Sous Louis XIII, le Cardinal de Richelieu fonde la Compagnie des Cent-Associés de la Nouvelle-France. Elle voit le jour le 29 avril 1627. C'est la première à s'installer au Canada parmi les compagnies européennes fondées au 17e siècle. La compagnie fonctionne selon le même schéma que les précédentes. Elle se voit octroyer le monopole de tout commerce à perpétuité et celui du commerce des fourrures pour 15 ans au cours desquels elle s'engageait à installer, à ses frais, 4,000 colons, à administrer la colonie, à assurer la défense du territoire, et également à se consacrer à la conversion des Indiens. De 1629 à 1635, Samuel de Champlain est le lieutenant de la Compagnie en Nouvelle-France. Sous l'ancien régime français, chaque communauté est divisée est gouvernée par un seigneur et un prêtre en plus d'un magistrat désigné par le seigneur et le prêtre. La Compagnie est acculée au bord de la faillite et l'agressivité des Iroquois ne lui permet pas de rétablir sa santé financière dans les années suivantes. Elle cède alors son monopole à la Compagnie des Habitants, formée de marchands canadiens qui tentent tant bien que mal d'exploiter la fourrure.
Le gouverneur Pierre du Bois d'Avaugour (1661-1663), qui vient tout juste d’arriver au pays, se rend compte de l’état déplorable dans lequel se trouve la colonie. Il désigne Pierre Boucher (futur seigneur de Boucherville, où ira s’établir Nicolas Bachand 25 ans plus tard), à qui Louis XIV (roi de France de 1643 à 1715) vient de conférer les titres de noblesse, pour aller plaider auprès du monarque la cause de la Nouvelle-France. Boucher s’embarque le 22 octobre 1661 et, parvenu à Paris, s’applique à convaincre le roi, le prince Condé et l’intendant Colbert de la nécessité de maintenir la présence de la France en Nouvelle-France. Il a pour mission d’expliquer combien la constante menace iroquoise en Nouvelle-France compromet le commerce des fourrures et le développement de la colonie. Quand il repartit de La Rochelle le 15 juillet 1662, Boucher pouvait compter sur les deux vaisseaux, les 100 soldats et les vivres et munitions promis par le roi.
En 1663, Louis XIV procède à la dissolution de la Compagnie de la Nouvelle-France, prend le contrôle de la colonie et nomme un nouveau Gouverneur pour la diriger : Augustin de Saffray de Mézy (1663-1665). Dans le but d'assurer la défense de la colonie et y établir un climat propice au commerce, il décide aussi, en mai 1665, d'y envoyer la première troupe française en Nouvelle-France, le régiment Carignan-Salières. C'est ainsi que 1,200 soldats et 80 officiers, sous le commandement du général Alexandre de Prouville, Sieur de Tracy, s'embarquèrent à La Rochelle sur 7 navires pour atteindre Québec, en septembre 1665. La série de forts établis le long de la rivière Richelieu et le succès de leur seconde campagne jusqu'en territoire iroquois a permis d'assurer la paix et la prospérité dans la colonie pour un certain temps. Sa mission accomplie, le régiment fut rappelé en France en 1668. Quatre compagnie sont demeurées au pays pour constituer la garnison de la colonie.
Après le licenciement du régiment Carignan-Salières, la colonie connut près de 17 ans de paix avec les iroquois, ce qui permit de peupler et de développer la Nouvelle-France. Plus de 3,000 colons (incluant 1,000 filles du roi âgées de 15 à 30 ans) arrivent entre 1665 et 1675. Après cet influx initial, la population s’accroît rapidement par elle-même.
Pendant ce temps, les iroquois étendent leur domination sur les nations indiennes voisines. Les expéditions du Régiment de Carignan leur ont fait comprendre que la puissance des armes européennes étaient nécessaire pour conquérir leurs ennemis traditionnels. Vers 1680, la puissance militaire des iroquois, insoupçonnée en Nouvelle-France, les rendaient redoutables avec l'appui de la colonie anglaise de New-York. Une fois les nations indiennes alliées aux français anéanties ou devenues associées aux iroquois, il serait facile de s'emparer des territoires français. D'autant plus que le gouverneur de New-York considérait les iroquois comme des sujets britanniques et espérait pouvoir s'emparer de la Nouvelle-France, tôt ou tard.
La Nouvelle-France n'avait pas d'armée permanente, c'est à dire des soldats de métier, à l'exception de la garnison de Québec, Trois-Rivières et Montréal qui totalisait 45 soldats en tout sous le vocable de la Compagnie des gardes. Une armée permanente sera constituée avec la réapparition du danger, suite à un incident survenu à la fin 1681. Un Outaouais tua un chef iroquois suite à une dispute au sujet d'une jeune prisonnière Illinoise. L'incident fit assez de bruit pour allumer la guerre entre Iroquois et Outaouais. Le nouveau gouverneur de la Nouvelle-France, Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre (1682-1685), prenant alors conscience des risques de guerre, demande au roi Louis XIV des ressources militaires le 12 novembre 1682.
La Barre aurait préféré pour le Canada des soldats bien entraînés dans la Marine. Mais Colbert ne voulut pas se départir des troupiers formés en France et envoya plutôt des recrues de nouvelles levées qui recevraient leur entraînement au Canada. Ce fut pour La Barre une déception de ne pas avoir sous la main un détachement bien stylé sur lequel il put faire fond pour des actions immédiates. À la longue, la mesure de Colbert eut toutefois l'avantage de conduire ces recrues à un entraînement plus adapté aux conditions du pays. L'armée permanente verra donc le jour avec le premier envoi de soldats et de recrus françaises formées dans la colonie en 1683. Elle portera le nom de Troupe de la marine (de 1683 à 1690) ou Détachement de la marine ou Compagnies franches de la marine (de 1690 à 1760). Comme son nom l'indique ces troupes relèvent du ministre de la marine contrairement au Régiment de Carignan qui relevait du ministre de la guerre. Le ministre de la marine était aussi responsable du commerce outremer ainsi que des colonies. La décision d'envoyer des troupes de la marine plutôt que des troupes de terre résulte d'une rivalité entre le ministre de la marine Colbert appuyé de son fils Seignelay, d'une part, et du ministre de la guerre Louvois, d'autre part. Le ministre de la guerre refusant sa collaboration, le ministre de la marine (et des colonies) dut donc se débrouiller en créant ses propres troupes d'infanterie terrestre et de les conserver sous son ministère afin de répondre à la demande d'aide émanant de la Nouvelle-France en 1683. Les Compagnies franches de la marine cesseront d'exister suite à la chute de Montréal en 1760.
Jusqu'à l'arrivée des Troupes de Terre en 1755, les Compagnies franches de la marine représenteront donc les seules troupes régulières présentes dans la vallée du Saint-Laurent. Comme le nom l’indique, la compagnie forme l’unité de combat administrative de base. Le nombre de soldats varie entre 30 et 65 par compagnie en Nouvelle-France, mais la moyenne est de 50 soldats. Elles sont indépendantes, non organisées en régiment, et ont chacune à leur tête un capitaine. Les capitaines recevaient leurs ordres des états-majors locaux (gouvernements) de Montréal, Trois-Rivières et Québec. Les états-majors étaient dirigés par des gouverneurs (responsables de la direction et de l'administration civile et militaire), le gouverneur général (et gouverneur de l'état major de Québec) étant responsable pour l’ensemble de la colonie. Les Compagnies franches de la marine participèrent, de 1683 à 1760, à tous les affrontements qui marquèrent l’histoire de la Nouvelle-France.
1683 : La frégate «La Tempête», partie le 29 août 1683 de La Rochelle, atteint Québec le 7 novembre, alors que la neige recouvrait déjà le sol. Elle amène 150 soldats répartis en 3 compagnies de la Marine, 19 mourront en mer. Le vaisseau transporte également 500 mousquets, 500 fusils et 1,000 épées.
1684 : Un second contingent de 200 soldats, répartis en 4 compagnies, quitte La Rochelle à la fin juillet 1684, et sera à Québec le 24 septembre. À la demande de La Barre, Louis XIV accepte d'envoyer 300 autres soldats sur «L'Émérillon» et «L'Entreprenant». Seul le premier atteint Québec le 2 novembre 1684 avec 150 soldats à son bord.
1685 : Le successeur de La Barre, Jacques-René de Brisay, marquis de Denonville, parti le 7 juin 1685 de La Rochelle, atteint Québec au cours du mois d'août avec 300 soldats divisés en six compagnies sur les vaisseaux «La Diligente, «Le Fourgon» et «Le Mulet».
1686 : Au printemps 1686, 150 recrues sont levées et feront le voyage sur un navire marchand, «Le Saint-François-Xavier». Ils atteindront Québec le 22 septembre 1686 en bonne condition, un seul perdit la vie pendant la traversée. Ces nouveaux arrivant permirent à Denonville de congédier les engagés et de compléter ses effectifs.
1687 : Le 26 avril 1687, 4 vaisseaux du roi, «L'Arc-en-Ciel», un navire de 4e rang, «La Friponne», une frégate, «La Profonde» et «Le Fourgon», des flûtes, transportent 800 hommes. Deux autres flûtes, «La Perle» et «La Bretonne» les accompagnèrent pour le transport de matériel militaire. Le recrutement de ces soldats s'est réalisé aux alentours de Rochefort, Nantes, du Havre et de Rouen. La traversée s'est effectuée en 33 jours, un temps record pour l'époque. Bien que les conditions de vie et d'hygiène aient été grandement améliorées par rapport à 1685, une épidémie de rougeole se propagea; 17 périrent en mer et 130 malades ont été accueillis à l'Hôtel-Dieu à leur arrivée à Québec.
1688 : Un dernier contingent, sous Denonville, de 300 soldats et recrues, recrutés aux alentours de Bayonne et Rochefort comme les années passées, s'embarquèrent sur deux vaisseaux du roi : la frégate «Le Soleil d'Afrique» et la flûte «La Maréchale». «Le Soleil d'Afrique» quitte La Rochelle le 27 avril 1688 avec 50 hommes et 25 recrues pour atteindre Québec le 3 juin. Une traversée sans incidents malheureux. «La Maréchale», partie le 16 ou le 17 avril dût faire escale à Port-Louis, sur les côtes de la Bretagne, le 29 avril avec ses 100 soldats et 125 recrues. Son gouvernail avait cédé. Le vaisseau arriva à Québec vers le milieu d'août 1688 avec des effectifs réduit en raison des désertions à Port-Louis et des mortalités pendant la traversée.
Donc, de 1683 à 1688, 35 compagnies de 50 soldats s'embarquent pour la Nouvelle-France afin de prendre position à Québec, à Trois-Rivières ainsi qu'à Montréal.
En 1685, la France compte 21,000,000 d'habitants, dont 520,000 vivant à Paris. Pour sa part, la Nouvelle-France compte 10,725 habitants dont 520 soldats répartis en 10 compagnies (soit à peine 5% de la population). Les villes de Québec et de Montréal ont environ 1,400 habitants chacune.
Lors de la revue des troupes trois ans plus tard, soit à la fin de l'été 1688, les effectifs comptent 1,418 soldats (répartis en 35 compagnies) sur une population totale de 11,562. Le résultat est donc que plus de 12% de la population est constituée de soldats. Les décès lors des traversées, les mortalités engendrées par la maladie, les pertes aux combats et probablement les licenciements pour raison de mariage avaient passablement réduit leur nombre depuis leur départ de France.
Après une année difficile en 1684, le Gouverneur La Barre est relevé des ses fonctions par Louis XIV, lequel nomme son successeur, un colonel dans son armée des Flandres, estimé des officiers et des troupiers, dévoué à servir son roi consciencieusement sans ambitionner d'autre carrières que celle de gravir les échelons du commandement militaire :
Jacques-René de Brisay, marquis de Denonville (né en France le 10 décembre 1637 - décédé en France le 22 septembre 1710), 11e gouverneur de la Nouvelle-France (de 1685 à 1689). Seignelay reçoit le marquis à Versailles le 17 ou le 19 mars 1685 afin de lui transmettre ses instructions. Denonville séjourne ensuite à Paris pour un mois, où il commence à diriger la levée des 300 hommes que le roi lui donnait pour soutenir son autorité et ses décisions.
La levée des soldats s'effectue suivant une procédure déterminée. Le roi, après consultation avec son ministre de la Marine, fixe le nombre de soldats qu'il décide d'accorder pour satisfaire aux demandes du gouverneur, formulées dans ses lettres de l'automne précédent. Le ministre dresse ensuite la liste des officiers appelés à servir au Canada, liste qui devient officielle quand le roi l'agrée, parfois après modifications. Puis, le ministre transmet à chaque officier désigné l'ordre de partir pour le Canada. Capitaines, lieutenants et enseignes se rendent parfois à Paris, le plus souvent à Rochefort, pour recevoir les directives nécessaires afin de mener à bien le recrutement des soldats de leur compagnie respective. La plupart des soldats présents au Canada est originaire des régions occidentales de la France puisque l’Ouest, le Sud-Ouest et la Bretagne fournissent 53% des effectifs canadiens. Durant les années 1683-1715, c’est du port de La Rochelle que partent les recrues. Il n’est donc pas étonnant de constater que 42% des effectifs proviennent des régions situées dans un périmètre de 150 kilomètres autour de la ville d’embarquement, c’est-à-dire dans les anciennes provinces du Poitou, de l’Aunis, de la Saintonge, de l’Angoumois, de la Marche, du Limousin et de l’ouest de la Guyenne. Toute la zone côtière occidentale de la France représente donc la terre d’origine de 60% des soldats. Pour les autres, plus du quart proviennent de Paris, de l’Île-de-France, de Normandie et des pays de Loire, cela s’explique par le fait que les capitaines recruteurs passent par ces régions en revenant de la Cour pour se rendre au lieu d’embarquement.
