Séquence 1

Découvrir les observations d'Ératosthène et tenter de les reproduire

Introduction

Cette séquence est fondamentale puisqu'il s'agit du lancement du projet qui s'étendra sur toute l'année jusqu'au 21 juin. Nous vous suggérons de suivre l'enchaînement décrit ci-dessous, commençant par une expérimentation au soleil. Cependant, nous avons vu l'an passé que le soleil peut disparaître derrière les nuages pendant plusieurs semaines d'affilée. Donc, si après deux semaines vous n'avez toujours pas pu démarrer pour cause de mauvais temps, vous pouvez intervertir les séances 1 et 3 (expérimentation en classe avec des lampes électriques) et revenir plus tard aux travaux en extérieur.

Nous souhaitons attirer votre attention sur l'importance des traces écrites, qui constituent l'un des grands principes de La main à la pâte. Nous vous suggérons par exemple de demander à chaque élève de tenir un cahier d'expériences comme on tient un journal de bord. Chacun y notera au fil des activités ce qu'il a compris, découvert, ce qui l'interroge, les hypothèses formulées pour répondre aux nombreuses questions qui se poseront. Ce cahier rassemblera également les dessins et schémas concernant les expériences réalisées. Vous pourrez ainsi vérifier ce que l'enfant a compris et suivre son évolution au cours de cette année.

Séance préparatoire en option :

Elle comprend des activités liées aux relations entre une source lumineuse, des objets et leur ombre projetée sur un support. Si, après la lecture de ces expériences, vous pensez que vos élèves ont besoin d'une séance de préparation sur ces notions, nous vous recommandons de vous reporter à la fiche optionnelle sur la formation des ombres et leur rapport à la source lumineuse.

Préliminaire : Les observations d'Ératosthène

Durée : entre 30 et 45 minutes de présentation (travail sur le texte)

Distribuez et faites lire le texte suivant en classe, accompagné de photocopies de la carte d'Égypte :

" En Égypte, il y a environ 2200 ans, un papyrus attira un jour l'attention d'un certain Ératosthène, alors directeur de la Grande Bibliothèque d'Alexandrie (ville située au bord de la Méditerranée) : il y était question d'un bâton vertical qui, le premier jour de l'été (c'est-à-dire le 21 juin), et à l'heure de midi au soleil, ne projetait aucune ombre sur le sol (les rayons du Soleil pénétraient jusqu'au fond des puits). Cela se passait très loin d'Alexandrie, droit vers le sud, dans une ville appelée Syène (aujourd'hui Assouan).

Or, Ératosthène remarqua de son côté qu'à Alexandrie, le 21 juin également et à la même heure, un bâton planté verticalement projetait une ombre, même si celle-ci était relativement courte.

Quel était donc ce mystère ?

Nous vous invitons à le découvrir par vous-mêmes. Cela vous mènera très loin puisque, comme le montra Ératosthène, la clef de ce mystère vous permettra ni plus ni moins de mesurer le tour de la Terre… "

Dans un premier temps, les enfants notent attentivement les mots-clefs du texte: personnage, lieux, date, l'expérience (objets, heures,...). Après avoir localisé le pays sur une carte murale (planisphère ou carte d'Europe et de la Méditerranée), demandez-leur de repérer sur les cartes d'Égypte photocopiées les lieux cités dans le texte. Les activités suivantes consisteront à reproduire les observations d'Ératosthène.

Sommaire de la séquence:

  • 1) Reproduire les observations au soleil

  • 2) Interpréter les observations à l'aide de schémas

  • 3) Reproduire les observations avec une lampe de poche

1) Reproduire les observations au soleil

Durée : au moins 30 à 45 min d'expérimentation dans la cour au soleil

Matériel : Pour chaque groupe de 3 à 5 élèves :

  • 1 carte d'Égypte photocopiée sur une feuille A4 (ou 2 feuilles collées) en bristol

  • 2 allumettes ou crayons courts ou vis à tête plate

  • 1 capuchon de stylo

  • Gomme adhésive, adhésif simple ou à double face ou colle

  • une demi-heure de beau temps !

