Aldebert de Castellane, proclame un édit dans lequel il mentionne les lieux de culte de la région. Il fait noter entre autres ceci :

J'approuve et confirme …... l'église de Saint-Martin d'Allons avec ses dépendances, mais nous interdisons à toute personne d'élever une église au-dessous des limites des deux paroisses, sans le consentement de l'évêque et la volonté expresse de l'abbé et des religieux de Marseille. Si quelqu'un est assez téméraire pour faire cette construction.... etc....

Donc, l'église est toujours en place, et elle possède des dépendances ; peut-être les chapelles dont on a parlées plus haut.

Et regardez-bien, il est notés « deux paroisses » ; curieux, n'est-ce-pas ? St Martin et St Domnin ? Cela suppose-t-il deux villages ?.

Et ces deux villages, si cela est, dépendaient-il d'un seul lieu de culte, à savoir le Prieuré ?

Se pourrait-il que la deuxième paroisse soit, tout simplement, Vauclause ?

En effet, dans les actes paroissiaux de 1668 à 1790, soit avant la Révolution, les personnes qui décédaient à Vauclause étaient inhumées au cimetière St Martin d'Allons.

D'autre part, une enquête de Charles d'Anjou, en 1278, dont je vais parler plus loin, nous fait découvrir qu'il n'y avait pas à Vauclause d'église, ni de curé. (Voir plus loin 1278). Et entre 1624 et 1628, Vauclause était considérée comme «commune».

Dans cette charte d'Aldebert de Castellane, il est mentionné «en dessous des limites des deux paroisses ».

Que signifie «en dessous» ?

Si, comme nous l'avons supposé suite à nos recherches respectives, Catherine PLANTEROSE et moi-même, l'entrée de notre vallée n'était pas en dessous de Vauclause, mais plutôt à l'opposé, en passant par d'Haut-Ville ; il est fort possible que les limites mentionnées soient en fait au-dessus d'Allons, vers Le Fugeret et la Vallée de la Vaïre.

Souvenez-vous...Pons Silvain, d'Annot avait des possessions à Allons, mais aussi au Fugeret, Méailles, etc.. juste de l'autre côté du col....

C'était là une aparté ! Revenons à présent à St Martin …

Pourquoi l'Evêque proclama-t-il une interdiction d'élever une nouvelles église sans autorisation?

Se pourrait-il qu'autrefois, en 1070, la première église dédiée à St Martin ait été construite «à la sauvette» ? Sans autorisation du clergé ? Pourtant.... souvenons nous que cette église avait été donnée à St Victor de Marseille par les deux frères Silvain, et dûment enregistrée dans les chartes de l'abbaye phocéenne.

Que se passa-t-il, sans doute peu avant 1122, pour que cet Evêque publie une telle interdiction ?

Le digne prélat était sans doute fort en colère pour employer le terme «téméraire» dans son discours !

Quelqu'un avait-il, autrefois, bravé les autorités ecclésiastiques pour n'en faire qu'à sa tête ?

Nous ne le saurons sans doute jamais....

1135 -

Le 28 juin, Innocent II confirme lui aussi les possessions d'Allons ; il nomme alors la : «Cellam de Alunz».

Vous remarquerez que le nom diffère selon les années ; il ne s'agit pas là de fautes d'orthographe ! Au Moyen-âge, on écrivait un peu comme on voulait !

Ce chapitre fut court..... Attendons la suite....

DEUX EVENEMENTS MAJEURS

1278 - Affouagement du Comte de Provence

Charles I, Comte de Provence et de Forcalquier, fait faire un enquête sous les ordres du Sénéchal de Provence. Dans cette enquête, figure Rainaud d'Aix, prieur d'Allons, nommé par le monastère de St Victor.

Donc, cette année 1278, le prieuré appartient encore aux moines de St Victor. (Chanoine Ventre)

Le texte latin de l'enquête mentionne en outre que : «Il n'y a pas de prélat, ni de maison religieuse, seulement un prieuré». (Enquête de Charles I d'Anjou en Provence – Merci à mon amie Catherine PLANTEROSE de m'avoir fourni le texte).

Pour la petite histoire, et hors sujet du prieuré, j'ajouterais que cette enquête mentionne aussi le château d'Allons, et deux maisons nobles.