En pratique, chaque capitaine, assisté de son lieutenant, va dans les villes et les gros villages, c'est-à-dire dans les lieux susceptibles de réunir le plus de volontaires possible sur la place publique. Rochefort, Bayonne, La Rochelle, Brest, Nantes et Rouen sont souvent le théâtre des levées de soldats pour les colonies, notamment pour le Canada. Le recrutement commence sur la place du marché. Les officiers s'amènent au pas militaire, tambour battant. Le capitaine lit à haute voix l'ordre qui l'autorise à se présenter sur cette place Il explique les ordres du roi, fait appel aux volontaires, précise leur destination s'ils se joignent à eux: Canada, Siam, etc. Généralement la curiosité, suscitée par le battement des tambours, par le costume des officiers, attire suffisamment de monde sur la place du marché pour que le message se transmette dans la ville ou le village et dans les alentours. Les jeunes gens, souvent en chômage, à la fin de l'hiver, se présentent aux officiers, gagnés par l'appât de la solde et par l'aventure.
Le capitaine marchande avec chacun le prix de son enrôlement, qui varie entre 25 et 30 livres, et paye sur-le-champ avec son argent personnel avant d'être éventuellement remboursé. En 1685, le ministre donne comme consigne de recruter de bons soldats en santé et capables de supporter les fatigues de la guerre. Aussi faut-il attirer des jeunes gens robustes en payant leur service un peu plus cher. En fait, les jeunes soldats de la nouvelle levée sont bien plantés sur leurs jambes et Denonville en est satisfait. La recrue apprend aussi que son salaire sera fixe, soit 6 sols par jour. Toutefois, il devra payer 18 deniers, soit 1 sol et 6 deniers, par jour pour sa ration autant pour l'habillement, ce qui fait en tout 3 sols. Il ne lui reste donc que 3 sols nets sur les 6 qu'il gagne.
De temps à autre, les officiers passent dans quelques rues de la ville, se font voir de maison en maison. Quand tous les volontaires disponibles se sont joints à eux et qu'il n'y a pas lieu d'en espérer davantage, officiers et nouvelles recrues se retirent de la ville pour aller dans une autre où ils répètent les mêmes gestes jusqu'au moment où la compagnie est complète, soit 50 soldats. Cette levée durait généralement entre 15 jours et un mois et a lieu en février et en mars, de sorte qu'au milieu d'avril les nouvelles recrues sont prêtes à s'embarquer sur les navires, à Rochefort ou à La Rochelle. Le contrat de service militaire était alors de 6 ans, renouvelable a partir de leur date d'engagement en France. Nicolas, recruté en 1685 sera donc libéré de l'armée au printemps de 1691.
Après avoir ramassé les fournitures nécessaires à ses soldats, Denonville expédie le tout à La Rochelle. Puis c'est le départ des hommes, la route le long de la Loire et l'arrivée à Rochefort le 25 avril. 450 kilomètres à pied! La vitesse de déplacement des troupes à pied étant de 4 lieues par jour (18 km), avec un jour de repos tous les quatre jours, ce trajet aurait pris 30 jours. À Rochefort, les officiers de Marine réajustent le nombre des soldats pour chaque compagnie. Il arrive parfois que ce nombre est déficitaire, d'autres fois, excédentaire. Dans le cas d'une compagnie incomplète, l'intendant de Rochefort tire de ses réserves le nombre de soldats nécessaires pour compléter la compagnie, prend aussi sur les compagnies excédentaires ou, faute de mieux, enrôle, en dépit des règlements, des jeunes gens de moins de 18 ans comme cela arrive en 1684. Dans le cas d'un excédent, les officiers gardent les plus robustes et congédient les plus faibles, comme le font Pierre Arnoul de Vaucresson, intendant de la Marine de Rochefort, et Denonville en 1685.
À Rochefort, on procède aussi à l'organisation des compagnies. Chaque soldat reçoit ses habits militaires, sa ration, son fusil et, avant le départ, sa solde pour deux mois. Tous les ans, les soldats doivent recevoir un nouvel habillement. À cette fin, on retient sur son salaire 18 deniers par jour et on retient aussi une somme égale pour sa ration. Quand les fusils manquent, comme en 1684, le soldat reçoit son arme à feu au Canada, soit en débarquant, s'il y en a, ou attend à l'année suivante. Il arrive, en raison des communications, que le soldat doive porter deux ans de suite les mêmes habits parce que les navires n'ont pas apporté les nouveaux.
Une fois équipées, les compagnies passent à l'entraînement. La plupart des sergents chargés des exercices militaires viennent de Paris ; ils sont assignés à cette tâche par ordre émanant, semble-t-il, du bureau du ministre. Un début d'entraînement a lieu aux casernes de Rochefort mais plus souvent à l'île d'Oléron où les tentations de déserter après avoir touché un salaire et signé l'engagement sont bien réduites. Seulement lorsque les navires sont prêts, ces compagnies se rendent-elles à La Rochelle pour leur embarquement.
Les vaisseaux qui doivent transporter au Canada ces nouvelles compagnies sont d'abord armés à Rochefort. Une couple de mois avant leur départ, le ministre choisit les navires qui doivent effectuer le voyage. L'espace alloué est souvent exigu et les soldats seront passablement entassés sur les ponts. Une fois rendu à Rochefort, Denonville constate que les deux seuls navires prévus pour le transport des troupes, les flûtes Le Fourgon et Le Mulet, sont nettement insuffisants pour acheminer en Nouvelle-France 500 personnes en plus des membres de l'équipage. Il obtient alors qu'on ajoute la frégate légère La Diligente.
Les officiers de Marine s'occupent aussi du chargement de ces navires, canons ainsi que des barils contenant de la poudre à canon, du lard, des viandes salés, du vin, etc., Tout s'enfonce dans la cale du navire. L'armement dure environ un mois, après quoi les navires font voile vers La Rochelle afin de prendre à leur bord la cargaison civile : bagages des passagers et des soldats ainsi que quelques boîtes ou barils destinés aux habitants du Canada. Les soldats venus de l'île d'Oléron s'embarquent un jour ou deux avant la date du départ, laquelle est déterminée par le capitaine du vaisseau selon son flair des vents et des marées. Avant de mettre à la voile, les navires saluent le chef d'escale. Quand Denonville quitte La Rochelle le 7 juin 1685, les canons du Fourgon, du Mulet et de La Diligente tirèrent sept coups de canon auxquels ceux de la citadelle répondent coup pour coup. Puis les voiles, gonflées par un vent favorable, filent entre les deux tours du port et gagnent la haute mer pour se perdre bientôt dans le lointain sur l'océan.
Le Fourgon compte 50 hommes d'équipage, 250 soldats (85% des effectifs totaux de cette traversée), 5 capitaines, 5 lieutenants et quelques passagers, en tout 339 personnes.
Le Mulet a 28 hommes d'équipage, 50 soldats, 150 engagés, 7 valets d'officiers et 6 autres passagers, en tout 241 personnes.
La Diligente n'a à son bord que de 43 à 60 passagers, dont Denonville, sa femme enceinte et Monseigneur de Saint-Valier.
Nicolas Bachand est donc vraisemblablement arrivé en Nouvelle-France à bord du Fourgon ou du Mulet. Il ne semble pas exister de liste complète (manifeste) de ceux qui ont fait le voyage à bord de ces trois navires afin de confirmer définitivement cette théorie (Navires venus en Nouvelle France, des origines à 1699 : http://naviresnouvellefrance.net/). Outre le Gouverneur de Denonville et Nicolas Daneau de Muy, voici d'autres notables qui effectuent la traversée de 1685 :
L'épouse enceinte de Denonville, Catherine Courtin, le capitaine de Macary, le capitaine Philippe Clément du Vuault de Vallerennes, le capitaine Pierre de Troyes, le capitaine François-Marie Renaud d'Avesne des Méloizes, le capitaine Raymond Blaise des Bergères de Rigauville et son jeune fils Nicolas, le capitaine Jean-Louis Gedeon de Saint-Circq (ou Jean-Louis Jadon de Cirgues et de Malemort), le capitaine Pierre Desquerac / d'Escairac, le capitaine chevalier de Saint-Flour, le lieutenant Chevillard de Montesson, le lieutenant Jean Valin de La Sablonnière, le lieutenant Guillaume-François Duclos de Beaumanoir, le lieutenant Joseph Jordy de Cabanac, le lieutenant Louis Larue de La Motte, le lieutenant Louis Damours de Chauffours, le lieutenant Guillaume Lorimier de La Rivière et des Bordes. le lieutenant Claude Guillouet d'Orvilliers, le lieutenant Claude de Ramezay, le lieutenant Mallet de Granville, le lieutenant réformé Jacques-Charles Sabrevois de Bleury, le sous-lieutenant Jean-Louis La Corne de Chaptes, le cadet ou sous-lieutenant Louis-Étienne Villedonné, le sergent Jean Sicard de Carufel, le sergent Jacques Maleray de Noiré et de La Mollerie, le garde-marine (ie: en formation pour devenir officier de marine) François Le Gantier de La Vallée et de Rasné, Monseigneur Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier (successeur éventuel de Mgr François de Montmorency Laval) et François Le Maire de Beaumont (commissaire ordinaire de la Marine subdélégué de l'intendant de la Nouvelle France).
Les voyages sur mer, si poétiques en littérature, sont en réalité des aventures pénibles et périlleuses. La mer déchaînée, les icebergs, les banquises, les récifs, les pirates et surtout la maladie peuvent, à tout moment, conduire le navire à la catastrophe. Il faut avoir hautement le goût du risque et le pied marin pour s'y plaire. En général, les passagers trouvent ces voyages harassants. Marie de l'Incarnation, au souvenir de ses peines, qualifie les navires de «prisons flottantes».
En partant des ports français, les passagers ne se soucient pas trop des inconvénients, pris du désir de découvrir la mer. Mais les premières tempêtes les ramènent à la réalité. Le mal de mer s'attaque même aux plus robustes. Quand le beau temps paraît, on oublie la tempête. C'est dans ces moments que la mer révèle toute sa beauté. La grande attraction est la rencontre de quelques voiles, vaisseaux amis ou ennemis, peut-être des pirates. De La Rochelle à Terre-Neuve, la traversée est relativement rapide. Mais, dans la remontée du golfe et du fleuve, les lenteurs s'accumulent. Là, si la lenteur est de rigueur, en revanche, les distractions se multiplient pour les passagers. Il y a, sur les bancs de Terre-Neuve et dans le golfe, la pêche qui amuse les voyageurs, les sauts des poissons au loin, les mouettes, les oiseaux de différentes espèces. Près des côtes et des îles, les jours de calme plat, il y a les courses en chaloupe vers les rives du fleuve. Ces beaux côtés du voyage en font oublier les angoisses et les malaises. Tel qu'il était coutume à l'époque, c'est durant la traversée que le capitaine attribuait à ses soldats leur surnom.
Les dangers, au cours de la traversée, sont nombreux et souvent imprévus. Que de naufrages! La barque Saint-Antoine se perd dans la mer pendant une tempête, à son voyage de retour. On heurte des fonds marins, comme le Saint-François-Xavier, près de l'île aux Lièvres, en 1686. Parfois on évite de justesse les récifs ; c'est ce qui arrive au Fourgon, en 1685, de violents courants marins entraînant ce navire près des rochers à l'entrée du golfe. Il est sauvé d'un naufrage certain, grâce à l'habileté de son capitaine, M. de Rochefort (lequel mourra quelques jours plus tard). Et la maladie ? Peu de traversées s'effectuent sans sa présence sur les ponts. Il y a des malades et des morts. Mais la pire catastrophe due à la maladie est sans conteste celle de 1685 sur Le Fourgon et Le Mulet.
Tout laisse présager quelques malheurs lorsque ces deux navires se détachent des quais de La Rochelle. Ils sont encore plein à craquer. Selon Arnoul et Denonville, il y a 60 personnes de trop. Mais Jean Gabaret, Seigneur d'Angoulins et chef d'escale de La Rochelle, est d'un sentiment contraire et il faut se ranger à son point de vue. Or, ce qui devait arriver, arriva dans le golfe. Une épidémie de rougeole et beaucoup de scorbut décime ce groupe d'hommes serrés les uns contre les autres. Tous les jours des morts sont jetés à la mer. Sur le seul Fourgon il en périt 65. À bout de souffle, les navires doivent s'arrêter et jeter l'ancre non loin de Tadoussac, semble-t-il, ou à l'île-aux-Lièvres. Les membres de l'équipage, malades comme les autres, sont incapables d'accomplir les manœuvres. Le capitaine même du Fourgon, Rochefort, meurt au-delà de Tadoussac Sur les navires, ce n'est plus que consternation et angoisse, critiques acerbes et rudesse des officiers de Marine. Parmi les moribonds, les malades, seulement six demeurent bien portants, d'après François Le Maire de Beaumont, commissaire de la Marine, venu seconder l'intendant de Meulles.
On a cependant réussi, par quelques messagers dépêchés en chaloupe, à avertir le gouverneur des malheurs encourus sur les vaisseaux. De Québec le secours vient. Une barque épargne la catastrophe complète à ces deux navires en détresse. Le maître de cette barque, Denis Dion ou Guyon, Chaviteau, le pilote de La Diligente, et quelques hommes pliés aux manœuvres, partent de Québec, au péril de leur vie, pour porter des rafraîchissements et ranimer le courage des malades.
La Diligente a franchi le Cap-Race de Terre-Neuve dès le premier juillet et s'est amarrée au quai de Québec en fin d'après-midi du premier août, après une traversée de 55 jours. Pour sa part, Le Fourgon rentre à Québec le 15 août (69 jours en mer) et Le Mulet vers le 28 (82 jours en mer). Comparez ceci à la traversée record de 1687 qui fut complétée en 33 jours.
La maladie ne s'arrête pas au quai de la rade de la Basse-Ville. Elle se répand aussi dans la colonie. Si le scorbut est rapidement maîtrisé, il n'en va pas de même de la rougeole dont les microbes s'agrippent aux vêtements et aux objets des personnes qui, dans un grand élan de charité, vont soulager ces malheureux rescapés. Le point de contagion rayonne à partir de l'Hôtel-Dieu et des navires.
Des vaisseaux, les malades descendent pour regagner l'hôpital de la ville. Les moribonds sont transportés sur des brancards et les autres, se tenant tant bien que mal sur leurs jambes, montent à la Haute-Ville. Très vite l'hôpital en est rempli. Tout n'est que malades, lits et grabats, dans les salles, dans l'église, les greniers, les hangars, voire dans le poulailler. On a même dressé dans la cour des tentes pour recevoir tous les malades qui se présentent. Les officiers occupent la salle des dames, les soldats sont partout.
