Toumaï montre ses dents
I Nouveaux détails concernant des fossiles attribués à Sahelanthropus tchadensis (Toumaï).

Un court article peut entraîner des réactions inattendues :

I) South African Journal of Science 100, mars/avril 2004.
Le collage d'un fossile lié aux origines de l'homme est dénoncé par un géographe et un orthodontiste.

II) South African Journal of Science 100, septembre/octobre 2004.
Que pensez-vous qu'il arriva ? 28 paléoanthropologues parmi les plus réputés, s'appuyant sur des planches scanner, déclarèrent par un texte et une motion de soutien que le géographe et l'orthodontiste n'avaient pas la compétence pour placer à droite ou à gauche une dent dans une mandibule et que, sans conteste, la dent était une dent de droite.
Notons que les pétitions ou les votes sont rarement employés pour faire progresser la science et que, dans quelques exemples célèbres, ces textes se sont retournés contre leurs auteurs.

III) South African Journal of Science 101, mars/avril 2005.
Les 28 paléoanthropologues n'avaient pas observé que les planches digitales étaient en opposition totale avec la description qui en était faite tandis que l'échelle des documents n'était que le dixième de la réalité (SAJS 100, septembre-octobre 2004, Sahelanthropus tchadensis : les faits’ et ‘Lettre internationale de soutien’ par Michel Brunet et MPFT).

En effet pour une troisième molaire, la racine mésiale est verticale et la racine distale est inclinée vers l’arrière de la mandibule où ne se trouve plus de dent pour entraver son enracinement. Aussi la description faite par la MPFT de la section A des CT scans indique vers l’avant ce qui est en réalité vers l’arrière. Celle de la section B indique la face linguale à droite ce qui correspond … à la description d’une dent de gauche, ce qui n’était pas le but de la démonstration.

Le quiproquo est donc total et c’est bien fâcheux pour ceux qui ont signé en confiance une ‘Lettre internationale de soutien’ à la description d’une dent de droite au vu d'une planche de CT scans dont la description était inversée, ce qu’a reconnu la MPFT dans Note de M. Brunet et al. (SAJS 101, mars/avril 2005).

Vol 100, March/April 2004

Nouveaux détails concernant des fossiles attribués à Sahelanthropus tchadensis (Toumaï)

Alain Beauvilain et Yves Le Guellec

Articles de presse relatifs à cet article :

Le Figaro, Nodé-Langlois Fabrice : 'La dent de trop de Toumaï'. 17 juin 2004. (au bas de cette page)
Le Monde, Morin Hervé : 'La molaire d'un parent de Toumaï déchire les paléontologues'. 18 juin 2004. (au bas de cette page)
Libération, Briet Sylvie : 'Homme ou singe ? Toumaï or not Toumaï'. 18 juin 2004. (au bas de cette page)
Le Nouvel Observateur, Michel de Pracontal : 'Une dent contre Toumaï'. Paris, n° 2069. 1er juillet 2004. (au bas de cette page)
Sciences et Avenir, Fléaux Rachel : 'Une dent contre Toumaï'. Paris, août 2004.

Les fossiles d’âge Miocène attribués à Sahelanthropus tchadensis sont d’une grande importance scientifique et culturelle. Ils sont l’objet d’un débat sur leur nature d’hominidé ou de grand singe. Il est donc nécessaire de donner et de préciser les détails de leur découverte. Nous démontrons que la troisième molaire de la demi-mandibule droite illustrant l’article de Nature est en réalité une troisième molaire gauche et qu’une incisive collectée sur le site ne figure pas dans cet article. Ces particularités  affectent le nombre minimal d’individus présents et les associations entre les différents spécimens.

Introduction.

