Voir intro ICI ! (retour à la page "Les rencontres du réseau parents")
Nous présentons ci-dessous les résultats de l'analyse que nous avons faite des enregistrements des 4 focus-groupes de parents. Des regroupements thématiques ont été faits pour en faciliter la lecture. Il s'agit pour chaque thème de ce que l'on peut comprendre de la perception exprimée par des parents à ce propos. Il importe pour nous de comprendre et de présenter la diversité des points de vue sans chercher à réduire les propos comme si on voulait en faire l'expression homogène venant d'une des catégories d'acteurs. (voir épistémologie et méthodologie)
Le 5 octobre 2018, cette page web a été présentée lors d'une réunion du réseau des parents. Leurs commentaires transmis par le lien en bas de page ont permis pour certains d'entre eux d'améliorer directement notre texte et pour les autres, ils sont présentés comme addenda en bas de cette page.
Le recrutement et l’admission à l’école alternative constituent un des points sensibles de la qualité inclusive des écoles. En effet, les écoles accueillent des élèves dont les parents ont fait une démarche volontaire de recherche et de demande d’admission basée sur l’adhésion aux valeurs de l’école alternative parmi lesquelles l’implication parentale concrète dans la coéducation. Les membres du réseau ont conscience du risque de l’entre-soi du fait de la sélectivité qui s’opère sur la base d’une capacité d’accès à l’information, d’un pré-requis d’adéquation culturelle avec une vision bien définie de l’éducation scolaire et d’une disponibilité personnelle pour répondre à l’obligation de participer à la coéducation au sein de l'école. Ils y répondent par une évolution sensible du processus de recrutement - variable selon les écoles - qui abandonne progressivement les tentatives de vérification a priori de la “qualité” des familles candidates, mais se concentre sur l’explicitation et la précision de l’information qui leur est fournie afin de leur laisser la responsabilité de l’appréciation de leur propre adhésion aux valeurs et pratiques annoncées par l’école. Concomitamment, les écoles s’en remettent de plus en plus au hasard de la pige pour départager les familles candidates.
Les autres thèmes analysés dans cette page concernent
l’organisation des classes multi-âge
la situation des élèves “différents”
l’attitude et le rôle des enseignants
l’attitude et le rôle des directions d’école
la coéducation
L’organisation des classes multi-âge est largement approuvée non seulement parce qu’elle a été choisie par les parents répondants mais aussi parce qu’ils rapportent à ce propos des expériences personnelles essentiellement positives et favorables selon eux aux apprentisages de la diversité des élèves. La souplesse organisationnelle ainsi que la coopération et l’émulation entre élèves en sont les points forts.
En ce qui concerne les élèves “différents”, les parents se sont exprimés à partir de deux places possibles : celle de parents d'enfant(s) perçu(s), reconnu(s) comme tels ou celle d'adultes témoins et/ou acteurs au sein d'une classe ou de l'école à travers leurs actions de co-éducation. Dans une attitude de respect mutuel, les participants ont été d’accord pour estimer que l’école alternative était un milieu scolaire favorable pour ces élèves dont la présence profite néanmoins à tous par les apprentissages d’acceptation de la différence et le développement d’attitudes d’entraide.
L’attitude et le rôle des enseignants : Les parents sont d’avis que les enseignant·e·s des écoles alternatives sont proactifs lorsque des élèves rencontrent des difficultés. Ils arrivent dans une certaine mesure à répondre aux besoins particuliers variés des élèves en s’engageant dans des communications à double sens avec les parents, en adoptant une pédagogie flexible et en étant curieux et ouverts face aux inévitables remises en questions qui viennent avec. l’implication des parents dans la résolution des problèmes vécu par leur propre enfant et dans les classes où la diversité s’exprime contribue à développer des communautés d’apprentissage dans les écoles alternatives. En ce sens, le rôle joué par les enseignant·e·s est primordial pour stimuler et guider l’engagement parental.
Même s’ils l’ont peu évoqué, les parents considèrent aussi que l’attitude et le rôle des directions d’école est important. Ils estiment que la direction a pour rôle d’initier et de guider le travail collaboratif dans l’école. Plusieurs parents ont estimé que c’est cette capacité à travailler en équipe dans une école pour aider les élèves qui facilite l’inclusion.
La coéducation peut aussi soutenir l’inclusion de plusieurs manières selon les parents. Les parents remarquent que l’ouverture des classes aux parents est un élément caractéristique essentiel qui facilite l’éducation inclusive à laquelle ils prennent part quotidiennement. Selon l’un d’eux par exemple, le fait que plusieurs adultes se relaient en classe fait en sorte de diversifier les sources de soutien. Un parent d’un élève à besoin particulier affirme qu’il est aussi possible pour lui d’aller en classe pour accompagner son enfant lorsque nécessaire.
Introduction : Le questionnement au sujet du processus d’admission dans les écoles alternatives avait été soulevé par des parents dans une rencontre antérieure (2016). Invités à présenter les concepts de ségrégation, d’intégration, d’inclusion, d’exclusion dans une rencontre du réseau des parents, les chercheurs avaient échangés avec les parents. Cette rencontre avait fait émerger des préoccupations à l’égard de la diversité. D’abord, la diversité au sens de l’accueil des élèves qui ont des capacités variées, voires des incapacités. Des parents se sont dits anxieux que des traits de caractères ou des difficultés de leurs enfants ne les empêchent d’avoir une place ou de la conserver. Des préoccupations avaient également été nommées autour de l’absence relative de diversité ethnoculturelle chez les familles en comparaison de celle présente dans certains quartiers où sont implantés depuis longtemps des écoles alternatives. La question des désavantages sociaux étaient également au coeur des échanges : comment l’école alternative pourrait-elle composer avec des parents qui ne sont pas en mesure de s’impliquer selon les attentes explicites et implicites des écoles alternatives ? Des questions courageuses autour de l’inclusion étaient donc au coeur des échanges entre les acteurs au moment des entretiens.
Analyse :
Les parents sont d’accord pour dire que les écoles alternatives sont accueillantes et permettent à des élèves ayant des capacités et des intérêts divers de les fréquenter. Plusieurs parents affirment que le nombre d’élèves ayant des difficultés de comportement, d’apprentissage ou un handicap à leur école semble représentatif ou plus grand que dans les écoles publiques qui ne sont pas alternatives. Cette présence marquée est d’ailleurs l’objet de discussions et de réflexion dans leurs écoles. Certains parents ont affirmé que dans les dernières années leur école a abandonné la sélection d’élèves ou de familles sur la base d’évaluations ou d’observations des enfants. Le processus d’admission implique pour la plupart des familles une ou des séances d’information obligatoires, un ou des formulaires à remplir par les parents et un tirage au sort. Un seul parent confie toutefois que son enfant a dû passer un entretien que l’école utilisait pour évaluer la “sociabilité” des enfants. Il est possible donc que des enfants aient pu être refusés ou que des familles aient pu être dissuadées de choisir l’école alternative pour leur enfant. Cependant, la plupart des parents ont affirmé qu’ils n’ont pas participé à de telles activités de sélection et que c’était plutôt le hasard qui leur avait permis d’obtenir une place. Selon les parents, le processus d’admission dans les écoles alternatives est dirigé vers eux.
