Le mari, la femme et le voleur
Fable censurée dans l'édition catholique Mame de 1930
Un Mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa Femme,
Bien qu'il fût jouissant, se croyait malheureux.
Jamais œillade de la Dame,
Propos flatteur et gracieux,
Mot d'amitié, ni doux sourire,
Déifiant le pauvre Sire,
N'avaient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'était un mari.
Il ne tint point à l'hyménée
Que content de sa destinée
Il n'en remerciât les Dieux ;
Mais quoi ? Si l'amour n'assaisonne
Les plaisirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en soit mieux.
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie,
Et n'ayant caressé son Mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un Voleur
Interrompit la doléance.
La pauvre femme eut si grand'peur
Qu'elle chercha quelque assurance
Entre les bras de son Époux.
Ami Voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ;
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni fort délicats :
Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte
Que la plus forte passion
C'est la peur : elle fait vaincre l'aversion,
Et l'amour quelquefois ; quelquefois il la dompte ;
J'en ai pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame,
L'emportant à travers la flamme.
J'aime assez cet emportement ;
Le conte m'en a plu toujours infiniment :
Il est bien d'une âme Espagnole,
Et plus grande encore que folle.
La peur, un sentiment qui domine tout.
Sexe ( femme insensible, voire frigide )
Déifiant :Rendant égal aux dieux
Pour La Fontaine, c'est la condition des maris de l'époque...
L'amour physique est peu de chose s'il n'est accompagné de l'amour du coeur
Sur le sujet, ce petit poème licencieux du même La Fontaine :
Aimons, foutons, ce sont plaisirs
Qu’il ne faut pas que l’on sépare;
La jouissance et les désirs
Sont ce que l’âme a de plus rare.
D’un vit, d’un con et de deux cœurs
Naît un accord plein de douceurs
Que les dévots blâment sans cause.
Amaryllis, pensez-y bien :
Aimer sans foutre est peu de chose,
Foutre sans aimer, ce n’est rien.
fit sa main : Il se servit. J'infère : je déduis
La peur fait succomber l'amour et quelquefois l'amour dompte la peur
Il s'agit de l'histoire vraie de Jean de Villa Médiana qui incendia sa maison pour pouvoir enlever la femme du roi Philippe V d' Espagne.