La découverte et l’annonce de fossiles attribués à Sahelanthropus tchadensis a confirmé l’importance du Miocène en Afrique comme une période d’intérêt majeur pour l’étude de l’origine des hominidés. L’interprétation de Sahelanthropus comme un premier hominidé (possiblement bipède) est l’objet d’un débat dans lequel quelques auteurs déclarent qu’il s’agit probablement d’un grand singe quadrupède. Brunet a maintenu son point de vue que Sahelanthropus était un hominidé. En raison de la nature de ce débat et de ses implications pour la paléoécologie et pour les origines de l’homme, il est nécessaire de préciser les particularités regardant l’hypodigme et l’anatomie de Sahelanthropus. Par conséquent, l’objectif de cette contribution est de consigner les détails géomorphologiques du site de TM266 et de ses environs, qui a livré les fossiles de Sahelanthropus, ainsi que de décrire les circonstances entourant les découvertes elles-mêmes, puisqu’il semble qu’il y ait eu quelques confusions au sujet des associations de fossiles et même au sujet du nombre total de spécimens mis au jour sur le site. Étant donné l’importance de cette découverte en termes d’héritage humain et de son importance scientifique, nous jugeons nécessaire de fournir des informations sur le contexte de ces découvertes ainsi que des détails sur les  fossiles eux-mêmes.

Le premier auteur a conduit la mission de terrain qui a abouti à la découverte du crâne, bien connu sous le nom de Toumaï, tout comme il a conduit les expéditions suivantes qui ont découvert les autres fragments de mandibules et de dents isolées attribuées à des Sahelanthropus. Il était donc intimement concerné par le déroulement des évènements.

Le contexte géologique.

Toros-Menalla est le nom donné par les paléontologues à une vaste région de 150 km de long dans l’ouest de l’erg du Djourab au Tchad. L’un des faits remarquables de la partie centrale de cette zone est l’existence d’un talus de faible dénivelé, généralement d’une dizaine de mètres, et de 40 km de long (figure 1). Cet escarpement, faisant face à l’Est, est nettement indiqué sur la carte topographique IGN NE-33-VI au 1/200.000 sur une distance de plus de 25 km (de 16° 20’ N ; 17° 15’ E à 16° 15’ N ; 17 28’ E). Ce relief représente peut-être une ancienne faille réactivée par les forces tectoniques liées au volcanisme du Tibesti. L’Émi Koussi (un cône volcanique de 80 km de diamètre culminant à 3415 m, formé depuis la fin du Tertiaire, du Miocène, jusqu’à une époque sub-contemporaine) est seulement à 400 km. Aujourd’hui, des témoignages d’activité tectonique entourent le Djourab comme sur les marges nord du bassin tchadien où la falaise de l’Angamma atteste d’une flexure profonde.

Il est regrettable que la zone ait été décrite comme ‘une plaine désolée dont la monotonie est seulement interrompue par les dunes modernes’ (4) qui donne une impression erronée du potentiel de la zone pour la stratigraphie et la paléontologie. Une semblable impression restrictive est donnée par la coupe stratigraphique publiée par Vignaud et al (5), qui montre un épaisseur de six mètres de sédiments constitués de seulement deux unités stratigraphiques. Il faut indiquer que cette coupe a été réalisée à TM266 mais que, sur les 40 km du talus, la succession des strates est réellement plus épaisse et plus complexe que cela avec des dépôts lacustres, péri-lacustres, sub-aériens, fluviaux et éoliens (figure 1).

Le talus forme soit un escarpement unique, soit une succession de petites terrasses, telles des marches, quelquefois séparées l’une de l’autre par plusieurs centaines de mètres. Même s’il est nivelé à ses deux extrémités, dans sa partie centrale la combinaison de la corrasion et de la déflation par le vent a, par endroits, dégagé un beau talus ou une série de replats et de rejets structuraux (figure 1). Là, la partie sommitale est riche de preuves géomorphologiques et archéologiques indiquant les rivages de la dernière phase du méga lac Tchad. Toutefois, les sédiments de la base du talus sont très vieux, datés de la fin du Miocène sur la base de l’étude biochronologique des fossiles de mammifères, et non apparentés au Pléistocène et à l’histoire récente du lac Tchad mais plutôt à un prédécesseur bien plus vieux.