Le recrutement se fait parmi les familles qui s’informent par elles-mêmes des écoles disponibles dans leur région. Certains parents ont mentionné des actions pour informer et attirer des familles du quartier où se trouve leur école, dans un effort pour accueillir sa diversité ethnoculturelle. Les actions posées auraient toutefois connu peu de succès. Les activités de recrutement servent principalement à trouver les familles qui s’impliquent activement dans l’éducation de leurs enfants et qui adhèrent aux valeurs de ces écoles. Les actions en ce sens semblent s’adresser à des familles qui connaissent déjà l’existence du choix d’école ou des écoles alternatives.
Les familles choisissent l’école pour différentes raisons, ce qui n’est pas sans causer certaines tensions dans les écoles. Certaines écoles accueillent des familles qui y viennent à cause de sa proximité ou de la relative petite taille des établissements alors que d’autres y viendraient par adhésion à la pédagogie alternative. Par exemple, un parent mentionne la présence dans son école de deux communautés linguistiques qui ne partageraient pas toujours les mêmes idées sur la pédagogie. Plusieurs parents affirment être séduits par la pédagogie de ces écoles alternatives qui développent les goûts et les talents de tous les enfants tout en étant attentives au rythme d’apprentissage variés des jeunes.
Enfin, certains parents ont abordé la situation d’élèves qui quittent leur école alternative en cours de scolarité. Certaines familles feraient le choix de quitter en raison d’une perception que leurs enfants ne progressent pas suffisamment. Certains parents affirment que les écoles alternatives ne peuvent répondre à tous les besoins et que certaines pratiques comme l’absence de notation chiffrée ou de devoirs pourrait ne pas convenir à certaines familles. Parmi les raisons évoqués pour parler des départs, les parents expliquent que la centration sur les activités ouvertes, les projets et la socialisation des élèves peut laisser certaines familles en manque d’un enseignement dirigé, accéléré, centré sur les matières de base ou d’un environnement où les distractions et les choix au quotidien sont moins nombreux. Un parent affirme également que certains besoins particuliers ne peuvent pas être pris en considération et que les familles peuvent alors être informées des services d’adaptation scolaire offerts dans d’autres écoles publiques. Les places ainsi libérées sont offertes à de nouveaux élèves plus âgés au moment de leur admission. Un parent qui a vécu cette situation mentionne qu’il leur a été difficile d’obtenir des informations sur la pédagogie de leur école et que son enfant a vécu quelques difficultés pour s’adapter à la pédagogie alternative et pour s’intégrer socialement. Il estime donc qu’il est plus difficile d’être accueilli en cours de scolarité dans une école alternative.
En résumé, les parents consultés sur l’admission et le recrutement dans leur école ont perçu un certain nombre de défis reliés à l’éducation inclusive, notamment des pratiques d’accès aux écoles variables d’un établissement à l’autre, le recrutement local peu exploité et l’accueil et la rétention de certaines familles en cours de scolarité. Selon l’expérience rapportée par ces parents, les pratiques de sélection des élèves ont tendance à disparaître dans les écoles alternatives. Lorsqu’une sélection se pratiquait par l’observation de l’enfant ou des moments de rencontre avec les familles, le paramètre du comportement social semblait le plus important. Cette orientation n’est pas sans rappeler les difficultés que causent à l’ensemble des écoles l’accueil d’élèves dont le comportement est jugé difficile. Les parents rapportent sentir une ouverture affirmée des écoles alternatives à des profils familiaux et d’apprentissage variés. Les pratiques d’admission actuelles sont centrées sur une affirmation forte des principes de l’école alternative pour que les parents puissent estimer s’ils s’y reconnaissent et ensuite, le choix est fait par la pige s’il y a plus de demandes que de places.
Introduction : avant d'entrer dans le vif de ce thème, il nous parait utile de faire une remarque au sujet du vocabulaire employé par le RÉPAQ et ailleurs. Parle-t-on, doit-on parler de classes "multiniveaux" ou "multiâges" ?
Le RÉPAQ revendique dans sa condition n°7 (p. 24) la constitution dans les EA de "groupes d'âges multiples". On comprend qu'il s'agit de groupes - essentiellement des classes, donc - au sein desquels les élèves ont des âges différents les uns des autres. Le développement justifie ce choix en indiquant qu'il reflète "la vie sociale réelle", qu'il favorise la mutualisation des apprentissages et implique d'adopter une pédagogie différenciée, respectueuse de la diversité des élèves ainsi réunis. Par conséquent, en filigrane du "multiâges", c'est aussi de "multiniveaux" qu'il est question. Ce qui explique pourquoi les deux termes sont assez volontiers entremêlés dans les propos tenus lors des focus groupes enregistrés pour la recherche. "Multiâges" est cependant plus employé, peut-être parce qu'il reflète plus un esprit "familial" revendiqué par les EA. La tradition de l'enseignement mutuel réapparait derrière ce postulat dans une acception modernisée (voir son histoire ICI, et LÀ). Cette revendication fait problème aujourd'hui où le modèle de l'enseignement simultané prédomine. La presse s'en fait régulièrement l'écho car le modèle dominant "simultané" à niveau unique est soutenu par les syndicats enseignant·e·s contre des Commissions scolaires qui voient dans le multiniveaux de possibles sources d'économies (voir par exemple : ICI et LÀ). Quant aux résultats scolaires découlant de l'un ou l'autre choix (mutuel i.e. multiniveaux, ou simultané), la recherche peine à trancher (voir ICI et Dupriez, V. et Draelants, H. (2004)). Cela renvoie finalement à un choix de valeurs.
Cependant, on doit aussi prendre en considération la réalité au-delà du désir de classe homogène défendue par les tenants de l'école aujourd'hui traditionnelle. Les classes ne sont-elles pas toutes multiâges et multiniveaux quoi qu'on en ait ? Le redoublement, que l'école traditionnelle pratique encore, bien que plus rarement qu'autrefois, génère à l'envi des classes multiâges, le plus souvent mutiniveaux tant son inefficacité est patente. On décèle ici une faute de logique soutenant une chimère : des classes à niveau et âge uniques, homogènes, sont humainement irréalisables. Il faut a minima choisir : le niveau unique OU l'âge unique. Et dire pourquoi l'un ou l'autre. Si on choisit le niveau unique, on aura ipso facto des classes multiâges, et si on choisit l'âge unique, on aura ipso facto des classes multiniveaux. Autant en prendre acte, ce qu'ont semble-t-il fait les EA.