Plusieurs souffrent douloureusement, se plaignent, soupirent plaintivement, d'autres divaguent sous l'effet de la fièvre et crient au point de faire peur à leur entourage. C'était, nous dit Jeanne-Françoise Juchereau de la Ferté de Saint-Ignace, religieuse hospitalière de l’ordre des Augustines de la Miséricorde de Jésus, «des délires terribles». On oublie bien aisément aujourd'hui avec toute la panoplie de médicaments dont disposent nos hôpitaux ce qu'était autrefois la souffrance. L'impuissance devant la maladie était une réalité quotidienne. Tout ce que médecins et infirmières du temps peuvent servir de mieux, c'est la saignée. Les malades qui n'ont pas été saignés, explique encore Juchereau, meurent. Dans les premiers jours il en décède une vingtaine qui est enterrée dans le cimetière des Pauvres de l'hôpital. Puis, la maladie peu à peu se résorbe.
Le dévouement, à cette occasion, est grand. Les religieuses redoublent d'efforts pour soigner cette grande quantité de malades. De la ville plusieurs particuliers accourent pour assister les hospitalières, apportant avec eux des vivres, des matelas, des lits, des couvertures et autres nécessités. Madame de Denonville y va de sa personne et du don de soi. Cependant, malgré cette belle charité et ces dévouements héroïques, la maladie décrite comme des fièvres ardentes et pourprées, i.e. la rougeole, répand ses ravages dans la colonie et le microbe s'infiltre dans bien des foyers canadiens.
L'intendant de Meulles écrit au ministre, le 28 septembre 1685 : «Dans l'été de 1685, deux vaisseaux du roi rapportèrent à Québec une maladie contagieuse qui tourna bientôt en épidémie. Ceux qui allèrent au secours de ces vaisseaux dans le Bas Saint-Laurent contractèrent la maladie et la répandirent dans toute la ville. L'Hôtel-Dieu fut rempli de malades en un rien de temps et plusieurs moururent. Il est déjà mort un tiers de ceux qu'on a mis à l'hôpital quoiqu'ils aient été parfaitement bien secourus. On ne saurait faire trop de cas de cet hôpital; les religieuses ont fait dans cette occasion des choses surprenantes; il le faut regarder comme un bien universel qui mérite que Sa Majesté l'appuie fortement.»
Un tel désastre ne peut manquer de traîner après soi une chaîne de critiques acerbes. De toute évidence, les causes de ce malheur se dirigent en droiture sur les organisateurs du voyage : Arnoul et Gabaret. On blâme aussi les officiers de Marine pour leur dureté envers les soldats, les engagés et les passagers. Denonville exprime les observations des habitants en ces termes : «De tous, je suis averty que les passagers y sont maltretés outre que vérité, il en cousteroit moins par les vaisseaux marchands». Les paroles dures et les mauvais traitements vont si loin sur les vaisseaux que Saint-Vallier et le gouverneur en sont révoltés. Le marquis déclare : «Les officiers ont malmené les soldats avec des duretés que l'on pouroit califier de cruautés extrêmes, rien n'a esté de si brutal que tout ce que l'on m'en a dit». Les prêtres ne sont pas épargnés, au point que Denonville en est indigné. «On a fait des avanies et indignités aux deux ecclésiastiques de M. l'Evêque qui crient vengeance si M. le Marquis de Seignelay estoit informé». D'autres personnages haut placés ne sont guère édifiés par la conduite des officiers. Le Maire blâme les officiers de Rochefort. L'intendant Jacques de Meulles* prévient Arnoul qu'on le tiendra responsable de la mort de deux ecclésiastiques. Tous ces blâmes, surgis de l'âme d'hommes de haut rang, d'officiers et de beaucoup d'habitants, parviennent à Paris, à la fin de l'automne, et retentissent vivement à la Cour. La réaction est brusque.
(*C’est à de Meulles que revient le mérite d’avoir imaginé un système plein d’ingéniosité : la mise en circulation de la monnaie de carte, la première monnaie de papier en Amérique du Nord. Il se servit de cartes à jouer - il semble qu’il y en avait en abondance dans la colonie à cette époque - et les transforma en billets en inscrivant sur la face un montant suivi de sa signature. Dans une ordonnance, il proclama que les cartes seraient rachetées aussitôt que les navires arriveraient de France avec les approvisionnements annuels en monnaie métallique mais que, dans l’intervalle, il fallait accepter les cartes à leur valeur nominale. Cette monnaie de carte, initialement ridiculisée, parvint ultimement à remporter du succès et eut une vie plus longue que de Meulles n’aurait jamais pu l’imaginer.)
Seignelay, qui, pourtant, a maintenu la décision de faire passer tous les partants sur deux vaisseaux seulement et qui a accablé Denonville de reproches comme d'un bouc émissaire, tourne maintenant ses semonces contre Arnoul, l'intendant de Rochefort. Les reproches du ministre sont durs et la manière, brutale. On ne peut s'empêcher, en lisant le texte de sa lettre, de se rappeler les paroles de La Fontaine : «La raison du plus fort est toujours la meilleure». Il écrit : «Vous sçavez aussy combien je vous ay recommandé de pourvoir à tout ce qui estoit nécessaire pour le passage des officiers et des troupes que Sa Majesté a envoyés en Canada et sans prévoir les inconvénients qui pouvoient arriver d'une foule excessive de gens qui s'embarquent sous vos yeux dans les bastiments destinez à ce voyage vous causez par là la perte de la pluspart des Equipages d'un nombre considérable d'officiers et de soldats et peut-être d'une des flustes avec tout son chargement... Vous proposez pour excuse que M. Gabaret vous a dit qu'il n'y avoit point trop de gens comme si vous qui avez passé toute vostre vie dans la marine ne pouviez pas juger cela par vous mesmes et si vous ne deviez pas respondre à Sa Majesté de pareils accidens quand ils sont causez par des raisons que vous avez pû et deub prévoir, Et quand d'ailleurs vous estes le seul homme dans la marine a qui on puisse reprocher les Inconveniens fascheux dans lesquels vous estes tombé par la légèreté de vostre Esprit et votre peu d'application, ne croyez pas que vous puissiez réparer ces fautes par quelques desseins quelquefois chimériques que vous vous mettez souvent dans la teste et dont vous m'escrivez ensuitte ny que vous soyez suffisamment disculpé envers Sa Majesté...»
Cette désastreuse traversée porte ses leçons. Les conditions matérielles et humaines s'améliorent dans les voyages subséquents. On y entassera moins de monde sur les vaisseaux, y construira moins de cloisons pour faire des chambres et, du fait, les soldats auront plus d'espace sur les ponts. On augmentera aussi le nombre des navires. En 1687, huit cents soldats passeront au Canada sur quatre navires et le matériel militaire sur deux flûtes. Seignelay insiste avant tout sur l'hygiène. Il recommande les lavages fréquents, l'aération et propose l'utilisation des vapeurs de vinaigre et de goudron à titre de désinfectant : «Et pour cet effet de tenir la main à ce qu'ils soient tous les jours lavez, balayez et raclez partout, d'empescher qu'on ne mange entre deux ponts et qu'on n'y fasse aucune ordure, ne fermer les caillebotis que dans les temps de pluyes, de faire ouvrir les sabords le plus souvent qu'il se pourra, faire mettre les malades dans un lieu séparé, faire saisir les bransles au pont pendant le jour, faire monter tout le monde en haut une ou deux fois par jour, faire des parfums entre deux ponts avec des boulets rouges dans du vinaigre et du goldron et enfin se servir de tous les autres moyens que l'expérience qu'il a des navigations de long cours peut luy avoir appris.»
Les recommandations de Seignelay ne furent pas inutiles. On surveilla la propreté et vit au bon traitement des soldats. Cependant, malgré toutes les précautions, les vapeurs de vinaigre et de goudron n'ont pas toutes les vertus souhaitables. La rougeole et le scorbut prennent le dessus sur cette hygiène imparfaite. Quelques hommes meurent sur la fin de la traversée et sont ensevelis dans la mer, une centaine sont hospitalisée à l'arrivée et si la maladie ne fait pas autant de ravages qu'en 1685, le progrès réalisé semble attribuable beaucoup plus à la rapidité de la traversée qu'à l'hygiène de l'époque.
Ces soldats, une fois au Canada, ne sont pas au bout de leurs peines. La maladie les éprouva bien des fois. Les hôpitaux de Québec et de Montréal voient passer dans leurs salles, chaque année, beaucoup de soldats malades. Les difficultés à surmonter, en pareils cas, sont les frais d'hospitalisation. Il en coûte entre 10 et 12 sols par jour. Mais le soldat ne peut disposer que de 3 sols nets par jour. L'intendant use souvent de ruses d'économie pour combler les déficits, prenant parfois sur des restes de fonds de la guerre ou donnant aux religieuses des congés de traite (ie : une permission de porter plein un canot de marchandises pour les traiter avec les autochtones contre de la pelleterie. Leur nombre est limité afin de ne laisser la colonie à court que de 75 hommes par année) qu'elles vendent par la suite entre 500 et 1,000 livres.
Mais les soldats ne meurent pas tous et les survivants sont peu enclins à prendre, pour retourner en France, ces navires qui leur paraissent non seulement être des prisons mais encore des corbillards flottants. Du reste, ils éprouvent vite pour le Canada beaucoup d'attraits. Sur quelques-uns le pays exerce une sorte de fascination. Le soldat est surtout émerveillé par la nouveauté, par une espèce de curiosité pour tout ce qu'il rencontre, par le goût de l'aventure et des voyages sur les rivières et les lacs, et aussi par la vie de l'habitant canadien.
Pendant les années 1683-1715, exception faite de femmes et d'environ 200 engagés envoyés de Rochefort en 1684 et 1685 (la moitié de ces derniers étant versés dans les troupes dès leur arrivée au pays afin d'y remplacer les nombreux soldats décédés en cours de traversée), seuls des militaires mettront pied en Nouvelle-France. Ceci corrobore donc la présomption que Nicolas Bachand soit arrivé avec les Troupes de la marine. L'historien Marcel Fournier explique toutefois qu'il n'existe aucune liste d'embarquement depuis les ports français ou d'arrivée dans les ports de Nouvelle-France, ni de registre répertoriant les noms des simple soldats des Compagnies franches de la marine. Seuls les officiers sont documentés. De 1683 à 1688, le roi fait passer trente-cinq compagnies de 40 hommes en Canada, faisant en sorte que 1,400 militaires seront en poste en Nouvelle-France.
À leur descente des navires, les soldats sont logés chez les habitants de Québec et des alentours, à la côte de Beaupré et à l'île d'Orléans où ils prennent leurs quartiers d'hiver. Ceux-ci sont dédommagés à l’aide de «billets de logement». Au petit printemps, ils réintègrent leur compagnie à Québec pour gagner Montréal sur des barques. Pendant l'été, ils tiennent garnison. Jusqu'à septembre 1687, ils sont postés à Ville-Marie, Lachine, Laprairie, Boucherville et Chambly. Après cette date, nous les retrouvons aussi à Québec, Trois-Rivières, Sorel et dans les nouveaux forts de la colonie. Cependant, tant que durera la guerre iroquoise, le gros de l'armée se tint dans le gouvernement de Montréal.
La grande majorité des soldats ne vivent donc pas dans des casernes, lesquelles ne firent leur apparition à Montréal qu'en 1685 et ne pouvaient loger que 40% des 250 soldats de sa garnison. Durant les mois d'été, le soldat est en service et vit souvent sous la tente, travaillant sur les fortifications et entretenant les chemins. De plus, il doit s’exercer au maniement des armes à feu au moins deux fois par semaine.
Même si le fusil à silex existe déjà depuis 1660 et s’implante très lentement, le mousquet à mèche reste l’arme utilisée majoritairement par l’armée française. Les motifs de cette lenteur s’expliquent en partie par l’esprit conservateur des armées de l’époque et par les sommes importantes qu’il faudrait investir dans une modernisation intégrale des armements militaires. Pour charger le mousquet, on commençait par mettre d'abord de la poudre fine d'amorce dans le bassinet, sur lequel on refermait le couvre-bassinet. Par la suite, avec la poire à poudre on versait de la poudre noire dans la gueule du canon. L'opération de chargement était complétée avec l'addition de la balle et le tassage avec la baguette. Finalement, pour tirer, il fallait allumer la mèche avec un briquet, la souffler, la fixer dans une petite griffe mobile appelée serpentin et l'ajuster régulièrement afin qu'elle tombe exactement sur la poudre dans le bassinet. En appuyant sur le levier, le serpentin rabattait la mèche dans le bassinet, enflammant la poudre et le coup partait.
Vers 1690 commence la transition définitive vers le fusil à silex émanant de la fabrique de Tulle, arme d'un type qui équipera l'armée française jusqu'au milieu du 19e siècle. La mèche est remplacée par un chien portant une pierre dure qu’un ressort va propulser sur une pièce râpeuse, ce qui permet de faire des étincelles et d’allumer la poudre du bassinet. L’âme est lisse et la portée est entre 75 et 100 mètres. Le poids du fusil est d’environ 10 livres car les armes plus lourdes sont trop encombrantes et les plus légères ne sont pas assez robustes. Une baïonnette de 18 à 22 pouces peut maintenant être fixée au bout du canon permettant le combat corps à corps. Les fusils à silex n’étaient pas utilisés comme les armes d’aujourd’hui. On les tirait davantage en groupe afin de générer une volée dévastatrice avant de fixer la baïonnette et charger l’ennemi. Une autre raison pour le tir simultané était afin d’éviter que les étincelles jaillissant du bassinet latéral viennent accidentellement allumer la poudre de son voisin au moment où il procédait lui-même à recharger son fusil. Ces fusils n’étaient pas particulièrement fiables, refusant de tirer environ une fois sur cinq. Le silex devait être entretenu et la pièce râpeuse gardée au sec afin de produire suffisamment d’étincelles. L’humidité pouvait évidemment dégrader la poudre. À l’inverse, une cadence rapide de tir (3 ou 4 à la minute) pouvait laisser subsister des tisons de poudre dans la culasse, entraînant une décharge accidentelle lors de la prochaine recharge. En 1691, l’armée française en Europe est encore équipée à 58% de mousquets à mèche et seulement 19% des fantassins sont équipés de fusils à silex. Les 23% de fantassins restants sont équipés de piques destinées à arrêter la cavalerie (chose qui n’existe pas en Nouvelle-France). On retient donc que, du temps de Nicolas, trois fantassins sur quatre sont encore équipés de mousquets à mèche. Le soldat est aussi muni d’une épée droite.