Pour donner une idée de la richesse paléontologique de la zone, il suffit de remarquer que de la première reconnaissance du talus en juillet 2001 à mars 2002, 59 sites fossilifères ont été cartographiés qui ont livré 1627 fossiles. Ils représentent 20% de l’ensemble des fossiles catalogués depuis 1994 par le projet scientifique. Parmi ces fossiles, outre Sahelanthropus tchadensis, de nouveaux taxons de Giraffidæ, Hippopotamidæ et Anthracotheriidæ ont été mis au jour. La collecte porte également sur une abondante microfaune et d’autres mammifères, aussi bien aquatiques que terrestres, tels que des Deinotherium, des Anancus et des poissons. Parmi ces sites, c’est TM266 qui, avec 691 fossiles (à mars 2002) qui compte la faune la plus variée. Le potentiel fossilifère de cette zone demeure important, notamment pour la mise au jour de petits fossiles mais aussi en raison de l’extension de la surface couverte par une fine épaisseur de sable ou par les dunes que le vent peut déplacer.

Fig. 1. Vue de la face est du talus de Toro-Menalla (site TM 039) (photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

Cette vue de la face est du talus de Toro-Menalla (site TM 039), dans l’erg du Djourab au Tchad, montrant les dépôts d’âge Miocène affleurant en de petits escarpements (habituellement composés de grès et d’autres couches résistantes telles que des diatomites), recouverts par les sables des dunes actuelles. L’érosion dans cette zone est largement due à la déflation éolienne mais il est considéré que le talus doit son origine à la présence d’une ligne de faille, qui est cachée sous les sables en contrebas du talus. Notons que l’épaisseur totale des terrains du Miocène de cette région excède grandement les dix mètres. En dépit de la possibilité de remaniement des fossiles, les faunes mammaliennes collectées comprennent exclusivement des taxons de la fin du Miocène.

Paléoanthropologie.
Hypodigme de Sahelanthropus tchadensis.
Il existe quelques différences entre la liste des fossiles attribués à Sahelanthropus tchadensis dans l’article de Nature (1) et celle que nous avons publiée sur internet (6) à partir des spécimens collectés par le premier auteur, ses collaborateurs tchadiens et Laurent Viriot, elle-même établie à partir de l’inventaire de terrain établi au moment des découvertes (7). Le compte-rendu qui suit traite des fossiles dans l’ordre chronologique de leur découverte. Leur catalogage comprend quatre sections : la première, TM 266, fait référence au site ; la seconde indique l’année de découverte ; la troisième est leur position dans l’ordre de leur découverte ; et la quatrième (si elle existe) dénombre les différents éléments d’un même fossile.
TM266-01-060-1 (le crâne) a été mis au jour simultanément avec TM266-01-060-2 (un fragment de symphyse avec les alvéoles des incisives et des canines) le 19 juillet 2001 par Ahounta Djimdoumalbaye. Provenant du même endroit, une incisive non publiée a été trouvée le 21 décembre 2001 à N’Djaména par Laurent Viriot lors du tri des résidus de tamis. Ce spécimen est une demi-incisive, coupée verticalement du sommet de la couronne à la base de la racine (figure 2 document 4). Cette dent diffère de l’incisive supérieure (TM266-01-448) dont la photographie a été publiée dans Nature (référence 1, figure 2.a).
Il convient de signaler que, depuis la découverte de la mandibule d’Australopithecus bahrelghazali (8) et par respect pour ces témoins de l’histoire de nos origines, il est une pratique de la Mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne de ne pas écrire sur les spécimens attribués à des hominidés fossiles mais sur l’inventaire de terrain. Le catalogage des spécimens TM266-01-447 (une molaire dans la référence 1) et 448 apparaît pour la première fois dans la base de données des fossiles établie sur CD par l’université de Poitiers et pour la seconde fois dans l’article de Nature de juillet 2002. Nous ignorons le spécimen TM266-01-447 et les sites et circonstances exactes de la découverte des fossiles TM266-01-447 et 448.
Le 1er novembre 2001, la canine supérieure droite complète de TM266-01-60-1 était trouvée, lors du tamisage de l’emplacement exact du crâne, par Fanoné Gongdibé. La dent consiste en deux fragments qui s’imbriquent parfaitement sur la racine de la canine droite.
Les fossiles TM266-02-154-1 (une demi-mandibule droite portant p/4 à m/2 et les racines de P3 et M3) et TM 266-02-154-3 (couronne d’une m/3 gauche) ont été découverts le 20 janvier 2002, à environ 105 mètres au nord-nord-est du site du crâne de Toumaï. Cette mandibule est l’objet de deux photographies dans l’article de Nature (référence 1, figures 2b et c), l’une en vue occlusale, l’autre sous forme d’une coupe axiale de scanner.
Le spécimen TM266-02-154-2 (canine inférieure ; référence 1, figures 2d et e) a été découvert le 30 janvier 2002 à N’Djaména lors du tri des résidus de tamisage de l’endroit où ont été trouvées la mandibule et la m/3. Il était complètement encroûté avec du sable et ne pouvait donc être photographié au moment de sa découverte. Enfin, le spécimen TM266-02-203 (une symphyse mandibulaire avec prémolaire, racines de canine et alvéole d’incisive) était mis au jour le 12 mars 2002 à une douzaine de mètres de la mandibule et de la m/3.

