Philomèle et Progné
Autrefois Progné l'Hirondelle
De sa demeure s'écarta,
Et loin des villes s'emporta
Dans un bois où chantait la pauvre Philomèle.
Ma soeur, lui dit Progné, comment vous portez-vous ?
Voici tantôt mille ans que l'on ne vous a vue :
Je ne me souviens point que vous soyez venue
Depuis le temps de Thrace habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ?
Ah! reprit Philomèle, en est-il de plus doux ?
Progné lui repartit : Eh quoi cette musique
Pour ne chanter qu'aux animaux ?
Tout au plus à quelque rustique ?
Le désert est-il fait pour des talents si beaux ?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles.
Aussi bien, en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois
Parmi des demeures pareilles
Exerça sa fureur sur vos divins appas.
Et c'est le souvenir d'un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa Sœur, que je ne vous suis pas :
En voyant les hommes, hélas !
Il m'en souvient bien davantage.
Misandrie : aversion à l'égard des hommes ( des mâles )
Viol ( traumatisme du viol )
Mythologie grecque : Progné, femme du roi de Thrace Térée qui avait violé sa soeur Philomèle dans des bois, tua le fils né de ce viol et le donna à manger lors d'un festin. Les dieux changèrent Prognée en hirondelle et Philomèle en rossignol.
rustique : paysan
Rappelons que Térée a violé Philomèle dans un bois. Sa soeur l'exhorte à
fuir l'endroit qui lui rappelle cet atroce souvenir.
=> Traumatisme du viol
Si les bois où elle vit rappellent son viol à Philomèle, celle-ci présage
que dans les villes, parmi les hommes, bien d'autres viols et crimes
sont commis.