En période de friction avec les iroquois, les soldats assistent parfois l'habitant à ensemencer et à récolter, leur permettant d'être déjà sur place afin de protéger la maison de ce dernier. À l'automne, les officiers commencent à envoyer les soldats chez l'habitant où ils prennent leurs quartier d'hiver. Le troupier est généralement reçu à bras ouverts dans les chaumières canadiennes, spécialement à la campagne où les relations avec le colon sont excellentes, ne serait-ce qu'en raison de ce qu'ils représentent l'un pour l'autre; d'un côté liberté, soulagement de la rigueur militaire quotidienne, travail, économies, chaleur humaine: de l'autre, assistance dans le labeur et sociabilité. Le gouverneur Denonville, qui surveille attentivement cette expérience de cohabitation, se montre enchanté de l'entraide marquant les rapports de l'habitant et du soldat. Toutefois, en mai 1685, il est porté à l'attention de l'intendant Jacques Des Meulles que certains militaires cantonnés notamment à Boucherville et à La Prairie-de-la-Magdeleine demandaient davantage d'ustensiles que l'habitant était en mesure de fournir. En conséquence, l'intendant émit deux ordonnances précisant aux habitants qui logent des soldats de fournir à ceux-ci un couvert, une marmite, une chaudière, une place pour dormir, un lit de paille et une place au coin du feu durant les mois d'hiver. À son tour, le soldat devait participer au maintien du feu ainsi qu'à la coupe et au transport du bois de chauffage.
Parce que l'habitant était périodiquement en manque de main d'oeuvre, l'intendant Des Meulles avait émis d'autres ordonnances permettant à tous les soldats de retirer leur uniforme afin de travailler chez les habitants et la seconde permettant à tous ceux qui possédaient un métier de l'exercer à la journée moyennant un maximum de 15 sols par jour. À noter que ce salaire était versé sur une base quotidienne puisque les habitants n'avaient souvent besoin d'aide que quelques jours ou semaines à la fois.
Le troupier, dont la solde quotidienne était de 6 sols (9 livres par mois / 108 livres par an), mais à qui il n'en restait que 25% net une fois déduits sa ration (4 onces de porc, 4 onces de pois et un choix entre 1½ livres de pain, 18 onces de biscuits ou 20 onces de farine), son uniforme et les soins médicaux. En sus, ce même troupier touchait 15 (et parfois jusqu'à 30) sols par jour lorsqu'il aidait l'habitant à bûcher, essoucher, défricher et battre le blé. Le colon et le bourgeois payaient moins cher que les véritables engagés ces ouvriers dont ils n'avaient même pas eu à payer le passage dans la colonie.
Les Compagnies franches de la marine servant en Nouvelle-France étaient fort originales sous plusieurs aspects en comparaison des autres troupes de cette époque. Ainsi, quant à l’habillement, les soldats remplaçaient le tricorne par une tuque et portaient des mitaines lors des campagnes hivernales. Les souliers de cuir étaient remplacées par des mocassins indiens tandis que l’épée était remplacée par une hachette. Toutes ces modifications devaient, évidemment, offrir aux soldats une mobilité accrue dans les bois tout en leur permettant une meilleure adaptation au climat nord-américain, surtout en hiver notamment dans les postes de traite.
On peut donc dire qu’après quelques années de présence en Nouvelle-France, l’habillement des soldats ressemblait beaucoup à celui que portaient les coureurs des bois. Les Compagnies franches pratiquaient efficacement la «petite guerre», qui faisait d’elles de redoutables adversaires. Souvent cachés dans les bois ou les fourrés, faisant feu sans être vus ou couchés par terre, ayant régulièrement recours à l’embuscade, les soldats des Compagnies franches abandonnèrent, au fil du temps, les formes traditionnelles de la guerre en formation, telles qu’elles étaient utilisées en Europe. En plus de défendre la colonie, les Compagnies franches ont rendu d’inestimables services à la Nouvelle-France. En effet, les recrues, qui arrivaient de France et qui décidaient de s’établir dans la colonie, constituèrent plus de 30% des 10,000 immigrants français venus s’installer en Nouvelle-France avant 1760. Les soldats étaient aussi très utiles au développement économique de la colonie, car les autorités recommandaient aux recruteurs de s’assurer que ces jeunes gens fussent en apprentissage d’un métier qui servirait à la colonie au moment de leur licenciement, s’ils décidaient d’y rester ou de se marier. Ces hommes amenèrent avec eux un coin de leur pays, de leurs traditions, de leur folklore.
Mais de tous les immigrants arrivés de France jusqu’à la fin du régime français en 1760, à peine 6,500 d’entre eux (soit 22%) y ont laissé une descendance. C’est donc la descendance issue d’un groupe assez restreint de pionniers, et non pas l’abondance de l’immigration, qui a véritablement colonisé le Canada. Les autres immigrants repartent surtout ou encore meurent sans laisser de descendance ici. On comprend du petit nombre d’immigrants permanents (la France comptant alors plus de 20 millions d’habitants) que le Canada n’est pas considéré comme une colonie de peuplement mais plutôt comme une terre de mission commerciale et religieuse. Comme on le dirait aujourd’hui, le roi ne faisait que faciliter la mobilité de la main d’oeuvre, le chômage et le contexte socioéconomique de l’époque ayant été les principaux facteurs de motivation de leur séjour temporaire ou permanent ici.
L'historien André Sévigny dégage le parcours suivant, typique du soldat choisissant de demeurer en colonie à la fin de son mandat : «Libre de sa personne environ six mois durant l'année, parfois beaucoup plus, le militaire apprend le pays, au rythme des saisons et au fil de ses engagements, de ses déplacements et de ses rencontres. Lentement, il s'habitue et il s'attache. Le lien définitif, il va sans dire, passera le plus souvent par la rencontre de celle qui acceptera de partager sa vie, fût-elle veuve ou célibataire. En ces temps difficiles, où chaque bouche à nourrir constitue un problème quotidien, un éventuel mariage entre la fille de la maison et le soldat engagé est d'autant plus convoité par l'habitant qu'il a eu de temps pour connaître et apprécier le futur gendre. Mais ce garçon, qui a peut-être donné des marques de son attachement envers la famille, et qui, de son propre aveu, souhaiterait prendre épouse et s'établir, hésite souvent à réaliser son projet, tant il se sent démuni financièrement et matériellement. C'est dans ce contexte et à ce moment qu'interviennent les futurs beaux-parents; dans la mesure de leurs moyens et, le plus souvent, en avancement d'héritage, ils jettent alors les bases d'un contrat de mariage qui comporte certaines libéralités susceptibles d'emporter la décision du soldat. Cet encouragement peut prendre plusieurs formes. L'une des plus courantes est d'assurer la nourriture et le logement du couple après le mariage. Selon les cas et les besoins, mari et femme seront logés et nourris en la demeure des parents durant une période allant de six à trente-six mois. En guise de dot, de nombreux autres biens peuvent être promis à la future épouse. Outre les habits nuptiaux, le lit garni, la vache et peut-être aussi un ou deux cochons, avantages que l'on trouve d'ordinaire dans les contrats de mariage des paysans de la Nouvelle-France, la femme du soldat, sans doute pour compenser les pauvres moyens de l'époux, se voit offrir certaines des «richesses» suivantes: divers bestiaux supplémentaires et animaux de basse-cour, de la nourriture sous la forme de blé, de pois, de graines de semences ou d'anguille, des meubles, du linge, et des habits, divers outils et instruments, de même que du bois et autres matériaux de construction. Malgré la facilité avec laquelle on obtenait la concession de terres à défricher dans le pays, les beaux-parents cèdent fréquemment au futur couple une des terres du patrimoine familial.» C'est le parcours qu'a suivi Nicolas Bachand.
Nicolas Daneau de Muy est né en 1651 à Beauvais en Picardie. Il choisit la carrière des armes et reçoit son brevet de lieutenant en 1674 pour ensuite être promu capitaine au régiment de Normandie en 1678. Accumulant plusieurs années de service dans l'infanterie en France durant la guerre de Hollande (1672 à 1678), Nicolas Daneau de Muy se distingue principalement durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688 à 1697) dans le cadre d'une campagne limitée entre les colonies anglaises et françaises et leurs alliés amérindiens en Amérique du Nord et contre les Iroquois. Ses faits d'armes lui valent l'admiration de ses supérieurs qui disent de lui qu'il est un «homme d'esprit et de mérite, brave, bon officier, estendu dans le métier, apliqué au service et diligent dans les détachements».
Nicolas Daneau de Muy appartient donc à un groupe un peu plus combatif au sein des Français. Il fait partie de ces officiers qui ont fait les guerres de Louis XIV en Europe, qui ont été recrutés par le Gouverneur Denonville et qui sont arrivés en Amérique entre 1685 et 1688. Au nombre de 23, ceux-ci ont presque tous été officier dans l'armée de terre en Europe et quelques uns ont servi dans la Marine française. Ces hommes, pratiquement tous du même âge, ont partagé les affres des guerres de leur roi, faisant d'eux un groupe d'officiers expérimentés qui ont leur utilité en Amérique. Au cours leur carrière en Amérique, ceux-ci participent en moyenne à 3,2 expéditions militaires, ce qui est un peu plus que pour les autres officiers français. Mais c'est Nicolas Daneau de Muy qui détient le record du groupe avec 7 expéditions à son actif.
À 34 ans, en 1685, Nicolas Daneau de Muy est donc transféré dans les Troupes de la Marine à titre de capitaine et débarque en août 1685 à Québec avec les renforts amenés par le marquis de Denonville, nouveau Gouverneur de la Nouvelle-France. Jusqu'à la fin de son engagement militaire au printemps de 1691, Nicolas Bachand le suivra donc vraisemblablement partout. Il aura notamment sous ses ordres, son éventuel beau-frère, le lieutenant Jacques-Charles de Sabrevois de Bleury. Marien Tailhandier dit La Baume est aussi soldat et chirurgien de la compagnie De Muy. D'autres membres de la compagnie sont le sergent De Gouletrez, le caporal Pierre Borneuf ainsi que les soldats Robert Savard, Augustin Juneau, Brindamour, Jean-Baptiste Lachaise dit Lavigne, Charles Chenaye dit Vandamois, Gabriel Delusas dit Laforêt et Jean Colin dit Laliberté.
De 1685 à 1687, Nicolas Daneau de Muy est cantonné à Montréal, où les troupes de Louis-Hector de Callière (1648-1703 Gouverneur de Montréal de 1684 à 1699 et Gouverneur de la Nouvelle-France de 1698 à 1703) construisent une palissade en pieux de cèdre qui entoure et protège l'espace urbain de l'époque. Cette enceinte atteint une longueur totale de 2,800 mètres. Elle compte cinq portes et huit fronts défensifs équipés de plateformes et de pièces d’artillerie.
Le jeune capitaine trouve néanmoins le temps de faire la cour à Geneviève Bissot, fille de Sieur François Bissot de la Rivière et veuve du chirurgien Louis Maheut. Puis il change d’idée et délaisse soudainement la veuve pour épouser, le 17 mai 1687, Marguerite Boucher (26 juillet 1663 - 3 juin 1698), troisième fille de Pierre Boucher, seigneur de Boucherville. Le chagrin de la veuve délaissée ainsi que la naissance d'un fils (Nicolas de Muys, baptisé à Lévis le 6 janvier 1687) sont apaisés moyennant versement d’une somme de 350 livres. Durant leur mariage (1687-1698), le couple Daneau-Boucher aura 7 enfants et, jusqu'en 1695, Nicolas Daneau de Muy résidera à Boucherville avec sa compagnie de soldats. Dans de très nombreux actes notariés ainsi que dans les registre paroissiaux, il est décrit comme «capitaine d'un détachement de la marine et commandant à la paroisse de Boucherville» ou «commandant de la côte de Boucherville».
Du 10 juin à la fin août 1687, Nicolas Daneau de Muy prend part à l’expédition de Denonville contre les Iroquois au sud du lac Ontario (2,220 km à pied!). L'ultime riposte de ces derniers aura lieu à Lachine deux ans plus tard…
Le 15 mai 1689, Denonville est succédé par Louis de Buade de Palluau de Frontenac. Nicolas Daneau de Muy fait partie des 300 hommes arrivés en renfort à Québec depuis deux jours lorsque, le lundi 16 octobre 1690, le major général William Phips entreprend le siège de la ville à l'aide de ses 34 navires. Frontenac lance alors à son émissaire «Je nay point de Réponse a faire a vostre general que par la bouche de mes canons et à coups de fuzil...». Après avoir épuisé ses munitions sans succès, Phips repart le 24 octobre. Louis XIV fait frapper une médaille commémorative qui fait présager les célèbres paroles du Général De Gaulle : Kebeca Liberata.
