Vernon Château Gaillard

Les surprises de la 7ème cycloscapade

Au départ de Vernon, le dimanche 7 octobre, le cocktail était surprenant même si toutes ses composantes étaient prévisibles : pluie et temps froid, dénivelé positif conséquent, route départementale relativement empruntée par les automobiles. Nous la quittons assez vite et gagnons le plateau du Vexin sur lequel nous roulerons la plus grande partie de la journée. La pluie, fine heureusement, enchante Jean-Claude. Elle cesse de tomber à la pause café que nous prenons près d'une mare digne du jardin de Monet. Jean-Claude nous annonce une surprise pour le déjeuner... Attendons la fin du récit pour la dévoiler car d'autres surprises, de taille, ont échelonné cette cycloscapade.

Nous passons à Guitry, petit village doté d'une église au clocher en ardoise de forme surprenante. Une surprise cache l'autre : sur la petite place où nous nous sommes arrêtés pour regarder l'église, se dresse à chaque extrémité un monument aux morts. L'un, sans surprise, commémore la première guerre mais l'autre, son jumeau, est dédié à ... la guerre de 1870 et "au massacre de Guitry". Nous voici plongés dans la perplexité, nous efforçant de rassembler des souvenirs épars et rares, les programmes scolaires ayant relégué à la toute fin de l'année cette page peu glorieuse de notre histoire. Jean-Paul et Jean-Claude décident d'interroger l'autochtone, une espèce très difficile à observer un dimanche après midi. Or, précisément, deux de ses représentants devisaient sur le pas de leur porte. Mais elles ignoraient tout.

Dans notre conscience collective, les Prussiens s'étant arrêtés aux portes de Paris, que diable faisaient-ils dans l'Eure, agissant comme des sauvageons? Les sites Internet nous éclairent. L'Eure? Ils voulaient encercler Paris et cet objectif supposait d'occuper un périmètre beaucoup plus important. Des sauvageons? L'armée de métier française ayant explosé au bout de deux mois de guerre, ce furent les corps-francs ou francs-tireurs qui "défend(ir)ent nos contrées envahies" , "exposant à la fureur des Teutons les localités qu'ils ne pouvaient défendre". A Guitry, le 7 novembre 1870, les Uhlans, ivres, de surcroit, tuent plusieurs villageois, frappent à coups de crosse les autres habitants, brulent les chaumières et les récoltes, selon l'ouvrage de Léo Bertin "Vernon et ses environs pendant la guerre de 1870-1871: les prussiens dans l'Eure" (1898).

Nous poursuivons notre septième cycloscapade, avec un objectif séduisant : atteindre le parking de Château-Gaillard, le dit parking est bien-sûr en plein air et surplombe les ruines du château ainsi que les méandres de la Seine. Le panorama est bluffant. Nous l'admirons longuement, surpris d'être aussi séduits alors que nous le connaissions déjà. Le site avait aussi séduit Richard Coeur de Lion. L'origine de Château-Gaillard est bien connue (wikipedia etc) mais il est difficile de résister au plaisir de la raconter. Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre et duc de Normandie, et son ami Philippe-Auguste, également roi mais d'un petit domaine - l'Ile de France - s'accordèrent pour partir, en 1189, pour une cycloscapade - erreur !. Il fallait lire pour une croisade. Philippe-Auguste, revint le premier et, profitant de l'absence de son ami Richard, entreprit la conquête de la Normandie. A son retour, ce dernier, surpris par la perfidie du Capétien, décida d'ériger Château-Gaillard afin de contrôler la Seine en amont de Rouen.

Après cette échappée médiévale, il faut remonter sur le plateau. La distance n'est pas longue mais la pente est de 15 %. Courageusement, nous poussons nos vélos. Je m'interroge à haute voix : Que ferait Sylvie? la réponse vient de Franck: "elle monterait en vélo et je la suivrais". Sylvie, notre muse, nous a manqué.

Un autre épisode inattendu risque, lui, de ne jamais être bien tiré au clair. Franck entreprit de semer Jean-Claude. Ce dernier avait annoncé son intention de s'arrêter quelques instants et de nous rattraper. Aussitôt dit, sur une suggestion de Franck, nous prenons le premier chemin de traverse qui s'offre à nous, sans laisser le moindre indice à l'intention de Jean-Claude. Pris de remords (?), Franck, voyant Jean-Claude filer sur la grand route, le hèle, aidé par Jean-Paul. Tous deux accompagnent le geste à leur cri, faisant de grands moulinets. Finalement , c'est grâce aux technologies modernes de communication que Jean-Claude nous rejoint, surpris de constater que les règles élémentaires de la randonnée en groupe ont été enfreintes avec tant de légèreté.

Et pour terminer, la surprise qui nous a tous enchantés : le vin rouge , apporté par Jean-Claude, alias Bacchus, pour égayer notre déjeuner.

Chronique - 07/10/2018 - Dorothée R.