Analyse :
Les parents se prononcent évidemment nettement en faveur de l'organisation multiâge des écoles fréquentées par leurs enfants, ce qui est normal étant donné leur propre implication dans le choix de l'école, dans le déroulement de la scolarité de leurs enfants et au final dans la vie de l'école dont ils affirment à plusieurs reprises le caractère familial, "confortable" même pour son enfant, selon l'expression d'une mère. Rappelons que le multiâge signifie d’abord que les élèves sont regroupés au sein de classes-cycle qui représentent deux ou trois années de scolarité. Les élèves conservent donc le même groupe d’élèves et le même enseignant pendant cette période.
Ce choix repose sur des arguments de caractère social, d'éducation à la sociabilité et d'autres de caractère pédagogique liés plus spécifiquement aux apprentissages académiques.
Pour le social, au-delà d'une école confortable, les parents relèvent que le lien entre les enfants et entre les enfants et les adultes est renforcé par le fait de s'étendre sur plusieurs années dans la mesure où il n’y a pas de répartition des élèves dans de nouvelles configurations de classe d’une année à l’autre ainsi que cela se fait souvent dans les écoles régulières. La connaissance réciproque des uns par les autres facilite les relations. Elle permet aux adultes - parents et enseignant·e·s en particulier - de réaliser des interventions pédagogiques et/ou éducatives plus pertinentes qui se nourrissent d'une meilleure écoute autorisant y compris des remontrances lorsque c'est nécessaire car la familiarité ainsi vécue n'empêche pas le respect des enfants pour les adultes. D'autre part, dans le déroulement de la scolarité, les classes sont constituées pour les années suivantes sur une base de connaissance approfondie de chaque enfant. Enfin, il est noté qu'entre les enfants, les liens s'établissent plus volontiers sur la base d'intérêts communs, partagés, dans le jeu ou le travail que sur l'arbitraire de l'âge.
Pour les apprentissages, les parents relèvent des atouts dans la formule multiâge. Ainsi, pour eux, le multiâge offre des modèles inspirants pour les plus jeunes et l’occasion d’être valorisés pour ceux qui ont tant soit peu avancé. Ainsi, tous sont encouragés. De plus cela permet aux enfants de comprendre vers quoi ils vont, ce qu’ils vont bientôt apprendre. Leur désir d’apprendre est stimulé jusqu'à permettre chez certains l'expression de leur appétence et capacité dans certains domaines sans être limités par le programme de leur niveau de classe. Au contraire, ils peuvent progresser à leur rythme sans souci permanent de la comparaison. Certains parlent même de "gagner du temps" dans le programme. (Ils font ainsi écho à un reproche souvent fait à l'enseignement simultané qui au contraire "ralentit" * la progression de bien des élèves et provoque l'ennui précurseur d'un possible décrochage). Inversement, la plus grande lenteur, la difficulté d'autres élèves est ainsi moins visible et stigmatisante. A l'égard de ces derniers, des parents observent qu’il y a des enfants qui se sentent concernés par l’attitude des autres et qui peuvent se sentir habilités à intervenir pour les aider à rester concentrés, à maintenir leur attention…
De plus les parents considèrent que la pédagogie pratiquée dans les EA dépasse le seul souci de la réussite académique mais vise le développement global de l’enfant et l’apprentissage de valeurs : la démocratie, l’entraide et la coopération dans des projets. On valorise les capacités d’un enfant mais aussi, on l’incite à progresser dans un domaine où il est plus faible. Or, pour les parents, le multiâge attise les attitudes d'entraide, de coopération et contribue ainsi aux apprentissages liés à la vie démocratique, laquelle suppose la compréhension et la participation à des instances de régulation au sein desquelles chaque voix est respectée.
Les parents observent également avec satisfaction que l'organisation multiâge incite les enseignant·e·s et les adultes en général à l'inventivité et à la variété des formules pédagogiques : périodes de co-enseignement, spécialisation disciplinaire partielle des enseignant·e·s, périodes de soutien auxquelles peuvent être associées des parents…
Ainsi, à travers leur argumentation, les participants montrent qu'ils estiment l'organisation multiâge favorable aux apprentissages essentiellement pour les enfants les plus et les moins avancés académiquement, ce qui plaide en faveur d'une tendance inclusive de ce choix de pratique.
Cependant, ils relèvent aussi que cette formule requiert l'adhésion pleine et entière des enseignant·e·s afin en particulier de parer à des effets possiblement négatifs mais sont confiants dans le fait que ces difficultés peuvent être surmontées notamment parce qu’une enseignante qui connait bien son groupe peut compenser en apaisant les craintes et les stress. Certains indiquent que ce sont des phénomènes susceptibles d'apparaitre du fait de la fréquence importante d'activités au cours desquelles les élèves sont amenés à prendre la parole, à lire à haute voix ou à faire toute autre performance devant les autres. Cela peut être difficile pour qui sait (ou craint) ne pas bien réussir.
Deux autres difficultés sont exprimées concernant les élèves qui intègrent l'école - et par conséquent une classe - en cours de scolarité : ils doivent faire leur place dans un groupe solidement constitué et d'adapter à une pédagogie sensiblement différente de ce qu'ils ont connu auparavant comme le travail par projet par exemple.
Enfin, l'expérience de certains parents leur donne à penser que le multiâge, s'il n'est pas bien encadré, peut laisser se développer des attitudes regrettables dans la mesure où des élèves plus "forts" et sans vergogne peuvent intimider des plus "faibles", ce qui se produirait peut-être moins entre élèves de classe - et par conséquent de "force" - homogènes. Des faits sont rapportés à titre d'exemple où des enfants issus de telle ou telle communauté linguistique en ont intimidé d'autres ou, à l'inverse, se sont fait intimider. Cette observation est tempérée par la comparaison immédiatement faite avec la vie familiale où les parents doivent aussi veiller à ce qui peut se développer de malsain dans une fratrie et où d'ordinaire ils y parviennent. Quoi qu'il en soit, les parents conviennent que les EA ne sont pas à l'abri a priori des phénomènes d'intimidation et que parfois la présence dans l'école de personnel spécialisé en psychoéducation pourrait être utile.