Nicolas Bachand est probablement démobilisé au printemps 1691 (soit 6 ans après son recrutement), mais Nicolas Daneau de Muy participe à presque tous les engagements qui ont lieu au cours des années suivantes. Le 11 août 1691, des troupes anglaises de New York attaquent avec succès le fort de La Prairie de la Magdeleine. Lorsqu'elles se retirent de La Prairie et prennent le chemin menant à la rivière Richelieu, elles rencontrent à mi-chemin les renforts provenant du fort Chambly et dirigés par Philippe Clément du Vuault de Valrennes, qui leur infligent de lourdes pertes dans une bataille qui dure plus d'une heure. Le site de cet affrontement est à la croisée de la route 104 et du Chemin de la Bataille. Au nombre de ceux qui, à cette occasion, furent loués pour leur sang froid et leur courage, se trouve le sieur de Muy. Dans l’expédition que Frontenac mène contre les Onontagués à l’été de 1696, il est capitaine d’une des quatre compagnies de troupes de la Marine qui faisaient partie des effectifs commandés par Rigaud de Vaudreuil. Aussitôt cette campagne terminée, on lui donne le commandement d’un contingent de Canadiens et on l’envoie à Plaisance prendre part aux opérations contre les établissements anglais de Terre-Neuve. Après la conquête de l’île, il retourne à Québec au cours de l’été de 1697. Quelque temps après, il est nommé commandant du fort Chambly, poste qu’il conserva pendant plusieurs années (1697 à 1704) et, lors de sa nomination par Callière, on dira de lui qu'il est un des «deux meilleurs capitaines qui soient icy». Ses prouesses militaires lui valent d'être reconnu par les autorités. Après la mort de son épouse Marguerite, survenue le 3 juin 1698 à l'âge de 35 ans, Nicolas Daneau de Muy épouse, le samedi 17 février 1702, Catherine d’Ailleboust (27 mai 1669 - 12 mars 1755), fille de Charles Joseph d'Ailleboust Des Muceaux et de Catherine Le Gardeur. Son frère est Pierre d’Ailleboust d’Argenteuil. Ce couple aura 2 enfants. En 1703, on propose d’élever Chambly du rang de simple fort à celui de sous-division administrative du gouvernement de Montréal sous l’autorité de Nicolas Daneau de Muy. Cette même année, il se fait construire une maison dans le Vieux Montréal, coin Notre-Dame et Saint-Charles (aujourd'hui place Jacques Cartier), à droite du château Ramezay, avec lequel il partagera un mur coupe-feu lorsque celui-ci sera construit deux ans plus tard par son ami Claude Ramezay, lieutenant lors de leur traversée en 1685 et Gouverneur de la Nouvelle-France de 1714 à 1716. La maison de Nicolas Daneau de Muy est démolie en 1903 pour dégager l'espace du marché public. Le site est maintenant connu comme Place de la Dauversière. Par la suite, Nicolas Daneau de Muy obtient les postes de major des troupes à Québec le 15 mai 1704 et major de la garnison de Québec le 17 juin 1704. Comme il estime avoir droit à un poste plus important, il retourne en France à l'automne de 1705. On lui offre le poste de lieutenant du roi dans l’île de Cayenne (Guyane) le 10 avril 1706. Il revient au pays au printemps de 1706 mais hésite à accepter cette affectation qui l’obligerait à faire venir, sur cette petite île au large des côtes de l’Amérique du Sud, sa femme et ses enfants alors au Canada. C’est vers cette époque (vraisemblablement en 1706 ou 1707) qu’il reçoit la croix de Saint-Louis. Au même moment, ses amis font pression auprès du roi afin de le faire nommer gouverneur de la Louisiane. À l'été 1707, le roi lui accorde ce poste, lequel il n’occupera jamais puisqu’il meurt en mer au large de Cuba, sur le navire La Renommée, le 22 janvier 1708, alors qu’il est en route pour le Fort Louis de la Mobile. Il est inhumé le 25 janvier 1708 à La Havane.
Nicolas Daneau de Muy a été l'un des, sinon LE, plus fougueux des 221 Capitaines des Troupes de la Marine en Nouvelle-France. Il aura sûrement beaucoup contribué à forger le caractère des jeunes hommes qu'il aura menés…
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Au Canada, le terme «habitant» désigne plus spécifiquement les cultivateurs. Dans la majorité des cas, les premiers habitants sont d’anciens engagés ou soldats qui ont constitué, à eux seuls, environ 80 % de l’immigration au Canada sous le Régime français. Le travail de l’habitant dépend étroitement du cycle des saisons. Pendant l’hiver, l’habitant soigne son cheptel, composé habituellement de deux à quatre vaches laitières, d’une ou deux paires de bœufs, d’au moins un verrat et de quelques truies, d’une douzaine de poules, de quelques moutons et parfois d’un cheval. Il s’adonne parallèlement à la coupe du bois afin d’accroître sa terre arable et de se constituer une réserve de bois de chauffage. Au printemps, il termine pendant quelques jours les labours qu’il avait abandonnés à l’automne. Au début de mai, il envoie ses animaux aux champs et, à la fin du mois, il commence à semer à la volée son blé et, parfois, un peu d’avoine, d’orge et de seigle. Les semences se poursuivent pendant environ trois semaines. Durant ce temps, son épouse et ses enfants s’occupent du potager : ils désherbent, puis sèment carottes, laitues, oignons, navets et choux, ainsi que des citrouilles et des melons, que les Amérindiens leur ont fait découvrir. À l’approche de l’été, soit au début du mois de juin, l’habitant veille à l’entretien de ses bâtiments. À la Saint-Jean, il dispose d’une courte période d’accalmie, car dès la fin juillet, il entame la fenaison, qui dure environ trois semaines. Le foin, qui servira à nourrir les animaux, est alors rassemblé en meules et abrité en prévision de l’hiver. La fin du mois d’août est consacrée à la récolte du blé, nourriture de base de la colonie. Coupé à la faucille, il est ensuite entreposé en gerbes dans les granges; on le bat seulement à l’arrière saison à l’aide du fléau, quelquefois à la fin de décembre seulement. On récolte ensuite les autres céréales s’il y a lieu; celle des pois – qui nourrissent aussi bien les hommes que les animaux – se fait en dernier. Aussitôt après, à la fin de septembre et au début d’octobre, le paysan laboure à nouveau sa terre et se prépare à l’approche d’un autre hiver : il rentre son bétail, abrite son bois de chauffage et entrepose aliments et viandes dans le grenier ou le caveau. L’outillage de l’habitant est simple, mais tout à fait comparable à ce qui se trouve ailleurs en Amérique ou en Europe. La pioche, la bêche, la gratte, la faucille et la faux sont faites en fer; la fourche à deux ou trois dents, la pelle et le van sont en bois. À ces outils de base s’ajoutent, chez certains, haches, serpes, croc à fumier, chaînes tout usage et quelques outils de charpentier. Quant à la charrue, tous les habitants n’ont pas les moyens de s’en procurer une, mais il leur est possible de la louer avec les animaux de trait. Enfin, une ordonnance du gouverneur, datée du 24 octobre 1682, enjoint à tous les habitants valides et capables de porter les armes de se munir de fusils dans leurs habitations «à peine d’amende au printemps». Cette mesure était principalement destinée à faciliter l’armement de la milice populaire en cas de nécessité. Il est à présumer qu’un tel ordre était superflu à l’extérieur des villes puisque l’habitant avait régulièrement l’occasion de chasser et vivait encore sous la constante menace de se faire attaquer par les Iroquois. À preuve, Jean Deniau et Hélène Daudin se font massacrer par les Iroquois dans leur demeure de Boucherville le 12 août 1695.
Contrairement à aujourd'hui, il y a peu de place pour la vie individuelle et l'isolement si l'on veut survivre en Nouvelle-France. Les gens modestes passent une grande partie de leur temps à l'extérieur; la maison, sombre, petite et froide, n'est là que pour accueillir les corps fatigués pour les repas et pour la nuit.
Pour les administrateurs de la Nouvelle-France, l’habitant n’est jamais assez respectueux des lois; pour les ecclésiastiques, il n’est jamais assez pratiquant. Les premiers habitants de la colonie ne sont ni des anges ni des démons. Comme en Europe, habitants, nobles et bourgeois recourent aux tribunaux pour des questions d’arpentage, de marchés non respectés ou de mœurs. Que leurs délits soient graves ou bénins, les coupables sont poursuivis et punis, bien que dans l’ensemble, moins sévèrement que dans la métropole. De nombreuses causes entendues par les autorités judiciaires concernent l’insubordination de l’habitant envers l’autorité ainsi que la violence verbale ou physique entre voisins en raison de «chicanes de clôture». Ces incartades sont le plus souvent sanctionnées par des amendes.
Dès qu’il reçoit gratuitement une terre du seigneur, le censitaire a plusieurs devoirs à honorer. Le premier consiste à mettre sa terre en valeur et à «tenir feu et lieu», c’est-à-dire à habiter sur son exploitation. Si la première de ces conditions n’est pas respectée, le seigneur peut reprendre la terre après un an, en vertu de son droit de réunion. L’habitant s’engage ensuite à payer diverses redevances au seigneur. Il y a d’abord le cens, redevance annuelle et imprescriptible, plutôt symbolique puisqu’elle varie de deux à six sols. Ensuite, il y a la rente, fixée à 20 sols par arpent de front, à régler chaque année. Si le censitaire vend sa terre, une taxe correspondant au douzième du prix de vente est remise au seigneur : les lods et ventes. En outre, l’habitant doit faire moudre son blé au moulin seigneurial et s’acquitter du droit de mouture en cédant au seigneur le quatorzième minot (ce qui donnerait 14 minots pour 200 minots de blé). Enfin, il est astreint à quelques journées de corvées (de une à quatre) par année durant les semailles, la fenaison ou les récoltes.
Les mariages au Canada se font, en général, à un âge tardif. Les conditions économiques dans la colonie ne permettent pas aux jeunes, comme en France d’ailleurs, de fonder un foyer plus tôt. Chez les hommes, l’âge au premier mariage se situe autour de 27 ans et, chez les femmes, il va de 19 à 23 ans. On se marie généralement entre voisins, mais les paysans les plus riches n’hésitent pas à s’éloigner pour trouver époux ou épouse ayant une fortune comparable à la leur. La famille compte en moyenne neuf enfants, mais seulement cinq survivent jusqu’à l’âge adulte. La famille paysanne témoigne généralement d’une très grande solidarité, et ses membres se portent assistance en diverses occasions, notamment quand il s’agit de travail. En effet, elle produit à peu près tous les biens dont elle a besoin pour vivre grâce à cet esprit de collaboration. Les surplus de la ferme sont vendus afin de se procurer denrées et équipements indispensables à la bonne marche de l’entreprise, la famille étant une véritable unité de production. Pour les enfants, la famille sert aussi de lieu d’initiation au travail et de formation morale, religieuse et civique. La mort d’un des conjoints contribue à l’instabilité de la famille. Au 18e siècle, près de la moitié des jeunes de moins de 18 ans ont déjà perdu un de leurs parents. On se remarie donc rapidement, car il est difficile d’élever seul une famille et quasi impossible d’exploiter une terre, surtout si les enfants sont en bas âge. Les remariages expliquent d’ailleurs la forte croissance naturelle dans la colonie, qui se chiffre à 2.5 %.
En Nouvelle-France, la plupart les habitants sont catholiques. L'église est au coeur de leur vie religieuse. Les gens vont à la messe le dimanche et les jours de fête. Les cérémonies religieuses font partie de toutes les célébrations. Les événements qui marquent la vie familiale et la vie publique sont aussi célébrés à l'église. À l’intérieur de l’église, on retrouve des sculptures et des peintures de personnages religieux. Les enfants naissent à la maison et sont baptisés à l'église. Les nouveaux époux se marient à l'église avant de fêter dans les maisons de leurs parents. Les gens meurent à la maison. Le prêtre dit une dernière messe pour les défunts avant de les enterrer dans le cimetière près de l'église. En plus d'être importante pour la religion, l'église est un bâtiment important. On construit l'église sur un terrain plus élevé, près d'une croisée de chemins, sur le domaine du seigneur. L'église domine le paysage et c'est le plus grand bâtiment de la seigneurie. Le premier banc de l’église est réservé au seigneur. À sa mort, le seigneur sera enterré sous son banc. Le dimanche, tous les habitants de la seigneurie se retrouvent à l'église. Le village grandit autour de l'église pour offrir d'autres services aux habitants des campagnes. Après la messe, on se retrouve sur le « perron de l’église » pour discuter ou entendre les dernières nouvelles. L’église est donc un des principaux lieux de rassemblement. Si le gouverneur et l'intendant ont des ordres ou des règlements à faire connaître, ils demandent au capitaine de milice de les annoncer à la sortie de la messe.
La paroisse Sainte-Famille de Boucherville existe depuis 1665. C'est le 3 novembre 1678 que Mgr de Laval érigea la paroisse de Boucherville sous le vocable de la Sainte-Famille de Jésus, Marie, Joseph et l'érection canonique fut décrétée en 1692. Trois églises, toujours le même emplacement cédé par la famille Boucher, s'y succédèrent. Une première chapelle de bois, longue de 50 pieds et large de 35, fut construite en 1670 à l'emplacement de l'église actuelle. Elle sera utilisée pendant 42 ans.
En 1686 un presbytère est construit et en 1688, la paroisse reçoit son premier curé fixe Pierre-Rodolphe Guybert de la Saudrays, un Rennais arrivé au pays depuis deux ans. C’est lui qui célébrera le mariage (1692) et les funérailles (1709) de Nicolas Bachand.
La chapelle est coiffée d'un clocheton en bois depuis le 21 mai 1691. On ne peut s'imaginer l'importance que cette cloche pouvait avoir dans la vie des gens de l'époque qui ne possédaient ni montre, ni horloge pour ponctuer le temps, la prière marquant le déroulement des heures et l'angelus du midi partageant la journée en avant-midi et après-midi.
En 1692, le pape Innocent XII, décrète l'érection de la paroisse.
La population ayant considérablement augmentée, une seconde église de plus grandes dimensions est construite à compter de 1712. Elle sera construite en pierre, probablement selon le «plan Maillou» en usage à cette époque et qui servit en 1724 pour l'église de Longueuil. La pierre proviendra de la côte Sainte-Catherine, près de Laprairie. Elle sera considérée comme l'édifice de pierre le plus important entre Montréal et Trois-Rivières.
La troisième et actuelle église est bâtie en 1801. Elle a 126 pieds de longueur et 50 pieds de largeur. Les fondations entourent celles de la seconde église. C'est donc dire que tous ceux qui ont été inhumés sous leur banc à compter de 1713 s'y trouvent encore, bien qu'aucun plan n'existe afin de les situer avec précision.