26 Novembre 1687 - Bénédiction de la cloche de St Martin & St Domnin

Cette année-là, a lieu à Allons un événement dont voici le texte, trouvé dans les actes paroissiaux du village (cliquez sur l'image pour l'agrandir) :

Traduction simplifiée :

Nous, Michel Bauchier, prêtre servant la paroisse Notre Dame du St Rosaire de La Mure, avons procédé à la simple bénédiction de la cloche de St Martin et de St Domnin.....

Le parrain a été Jean Pelegrin, ménager et consul moderne dudit Allonz et en présence de messire Honoré Bonet, prêtre et prieur d'Allons, de noble Maistre Jean d'Autane, sieur d'Allons, d'Antoine Bonet, consul, de Pierre Pelegrin, lieutenant de juge et autres habitants qui ont signé avec nous, dudit Allonz ce vint-sixième novembre mil six cent quatre vingt et sept.

Signatures = Bonet, prieur d'Allons, d'Autane, Pierre Pellegrin, lieutenant de jeuge, J. Latil, H. Pelegrin. Bauchier, prêtre.

Notez que le ministre du culte de La Mure qui officie est un CURE ; alors que celui d'Allons, est PRIEUR-CURE. Donc, à cette époque, 1687, il semble logique qu'il y ait eu encore à Allons le Prieuré St Martin ; sans doute, et même certain, n'était-il plus en fonction, en tant que prieuré, mais que son église était toujours utilisée. (L'Abbaye de St Victor de Marseille n'a existé que pendant le Moyen-âge).

Si l'on prend en compte que tous les décédés étaient inhumés, à cette époque-là, et pendant longtemps encore, au CIMETIERE ST MARTIN, on peut supposer que les cérémonies religieuses se déroulaient encore à cette date dans l'église de l'ancien prieuré ; de même que les inhumations avaient lieu dans l'ancien cimetière.

A ce propos, quelle était l'origine du cimetière ? Il ne faut pas oublier que le prieuré était une abbaye ; logiquement, le cimetière devait lui appartenir. Alors, pourquoi enterrer les disparus dans un cimetière où devaient reposer les moines ? Avait-il été «reconverti» pour le communs des mortels ? J'aborderais ce sujet dans le « chapitre » de l'Evêque Soanen.

Pour ma satisfaction personnelle, je vous donnerais ici quelques détails supplémentaires, concernant cet acte de 1687 :.

1) Le nom du village, dans ce court texte, est orthographie de la même façon que de nos jours.

2) Comme le note le chanoine Ventre à la fin de la copie du document, il y a une SEULE CLOCHE pour ST MARTIN & ST DOMNIN ! Ces deux saints étaient-ils regroupés dans la même église ?

    1. Honoré BONET est prêtre et prieur.

    2. Ce BONET est-il d'Allons ? Peut-être .. Il y a un autre Bonet cette année-là : Antoine, qui est consul (c'est-à-dire représentant du peuple).

    3. Il a trois PELEGRIN à Allons en 1687 ! Jean, consul moderne et parrain de la cloche ; il s'agit sans doute de mon ancêtre direct, époux de Catherine REQUISTON. (Mon autre Jean direct étant décédé dix ans plus tôt).

      1. Antoine, dont la signature paraît à cette époque sur presque tous les actes, et qui était aussi consul ; il était l'un des fils de mon ancêtre Bathazar..

Et un autre de mes ascendants directs, Pierre, le lieutenant de juge (ou Bayle, ou Lieutenant de Châtelain ; ce dernier était nommé par le ou les Seigneurs du lieu pour le remplacer dans certaines décisions judiciaires entre autres). Tous ont écrit leur nom avec un seul L, mais le lieutenant de juge signe son nom avec deux LL ! Par contre, il a écrit Jeuge pour juge !

Dans le chapitre suivant, nous ferons la connaissance deux Evêques de Senez en visite à Allons...

LES VISITES PASTORALES

1695 -

Cette année-là, le Vicaire Général Lazare de Capel est en tournée pastorale à Allons.

Il est accueilli et reçoit l'hospitalité de l'un de ses co-seigneurs, M. De Richery.

Deux autres Seigneurs d'Allons, M. de Réquiston et M. D'Autane, se plaignent auprès de lui de l'absence annuelle de messe à la mémoire de Balthazar de Réquiston, lequel, apparemment, seigneur d'Allons avant 1560, fut assassiné ! Je n'ai pu malheureusement en savoir plus sur cette affaire...