Une autre observation concerne les services de garde. Dans l'ensemble, le multiâge y fonctionne moins bien parce que les éducatrices n’ont pas nécessairement choisi leur poste et n’adhèrent pas forcément aux valeurs de l’alternatif mais cela donne aussi des occasions aux services de garde pour évoluer, se structurer selon le multiâge à travers des activités extérieures, sportives…
Les parents participants ont tout particulièrement choisi l'EA pour leurs enfants du fait de sa pédagogie fonctionnant en multiâge selon ce qu'exprime la condition n°7. Pour eux, ce fonctionnement leur semble plutôt favorable à la perspective inclusive ainsi que la plupart ont pu l'observer à l'occasion de leur participation personnelle à la vie de la classe et de l'école. Ils estiment que cette modalité organisationnelle offre une souplesse et un confort - selon des expressions employées - qui ne peuvent qu'être profitable à la diversité des élèves. On notera néanmoins que les arguments avancés sont plus concrets en ce qui concerne les apprentissages sociaux et la vie sociale et relationnelle où des exemples de faits vécus sont donnés. En revanche, pour les atouts concernant les apprentissages académiques, les parents, s'estimant peut-être moins compétents pour en juger, présentent surtout une argumentation appuyée par des principes et des inférences logiques. Enfin, on notera pour faire le lien avec le paragraphe suivant que certaines EA ont des classes d'adaptation scolaire, classes dans lesquelles on pratique le multiâge comme c'est aussi le plus souvent le cas dans les écoles régulières.
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C'était d'ailleurs un des objectifs initiaux de l'introduction de l'enseignement simultané : ralentir le rythme des apprentissages afin de garder les élèves plus longtemps à l'école afin qu'ils s'imprègnent plus fortement de l'influence morale (et religieuse ou idéologique) des maîtres. Voir https://www.meirieu.com/PATRIMOINE/mutuel_simultane_jouan.pdfIntroduction : comme il a été mentionné dans le récit des origines de la présente recherche, l'expression "enfants à défis particuliers" avaient été utilisée en premier lieu pour tenter de rédiger une "condition" qui fasse droit à la singularité d'un certain nombre d'élèves d'ores et déjà accueillis dans les EA. Or, comme l'écrit le philosophe Paul Ricoeur (2009), "Pour identifier, il faut distinguer, et c'est en distinguant qu'on identifie. Ce réquisit ne régit pas seulement une théorie de la reconnaissance limitée au plan théorique; il gouvernera avec la même insistance, tous les usages issus du retournement du reconnaître à l'être reconnu: c'est à être distinguée et identifiée que la personne humiliée aspire". (p. 50). Il fallait donc que ces élèves fussent "reconnus". Et toute l'expérience humaine la plus banale nous enseigne qu'à quelque titre que ce soit, toujours, dans un groupe humain, des individus se distinguent des autres, lesquels semblent alors - au moins provisoirement - plus semblables entre eux. Cette distinction n'est pas a priori contraire aux principes de l'éducation inclusive trop souvent caricaturée par une dénonciation d'un supposé déni des différences qu'elle opérerait. Au contraire, opérer cette distinction permet de mieux se laisser interroger sur les conditions mises en oeuvre afin que les individus ainsi distingués trouvent leur place pleine et entière dans l'organisation sociale considérée, l'école en l'espèce. Ils doivent selon l'enseignement de Paul Ricoeur être distingués pour être reconnus, pour obtenir la reconnaissance qui leur est due parmi les autres, en toute équité avec eux. Ce qui importe, c'est ce que l'on fait de cette distinction. Si elle détermine la mise à l'écart de la personne, c'est de l'exclusion ou de la ségrégation, si elle commande sa normalisation, c'est de l'intégration. En revanche, si l'on s'oblige à modifier les conditions d'accueil de la personne, des personnes, afin de leur permettre d'exercer pleinement leurs capabilités (Amartya Sen, 2010; Nussbaum, M. C. 2017), la perspective est inclusive. C'est donc le sens de l'action qui doit se réorienter, et c'est ce que le RÉPAQ a compris à un moment donné de sa démarche. C'est ce qui permet donc, sans surprise de consacrer des paragraphes à ce qui fut exprimé à travers cette recherche à propos d'enfants distingués parmi les autres en raison de leurs comportements, de leurs facultés, de leurs attitudes, de leurs incapacités etc. Les distinguer n'oblige nullement, bien au contraire, à les assigner à une catégorie nosographique liée à un diagnostic médical et encore moins à les y maintenir par négligence d'observer et de tenir compte de leur évolution. Ici encore, le postulat d'éducabilité fonde la démarche éducative, les défis ne sont pas seulement ceux de l'enfant mais ceux qui se posent à la communauté éducative.
Analyse :
Les parents se sont donc exprimés à propos d'enfants "qui se distinguent". Ils l'ont fait à partir de deux places possibles : celle de parents d'enfant(s) perçu(s), reconnu(s) comme tels ou celle d'adultes témoins et/ou acteurs au sein d'une classe ou de l'école à travers leurs actions de co-éducation.
Les écoles alternatives ont là encore, à leurs yeux, des vertus pour ces enfants. Par principe, l’EA est une communauté au sein de laquelle tout le monde est reconnu, y compris par conséquent l’enfant « différent ». C'est une école où les enfants découvrent leurs goûts et leurs talents, une école où ils peuvent progresser à leur rythme, selon leur tempérament. Une école qui accepte et reconnait les différences. Les enseignantes y sont disponibles, prennent du temps en rencontres individuelles pour les enfants qui ont des difficultés afin de les comprendre, de leur parler, de les aider, d’aménager…
Ils décrivent leurs EA comme de "petites écoles" offrant donc un contexte plus personnalisé et une meilleure souplesse organisationnelle, ce qui leur semble a priori favorable pour la collaboration des acteurs et l'accompagnement de ces enfants. Mais des parents ne manquent pas d'observer que la rançon de cette situation, c'est que dans les "petites écoles" - selon l'expression consacrée - "il y a moins de services" pour "les élèves à besoins éducatifs particuliers", risquant ainsi de retourner vers une tendance à l'intégration.
Cependant, du fait qu'il y a une bonne collaboration et une bonne communication école-parents, ces derniers sont amenés à jouer un rôle éducatif fort au sein de l’école. Cela soutient l’intégration d’enfants problématiques ou différents. Ainsi, sur le plan pédagogique, les parents estiment que leur participation dans les classes aide l’enseignante et favorise l’inclusion scolaire des élèves. À certains moments, des élèves qui ont des besoins particuliers sont supervisés par des enseignants plutôt que des parents. Mais, il y a des parents plus compétents que d'autres qui vont prendre en charge l'ensemble des élèves tandis qu'un parent plus habitué va s'occuper des besoins particuliers d'un seul enfant. Quoi qu'il en soit, l'organisation de la supervision auprès des "élèves à défis" se fait discrètement pour éviter la stigmatisation des élèves.
Les parents attendent aussi de l’EA qu'elle cherche à préparer des individus ouverts, compréhensifs, patients, sociables, aidants, ayant moins de préjugés. Toutes qualités dont ils estiment qu'elles se développeront au profit de tous les enfants par leur fréquentation de la diversité.