Fig. 2. Fossiles attribués à Sahelanthropus tchadensis, issus du site TM 266, Toros-Menalla, Tchad. Barre d’échelle : 10 mm.
(1) TM 266-02-154-1, vue oblique côté lingual de l ‘hémi-mandibule droite montrant le spécimen au moment de sa découverte, sans la couronne de la m/3, et montrant les racines de la p/3.
(2) TM 266-02-154-1, vue occlusale de l’hémi-mandibule droite au moment de sa découverte montrant les racines de la m/3.
(3) TM266-02-154-3, vue occlusale de la m/3 gauche au moment de sa découverte et avant que le spécimen soit nettoyé (partie mésiale en haut).
(4) TM 266-01-448 ?, incisive endommagée non publiée trouvée à proximité du crâne holotype de Sahelanthropus tchadensis.

Anatomie.
La photographie publiée dans Nature de l’hémi-mandibule droite TM 266-02-154-1 (référence 1, figure 2b, c) montre la rangée dentaire complète de p/4 à m/3. En vue occlusale, la m/3 apparaît comme une dent bien préservée alors que les trois autres dents sont très endommagées, éclatées. À l’inverse, sur la tomographie, ce sont les racines de cette m/3 qui apparaissent abîmées, les deux racines étant cassées. En fait, la m/3, dont seule la couronne est préservée, a été trouvée isolément à quelques décimètres de l’hémi-mandibule. Elle a été cataloguée postérieurement avec le numéro d’ordre 3 par analogie avec les pièces 1 (la mandibule) et 2 (la canine), les autres pièces attribuées à TM266-02-154, unique référence de l’inventaire de terrain. Cette m/3 a été fixée ultérieurement sur l’hémi-mandibule au laboratoire de l’université de Poitiers.
La figure 2 (1 et 2) montre la mandibule telle qu’elle était le jour de sa découverte. Notons que la troisième molaire de droite est manquante. Les racines de la p/3 sont clairement visibles sur la partie antérieure de la vue oblique (figure 2 (1)), s’enfonçant profondément dans le corps de la mandibule en s’incurvant vers l’arrière. L’extrême position buccale de la racine mésiale (à gauche sur la figure) indique que la racine de la canine était probablement de grande taille et que son extrémité était positionnée de manière appréciable, plus à l’arrière que son collet. La grande taille de la racine de la canine indique que cette mandibule appartenait vraisemblablement à un mâle.

Fig. 3. Interpretation de la m/3 gauche TM 266-02-154-3. La disposition des protoconide, hypoconide, hypoconulide, metaconide et entoconide montre sans équivoque que cette molaire inférieure est une gauche.
Barre d’échelle : 10 mm.