Le 20 juin 1843, le village de Boucherville connaît la pire tragédie de son histoire. Vers 17h30, quelques étincelles échappées de la cheminée du bateau à vapeur Saint-Louis mettent le feu à un hangar situé près de la rive. Ce bateau faisait la navette entre Montréal, Boucherville et Varennes. Alimentées par les vents violents, les flammes se propagent rapidement à d'autres bâtiments. Vers 18h00 les flammes atteignent l'église. En quelques heures, près des deux tiers du village sont détruits, soit 55 maisons et 95 dépendances du village, laissant près de quatre cents personnes sans abri. Seulement quatre jours après le sinistre, les paroissiens demandaient l'autorisation de reconstruire. Les travaux débutent en août et, cinq mois plus tard, l'église est ré-ouverte pour la fête de Noël.
L’habitation de la famille paysanne est aussi l’endroit le plus propice à la vie sociale. En France, à la même époque, les paysans se regroupent et veillent à l’étable pour écouter des histoires ou chanter en travaillant. Les veillées canadiennes ont un caractère plus récréatif et social. On joue aux cartes et, malgré la rareté des instruments de musique, on chante et on danse, n’en déplaise au clergé. Dans un mandement daté du 16 février 1691, monseigneur de Saint-Vallier, évêque de Québec, «exhorte les confesseurs à éloigner les pénitents de ces assemblées de perdition que sont les danses populaires». Durant ces soirées, les jeux de société ont la cote : galet, tric-trac (ancêtre du jacquet), quilles et dames, mais les jeux de cartes sont les plus populaires. La maison du colon est des plus simples: un seul étage et une pièce principale.
Celle-ci mesurait environ 18 x 20 pieds. On y faisait la cuisine et, le soir venu, on s'y installait pour dormir. Un petit grenier sous le toit permettait d'entreposer quelques objets. Les toits en planches de bois (souvent recouvertes de chaume ou de bardeaux de cèdre) sont construits en pente raide pour éviter que la neige ou la glace s'y accumule. Les fenêtres sont fabriquées de petits carreaux de verre que l'on fait venir directement de France. Lorsqu'il est impossible de s'en procurer, on remplace le verre par du papier ciré ou du papier enduit d'huile pour laisser passer un peu de lumière. Les fenêtres sont garnies de volets. Les habitants de la Nouvelle-France tentent de reproduire la cuisine des maisons de leur pays d'origine. L'âtre de la cheminée est équipé pour la cuisson des repas. La cuisinière peut accrocher sa marmite de fer au-dessus des flammes à l'aide d'une crémaillère. Elle peut aussi placer son chaudron, sa poêle ou son moule à pâté tout près du feu sur un petit trépied. Pour la viande, elle la place sur une broche et la fait rôtir près des flammes. Les écuelles et les gobelet sont en bois chez les plus pauvres et en étain chez les gens plus fortunés. C'est aussi dans la cuisine, tout près de l'âtre que l'on prend les repas, que l'on se rassemble pour se réchauffer, que l'on fait sécher les vêtements et qu'on installe les paillasses, petits matelas remplis de paille ou de pelures de maïs, pour dormir le soir venu. On se protège avec des couvertures de poils de chien, de peaux d'ours d'orignal ou de boeuf. Les couvertures de laine sont rares. Les meubles sont faits presque entièrement de bois. Ce sont les colons eux-mêmes qui les fabriquent. On retrouve des chaises droites, une table et un coffre de rangement. Entre 1660 et 1760, la maison de bois représente plus de 86 % de l'ensemble des habitations de la vallée du Saint-Laurent. D'une façon générale, on constate que les principales concentrations de maisons de pierre en milieu rural se situent davantage à la périphérie des villes, à proximité des endroits où se trouvent des carrières.
Quant au seigneur, ce dernier possède, sur son domaine, un manoir. Cette habitation, souvent luxueuse et relativement grande, sert au départ de lieu de culte, de bureau pour le notaire, mais aussi de résidence permanente. Le manoir de Pierre Boucher est une maison de pièces sur pièces de 40 pieds de long par 20 pieds de large.
À Boucherville, on compte deux moulins. Un moulin à vent, en pierres, est construit vers 1689. Il fait face au fleuve et est situé près du fief de Muy. Un autre moulin à farine, construit presque en même temps, est situé près du deuxième rang, du côté ouest, près du chemin Montarville.
Sources :La Nouvelle-France vers 1745 > Langue, culture et religion > L'église du village : http://primaire.recitus.qc.ca/sujets/19/langue-culture-et-religion/159Le Musée virtuel de la Nouvelle-France / Musée canadien des civilisations , 1997, L’habitant en Nouvelle-France, Claire Gourdeau, historienne, Québec :http://histoirescroisees.recitus.qc.ca/1997-1998/blanchot/897159329600/www.mvnf.muse.digital.ca/popul/habitant/index-f.htmLes chemins de la mémoire Tome III - Biens mobiliers du Québec, Les Publications du Quebec, 1999, 452 p.Répertoire du patrimoine culturel du Québec, Ministère de la Culture et des Communications, http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.caL’habitat de bois en Nouvelle-France: son importance et ses techniques de construction, Georges-Pierre Léonidoff, Université Laval, Revue de la culture matérielle, volume 14, printemps 1982 : http://journals.hil.unb.ca/index.php/MCR/article/view/17086/22883Vivre, aimer et mourir en Nouvelle-France, André Lachance, Éditions Libre Expression, 2000, Montréal, 225 p.
Louis Lamoureux, d’origine inconnue, arrive en Nouvelle-France au début de la colonie. C'est à l'église Notre-Dame de Québec, devant Mgr de Laval, qu'apparaît officiellement pour la première fois en Nouvelle-France, le 3 juin 1664, «Louy! Lamouroux» (orthographe tiré du registre de la paroisse Notre-Dame de Québec) sur la liste des 69 confirmands. Louis se dit âgé de 25 ans, étant donc né en 1638 ou 1639. Il tient la 48e place.
Le fait qu'il bénéficie d'une concession de terre de 40 arpents à Charlesbourg près de Québec, le 2 janvier 1666, indique qu'il est possiblement arrivé en Nouvelle-France vers 1662 et, qu'ayant complété ses trois années d'engagement au service de quelqu'un dont on ignore l'identité, ait ensuite choisi de rester en Nouvelle-France. D'autre part, sachant que Lamoureux deviendra l'un des pionniers de Boucherville, il n'est pas exclu que le colon ait fait partie des 100 hommes recrutés par Pierre Boucher au cours de son voyage en France, en 1661, ou des 100 hommes de troupes que le roi de France confia à Boucher et qui débarquèrent à Québec, le 22 octobre 1662.
Au recensement de 1667, Louis Lamoureux, célibataire, a 27 ans et vit sur sa terre de Charlesbourg. Mais, dès l'année suivante, le 19 mars 1668, il décide de s’en départir et quitte la région de Québec pour une terre dans la seigneurie de Longueuil sur le bord du St-Laurent.
Il y épouse la même année Françoise Boivin, née entre 1639 et 1642 en Normandie et «Fille du Roy». Samedi, 14 septembre 1669, le curé de Ville-Marie, Gilles Perot, rédigeait l'acte de baptême de Jean-Baptiste Lamoureux, fils de Louis, "habitant de M. Le Moyne", et de Françoise Boivin.
Charles Lemoine, anobli par Louis XIV au mois de mars 1668, obtint alors le titre de sieur de Longueuil. Pourquoi Longueuil ? Un rappel d'un village de Normandie, Longueuil de Dieppe, petite patrie du seigneur très méritant. Jean Talon, le 3 novembre 1672 concède à Charles Lemoine l'«étendue de terre qui se trouve non concédée sur le fleuve St-Laurent, depuis les bornes du Sieur de Varennes, jusqu'au dit Sieur de Lemoyne et Pères Jésuites». Parmi les familles pionnières de Longueuil, il faut inscrire en tête de liste celle de Louis Lamoureux. Le 12 mars 1675, neuf propriétaires, dont Lamoureux, reçurent officiellement leur titre de concession.
Le 3 septembre 1678 naît Anne Lamoureux. Elle sera baptisée le lendemain dans la chapelle de Boucherville. Son parrain est Jean Secar ou (Sicard), engagé de M. Lemoyne meunier à Longueuil et sa marraine est Anne Foubert, femme de Pierre Boisseau habitant de Longueuil.
Lan de nostre Seigneur mil six cent septante et huit le quatrième du mois de Septembre jay baptisé en labsence de Mr de Brulon prestre missionnaire en la chapelle de Boucherville une enfant née du troisiesme du dit mois de Louis Lamoureux habitant du tremblé et de Françoise Boivin légitimement mariés. Parain Jean Secor engagé de Mr Lemoine meunier a Longueil Sa maraine Anne Fouber femme de Piere Boisseau habitant de Longueil. Cette enfant sappelle Anne. Pierre de Caumont prestre missionnaire
Louis mourra à St-François-de-l'Île-Jésus. On peut estimer qu'il a passé près de 50 ans en Nouvelle-France. Il laisse deux garçons et six filles, auteurs de nombreuses familles (Chapleau, Bachand, Sicotte) qui se perpétuent encore de nos jours. Le 25 février 1715, il est inhumé dans l'église de la paroisse St-François-de-l'Île-Sales. L'abbé Charles Plante (5e curé, de 1711 à 1716) préside la cérémonie funèbre. Cette église en pierre (40 x 80 pieds) est érigée près du moulin banal en 1706 (désignée «2e église» sur le plan ci-dessous) et remplace la petite chapelle de bois «Très Saint-Enfant-Jésus» en opération depuis le 29 juin 1685 (désignée «1ère église» sur le plan), laquelle se situait à l'extrême pointe Est de l'île (maintenant connue comme étant le parc «Berge Olivier Charbonneau»), à un endroit qui est aujourd'hui totalement submergé.
Cette église de 1706 et les bâtiments avoisinants sont endommagés en 1721, à la suite d’un grand incendie. En 1806, la mort du curé Pierre Marchand (en poste depuis 1759) laisse un grand vide au sein des paroissiens. L’église, en piètre état et nécessitant de grands travaux, est abandonnée par la population, trop peu nombreuse pour en défrayer l’entretien et elle est finalement fermée en 1807. À la demande expresse des paroissiens, Saint-François-de-Sales est alors rattachée à Saint-Louis de Terrebonne, Saint-Charles de Lachenaie et Saint-Joseph de Rivière-des-Prairies le 5 janvier 1816 et le mobilier ainsi que les trésors religieux que renferme l’église sont partagés entre le Séminaire de Québec et les paroisses d’accueil. L’église n’est plus que ruine mais n’est toujours pas démantelée. Éventuellement, grâce à la construction d’un pont reliant Terrebonne à l’île Jésus, le développement reprend de plus belle et les anciens paroissiens de Saint-François-de-Sales ressentent alors le désir de faire revivre leur paroisse, d’autant plus que, pour aller à Terrebonne, ils doivent désormais payer un droit de passage sur le pont s’ils renoncent à une traversée par bateau, souvent périlleuse les jours d’intempérie. En 1847 a donc lieu l'érection d'une nouvelle église au 7070 du boulevard des Miles-Îles, à quelques kilomètres à l’ouest de l’emplacement initial. C’est l'église paroissiale actuelle.
Après son abandon, le terrain de l'église de 1706 est éventuellement englobé par une ferme qui, le 17 novembre 1945, tombe entre les mains d'Antoine Mathieu qui vient de se la faire léguer par son père. Depuis 1847, année d'ouverture de la nouvelle église, une croix s'élevait à l'emplacement de l'église de 1706. À l'occasion de l'année sainte de 1950, cette croix centenaire fut restaurée. Le 11 mai 1951, Antoine Mathieu donne à la Fabrique de la paroisse Saint-François-de-Sales cette terre sacrée, laquelle avait une largeur de 125 pieds et s'étendait du chemin jusqu'à la Rivière des Prairies. Le curé de l'époque, Achile Boileau (1948 à 1955), accepte ce don assorti de la condition que cette terre ne puisse que servir au culte.
En 2020, la directrice générale de la Société d'histoire et de généalogie de L'Ile Jésus, madame Dominique Bodeven, m'informe que des fouilles archéologiques ont eu lieu en 1978, sous la direction de Pierre Trahan, confirmant la présence des fondations de l'église en bordure du boulevard René-Lévesque Est. Des photos et des relevés sont pris. L'année suivante, le plan ci-haut reproduit est confectionné par Maurice Labelle.
À la fin du 20e siècle, le curé est maintenant Jean-Jacques Mireault (1995 à 2016) et, le 16 septembre 1999, il vend la terre sacrée à Paul McDonagh afin que ce dernier puisse y bâtir une grande maison. Cette dernière est construite en 2001 au 10,584 boulevard Lévesque Est à Laval et les vestiges des fondations disparaissent... Rejoint en 2020, le curé Mireault sera très surpris d'apprendre qu'il s'agissait là du site de l'église de 1706. De toute évidence, les informations de 1951 avaient été égarées... Toutefois, il se souvient qu'en 2002 (tricentenaire de la paroisse), la vieille croix de 1950 se trouvait encore sur le terrain du nouveau propriétaire McDonagh, lequel n'était pas intéressé à l'histoire ou qu'elle demeure sur son terrain. C'est à cette occasion que la croix fut remplacée et déménagée de l'autre côté du boulevard sur le lot de la chapelle Saint-Mathieu appartenant à la ville de Laval depuis 1995.
Mais où sont les restes de Louis Lamoureux aujourd'hui? Il est à présumer qu'à l'instar de la grande majorité des occupants du cimetière, Louis Lamoureux, notre plus ancien ancêtre en Amérique, est demeuré là où il a été inhumé à l'intérieur des fondations abandonnées de l'église aujourd'hui totalement détruite. À moins que...
À la fin de notre entretien de janvier 2020, le père Mireault a mentionné une intrigante curiosité relative à l'actuelle église St-François-de-Sales complétée en 1847. Sous le maître autel, au sous-sol, se trouve une étrange construction maçonnée dont il n'a jamais connu la signification. Il se demande s'il ne s'agirait pas là d'une voûte-ossuaire où auraient été transférés les restes de paroissiens d'avant 1807. Peut-être ceux qui avaient originalement été inhumés dans l'ancienne église et qui étaient ainsi facilement retrouvables? Une résolution ou des notes datant de la construction de l'église (1847-1851) pourraient mentionner ce mystérieux ajout au bâtiment, particulièrement si des coûts ont été engagés par la paroisse pour exhumer et/ou construire cette voûte.