Des parents qui se reconnaissent dans le fait d'avoir un ou des enfants "à défis", indiquent avoir choisi l’alternatif en raison des difficultés présumées ou rencontrées au régulier pour leurs enfants décrits comme hors normes (troubles divers, précocité, phobie scolaire…) Pour eux, l'EA est une alternative à la ségrégation préconisée dans l’école régulière. Le principe de co-éducation et d'intervention des parents dans la classe a permis à l'un d'eux d'y être accueilli à temps plein pendant le début d’année pour soutenir son enfant. Ensuite, ce parent a pu se retirer graduellement. Sa présence n’était pas incongrue dans la mesure où il y a d’autres parents dans l’école. Pour un élève ayant une déficience intellectuelle liée à un syndrome de Down (T21), son parent rapporte sa satisfaction d'avoir pu lui offrir un primaire en inclusion à l'école alternative mais, au secondaire régulier, il a fallu se résoudre à la classe spécialisée. Ce témoignage est l'occasion pour les parents d'affiner la réflexion en relevant que l'écart apparent des facultés intellectuelles nécessaires aux apprentissages académiques est de plus en plus visible à mesure de l'avancée en âge dès le primaire. A la fin du primaire cela parait nettement. Des formes d'exclusion sociale apparaissent et le multiâge n'a plus la même force cohésive que pendant le début de l'enfance. L'enseignante a par conséquent un rôle important pour assurer le maintien de l'inclusion sociale au profit des enfants handicapés jusqu'à la fin de la scolarité. D'autant plus que les parents - en général - sont moins souhaités/sollicités/bienvenus en classe au 3e cycle, ce qui diminue le potentiel de l'inclusion. En effet, les parents ont un effet sur l'inclusion en classe et peuvent intervenir si leurs enfants se sentent exclus. Ils ont un pouvoir. Quand les parents ne sont pas bénévoles en classe, ils savent moins ce qui s'y passent.
Même si les parents estiment que les enseignantes sont aujourd'hui mieux formées qu'auparavant et qu'elles apprennent à voir l’enfant avant le diagnostic et les besoins particuliers présumés. Ils soulignent que pour que les enseignantes consentent à l’inclusion, il faut leur offrir de la formation et de l’accompagnement. Ils estiment même que cette formation pourrait aussi être utile aux parents qui s’impliquent dans l’école car ils ne savent pas toujours comment s’y prendre pour agir de manière inclusive. Ils peuvent contribuer à exclure certains élèves par exemple par un simple manque de tact en imposant leur choix des élèves avec lesquels ils veulent bien travailler. Quoi qu'il en soit, les participants admettent que les enseignants sont aussi des êtres humains qui peuvent préférer d’éviter ce qui leur parait difficile et ils reconnaissent que l’EA ne parvient pas à scolariser tous les enfants qui ont des problèmes nécessitant l’intervention de spécialistes.
Ainsi, pour les participants, deux leviers sont essentiels à actionner pour la scolarisation des élèves à défis dans des conditions inclusives : la formation et l'accompagnement des enseignants ainsi que le soutien de la direction d'école ainsi qu'on le précisera plus loin.
Introduction : L’attitude et les compétences des enseignant·e·s sont déterminants pour la mise en oeuvre d’une éducation scolaire inclusive tant il est vrai que “La scolarisation des élèves désignés « à besoins éducatifs particuliers » nécessite (...) d’inscrire l’évolution des pratiques dans les cadres de référence généraux de l’activité d’enseignement ordinaire” et qu’ “il s’agit de rénover, non de tout reconstruire, tout en montrant aux enseignants, ces « bricoleurs » pédagogiques au sens anthropologique du terme, « qu’ils sont capables de ».(Lavoie et al., 2013). Ainsi, les parents participant aux focus-groupes se sont-ils exprimés à ce sujet d’autant plus aisément que nombre d’entre eux sont des témoins privilégiés de l’activité des enseignant·e·s lorsqu’ils viennent participer aux activités en classe.
Analyse : Les parents sont d’avis que les enseignant·e·s des écoles alternatives sont proactifs lorsque des élèves rencontrent des difficultés. Ils arrivent dans une certaine mesure à répondre aux besoins particuliers variés des élèves en s’engageant dans des communications à double sens avec les parents, en adoptant une pédagogie flexible et en étant curieux et ouverts face aux inévitables remises en questions qui viennent avec. Il va sans dire que les parents remarquent aussi que certaines difficultés engendrées par les allergies sévères, la douance, la déficience intellectuelle ou les problèmes de comportement de certains enfants demeurent des défis à surmonter dans leur école. Certains parents sont alors d’avis que les enseignant·e·s ont besoin de formation et de soutien supplémentaires alors que d’autres soutiennent que des moments comme des échanges entre les parents, l’enseignant.e.s et la direction suffisent à créer des solutions innovantes.
Création de micro communautés d’apprentissage enseignant·e·s-parents : Les enseignant·e·s feraient preuve, du point de vue des parents, d’une ouverture à dialoguer avec les parents et avec leur enfant lorsqu’il rencontre des difficultés. En ce sens, en plus d’informer les parents de ce qui se passe en classe avec leur enfant, les enseignant·e·s s’engagent dans une collaboration accrue avec les parents qui permet la résolution des problèmes.
Ils font également une place de choix aux parents qui souhaitent s’impliquer en classe, ce qui est très apprécié des parents qui en profitent pour s’impliquer dans l’éducation de tous les enfants. Un parent cite en exemple le fait qu’ils doivent suivre des règles particulières sur la cour de récréation lorsqu’ils appuient les enseignant·e·s dans la surveillance des élèves qui ont un trouble du spectre de l’autisme. Des enseignant·e·s ont également souhaité accueillir les parents aux moments où ils sont disponibles plutôt qu’à partir de besoins établis par la culture de coéducation de leur école. Cette flexibilité est nécessaire aux parents qui veulent s’impliquer tout en conciliant cette implication bénévole avec leurs obligations. Enfin, certains parents ont vécu une baisse de l’ouverture des enseignant·e·s à leur implication dans la classe au 3e cycle. Ils considèrent toutefois qu’une implication tout au long de la scolarité est importante pour les aider à comprendre ce qui s’y vit même si leur enfant grandit et devient plus autonome.
Outre leur présence en classe, les parents sont d’avis qu’ils ont un rôle à jouer envers les enfants lorsqu’ils participent en classe par la coéducation. Dans ces moments, ils sont eux-mêmes confrontés aux malaises et défis qu’apportent certaines situations. Ils apprennent en regardant travailler les enseignant·e·s qui agissent comme des leaders et qui peuvent soutenir les parents qui ne savent pas comment agir. Les parents disent aussi apprécier que les enseignant·e·s gardent avec eux des élèves dont le comportement avec d’autres adultes n’est pas adéquat. Cet effort de permettre aux parents de contribuer tout en démontrant une conscience des limites que ce type d’implication peut avoir est reconnu par les parents comme une compétence importante qui les aide à se sentir à l’aise et accueillis dans leur rôle de coéducateur.