à droite : Agrandissement de la m/3
(photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

La vue occlusale de la dent TM266-02-154-3 évoque immédiatement une molaire inférieure d’hominoïde (figure 2 (3)). Les cinq cuspides et le diamètre mésio-distal de la face occlusale plus grand que le diamètre bucco-lingual et la face mésiale (en haut de la figure 2 (3)) plus importante que la face distale, elle-même nettement plus convexe que la face mésiale, indiquent qu’il s’agit très probablement d’une m/3. Le protoconide est plus grand que l’hypoconide et que l’hypoconulide mais sa surface est plus petite que celle de l’entoconide (figure 3). Le métaconide est mésio-distalement légèrement plus court que le protoconide mais il est bucco-lingualement légèrement plus grand. Un important sillon mésio-distal sépare les cuspides buccales des cuspides linguales. Il est localisé légèrement du côté buccal par rapport à la médiane de la couronne. En dépit de l’usure, les sillons transversaux entre le protoconide et l’hypoconide d’une part et entre l’hypoconide et l’hypoconulide d’autre part sont clairement visibles. Le sillon transversal séparant le métaconide et l’entoconide est usé, excepté à ses extrémités linguale et buccale. Sur la figure 2 (3), la fovéa mésiale est cachée par une concrétion sableuse mais la fovéa distale est visible. Dans l’article de Nature (référence 1, figure 2b), la concrétion a été dégagée mais la fovéa mésiale est difficile à discerner, probablement parce qu’elle a pu avoir été très usée. Un trait remarquable de cette dent est la présence d’un métaconulide très protubérant placé disto-lingualement du métaconide (parfois appelée sixième cuspide). De telles cuspides sont rares chez les humains, où la fréquence est de 7% pour une m/1 (dent 36 dans la terminologie des dentistes) et d’environ 2% pour une m/3 (dent 38). Une sixième cuspide se rencontre aussi dans des échantillons de molaires inférieures de chimpanzés et de gorilles. Sachant que le protoconide, l’hypoconide et l’hypoconulide sont sur la gauche de cette dent, ils indiquent que le spécimen est une molaire inférieure gauche. Ceci signifie qu’une molaire inférieure gauche a été collée par erreur sur une mandibule droite.

Nous estimons provisoirement qu’il y a au minimum trois individus dans l’hypodigme des hominidés de TM 266 : l’un est représenté par le crâne holotype TM 266-02-060-1 ; un second par l’hémi-mandibule TM266-02-154-1, ses dents étant plus usées que celles de l’holotype ; un troisième par la symphyse mandibulaire TM266-02-203, qui partage des points communs avec l’hémi-mandibule. Il reste à déterminer si le troisième fragment de symphyse présentant des alvéoles d’incisives et de canines (TM 266-01-60-2 de la référence 1) et les dents isolées trouvées sur ce site appartiennent ou pas à ces trois individus là.

Deux autres spécimens d’hominoïdes ont été mis au jour dans le voisinage, une hémi-mandibule édentée (TM 247-01-02), trouvée par Mahamat Adoum le 15 juillet 2001, et une symphyse cassée en quatre fragments (TM292-02-01, avec à gauche la canine, P4-M1, et à droite P3, M1-M2) rassemblés successivement par le premier auteur et deux de ses collaborateurs les 15, 16 et 17 janvier 2002. Ces fossiles représentent vraisemblablement deux individus supplémentaires de Sahelanthropus.

Implications paléontologiques.

Après la découverte d’Australopithecus bahrelghazali (‘Abel’) le 23 janvier 1995 dans le Sahara tchadien, la mise au jour de Sahelanthropus (‘Toumaï’) le 19 juillet 2001 confirme l’existence d’une ‘Lake Chad Story’, contrairement à la prédiction faite par Coppens d’une East Side Story (9). Et puis, si Toumaï n’est pas un hominidé (2), sa découverte viendrait appuyer cette hypothèse de l’East Side Story.

Les autres fossiles de mammifères trouvés dans le même niveau, tels des anthracothères, très abondants au Tchad alors qu’ils ne sont pas signalés dans les riches gisements fossilifères de même âge d’Afrique orientale (10), révèlent qu’il y avait un provincialisme marqué dans les faunes de la fin du Miocène d’Afrique et montre aussi que les conditions environnementales connues du bassin du lac Tchad pouvaient avoir permis l’émergence de l’espèce humaine.

La présente analyse, basée sur quelques paratypes de Sahelanthropus, est seulement un élément de la discussion au sujet du genre. Il ne modifie pas la base du débat concernant la systématique et la paléoécologie de Sahelanthropus.