Ensuite de quoi, le vicaire écoutera les doléances de certains habitants, lesquesl se plaignent que le cimetière est trop loin, et donc qu'il est sujet aux profanations et «estant en hyver difficile d'y porter les morts».

1708 -

Les 10 et 11 septembre de cette année-là, Allons a les honneurs de la visite de l'Evêque de Senez, Jean Soanen.

Le prélat notera que « l'église d'Allons, qui était autrefois à 500 pas du village, au milieu du cimetière, sous le titre de St Martin de la Sappée, a été paroissiale de tout temps, selon « mil témoignages de nos archives ».

Jacques Durand, prêtre originaire d'Annot, s'occupe du « prieuré-curial », et procure aux habitants « les secours » et « la bonne instruction que nous avons remarqué dans les enfants »..

L'Evêque remarque aussi : les habitants ont fait leur devoir pascal, ils sont laborieux dans leur pauvreté, mais ils profanent souvent les fêtes par des voitures, des courses, des aises (?), et quelquefois même par des danses, comme ils ont aussi profané le sacrement de mariage par des charivaris.

Il précise que l'église est en très mauvais état, très humide, que certains travaux qu'il avait demandés lors de sa précédente visite en 1697 n'ont pas été effectués, notamment un « canal », qui devait stopper les eaux d'infiltration. Il parle des objets du culte, d'un tableau qui représente St Martin, St Pierre et un troisième Evêque dont l'identité n'est pas certaine, du mur du fond qui est fendu, du clocher qui est tout décrépi et de ses deux cloches qui ne peuvent sonner à la volée.

Il ajoute que la relique de St Domnin est dans un reliquaire d'argent.

Le cimetière étant lui-aussi fort abîmé (certaines tombe sont béantes!), il exige les réparations demandées précédemment, sous peine de aller enterrer les morts ailleurs.

Le cimetière, dit-il « est tout autour de l'ancienne église paroissiale, où l'on voit encore des masures et des caveaux, et les habitants nous ont assuré qu'on y a trouvé dans la terre, des tombeaux très grands et très propres, qu'on dit avoir été faits par les Templiers, à qui, dit-on, cette église appartenait. »

Si l'on compare les témoignages de Soanen et du Vicaire Général de Capel en 1695, les termes employés laissent supposer que la construction visitée par les deux religieux, n'est pas celle, très ancienne, de « l'ancienne église paroissiale »

Il semblerait donc logique de dire que l'église qui fut donnée à St Victor de Marseille en 1070 était en ruines, et avait été remplacée par celle que décrit l'Evêque.. Ce qui paraît au fond normal, car étant donné son grand-âge à l'époque de Soanen (638 ans!), il est envisageable qu'elle fut rebâtie, peut-être même plusieurs fois.

Par contre, le digne Evêque eut sans doute la possibilité de voir des vestiges de la vieille église, puisque il mentionne des masures, qui étaient peut-être autrefois des dépendances de l'ancien Prieuré.

Ainsi que des caveaux...

C'est dans ce cimetière qu'ont été inhumés tous les anciens Allonsais depuis au moins 1668 (Actes paroissiaux de la commune déposés aux Archives Départementales). Ainsi d'ailleurs que les habitants de Vauclause, comme j'ai pu le lire au cours de mes recherches généalogiques.

Et qu'est-ce donc que ces tombeaux très grands et très propres, que l'on a trouvés dans la terre du cimetière ?

Il paraît curieux en effet qu'ils aient été très propres ; par définition, ils auraient du contenir des ossements, quels que soient leurs propriétaires.

Autrefois, on inhumait les défunts dans des linceuls, qui étaient de simples draps ; puis on les « installait » dans des fosses, bien souvent communes. Lorsque ces fosses étaient pleines, on ôtait les restes des corps, que l'on mettait parfois dans des ossuaires, avant d'inhumer de nouvelles personnes.

Il paraît peu probable que ces tombeaux aient appartenu au commun des mortels, vu leur taille présumée ; et même si cela avait été le cas, on aurait certainement trouvé leurs restes à l'intérieur.

Se pourrait-il qu'il s'agisse là des dernières demeures de certains Seigneurs d'Allons ?

Dans les registres paroissiaux, j'ai noté que les membres de la famille d'AUTANE étaient enterrés, quel que soit leur sexe ou leur âge, sous le banc de la famille dans l'église paroissiale (donc celle de 1708 visité par le prélat)..

Ces tombeaux leur appartenaient-ils ?