Pédagogie flexible : La pédagogie inclusive se présente autant dans l’enseignement que par la manière dont l’enseignant met à disposition les ressources de sa classe. Les parents voient les enseignant·e·s former des sous-groupes où les élèves s’entraident et réaliser des projets où les forces des enfants sont mises en commun. Cette centration sur les relations positives entre les enfants et sur leurs forces respectives plutôt que sur leurs difficultés ou incapacités leur semble être les éléments fondamentaux de leur pédagogie. L’absence de note et de comparaison sociale autour du rendement est un autre élément qui incitent les parents à parler de l’ouverture de la pédagogie des enseignant·e·s à des élèves qui cheminent tous de manière différente et dans le respect. Par exemple, il semble facile pour certains enseignant·e·s de laisser les élèves sortir de la classe quand ils en ressentent le besoin ou de disposer du matériel en classe qui peut répondre à des besoins particuliers chez certains élèves ou être encouragé pour l’ensemble des élèves (comme s'asseoir sur un ballon d’exercice plutôt qu’une chaise pour travailler). Les parents remarquent combien les enseignant·e·s connaissent bien leurs élèves, ce qui leur permet selon eux d’avoir une bonne compréhension de leur cheminement et de pouvoir mieux enseigner.
Ouverture à l’innovation : Des parents remarquent que les enseignant·e·s sont favorables à des interventions en classe ou hors classe qui proviennent de sources variées. Il semble que la responsabilité partagée de la réussite des élèves s’actualise lorsque les enseignant·e·s :
facilitent le regroupement d’élèves qui font du tutorat;
suivent des ateliers d’habiletés sociales offertes par un professionnel des services complémentaires;
permettent à un parent d’offrir un atelier sur un sujet de son choix aux élèves;
facilitent l’apprentissage entre les élèves en leur demandant de trouver eux-mêmes des solutions à leurs problèmes.
offrent des leçons décloisonnées où les enseignant·e·s reçoivent des élèves de plusieurs classes et se répartissent les notions et les niveaux d’enseignement de manière à assurer un meilleur suivi des élèves.
En résumé, l’implication des parents dans la résolution des problèmes vécu par leur propre enfant et dans les classes où la diversité s’exprime contribue à développer des communautés d’apprentissage dans les écoles alternatives. En ce sens, le rôle joué par les enseignant·e·s est primordial pour stimuler et guider l’engagement parental. Les parents affirment que les enseignant·e·s utilisent des pratiques flexibles en classe qui mettent l’accent sur les forces des élèves et sur des relations positives entre eux. Enfin, l’innovation requiert des enseignant·e·s qu’ils coordonnent leur enseignement avec celui donné par d’autres adultes ou par les enfants eux-mêmes. Il arrive tout de même que cette ouverture rencontre des limites et qu’ils aient vécu des situations où les enseignant·e·s souhaitaient éviter certaines situations difficiles liées à la diversité. Il est arrivé que certains élèves doivent quitter l’école ou que des parents sentent que le personnel le souhaitait. Certains parents ont partagé que leur enfant avait fait l’objet de rejet de la part des enseignant·e·s, mais ils comprennent qu’il est humain de rejeter la différence qui fait parfois peur ou qui peut engendrer un apparent ou un réel surplus de travail.
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”Lavoie, G., Thomazet, S., Feuilladieu, S., Pelgrims, G. et Ebersold, S. (2013). Construction sociale de la désignation des élèves à « besoins éducatifs particuliers » : incidences sur leur scolarisation et sur la formation des enseignants. ALTER - European Journal of Disability Research / Revue Européenne de Recherche sur le Handicap, 7(2), 93‑101. doi:https://doi.org/10.1016/j.alter.2013.01.001Introduction : Très peu de parents ont parlé du rôle de la direction dans ces entretiens. Les questions posées n’ont toutefois pas porté directement sur le rôle de chaque membre du personnel d’une école ou sur celui de la direction spécifiquement, ce qui peut expliquer en partie cette relative absence. Il se peut également que les parents soient principalement en relation avec les enseignant·e·s auxquels ils ont d’ailleurs principalement fait référence
Analyse : Certains parents ont nommé des qualités qu’ils apprécient de la personne qui assume la direction de l’école alternative de leurs enfants, notamment le charisme et la capacité d’amener les enseignant·e·s et les parents à travailler en équipe. Ils estiment que la direction a pour rôle d’initier et de guider ce travail collaboratif dans l’école, que ce soit au sujet des dossiers qui concerne l’école, comme les admissions ou ceux qui concernent les élèves en difficulté. Plusieurs parents ont estimé que c’est cette capacité à travailler en équipe dans une école pour aider les élèves qui facilite l’inclusion. Ce travail d’équipe est abordé par les parents comme une recherche de solution commune qui repose sur plusieurs personnes. La direction est perçue comme celle qui peut influencer le personnel et les parents, allant même les inspirer en intervenant elle-même auprès des élèves quand ils ont besoin d’aide. Cet engagement très fort envers les élèves et sa croyance en l’éducation inclusive ont été nommés comme des attitudes admirées et importantes pour la réussite de tous les élèves.
Introduction : La coéducation a plusieurs sens pour les parents interrogés. Certains propos réfèrent aux parents bénévoles qui viennent en classe sur invitation de l’enseignant. D’autres interventions traitent de la coéducation au sens large qui appelle les parents, mais aussi d’autres adultes comme le concierge à s’impliquer quotidiennement dans l’éducation des enfants. Les parents n’ont pas parlé d’enseignement, ainsi la coéducation ne semble pas référer pour eux au travail de l’enseignant qui vise l’apprentissage des contenus du programme général de formation. La coéducation réfère plutôt dans les propos à un soutien humain qui vise le développement global des jeunes et qui se pratique dans le respect des rôles de chacun (parents, enseignant·e·s). La coéducation s’effectue dans un climat collaboratif où les élèves sont appelés principalement à apprendre les uns des autres tout en bénéficiant au besoin de supervision ou d’aide d’un adulte.