Nous remercions le Centre National d’Appui à la Recherche, un organisme tchadien dépendant du Ministère de l’Enseignement Supérieur et ses directeurs successifs, Abakar Adoum Haggar et Baba El  Hadj Mallah, le Ministère français des Affaires étrangères, qui employait A.B., et le SCAC (Service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France à N’Djaména pour leur appui à la recherche et l’université de Paris X Nanterre pour avoir permis le long détachement de A.B. en Afrique. Nous souhaitons particulièrement remercier nos collègues et collaborateurs tchadiens, Mahamat Adoum, Likius Andossa, Ahounta Djimdoumalbaye, Fanoné Gongdibé et Mackaye Hassan Taïsso, pour leur ardeur au travail et leur excellente camaraderie sur le terrain ainsi que leur bonne volonté pour faire progresser la connaissance scientifique en dépit des privations du désert.

1. Brunet M., Guy F., Pilbeam D., Mackaye H.T., Likius A., Ahounta D., Beauvilain A., Blondel C., Bocherens H., Boisserie J-R., De Bonis L., Coppens Y., Dejax J., Denys C., Duringer P., Eisenmann V., Fanone G., Fronty P., Geraads D., Lehmann T., Lihoreau F., Louchart A., Mahamat A., Merceron G., Mouchelin G., Otero O., Pelaez Campomanes P., Ponce De Leon M., Rage J-C., Sapanet M., Schuster M., Sudre J., Tassy P., Valentin X., Vignaud P., Viriot L., Zazzo A. et Zollikofer C. (2002). A new hominid from the Upper Miocene of Chad, Central Africa. Nature 418, 145-­151.

2. Wolpoff M., Senut B., Pickford M. et Hawks J. (2002). (Communications arising) : Sahelanthropus or ‘Sahelopithecus’? Nature 419, 581­-582.

3. Brunet M. (2002). Reply to Sahelanthropus or ‘Sahelopithecus’? Nature 419, 582.

4. Dossier de presse, juillet 2002, Université de Poitiers, 22 pages, largement diffusé à la presse et dans lequel le surnom de Sahelanthropus tchadensis, Toumaï, était présenté.

5. Vignaud P., Duringer P., Mackaye H.T., Likius A., Blondel C., Boisserie J-R., de Bonis L., Eisenmann V., Etienne M.E., Geraads D., Guy F., Lehmann T., Lihoreau F., Lopez-Martinez N., Mourer-Chauviré C., Otero O., Rage J-C., Schuster M., Viriot L., Zazzo A. et Brunet M. (2002). Geology and palaeontology of the Upper Miocene Toros-Menalla hominid locality, Chad. Nature 418, 152-­155.

6. Site internet https://sites.google.com/view/tchadberceaudelhumanite/accueil

7. Beauvilain A. (2003).Toumaï, l’aventure humaine. La Table Ronde, Paris.

8. Brunet M., Beauvilain A., Coppens Y., Heinz E., Moutaye A.H.E. et Pilbeam D. (1996). Australopithecus bahrelghazali, une nouvelle espèce d’Hominidé ancien de la région de Koro Toro (Tchad). C. R. Acad. Sci. Paris 322, 907-­913.

9. Coppens Y. (1994). East Side Story: the origin of humankind. Sci. Am. (May 1994), 88­95.

10. Lihoreau F. (2003). Systématique et Paléoécologie des Anthracotheriidae (Artiodactyla: Suiformes) du Mio-Pliocène de l’Ancien Monde: implications Paléobiogéographiques. Thèse, Université de Poitiers.

Le Figaro, La dent de trop de Toumaï, 17 juin 2004, Fabrice Nodé_Langlois

Le Monde, La molaire d'un parent de Toumaï déchire les paléontologues, 19 juin 2004, Hervé Morin

Libération, Homme ou singe : Toumaï or not Toumaï, 18 juin 2004, Sylvie Briet

Le Nouvel Observateur, Une dent contre Toumaï, 7 juillet 2004, Michel de Pracontal