Tircis disait un jour à la jeune Amarante :
Ah ! si vous connaissiez comme moi certain mal
Qui nous plaît et qui nous enchante !
Il n'est bien sous le ciel qui vous parût égal :
Souffrez qu'on vous le communique ;
Croyez-moi ; n'ayez point de peur :
Voudrais-je vous tromper, vous pour qui je me pique
Des plus doux sentiments que puisse avoir un cœur ?
Amarante aussitôt réplique :
Comment l'appelez-vous, ce mal ? quel est son nom ?
L'amour. Ce mot est beau : dites-moi quelques marques
A quoi je le pourrai connaître : que sent-on ?
Des peines près de qui le plaisir des Monarques
Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plaît
Toute seule en une forêt.
Se mire-t-on près un rivage ?
Ce n'est pas soi qu'on voit, on ne voit qu'une image
Qui sans cesse revient et qui suit en tous lieux :
Pour tout le reste on est sans yeux.
Il est un Berger du village
Dont l'abord , dont la voix, dont le nom fait rougir :
On soupire à son souvenir :
On ne sait pas pourquoi ; cependant on soupire ;
On a peur de le voir, encor qu'on le désire.
Amarante dit à l'instant :
Oh ! oh ! c'est là ce mal que vous me prêchez tant ?
Il ne m'est pas nouveau : je pense le connaître.
Tircis à son but croyait être,
Quand la belle ajouta : Voilà tout justement
Ce que je sens pour Clidamant.
L'autre pensa mourir de dépit et de honte.
Il est force gens comme lui
Qui prétendent n'agir que pour leur propre compte,
Et qui font le marché d'autrui.
Tircis et Amarante
Pour Mademoiselle de Sillery
Fable censurée dans l'édition catholique Mame de 1930
Description du sentiment amoureux
Tircis le berger et Amarante la bergère
Clidamant : autre nom de berger
=> Morale qui ne correspond guère au contenu de la fable et à l'atmosphère poétique qu'elle dégage.