Analyse :
Accueil des parents dans la classe alternative
Les parents remarquent que l’ouverture des classes aux parents est un élément caractéristique essentiel qui facilite l’éducation inclusive à laquelle ils prennent part quotidiennement. Ils remarquent que non seulement “la porte est toujours ouverte”, mais qu’on se soucie également dans certaines écoles de modifier la pédagogie de la classe pour accommoder leurs disponibilités. En effet, les parents qui occupent un emploi apprécient quand les enseignant·e·s leur permettent de s’impliquer bénévolement en début ou en fin de journée par exemple. Les parents se voient à la fois comme des éducateurs qui soutiennent les enseignant·e·s et comme des adultes qui peuvent aider n’importe quel élève qui pourrait avoir un besoin. À ce sujet les parents insistent sur l’importance pour eux de connaitre les élèves et d’avoir des informations sur les élèves qui ont certaines limitations ou difficultés dans le groupe. Les propos sous-entendent qu’il y a des situations qui les mettent mal à l’aise, mais ils ne les ont pas détaillés dans les entretiens. Certains parents ont mentionné qu’une rencontre d’information entre les parents de chaque classe était organisée en début d’année à leur école, ce qui leur permettait de se présenter et d’avoir l’occasion de faire connaitre les besoins spéciaux de leur enfant si nécessaire. Il peut s’agir d’allergies alimentaires, de problèmes de comportement ou d’un handicap qui doivent être pris en considération quand ils sont en classe. Les parents sont également sensibles à la confidentialité des informations qui amènent les enseignant·e·s à ne pas dévoiler des informations de nature médicale comme un diagnostic, mais ils soulignent qu’ils n’en ont pas besoin lorsqu’ils apprennent à se connaitre entre eux et à connaitre les enfants. Ils échangent alors des manières d’être et d’agir dans certaines situations délicates. Ces échanges leur semblent très importants pour apprendre à coéduquer en classe. Pour la part de coéducation réalisée en classe, les parents estiment qu'il leur faut être informé·e·s et comprendre les situations délicates afin d'intervenir adéquatement avec les enfants.
Sensibilisation à la diversité
Un parent souligne aussi les limites d’une simple transmission d’informations au sujet des élèves, car selon lui, c’est dans les situations quotidiennes et parfois sur une longue période de temps qu’il devient possible de comprendre les besoins spéciaux de certains enfants. Au cours de l’entretien, un parent mentionne qu’il souhaiterait quand même recevoir des ateliers pour en apprendre plus sur la manière d’agir dans certaines situations afin de s’outiller encore mieux même si cette manière de faire ne semble pas disponible dans son école. Les parents disent apprécier voir leur propre enfant interagir et apprendre en classe. Ils acquièrent ainsi des informations qui sont impossibles à obtenir autrement. De leur avis, le fait de pouvoir observer son enfant en classe facilite l’inclusion quand leur enfant a des difficultés. Il en va de même pour leur compréhension des défis de l’éducation des autres enfants, puisque c’est en étant en classe qu’ils apprennent ce que la diversité implique de beau ou de difficile. Par exemple, un parent mentionne son apprentissage de la distinction entre un objet qui a une fonction d’adaptation pour un élève qui en a besoin, alors qu’il ne représente qu’un jouet pour les autres enfants. On sent un grand respect entre les parents pendant l’entretien qui regroupe autant ceux qui ont un enfant ayant des besoins particuliers que les autres. Là où un parent demande aux autres d’accueillir son enfant différent, d’autres y voient l’occasion pour le leur d’être exposé à la diversité et d’apprendre le vivre ensemble. Aucun parent présent n’a laissé sous-entendre que son enfant a été brimé ou retenu par des élèves qui ont des défis particuliers. Les valeurs des parents convergent vers l’importance que l’éducation soit centrée sur le développement global des jeunes plutôt que réduites à la performance scolaire.
Communauté parentale bienveillante
Les parents ont affirmé de plusieurs manières faire partie d’une communauté de parents qui facilite la connaissance des enfants. De leur avis, ces relations facilitent l’inclusion parce qu’il y a moins de jugements rapides autour des comportements des enfants. Ainsi, connaitre le nom des amis de ses enfants et leurs familles permet aux parents qui éduquent en classe, dans l’école ou à la maison d’intervenir avec confiance auprès des jeunes. Ils se disent aussi plus à l’aise d’intervenir tôt lorsque leur enfant se sent mis à l’écart socialement. Un parent illustre cette cohésion sociale en disant que différents rassemblements comme la fête d’un enfant sont des “party de familles” et qu’il n’est pas rare de boire un verre de vin entre adultes dans les rencontres autour des activités d’école. Un autre affirme qu’en conséquence, les enfants sont particulièrement ouverts avec les adultes, que ce soit en classe ou dans des contextes informels. Il s’est dit agréablement surpris que les élèves s’adressent aux adultes présents dans la classe et ne cherchent pas uniquement à obtenir l’approbation de l’enseignant. Cette culture collaborative favorise selon les parents le développement global des jeunes qui n’hésitent pas à s’ouvrir aux adultes sur des questions délicates qui peuvent parfois même surprendre les parents par leur perspicacité. En outre, certains présument aussi que cette participation de différents adultes dans la vie de l'école contribue à faire diminuer les risques d'intimidation entre les élèves.
Rôles des parents
Bien que les formes de coéducation en classe varient d’une école à l’autre, on peut nommer diverses formes d’implications qui sont connues ou utilisées dans les écoles alternatives au dire des parents. Ils apprécient entre autres de proposer un atelier selon leurs connaissances et passion à des groupes ou sous-groupes d’élèves. En particulier, l'occasion ainsi offerte de présenter leur métier, leur savoir-faire leur semble favorable à la motivation des élèves. Les parents peuvent aussi à certains moments superviser des élèves mis au travail par l’enseignant. Ils apprécient la collaboration entre les élèves qui les amènent à trouver eux-mêmes les réponses à leurs questions et à s’enseigner mutuellement. Cette culture d’entraide facilite le rôle du parent qui peut alors superviser les échanges, les déplacements ou des aspects matériels, s’attarder à aider un élève en particulier ou surveiller les enfants pour assurer leur sécurité. Le fait d’avoir plus d’un adulte en classe permet de réduire la pression mise sur l’enseignant pour répondre à tous les élèves et fait partie de la stratégie mise en place par les écoles alternatives pour soutenir le développement de l’autonomie. Un parent mentionne qu’à son école, les parents prennent en charge la moitié d’une journée de classe chaque semaine en proposant des ateliers divers, sur inscription, aux élèves. Cette stratégie est employée pour dégager les enseignant·e·s qui utilisent ce temps pour collaborer entre eux et réaliser les tâches impliquées dans la préparation de l’enseignement*. La variété des sujets importés de l’extérieur par les parents est alors très grande : du yoga à la planification de grands voyages en passant par l’apprentissage d’une langue. Cet enrichissement du programme offert aux élèves par l’apport de parents bénévoles est unique aux écoles alternatives, tout comme l’engagement parental au quotidien via la coéducation en classe. Les parents notent aussi que cela enrichit leur propre capacité à interagir avec des enfants et qu'à ce titre, c'est motivant pour eux-mêmes.
