Deuxième semaine

Départ précipité de l’appartement de Tamara après des au revoir émus, sa propriétaire nous met purement et simplement à la porte, l’air patibulaire. Difficile de comprendre ce qu’elle nous dit excepté qu’elle souhaite nous voir partir. Ca nous fait gagner un bonne heure, sinon, le départ est toujours difficile. Direction le jardin de l’université où je laisse Pierrot afin de rejoindre Tamara à son boulot pour lui régler nos dettes, c’est parti pour un petit gymkana dans la circulation de Tbilisi !

Départ de Tbilisi après avoir trouvé un magasin de vélo qui nous vend un compteur défectueux et une lampe arrière car Pierrot a malencontreusement oublié la sienne ! Direction la montagne afin d’éviter le trafic urbain vers 15h. Après 3h de montée et 600m de dénivelé sous une chaleur de gueux, nous bivouaquons en bordure du village de Tskneti (très facile à prononcer !). La soirée est belle et j’hésite à monter le double toit, finalement, je le monte quand même. À 3h du matin, un orage arrive et c’est la douche, heureusement que la fainéantise ne l’a pas emporté ! Départ tardif (et oui, on n’est pas matinaux) et la route continue à monter. Une heure plus tard, après avoir attendu Pierrot, celui-ci me dit qu’une personne lui a expliqué que la route est coupée. Pas question de redescendre tout ce qu’on a monté ! On continue donc jusqu’à la coupure. Une barrière indique que la route est réellement impraticable, un pan entier de montagne s’est écroulé il y a deux ans, et les travaux vont bon train ! Des engins de carrière travaillent sans arrêt afin de retracer la route. La personne en charge de la surveillance de la barrière nous indique des itinéraires de contournement. Nous essayons le premier, qui existe effectivement sur la carte, mais nous arrêtons en pleine forêt après avoir suivi un chemin qui ressemble à un sentier de sangliers. Celui-ci est en effet coupé par une tranchée creusée par un torrent, et la suite se perd dans les ronces. Demi tour et deuxième essai, donc en contournant par un village nommé Akhaldaba. Je commence à douter de cet itinéraire quand je vois sur la carte que le chemin est du même type que le précédent. Rebelote ! Après une montée dantesque, dans laquelle Pierrot préfère monter séparément le vélo et les sacoches, nous sommes finalement encore bloqués par un chemin très raide qui se perd dans le sous-bois ! Le pire, c’est qu’il faut remonter pour rejoindre Tskneti ! Pierrot a le genou endolori, mais la seule option qui nous reste est de redescendre à Tbilisi et de traverser la ville pour s’échapper par la plaine et l’autoroute. Désolé Pierrot ! Heureusement, il y a des travaux et la circulation ralentit, nous voilà dans les bouchons, avec les voitures et les marshutka crachant de la fumée de diesel bien noire ! Encore une fois, Pierrot apprécie ! Arrêt à une station service pour prendre de l’essence pour le réchaud, le bidon déborde et geste malheureux et débile, je verse la partie en excès sur le sol comme si c’était de l’eau, à coté d’un homme fumant sa clope, mais ça n’émeut personne !

Nous essayons de trouver un bivouac au fond d’un cimetière en bordure de l’autoroute, mais renonçons. Finalement, c’est dans une prairie brulée par le soleil que nous trouvons notre bonheur, avec ce qui semble être un hôpital en construction abandonné. Durant la nuit, nous observons néanmoins quelque présence humaine car certaines fenêtres émettent une discrète lumière verdâtre. Nous n’en sauront pas plus.