Les élèves doivent tout d'abord reproduire en miniature les lieux et objets mentionnés dans le texte. Pour les "bâtons" , ils utilisent divers objets ( cf matériel) fixés sur la carte . Il faudra bien sûr s'assurer que ces faux bâtons sont bien plantés verticalement, mais ne donnez pas d'instructions préalables et laissez les enfants tâtonner. Il suffit de leur préciser que leur expérience devra être en tout point identique à celle qui est relatée dans le texte. A Syène (Assouan) , ils peuvent au choix représenter un bâton ou un puits en utilisant pour ce dernier un capuchon de stylo "encastré" dans la carte (en faisant d'abord une fente en forme de croix dans la feuille; on peut de même encastrer un crayon).

L'idéal sera de désigner un rapporteur dans chaque groupe. Celui-ci notera sur une feuille les choix adoptés par le groupe et la démarche suivie (c'est-à-dire les différents essais successifs et les raisons des éventuels échecs). Cette feuille pourra être photocopiée pour servir de première trace écrite dans les cahiers d'expériences des enfants de chaque groupe concerné.

1er défi : Obtenir une ombre à Alexandrie et annuler simultanément l'ombre à Syène si on y a planté un "bâton" (ou éclairer le fond du capuchon-puits si on a choisi la seconde option). Au besoin, faites remarquer pendant les manipulations que les bâtons ne doivent pas pencher sur la carte mais rester bien droits...

Les élèves verront d'abord qu'il faut présenter la carte face au Soleil pour que disparaisse l'ombre du bâton à Syène (ou que le fond du puits soit éclairé); Mais, ils constatent alors qu'il n'y a pas d'ombre non plus à Alexandrie ! Problème ...

Après quelques tâtonnements, les élèves découvriront qu'ils doivent incurver la carte et ils s'étonneront presque de ne pas avoir pensé plus tôt que la Terre n'est pas plate ! Même si sa rotondité leur apparaît aujourd'hui comme une évidence, ils auront dès lors le sentiment d'avoir trouvé des arguments en sa faveur.

2ème défi : Faire varier la longueur de l'ombre à Alexandrie sans faire apparaître d'ombre à Syène.

Pour cela, les enfants devront incurver plus ou moins la carte, ils verront ainsi que la longueur de l'ombre à Alexandrie dépend de la courbure de la carte et donc de celle de la surface terrestre.

3ème défi : Faire encore varier la longueur de l'ombre à Alexandrie mais cette fois-ci en appliquant toujours la même courbure à la carte. Les élèves devront alors éloigner ou rapprocher le "bâton" planté à Alexandrie et comprendront ainsi que la longueur de l'ombre dépend aussi de la distance entre les villes. Lors de chaque défi, chaque rapporteur note toutes les idées et les découvertes sur leur feuille.

2) Interpréter les observations à l'aide de schémas

Note : le faire si possible juste après la séance précédente pour que les élèves n'oublient pas les résultats !

Vous pouvez également placer ici les activités sur la formation des ombres si les manipulations au soleil ont posé des problèmes de compréhension aux enfants. N'hésitez pas à leur faire recommencer rapidement ces premières expérimentations avant de poursuivre afin de vous assurer qu'ils les ont bien mémorisées et assimilées. Enfin, si cette activité de schématisation vous paraît difficile, vous pouvez intervertir les séances 2 et 3, insistant ainsi sur les manipulations avec les lampes avant de passer aux dessins.

Durée : Prévoir de 30 à 45 min en classe

Matériel : Pour chaque groupe de 3 à 5 élèves :

La feuille avec les dessins, notes et remarques que l'élève rapporteur aura consignées pendant l'expérience.

De retour en classe, chaque groupe fait part de sa démarche à l'ensemble des élèves, ce qui permet de comparer les divers cheminements suivis par les équipes.

La classe entière conclut que cette expérience a permis de montrer que la Terre n'est pas plate et que l'ombre des bâtons peut varier selon la courbure de la surface terrestre mais aussi selon la distance entre les deux villes.