Par la pose d'une première croix, les constructeurs de 1847 ne sont-ils pas revenus sur le site de 1706 afin de montrer qu'ils n'avaient pas oublié là où l'histoire de leur paroisse s'était interrompue 40 ans auparavant? N'aurait-il pas été aussi conséquent qu'ils aient tenu à rattacher aussi symboliquement que tangiblement leur nouvelle église à cette histoire en rapatriant dans la nouvelle église certains ancêtres qui pourraient facilement être récupérés, soit ceux qu'ils trouveraient à l'intérieur de l'ancienne enceinte sacrée de 40 x 80 pieds?
Voir ici pour le jugement de partage des biens de la succession de Louis Lamoureux.
Les querelles de 1707-1710 autour de l'Île Sainte-Marguerite étant enfin apaisées (voir plus loin), Françoise Boivin reviendra vivre à Boucherville, dans la famille de son fils aîné, Jean-Baptiste. C'est là qu'elle est morte, le 13 avril 1717, âgée d'environ 75 ans, une journée après avoir rédigé son testament. Elle laisse huit enfants. Par ses deux fils, elle a vingt-deux petits enfants dont dix garçons qui garantissent une solide descendance.
Testament de La Veuve Lamoureux
Le 12e davril 1717
Pardevant marien Tailhandier notaire Royal de la Juridiction Royalle de montreal residant au bourg de Boucherville soubsigné & tesmoins Cy bas NommeS fut presente francoise boivain Veuve de deffunte Louis Lamoureux Estant de present aud boucherville En la maison de Jean Lamoureux son fils gisant presentement au lit malade dans Lad maison En Une Chambre mais sains desprit & dentendement Comme Il Est apparut aud nore soubsigné La quelle Considerant Linsertitude de toutes Choses Et principallement de Lheure de la mort & Craignant dEn être provenue & ne Voulant pas mourir sans Laisser Un testament & sans avoir reglé & disposé de ses biens, apres avoir pensé au salut de son ame, pour ces Causes Elle a fait dicté & nommé aud nore soubsigné son testament & ordonnance de dernière Volonté au Nom du pere du fils & du st Esprit ainsy quil sansuit. Premierement Comme Vraye Chretienne & Catholique a recommendé & recommende son ame quand Elle partira de son Corps a Dieu Le Createur, pere fils & st Esprit supplyant sa divine bonté par Le merite de La passion de Notre seigneur Jesus & par Lintercession de La glorieuse Vierge marie de Ste francoise sa patronne Et de tous Les saints Et Stes du paradix La maitre & placer aux Royaume des Cieux au nombre des bienheureux Veut & Entend Lad testatrice, que ses dettes soient payées & torts par Elle fait si aucuns Ce trouvent repareS par LExecuteur du present testament Cy apres nommé Item fait son testament de Vingt Livres pour Estre aumoneS En La maniere accoutumée aux pauvres de La paroisse de La Ste famille de Boucherville.
Item desire Et ordonne que son Corps soit Inhumé & Enterré dans Leglise de La paroisse de Lad Ste famille de Boucherville a Lendroit quil plera a mr Le Curé de Lad paroisse Et quil soit fait Un service sollennel Le Jour de son Enterrement.
Item donne Et Legue a La fabrique de Lad Esglises de La S.te famille de Boucherville La somme de Cinq Cent Livres pour Estre EmployeS aux reparations de La dite Eglise ou a aider a La parachever plus donne Et Legue La somme de Cinq Cent autres Livres a mr Le Cure de Lad paroisse pour Estre EmployeS a Luy faire Un service solennel au bout de la quarente anne Et En outre au bout de Lan apres son deceS pour Le repos de son ame Et Le sur plus desd Cinq Cent Livres, En basse messes Et Comme Il plera a mond sr Le Curé
Et a Legard de tous Ces autres biens tans meubles quimmeub' qui se trouveront appartenir a Lad testatrice au Jour de son DeceS tant de ses acquets que Conquests En quelques Lieux quils soient situeS sans En rien reserver ny retenir ou Exepter Lad testatrice Veut quils soient partageS Entre tous ses Enfans suivant La Coutume de paris a La reserve de Ce qui sera Juste Et Necessaire pour recompansser son fils Jean Lamoureux Et sa feme des peine Et soins quils ont Eut Et auront pendant sa maladie Et de toutes Les dépences quils auront faite au sujet de sa maladie Et Ce La sans prejudice a Leurs droits Et pour Executer & accomplir Le dit present Testament Iceluy augmenter plus tot que diminuer Lad testatrice a Nommé Joseph huet dit dulude Le Vieux son bon amy Le prie den prendre La paille Iceluy augmenter plut tot que diminuer Es mains duquel Elle ses DeSeissi de tous ses biens Jus qua La Valeurs & accomplissement du présent testament Voulant quil En soit saisy suivant La Coutume revocquant tout autres testament Et Codicilles quelle pourroit avoir fait avent CeLuy Cy auquel seul Elle s'arrete Comme Estant sa dernieres Volonté. Ce fut ainsy fait dicté Nommé par Lad francoise boivain testatrice aud no.re qui Luy a Leut Et ReLut IceLuy testament quelle a dit bien Entendre & Veut quil soit Executé selon sa forme Et teneur fait Et Relu a lad testatrice En presence de messire sinon saladain pretre Et Curé de Lad paroisse de boucherville Et sinon Laureain Chantre Et Jean Garraut dit St onge tesmoins demeurans aud boucherville Led Laurin soubsigné avec mond sr Saladin Et notaire Lad Testatrice Et Jean Garrau ont dit Et decLaré Ne scavoir Escrire ny sygner de Ce Enquis apres Lecture faite Suivant Lordce fait et passé En La maison Et Chambre ou Est Lad testatrice Len mil sept Cent dix sept Le douzieme Jour davril apres midy.
(Signé) Saladin pretre et curé de boucherville
S. Laurrin
TAILHANDIER nore
Après avoir invoqué la Sainte Trinité, la glorieuse Vierge Marie et Sainte Françoise, sa patronne, elle légua 20 livres aux pauvres de Boucherville, 500 livres à la Fabrique pour le parachèvement de l'église, 500 livres pour ses funérailles et des honoraires de messes. Le reste de ses biens sera partagé également entre tous ses enfants «à la réserve de ce qui sera juste et nécessaire pour récompenser son fils Jean-Baptiste Lamoureux et sa femme des peines et soins qu'ils ont eus et auront pendant sa maladie».
Le 15 avril, un vendredi, Françoise Boivin, «native de Normandie, âgée d'environ 75 ans» était enterrée sous son banc en la seconde église paroissiale de Boucherville construite en 1712 (NB: une messe a été dite à l'église Sainte-Famille le mercredi 12 avril 2017 à 15h pour le 300e anniversaire de son décès). Puisque les fondations de la troisième église (1801) sont construites autour et englobent celles de la seconde, Françoise Boivin est, 300 ans plus tard, toujours dans l'église Sainte-Famille. Différents termes ont été utilisés au cours des siècles pour désigner une sépulture sous l'église: «sous son banc», «dans l'église», «dans la nef», «dans le sanctuaire», «dans la voute», «dans le caveau», «dans la crypte». Tous désignent essentiellement la terre entourée des fondations de l'église.
Il existe quelques tombeaux briquelés, mais la très grande majorité des défunts reposent directement dans le sol, sans pierre ou marqueur. 335 personnes y ont été déposées de 1671 à 1957. Françoise Boivin est la quinzième. On a peine à imaginer un si grand nombre dans un si petit espace, mais il faut se souvenir que les inhumations ont eu lieu pendant près de 300 ans, ce qui a permis à plusieurs occasions des sépultures successives au même endroit. S'y retrouvent des ecclésiastiques, des personnes qui ont rendu service à la paroisse, des nobles (dont le seigneur Pierre Boucher et son épouse Jeanne Crevier), des politiciens et des paroissiens ordinaires. Bien que Françoise Boivin soit une paroissienne ordinaire, son don extraordinaire de 1,000 livres* à la paroisse (le curé Saladin en étant avide témoin lors de la rédaction du testament) lui épargnera d'être déplacée pour ensuite être perdue à jamais suite au «grand dérangement» de 1899.
*Équivalant à près de 15 ans de salaire pour un simple défricheur.
Le seigneur Boucher suivra lui-même Françoise dans la crypte seulement 6 jours plus tard.
Louis Lamoureux et Françoise Boivin ont eu six filles et quatre fils:
Jean-Baptiste (14 septembre 1669 - 13 décembre 1742 et est inhumé dans la crypte de l'église Sainte-Famille) a marié Marie Gareau (décédée le 17 octobre 1747 et est inhumée dans la crypte de l'église Sainte-Famille)
Adrien (6 mai 1671 - 11 septembre 1734) a marié Denise Véronneau
Louis (21 février 1673 - 30 novembre 1694) sans se marier
Francoise (15 juillet 1676 - 30 juin 1761 et est inhumée dans la crypte de l'église Sainte-Famille) a marié Noël Chapleau + François Viger (qui décédera le 26 juillet 1749 et sera inhumé dans la crypte de l'église Sainte-Famille)
Anne (3 septembre 1678 - 16 juillet 1757) a marié Nicolas Bachand
Marie-Madeleine (10 octobre 1680 - 6 avril 1758) a marié Jean Sicotte
Francois (16 août 1683 - 17 novembre 1692) sans se marier
Marie-Francoise-Catherine (27 août 1685 - 8 mai 1766) a marié Jean Millet + Pierre Ranger + Jean Roy
Catherine (31 mars 1688 - 11 mai 1757) a marié Jean-Baptiste Cotineau
Marguerite (17 janvier 1690 - 14 décembre 1742) a marié Joseph Cotineau + Joseph Labelle
Françoise Boivin était une «Fille du roi». Une «Fille du roi» était une femme, célibataire ou veuve (incluant veuve avec enfants), arrivée au Canada entre 1663 et 1673 inclusivement, et qui est censée avoir bénéficiée d'aide royale soit pour son transport, soit pour son établissement. Françoise, quant à elle, serait arrivée à Québec en 1668. Elle ne savait pas signer. Toutefois, aucun document officiel ou liste de passagers ne prouve son arrivée en 1668. À cette époque, il est reconnu que les Filles du Roi trouvaient mari dans les mois suivant leur arrivée en Nouvelle-France, soit avant l'hiver. Quatre navires sont arrivés en 1668 à Québec : le «Don de Dieu», le «Sainte-Anne», le «Nouvelle-France» et le «Saint-Antoine l'Espagnol», tous en provenance de La Rochelle.
Ces filles seront plus de huit cent à faire la traversée de l'Atlantique, à venir fonder une famille et peupler le pays entre 1663 et 1673. Femmes immigrantes dont le départ vers l'inconnu était volontaire, elles sont envoyées en Nouvelle-France pour répondre aux besoins de peuplement de la colonie. Les Filles du Roi, tout comme leurs devancières, ont été des femmes courageuses. Émigrer vers des colonies lointaines, peu sûres et au climat difficile, était une aventure à tenter pour des hommes mais fort mal vu à l'époque pour des femmes. Elles sont néanmoins parties, quittant la France pour ne plus revenir. Elles débarquent dans un pays jeune où tout est encore à faire, où tout reste à bâtir. Un peu plus de la moitié de ces filles sont des orphelines, sans dot et donc sans avenir, et la majorité ont moins de 25 ans. Si la plupart sont originaires de Paris, les autres proviennent des provinces environnantes dont la Normandie, la Bretagne et l'Île de France. Le recrutement se faisait principalement à La Salpêtrière, qui hébergeait les femmes indigentes et les orphelines. On leur enseignait à lire, à tricoter, à faire de la lingerie, de la broderie et de la dentelle; on leur donnait un solide enseignement religieux. Une fois embauchées, les Filles du Roi étaient dirigées vers un port de mer, soit Dieppe, soit La Rochelle, où elles embarquaient sur des navires en direction du Canada. Le roi défraie le coût de la traversée et dote les Filles du Roi de quelques biens essentiels. Leurs hardes se composent finalement de bien peu de choses :
En plus des vêtements, il devait être fourni une cassette (coffre), une coiffe un mouchoir de taffetas, un ruban à souliers, cent aiguilles, un peigne, un fil blanc, une paire de bas, une paire de gants, une paire de ciseaux, deux couteaux, un millier d'épingles, un bonnet et quatre lacets. À ce petit bagage s'ajoutaient la somme de deux livres en argent pour la traversée et généralement une dot de cinquante livres pour leur établissement au sein de la colonie. Parmi les conditions d'acceptation, les Filles du Roi devaient être âgées entre 16 et 40 ans, et n'être «point folles» ni «estropiées». En principe, il fallait de «jeunes villageoises n'ayant rien de rebutant à l'extérieur et assez robustes pour résister au climat et à la culture de la terre».
Ces femmes méritent notre admiration pour leur courage et leur persévérance dans les difficiles conditions de l'environnement canadien du 17e siècle. Sûrement que Louis et Françoise furent de bons administrateurs à en juger par leur succès dans leurs affaires personnelles et familiales.
L’Île Sainte-Marguerite (et sa voisine au Sud-Ouest, l'Île Notre-Dame, aujourd’hui connue comme Île Charron) fut concédée par Louis XIV, roi de France, en 1672, au gouverneur de Trois-Rivières, René Gaultier (1635-1689) qui, tout en obtenant le fief Du Tremblay, devint aussi seigneur de Varennes. René Gaultier avait marié Marie Boucher, la fille du seigneur Pierre Boucher. En signant l'acte de concession, l'intendant Jean Talon annexe ces îles au fief Du Tremblay.
En 1681, la famille Lamoureux s’établit dans la seigneurie Du Tremblay à Boucherville. Le défricheur Louis Lamoureux préférait les terres neuves, les défis nouveaux. Après six ou sept ans, une ferme avait des rides, vieillissait! Cette petite seigneurie Du Tremblay ne groupait qu'une population totale de 30 habitants, 67 arpents cultivés et 3 bêtes à cornes. Le couple, que l'on rencontre, tantôt à Longueuil, tantôt à Chambly et à Boucherville, semble connaître la prospérité car achats et ventes de terres s'enchaînent.