Départ le lendemain, après que Pierrot ait médité, se soit étiré, se soit oint des différentes crèmes et lotions de sa trousse à pharmacie, ait pris 3 thés, ait lu 3 lignes de sa méthode d’anglais (à peu près inutile dans la campagne géorgienne), ait rangé ses affaires, … C’est à dire peu avant midi, à l’heure la plus chaude de la journée ! Un petit morceau d’autoroute marque le début de la journée, jusqu’à Koda où nous nous ravitaillons. Nous y rencontrons un couple d’Allemands à vélo revenant d’Arménie. La femme nous en dresse un visage apocalyptique et nous conseille de passer par l’Azerbaïdjan. Mais il faut un visa pour l’Azerbaïdjan et il n’est pas question de repasser à Tbilisi ! Pierrot décide immédiatement de traverser l’Arménie en bus, je refuse, on verra plus tard. De plus, il n’est apparemment pas possible de passer de l’Arménie vers l’Azerbaïdjan car ces deux pays sont, comment dire, en conflit (Haut Karabagh). Soit dit en passant, ces deux personnes ont à vue de nez environ 65 ans, qui a dit que c’était un truc de jeunes ! Chapeau bas ! Bref, nous continuons vers l’Arménie en prenant un petit détours pour quitter l’autoroute. La route se déroule entre des prairies brulées, mais de plus en plus vertes à mesure que l’on approche d’une vallée dont la rivière a été régulée par un barrage. Après une multitude de montées et de descentes, nous suivons cette vallée fertile où se trouvent de nombreux arbres fruitiers. Figues et prunes se trouvent en abondance et c’est un véritable festin de fruits que nous faisons. Nous trouvons un superbe lieu pour dormir, en surplomb du barrage et profitons de la proximité d’une source d’eau pour en utiliser sans grand ménagement ! Et oui, l’eau est une denrée rare, et nous roulons souvent avec 6 litres d’eau sur les vélos, hors de question de tomber en panne sèche. Le soir, il faut tout faire avec ça : boire, se laver à minima (je passe les détails, cuisiner, faire un brin de vaiselle car manger dans les restes de la veille, bof, …. ), voire même faire un brin de lessive. Ayant acheté des œufs et du sel épicé (ne me demandez comment il a réussi à acheter un petit sachet quand tout se vend en 1kg, sans parler un traitre mot de géorgien), Pierrot confectionne une magnifique omelette tomate, poivrons, ail ! Et oui, on ne se refuse rien. Merci la planche à découper qui pèse si lourd mais dont il ne se séparera pour rien au monde. A ce propos, merci Raphaël pour le couteau à talon, c’est bien pratique !

En passant, je paierai cher, durant la nuit, le presque kilo de figues que je me suis enfilé la journée ! Quand on est con, on est con, ….

Le soleil se lève et il fait déjà chaud à 8h, nous ne prenons même plus la peine de monter le double toit des tentes, confiant en la clémence du temps ! L’aube est magnifique à travers la vallée, et j’en profite pour faire un peu de musique (selon mon point de vue). Départ toujours tardif commençant par la traversée du barrage et c’est une piste en béton dévastée qui nous attend sur plusieurs kilomètres, éprouvant. Nous rencontrons deux hommes ayant visiblement forcé sur l’apéro qui nous font comprendre que l’on ferait mieux de prendre un marshutka plutôt que de se creuver à pédaler en plein soleil. Au grand désespoir de Pierrot, la pente ne s’inverse pas et nous arrivons, par un faux-plat qualifié de pente par Pierrot à Tetri’Skaro, supposée être une ville d’importance, afin de pouvoir y donner des nouvelles. Rien de tout ça, c’est une petite ville de campagne qui a visiblement eu son heure de gloire mais qui est sur le déclin, probablement trop excentrée des axes de communication.

La carte indique que la nationale 35 relie cette ville à Bolnisi. Nous demandons donc la bonne direction à différentes personnes qui semblent d’abord surprises et nous indiquent ensuite la route d’où nous venons ! Bizarre. Après différents essais malheureux, nous prenons une piste qui semble être, à la boussole, la bonne direction. Par précaution, j’arrête un 4*4 qui passe afin de confirmer. Le conducteur parle anglais, cool, c’est plus pratique ! Nous sommes effectivement sur la bonne route, mais il m’informe que celle-ci n’existe quasiment plus et qu’elle n’est plus empruntée ! Il me compare la piste défoncée sur laquelle nous sommes à une autoroute par rapport à ce qui nous attend. Tant pis, le détour est trop important, on tente quand même notre chance ! À chaque patte d’oie, nous comptons le nombre de trace de voitures pour évaluer la bonne direction, quand nous n’attendons pas purement et simplement qu’une voiture passe pour confirmer ! Premier village, nous ravitaillons en eau. Un homme se propose de nous emmener au prochain village. C’est vraiment sympa mais la piste est encore bonne, donc nous déclinons (je décline, plus précisément). Sur la route, une meute de chiens se met à nous courser, et c’est l’arrivée providentielle du même homme qui klaxon et moteur à fond dans sa clio hors d’âge, met les chiens en fuite ! Nous ne le reverrons pas mais le saluons chaleureusement, Nous avons eu chaud, dorénavant, nous nous baladerons avec des bâtons ou des pierres ! Sortie de Dagheti, le prochain village, les prédictions du conducteur anglophone se réalisent. Les trous et les pierres s’enchainent, heureusement, c’est sec ! Sinon, cela aurait été impossible ! Nous arrivons en haut d’une splendide vallée creusée par les âges dans la roche calcaire, l’enchainement des méandres rocheuses baignées dans la lumière du couchant est simplement féérique !