Demandez maintenant à chacun d'effectuer deux dessins de "l'expérience au soleil" en représentant les deux bâtons (ou le bâton et le puits) et la carte de profil :

  • - le premier avec une Terre plate,

  • - le second avec une surface terrestre courbe (carte incurvée).

Dites que les rayons du Soleil doivent clairement apparaître sur les schémas et qu'ils doivent être dessinés à la règle. Si cela soulève des questions ou des doutes dans la classe, vous pouvez vous reporter aux activités facultatives sur la propagation de la lumière (voir fiche séparée). La majorité de vos élèves dessineront le Soleil sur leur feuille, et ses rayons seront sûrement divergents (rayonnant en couronne).

Dans ce cas, ils seront contraints de dessiner une ombre à Alexandrie dans les deux cas ! (ce qui ne correspond pas à ce qu'ils ont observé… puisqu'il n'y avait pas d'ombre ni à Alexandrie ni à Syène lorsque la carte était plate).

Nouveau défi : "Cherchez lorsque la carte est à plat comment doit être dessiné le rayon tombant sur le

bâton pour qu'il n'y ait plus d'ombre."

Les élèves s'apercevront qu'il faut "redresser" ce rayon jusqu'à ce qu'il soit dans le prolongement du bâton. Que remarqueront-ils alors en regardant les deux rayons du soleil ? Qu'ils ont tous deux la même direction si bien que l'écart entre les deux restera toujours constant. Voilà ce qu'on appelle des rayons parallèles, les enfants auront probablement déjà entendu ce mot.

Ils referont donc leurs deux croquis avec cette fois les deux rayons parallèles et sans le disque solaire, traduisant correctement cette fois les observations faites au soleil avec leur carte.

Mais une vérification expérimentale du parallèlisme des rayons solaires est nécessaire ?

Si vous avez encore 15 min de beau temps, vous pourrez finir la séance avec l'activité décrite à la fin de cette séquence. Vous pouvez également choisir de la placer en introduction à la prochaine séance.

Enfin, s'il vous reste du temps, vous pouvez faire dessiner les dernières expérimentations lorsque les élèves devaient courber plus ou moins la carte, les bâtons conservant le même écartement puis l'inverse (courbure fixée, ils faisaient varier la distance entre les deux bâtons). Vous pouvez par exemple préparer des croquis vierges sur lesquels ils n'auront plus qu'à tracer les deux rayons solaires (bien parallèles cette fois mais à un rayon de référence en pointillé, le plus simple étant qu'il soit vertical) et à reporter les ombres. Vous pourrez ainsi vérifier rapidement que chacun a bien compris les manipulations faites au soleil. Gardez précieusement les dessins, et envoyez-nous les meilleurs !

Courbure différente et même distance entre les deux endroits.

Même courbure et distance différente entre les deux endroits.

3) Reproduire les observations avec une lampe de poche

Cette simulation va permettre aux élèves d'être confrontés cette fois aux effets de rayons lumineux divergents. Ils découvriront ensuite comment faire évoluer ces derniers vers un "parallélisme" progressif.

Durée : environ 45 min.

Lieu : classe ( lieu assombri) puis en extérieur

Matériel : Pour chaque groupe de 3 à 5 élèves :

  • Une lampe de poche, si possible en ôtant le réflecteur pour améliorer la netteté des ombres

  • La carte d'Egypte et les deux "bâtons" (ou le capuchon de stylo)

Ensuite pour l'expérience qui suivra:

  • 3 vis à tête plate pas trop petites.

  • Une feuille de papier quadrillé

Il s'agit cette fois-ci de refaire les observations d'Ératosthène mais en utilisant une lampe de poche à la place du Soleil. Vous pouvez aussi démarrer le projet par cette séance si le beau temps fait vraiment défaut. Comme lors de la 1ère séance, vous "planterez" dans la photocopie de la carte d'Égypte sur bristol un bâton ou crayon à l'emplacement des deux villes. Vous pouvez aussi utiliser un capuchon de stylo pour représenter le puits à Syène ou tout autre objet proposé par vos élèves ( revoir la figure 1).