Mais alors, pourquoi étaient-ils vides et propres ? Les avait-on vidés et nettoyés pour les utiliser à nouveau ?

Ou bien étaient-ils plus anciens que les d'AUTANE (c'est-à-dire à partir de 1600 environ) ?

S'agissait-il des tombes des moines du prieuré ? Mais là-aussi on aurait du trouver des ossements.

Ou alors des sépultures des plus anciens Seigneurs d'Allons ? Que l'on aurait débarrassées de leurs restes mortels ?

Pour l'instant, le mystère demeure...

Mettons de côté l'idée que leurs anciens occupants étaient des Templiers !

Il n'y eu apparemment jamais de Chevaliers du Temple à Allons !

Quoique...

Au XIVème siècle, Raymond de Réquiston fut Commandeur du Temple de Puget Thénier...

Mais nous ne pourrons rien affirmer, étant donné qu'à cette époque, vivaient DEUX Raymond de Réquiston !

Dont l'un était Seigneur d'Allons, et l'autre « régnait » à Escragnoles dans le Var..

Il s'agissait de la même famille, mais de deux branches différentes..

On ne peut donc affirmer avec certitude lequel d'entre eux appartenait au Temple.

Revenons au cimetière mentionné par Soanen ;;

Il paraît être le même que jadis, puisqu'il se trouve autour de l'ancienne église, mais assez éloigné du village..

Puis, le prélat nous informe soudain que, de tout temps, le prieuré a été curial.

Ce qui implique bien que le prieuré, depuis sa création, aux alentours de 1070, était bien entendu aux moines, que son lieu de culte remplissait également le rôle d'église paroissiale, et donc que son prieur était aussi le curé du lieu ! D'où le terme de PRIEUR-CURE , employé jusque dans les années 1790.

Plus loin, il parle de la Chapelle rurale de St Domnin, qui est au dehors de l'église.

Cela signifierait-il qu'à cette époque, il y avait une chapelle dédié au Saint local dans les environs du Prieuré ?

Il ajoute que la fête de ce Saint se déroule le 17 juillet, mais qu'il l'a pour l'instant interdite, suite aux débordements de la population !

1718

Le prélat visitera le prieuré-curial d'Allons quatre fois ; en 1697, 1708, 1715 et 1718.

Cette dernière année, il constate avec satisfaction que les réparations qu'il avait demandées au cours de ses visites précédentes ont été effectuées, tant pour l'église que pour le cimetière..

Le cimetière dont parle l'Evèque paraît donc être le même que jadis, puisqu'il se trouve autour de l'ancienne église, mais assez éloigné du village..

Donc, en 1708 et 1718, ce cimetière n'a pas changé ; c'est toujours celui d'autrefois.

On peut donc imaginer que, géographiquement, il y avait :

    • l'ancienne église du prieuré, laquelle ne devait plus servir ;

    • le cimetière autour de cette église ; lequel était encore en fonction ;

    • la «nouvelle église» (si l'on peut dire!), un peu plus loin.

Au cours de cette dernière visite, Soanen remarque que la chapelle champêtre de St Domnin est en mauvais état, et que l'instruction que l'on dessert aux enfants laisse à désirer !

Comme il a ordonné que cessent les manifestations profanes autour de la célébration des fêtes religieuses,, c'est en 1718 qu'il écrit que « le jeune de Réquiston (le fils du Seigneur) a rétabli la danse aux fêtes ».

Jean Soanen était originaire d'Auvergne.

Il décédera à la Chaise-Dieu, en 1740, le jour de Noël, à l'âge de quatre vingt douze ans ! Après trente deux années d'épiscopat et treize de séjour dans cette fameuse abbaye.

Mêlé à la crise janséniste* du XVIIIème siècle, il quittera contraint et forcé, pour tout dire exilé, le diocèse de Senez en 1727 et terminera donc ses jours dans l' abbaye auvergnate.

Il entraînera dans sa chute certains curés du secteur de Senez, lesquels s'étaient laissés tenter par le Jansénisme.

Parmi ceux-ci, le prieur-curé d'Allons, Antoine d'Aillhaud de Méouilles, docteur en théologie, qui lui fut toujours fidèle.

Ce dernier sera donc à son tour « écarté » en 1728, et remplacé tout d'abord par le sieur Honoré Martini, qui ne restera que trois mois à Allons, puis par l'Abbé François d'Autane, tout juste ordonné.