Ce qui l’est moins c’est cette satanée piste, avec les pierres roulant sous les pneus. Les vélos et les chargements trinquent, car les vibrations sont vraiment importantes même en avançant au pas ! Première chute, sans importance : le vélo de Pierrot est à terre, la roue avant s’étant traitreusement dérobée. Pas de casse néanmoins, ouf ! La traversée de la rivière s’effectue sur un vétuste pont béton/acier, signe que la route a bien existé il y a peu. La qualité de l’eau nous semble suspecte et nous devons nous résoudre à ne pas piquer une tête dont nous avions pourtant bien envie. La remontée est éprouvante car le sol est fait de gravier, nous devons donc pousser les vélos une bonne partie de la pente, nous perdons quelques litres d’eau dans l’affaire, à suivre les vaches qui remontent au village. Orbeti est un village agricole à flanc de falaise, donnant sur un immense plateau de prairies et de champs de cultures céréalières. Nous demandons de l’eau à des gens occupés à écraser une imposante réserve de courges. Pierrot immortalise l’endroit et le soleil couchant nous pousse à trouver rapidement un abri. Difficile sur ce plateau de trouver un endroit accueillant, donc nous poursuivons sur quelques kilomètres. Nous parvenons finalement à Bolnisi au crépuscule, que nous ne pensions pourtant pas pouvoir atteindre. Le bivouac est sommaire dans les faubourgs de la ville. Nous mangeons rapidement, et nous couchons aussi vite. Des chiens rôdent et nous les entendons grogner, nous sommes sur leur territoire. Un troupeau de vaches passe autours des tentes. Nous passerons tous les deux une mauvaise nuit. Le matin, une petite meute de chiens nous acceuille au réveil, alléchée par l’odeur pestilentielle du sac de Pierrot. En effet, transportant dans le dit sac des vivres tels que des tomates et des œufs durs, ce dernier, épuisé par les efforts de la journée, pris sans arrière pensées son sac comme siège pour diner. On préfèrerait se verser du jus de poubelle plutôt que de porter son sac !

Les vélos ont également été mis à rude épreuve et celui de Pierrot a déjà perdu deux vis, dont une importante. Heureusement, nous en avons un stock, mais il va falloir être extrêmement vigilant et effectuer des révisions fréquentes. Nous sommes à ce propos un peu léger en outillage, il va falloir investir un peu ! Soit dit en passant, il est impressionnant de voir à quelle vitesse le matériel peut se dégrader, il nous faudra être très attentif sur ce point !

Aujourd’hui vendredi, Pierrot décrète journée de repos. Nous sommes à Bolnisi, à environ 100 km de Tbilisi dans un hôtel d’où nous vous écrivons. On en profite pour se reposer un peu, puis allons flaner dans la ville. Nous trouvons un magasin que l'on peut qualifier de bazar, tant cela ressemble à un container de tout et rien importé de Chine et déchargé tel quel dans le magasin. Son patron, amusé, nous offre d'abord un tournevis, puis nous lui expliquons que nous cherchons également une clé plate de 8mm. Il n'en a pas. Arrive à ce moment un homme jovial s'avérant être un ami du patron qui se présente comme étant Malik, ouzbekh de son état, en mimant des yeux bridés, hilarant ! Et nous voici entrainés dans son vieux taxi à la recherche de notre fameuse clé jusqu'à un garage, sans être sûr que nous cherchons la même chose ! Le propriétaire du garage finit pas dénicher la clé et nous demande 5 laris (la monnaie locale). Froncement de sourcils de Malik, et la clé passe à 4 laris, comme indiqué sur l'étiquette, et regard un peu penaud du garagiste. Un grand merci à toi, Malik !