Le défi est le suivant : retrouver les observations d'Ératosthène, étape par étape, donc d'abord avec la carte remise a plat. Il faudra ainsi positionner la lampe de poche de telle sorte qu'elle éclaire le fond du puits (ou qu'elle ne projette aucune ombre à Syène si on a mis un "bâton"( vous pouvez d'ailleurs vérifier que c'est équivalent en glissant le stylo dans son capuchon au moment où la lampe est correctement positionnée). Que se passe-t-il lors de cette première étape lorsque la carte est bien plate ?

Les enfants observent alors que le bâton vertical projette une ombre. Exactement comme sur le premier dessin qu'ils avaient fait lorsque les rayons du soleil n'étaient pas parallèles ! Donc cela ne correspond pas du tout à ce qu'ils avaient vu dehors au soleil…Mais alors cela suppose que les rayons de la lampe ne sont pas parallèles....

Pour que les élèves soient définitivement convaincus du parallélisme des rayons du soleil, vous pouvez terminer la séquence par l'activité suivante ou la leur rappeler s'ils l'ont déjà faite.

Les enfants constatent tout d'abord que les lignes d'un papier quadrillé forment des couloirs parallèles. Il faut alors vérifier que les ombres des objets posés sur la feuille suivent bien les lignes du papier et sont donc elles aussi parallèles. Ceci indiquera que les rayons qui forment ces ombres sont eux-mêmes parallèles.

Demandez aux élèves ce qui va se passer si on utilise une lampe électrique à la place du Soleil. Ils vérifient leurs hypothèses: les ombres divergent, mais elles se rapprochent des lignes du quadrillage si on éloigne la lampe. Conclusion : le Soleil est vraiment très loin de la Terre, si loin que ses rayons nous arrivent parfaitement parallèles ! Il est tellement loin qu'on ne peut pas le dessiner sur les croquis si on veut représenter ses rayons !

Vous pouvez prolonger cette séance avec les activités facultatives sur la notion de parallélisme.

Enfin, n'hésitez pas à refaire l'expérience proposée au début de cette séquence aboutissant à la redécouverte de la courbure terrestre et permettant aux enfants de retrouver les observations d'Ératosthène. Cela vous permettra de vérifier que chacun d'eux a bien compris l'expérience au soleil.

Vous pourrez ensuite leur faire réaliser un grand panneau mural expliquant les observations d'Ératosthène et reprenant les deux hypothèses sur la forme de la Terre, en dessinant cette fois-ci des rayons bien parallèles, puis conclure que la surface terrestre est bien courbe et non plate.

Remarque : Au cours de cette séquence, des élèves objecteront peut-être qu'ils savaient déjà que la Terre est ronde ! Certes… mais grâce à ces expériences, même s'ils n'ont pu prouver que la Terre est ronde, ils ont au moins mis en évidence que sa surface est courbe. Profitez-en pour faire le tour des indices qui permettaient, il y a plus de 2000 ans, de supposer que la Terre est ronde : disparition progressive du mât des bateaux à l'horizon, forme de l'ombre de la Terre sur la Lune pendant une éclipse de Lune… Si certains de vos élèves ont déjà observé le ciel la nuit, vous pouvez évoquer la cartographie du ciel et le fait que certaines constellations (ensembles d'étoiles formant une figure, comme la Grande Ourse) ne sont observables que dans un hémisphère à la fois : le ciel étoilé évolue quand on se déplace à la surface de la Terre ! Par exemple, on remarque facilement que la hauteur de l'étoile polaire au-dessus de l'horizon diminue lorsqu'on se dirige vers le Sud (et augmente lorsqu'on va vers le Nord).

Complément : il serait dommage de ne pas profiter de cette séquence pour lancer des recherches bibliographiques (encyclopédies, bibliothèque ou sur Internet) sur ce grand savant qu'était Ératosthène, sur la Grande Bibliothèque d'Alexandrie, sur l'Égypte et son histoire passionnante… Ce ne sont pas les sujets qui manquent !