* JANSENISME = Le Jansénisme est une doctrine théologique à l'origine d'un mouvement religieux, puis politique et philosophique, qui se développe aux xviie etxviiie siècles, principalement en France, en réaction à certaines évolutions de l'Église catholique et à l'absolutisme royal. (Wikipédia)

1745

Une petite parenthèse pour parler , en cette année 1745, non plus de St Martin mais de St Domnin, car l'anecdote vaut qu'on s'y arrête..

Cette année-là, l'Evêque de Senez, Louis Jacques François de Vocance. entame sa première visite pastorale dans son diocèse.

Il y est accueilli avec joie par toutes les paroisses..... sauf à Allons !

En voici la raison..

Arrivé le 12 octobre 1745, il sera reçu et hébergé par Monsieur de Richery, l'un des coseigneurs de village.

Puis il entame sa visite pastorale, et cela l'amène à pénétrer dans la chapelle du St Patron du lieu.

Escorté par le prieur d'Ailhaud, neveu du précédent, il trouve dans cette chapelle un reliquaire d'argent sur lequel est inscrit « Sancti Domnini », ainsi que qu'un second reliquaire, en bois, celui-là, qui apparemment se trouve être un buste du Saint et qui contient aussi des reliques.

Lesquelles reliques ne sont accompagnées d'aucun « authentique » (document ecclésiastique attestant de la véracité de celles-ci).

Il semblerait que lesdites reliques avaient été volées environ cent cinquante ans plus tôt dans le tombeau du Saint à Digne, par un personnage qui en avait fait cadeau à la communauté d'Allons.

Monsieugneur de Vocance, assisté du prieur, ouvre le premier reliquaire...

Pour se faire, il n'attend pas la présence dans la chapelle des consuls* (qui auraient du être présents par obligation), et du peuple.

Tout ce petit monde se présente un peu plus tard dans le lieu saint, alors que les ossements découverts dans le reposoir sont étalés sur l'autel.

Que se passa-t-il dans l'esprit des habitants ?

Il semblerait que les Allonsais se soient imaginés que le prélat avait l'intention de leur enlever les précieuses reliques que l'on vénérait depuis plus d'un siècle avec tant d'ardeur.

Contrairement à ce qui a été rapporté, le prélat ne sera ni bousculé ni molesté.

Il réussira à calmer les esprits et emmènera les ossements pour les faire authentifiés (mais comment ?)

Le résultat de cette « analyse » tombera comme un couperet sur le village : Les présumés restes de St Domnin sont des faux !

On peut se demander comment, à l'époque, on a pu affirmer cela ; toujours est-il que l'Evêque prend aussitôt la décision d'enlever les fausses reliques à la dévotion des Allonsais et qu'il ordonne qu'elles soient enterrées dans le cimetière.

Dans sa lancée, il défend « les processions et toutes les solennités de jour de la St Domnin ».

Et si ces consignes ne sont pas respectées, il interdira les enterrements à Allons, lesquels seront effectués soit à La Mure, soit à Thorame-Haute., selon le choix des familles des disparus..

Le Chanoine Ventre fait remarquer qu'on aurait pu se demander comment allaient réagir les Allonsais à l'énoncé de ces ordres. Contrairement à toute attente, les habitants vont obtempérer, bon gré mal gré.

La Saint Domnin ne sera plus fêtée pendant quatre ans et les fausses reliques rejoindront les autres décédés du village au cimetière St Martin.

Quatre ans après ces évènements, les habitants d'Allons envoient une requête à l'Evèque et le supplient de rétablir la fête du saint.

Il accepte généreusement et rétablit le culte après avoir apporté de nouvelles reliques qui seront enchâssées dans le buste (sans doute celui ce que l'on peut voir 'aujourd'hui).

C'est Monseigneur de Vocance qui placera la date de la Fête patronale de la St Domnin au 16 Septembre de chaque année !

* CONSUL = Sorte de « conseiller municipal » élu par le peuple, sous la présidence d'un « premier consul », lequel s'apparenterait à nos maires actuels.

Il est d'ailleurs curieux de remarquer que la fonction de maire existait déjà sous l'ancien régime, donc avant la République !

(A l'opposé, le Bayle ou Lieutenant de Juge ou Lieutenant de Châtelain, était nommé par le ou les seigneurs du lieu, et remplaçait ce ou ces derniers en leur absence pour les affaires juridiques).