Les parents coéduquent également lorsqu’ils sont à la maison avec leurs enfants. Un parent mentionne l’importance de s’assurer que son enfant fait les apprentissages liés aux savoirs fondamentaux. En effet, le temps consacré au développement global des jeunes et aux projets pour ne donner que ces exemples limite le temps passé en classe à faire des apprentissages qui nécessitent un entrainement. Bien qu’il n’y ait pas de “devoirs” comme on les retrouve ailleurs dans ces écoles, les parents sont invités à réviser les notions apprises en classe et dans une certaine mesure sont responsables de s’assurer que leur enfant progresse. Ils ont également pour rôle de participer aux projets de leurs enfants en fréquentant les bibliothèques avec eux et en questionnant leurs enfants sur ses besoins pour les réaliser.
La coéducation peut soutenir l’inclusion de plusieurs manières selon les parents. Selon un parent, le fait que plusieurs adultes se relaient en classe fait en sorte de diversifier les sources de soutien, ce qui pourrait soulager un enfant qui éprouverait moins d’affinités avec son enseignant. Un parent d’un élève à besoin particulier affirme qu’il est aussi possible pour lui d’aller en classe pour accompagner son enfant lorsque nécessaire. Il se mêle alors aux adultes bénévoles en classe ce qui apparait tout à fait normal pour les enfants. Certains parents ont dit utiliser cette stratégie pour calmer un problème d’anxiété chez leur enfant ou pour soutenir celui qui a une limitation importante.
Du côté des limites, les parents mentionnent l’importance de se sentir à l’aise dans une classe parce que l’accompagnement des enfants nécessite des habiletés particulières. Le respect des parents qui peuvent être bénévoles en classe et de ceux qui ne le souhaitent pas est précieux pour les parents rencontrés. Un parent qui ne serait pas à l’aise en classe pourrait agir de manière maladroite avec certains élèves, ce qui ne serait pas souhaitable de leur point de vue. Les parents ne sont pas égaux devant la coéducation aux dires des parents rencontrés. Ils n’abordent toutefois pas dans les entretiens les inégalités entre les familles d’un point de vue socioculturel ou économique qui pourraient affecter l'implication bénévole des familles. Un parent souligne le manque d’enseignant·e·s masculins dans les écoles, mais aucun ne souligne le même fait du côté des parents impliqués dans la coéducation. Deux fois plus de femmes (16) que d’hommes (8) sont interrogées lors de ces entretiens. Qu’en est-il de la répartition des genres chez les parents qui coéduquent en classe et à la maison ? Si un parent mentionne l’importance d’une présence d’hommes dans le corps enseignant, nous n’avons pas de données pour établir si cette présence apparaît importante en coéducation.
Merci pour le site web, c'est très riche. Je vais le parcourir davantage et voir avec mes collègues de comité REPAQ comment le partager de manière digeste avec notre communauté!
Dans mon école les "dossiers" des enfants à défis semblent confidentiels et j'ai l'impression que l'équipe école considère que ça ne concerne pas les autres familles. Je crois que ce serait intéressant d'avoir juste une information minimum qui permette au parent d'aller chercher l'aide de l'enseignant plus rapidement face à une difficulté au contact de ces enfants à défis. En revanche, je me demande ce qui est mieux pour les enfants concernés. Peut-être que ce n'est pas bon pour leur développement d'être entourés d'adultes qui modifient éventuellement leur comportement en fonction de ce qu'ils croient être adapté face à leurs besoins particuliers? Dans le fond, il me semble que ce n'est pas tant le fait de connaitre les cas particuliers des enfants de la communauté qui nous rendrait plus inclusifs, mais plutôt d'être formés et outillés au sens large pour mieux comprendre et mieux agir quand des situations se présentent.
J'ai été étonnée que ce point ne retienne pas leur attention... pendant l'échange nous avons réalisé que leurs écoles étaient moins inclusives que la mienne et que la question des enfants à défis ne faisait tout simplement pas partie de leur réalité. Elles étaient conscientes que leurs écoles étaient un peu trop homogènes (milieux "blancs", francophones, privilégiés selon leur description) en terme de population, mais n'avaient pas nécessairement remarqué à quel point les enfants à défis ne faisaient pas partie des classes.
L'inclusion et en même temps, considérer les limites et les besoins de chacun, si la classe spéciale améliore la qualité de vie d'un élève, elle est à prioriser.
L'école alternative, dans certains cas, offre plus de confort et de flexibilité à des élèves qui ne pouvaient pas avoir de moyens adaptés au régulier.
Des façons de faire, comme des assemblées d'école, des conseil de classes, etc., sont certainement des moyens de favoriser l'inclusion des différences (la démocratie est certainement un moyen favorable à l'inclusion) .
Nous nommons le fait que le changement fréquent de direction peut jouer un rôle négatif. Que le parent de l'enfant a besoins particuliers doit être constamment celui qui amène des idées et fait des demandes, qui sont toutefois souvent bien accueillies.
En principe, une école alternative ne ferait pas de sélection. Le paradoxe est qu'il y a un projet éducatif qu'il faut faire vivre, par des valeurs partagées dans la famille...
Les parents qui veulent "utiliser" sans contribuer, s'auto-éliminent quand on les informe sur l'engament requis.
Un parent qui n'a pas de temps à donner, mais qui partage les valeurs et choisit l'école, est-il exclu dans le processus d'admission?
On souligne la difficulté pour les enfants de l'alternatif de s'intégrer dans le cadre rigide des écoles privées.
À propos de la baisse d'ouverture des enseignants à la présence des parents en classe au 3e cycle, on s'inscrit autour de la table en désaccord avec cet énoncé. On souligne que l'implication des parents change effectivement, mais que les parents sont toujours les bienvenus et qu'ils ont toujours un rôle à jouer dans la coéducation.
La présence en classe peut permettre l'implication des grands-parents comme coéducateurs dans les écoles. On note l'absence de cette possibilité dans le document mis en discussion. Les grands-parents peuvent soit remplacer les parents qui manquent de disponibilité ou encore venir offrir des ateliers thématiques ponctuels. Parfois dans certaines écoles les anciens de l'école ont la possibilité de revenir faire des interventions. On pense aux enfants en première secondaire qui viennent relater pour les 6e année comment s'est fait leur passage au secondaire.
La présence du parent dans la classe de l'enfant peut avoir un impact positif sur le comportement de l'enfant. Mais parfois la présence du parent peut avoir un impact négatif sur certains enfants (surexitation, anxiété). Pour cette raison, parfois le parent peut préférer intervenir en coéducation dans une autre classe que celle de son propre enfant.
Un parent souligne qu'à l'alternatif les parents ont accès au lieu physique de l'école. Ils peuvent par exemple entrer le matin et accompagner leur enfant à son casier. Cela renforce le sentiment d'appartenance et permet d'interagir avec les enseignants et les autres parents