Dans les eaux du Saint-Laurent, vis-à-vis Boucherville, il y avait donc cette île vierge nommée Sainte-Marguerite. Elle avait une superficie de 440 arpents carrés (1 arpent linéaire = 10 perches = 191.85 pieds anglais / 1 arpent carré = 100 perches = 36,802 pieds anglais carrés). Pour sa part, l’Île Notre-Dame (Charron), avait une superficie de 250 arpents carrés.
Louis Lamoureux voulait toute l’Île Sainte-Marguerite pour lui seul. Le 8 octobre 1686, Pierre Boucher, seigneur de Boucherville, agissant pour le compte de son gendre, René Gaultier de Varennes, lui octroie donc cette «île située au milieu des îles percées appelée Sainte-Marguerite». Cette dernière fera éventuellement l'objet d'un partage entre les parents Lamoureux et quatre de leurs enfants: Jean-Baptiste, Adrien, Françoise et Anne.
Mais recevoir veut aussi dire donner. Le concessionnaire Louis Lamoureux promet de remettre chaque année 30 minots de blé froment comme rente seigneuriale, 20 chapons vivants et bâtir une maison habitable et des bâtiments de ferme avant un an. Louis ainsi que son fils Adrien s’installent alors sur l'Île Sainte-Marguerite.
En 1712, dans un mémoire qui fut envoyé au roi de France par Gédéon de Catalogne après avoir parlé de la Seigneurie de Tremblay qui se trouvait située entre Varennes et Boucherville, Monsieur de Catalogne décrit l’Île Sainte-Marguerite dans les termes suivants:
Les isles de Lamoureux, sont au devant de la dite seigneurie, les terres y sont plus fertilles en toute sorte de grains et légumes & sans terre ferme, les habitants qui les tiennent par concession à des rentes quoique fort hautes sont presque tous riches y ayant beaucoup de facilité nourrir nombre de bestiaux; il leur reste peu de bois pour leur chauffage quoiqu'ils ont des ressources en terre ferme. Le terroir est assez bon pour les arbres fruitiers.
Voici comment les Lamoureux se sont ultimement partagé l'Île Sainte-Marguerite:
Dès le début, la partie #1 (aujourd'hui désignée comme étant le lot #322) était plus importante, comprenant au moins 104 arpents documentés. Les parties #2 et #3 étaient plus petites, soit 58 arpents chacune (selon l'ordonnance Raudot du 10 juin 1707 et l'arpenteur Radisson). Les parties #4 et #5 n'avaient qu'une superficie d'environ 54 arpents chacune (selon l'arpenteur Hilaire Bernard de Larivière). Enfin, la partie #6 (aujourd'hui désignée comme étant le lot 320) avoisinait les 85 arpents. Selon les documents notariés et d'arpentage, le total de tout ceci donne une superficie d'environ 413 arpents (440 arpents selon l'ordonnance Raudot de 1707).
En 1686, Louis Lamoureux s'installe donc dans l'Île avec l'intention de la fractionner en six et d'en distribuer les cinq autres parties. Il choisit la partie #1 pour lui. Son intention originale n'est vraisemblablement pas de diviser l'Île en six parties nécessairement égales. Dans sa tête, l'expression «un sixième» signifie tout simplement «l'une des six parties de l'Île». Au cours des dix prochaines années, les notaires reprendront donc cette expression dans leurs actes.
Mais en 1707, dix ans après la fin des partages, ses enfants Françoise et Jean-Baptiste (sans nul doute influencés par l'ambitieux François Viger) ne l'entendront pas de la même façon et exigeront que l'Île soit re-divisée en 6 parties égales, augmentant ainsi de 20% leurs terres atrophiées. Pour eux, l'expression «un sixième» signifie «exactement 16.66% de l'Île». Jean-Baptiste et Françoise obtiennent donc que leur père Louis soit obligé de faire ré-arpenter l'Île Sainte-Marguerite et délimiter à nouveaux leurs terres afin que chacune de celle-ci comporte bien les 73 arpents constituant exactement 16.66% des 440 arpents de l'Île (Voir l'ordonnance de l'intendant Jacques Raudot en date du 10 juin 1707 condamnant Louis Lamoureux à fournir à sa fille Françoise 15 arpents et 58 perches de terre outre et par-dessus les 57 arpents 42 perches dont elle est déjà en possession, et à son fils Jean-Baptiste 15 arpents et ce qu'il lui faudra pour lui faire 73 arpents de terre.) Toutefois, on s'entend que la réorganisation physique des terres #1 à #3 ne surviendra véritablement qu'après le décès de Louis (25 février 1715). À ce moment, 30 arpents seraient amputés de la partie #1 pour être divisés entre Jean-Baptiste et Françoise.
Voici l'ordonnance de l'intendant Jacques Raudot du 10 juin 1707:
Entre François Viger Jean-Baptiste Lamoureux et Louis Lamoureux leur père Jacques Raudot &ca françois vigé et françoise Lamoureux sa femme et Jean-Baptiste Lamoureu ayans fait venir pardevant Nous Louis lamoureux leur pere pour Etre Condamné a leur donner a chacun ce qui leur manque de soixante treize arpen de terre quils doivent avoir pour un sixiéme qui leur appartient a chacun dans lisle Ste Marguerite qui contient quatre cens quarente arpens au moyen de la donnation qui en a Esté faite par luy a lade françoise Lamoureux par acte du dix aoust 1692 ratiffié par françoise Boivin sa femme le 28e jour de septembre ensuivant et aud Jean-Baptiste Lamoureux par Eschange quil a faite avec led Louis lamoureux son pere par acte du [blanc] lade françoise Lamoureux nayant presentement pour le Sixiéme qui luy appartient dans lade Jsle que Cinquante sept arpens quarente deux perches de terre, et led Jean baptiste Lamoureux Cinquante sept arpens ou Environ ce qui est justifié par le procéz verbal darpentage fait par radisson le 15e may 1705 au lieu quils en doivent avoir chacun Soixante treize qui Est la sixiéme partie de quatre cent quarente deux arpens cest pourquoy jls Nous demandent que leurd pere soit condamné scavoir lade françoise Lamoureux a luy fournir encore quinze arpens quarente huit perches, et led Jean-Baptiste Lamoureux quinze arpens ou Environ les parties que nous avons renvoyées pardevant le sieur Raimbaut nayant pu convenir ensemble veu le contrat de cession fait par led Louis Lamoureux a françoise Lamoureux sa fille la ratiffication de lade françoise Boivin femme dud Louis Lamoureux des dix aoust et 28e Septembre 1692 lordonnance de Monsieur de Beauharnois du douze juillet 1705 dans le veu de laquelle touttes les Contestations des parties sont Enoncées au sujet du procéz qui etoit entre le nommé Poittier et lesd Lamoureux et Boivin au sujet de la sixiéme partie que led poitier avoit aussy dans lade Jsle, veu aussy lechange faite par led Louis Lamoureux avec led Jean-Baptiste Lamoureux son fils; Nous Condamnons led Louis Lamoureux a fournir, scavoir a lade françoise Lamoureux sa fille quinze arpens cinquante huit perches outre et pardessus les cinquante sept arpens quarente deux perches dont jls sont en pocession ce qui fera soicante treize arpens quils doivent avoir pour la sixiéme partie quils ont dans lade Jsle dont est question, et aud. Jean-Baptiste Lamoureux quinze arpens et ce quil luy faudra pour luy faire aussy soixante treize arpens pour son sixiéme, Nous avons donné acte a lade francoise Lamoureux et aud Jean-Baptiste Lamoureux ainsy quils Nous lont requis de ce quilz consentent que led Louis Lamoureux leur pere jouisse jusqua son deceds desdittes terres a la restitution desquelles Nous le Condamnons par notre presente ordonnance, Mandons &ca fait et donné a Montreal en notre hotel le dixiéme Juin 1707 signé Raudot
Nonobstant tout ceci, le 16 mars 1709, Louis vendra néanmoins intacte sa partie de terre #1 de 104 arpents à Jean Soumande, lequel engagera rapidement un laboureur du nom de Jean Gauthier afin de prendre la relève sans délai. Le 27 mars 1709, pardevant le notaire Michel Lepailleur de la Ferté,
Jean Gauthier sengage à aller avec sa famille demeurer sur la terre du Sieur Soumande pour une année entière pour cultiver en bon père de famille, soigner les bestiaux, lui tenir fidèlement compte des revenus, avoir soin des bâtiments et généralement faire tout ce quun bon laboureur pourrait et devrait faire pour lui et sa propre famille… et au moyen de tout ce que dessus, le Sr Soumande promet bailler et payer audit Soumande, pour ladite année, tant pour lui que pour sa femme, la somme de trois cents livres.
L'historien Jacques Dunant ajoute ceci :
Les enfants, Françoise et J.-B. Lamoureux et François Viger se seraient pourvus une troisième fois, devant Antoine-Denis Raudot cette fois, lequel par son ordonnance du 11 juin 1709, après avoir vu les personnes mentionnées, demande que l'ordonnance de M. de Beauharnois du 12 juillet 1705 et Pacte d'acquiescement du 28 mai 1706 devant Bourdon soient exécutés selon leur forme et teneur ... et que le porteur des présentes aura tout pouvoir pour signifier au Sieur Soumande leurs droits et prétentions pour leurs sixièmes parties d’Ile Ste-Marguerite.
Ce qui est certain est que Jean Soumande, n'étant pas partie à «l'ordonnance Raudot» du 10 juin 1707, n'apprend donc l'existence de cette dernière que grâce à la grande sollicitude de François Viger le 8 juillet 1709. Viger fait alors la déclaration suivante contre son beau-père pardevant le notaire Antoine Adhémar:
AuJourdhuy pardevant Anthoine adhemar notaire roial de lisle de Montreal residant a ville marie En Lad Jsle et tesmoins En fin NommesEst Comparu françois vigé habitant demeurant dans Lisle ste marguerite parroisse de Boucherville faisant pour Luy & pour françoise Lamoureux sa afemme Et Encore faisant pour Jean-Baptiste Lamoureux demeurant aussy dans Lad Jsle Ste margueritte; quy a dit que Louis Lamoureux son beau pere auroit donné & Concede a lad francoise Lamoureux sa fille Un sixiesme de Lad Jsle Ste margueritte par acte passe devant Le notaire soussigne Le dixiesme aoust mil six Centz quatre vingt douze ratiffie par francoise Boyvin sa femme & mere de Lad francoise Lamoureux Le vingt huitiesme Septembre Ensuivant, & aud Jean-Baptiste Lamoureux Aussy un sixiesme de Lad Jsle par Eschange fait avec Led Louis Lamoureux son pere par acte du Neuf avril mil six Centz quatre vingt douze Ratiffie par Lad francoise Boyvin sa mere par acte du vingt septembre de la mesme année# [# a la charge de paier par chacun desd francoise & Jean-Baptiste Lamoureux La sixiesme partie de Cens & (?) rente fonciere non racheptable de trente minotz de bled & (?) chappons## [## que Lad Entiere Jsle est chargée] par chacun An quilz ont paier & Continueront de paier tous les ans A madame de varennes de laquelle Lad Jsle ste margueritte releve En Censive] & par le Mesurage & arpentage quy a este fait de Lad Jsle ste margueritte par le Sr Radisson Jure arpenteur En Ce pais le Cinquiesme may mil septembre Cens Cinq lad Entiere Jsle ne Ce trouve Contenir que quatre Cens quarante arpentz de terre En supperficie & que Lad francoise Lamoureux Ne possede presentement dans Lad Jsle que Cinquante sept arpentz quarante deux perches de Terre & led Jean-Baptiste Lamoureux Cinquante sept arpentz ou Environ ainsy quil se Justiffie dud proces verbal du partage fait par Led Sr Radisson Led Jour 5e may 1705/ au lieu quilz en devraient avoir soixante treize arpentz chacun quy est La sixiesme partie de quatre Cens quarante arpentz de terre que Lad Entiere Jsle ste margueritte Contient Et partant Jl Leur manque scavoir a lad francoise Lamoureux quinse arpentz Cinquante huit perches & aud Jean-Baptiste Lamoureux quinse arpentz ou Environ, Et Led Louis Lamoureux & sad femme auroient vendu au sr Bertrand arnaud (le 9 juillet 1700) Cent quatre arpentz de terre En superficie pour Lad sixiesme partie dJsle quilz occupoient Lesd Enfans de Lamoureux & Boyvin sa femme se seroient pourvus devant Monsieur de Beauharnois cy devant Jntendant En Ce pais pour que Leursd pere & mere Leur fournissent Ce quy se trouveroit Leur manquer desd soixante treize arpentz de terre qui Revenoit ausd Enfans pour Leurd part & sixiesme de Lad Jsle, Lequel par son ordonnance du douze Juillet mil septembre Centz Cinq autoir ordonner pour (?) aux Contestations quy pourroient Arriver Entre Lesd Louis Lamoureux & Lad francoise Boyvin sa femme & leurs Enfans, que Lesd Enfans se tiendroient aux terres quilz possedent actuellement Dans Lad Jsle ste margueritte suivant & Conformement Au proces verbal d’arpentage fait par Led sieur Radisson Le Cinquiesme Juillete mil sept Cent Cinq sauf ausd Enfans apres Les decez desd Louis Lamoureux & Boyvin sa femme Leurs pere & mere a Ce faire raison Les uns aux autres de Ce que un Chacun se trouvera posseder plus ou moins de Terre en lad Jsle ste margueritte suivant Lestimation quilz En feroient faire Lexecution de laquelle ordonnance Lesd francoise et Jean-Baptiste Lamoureux auroient Expressement Consenti par un acte dacquiessement quilz En firent passe devant me Jacques Bourdon notaire du cap de varenne En datte du 28e may 1706/ quensuite Lesd Vige et françoise Lamoureux & Led Jean-Baptiste Lamoureux se seroient pourvus pardevant Messire Jacques Raudot Conseiller du Roy En ses Conseils et Jntendant de Justice police & finances En Ce pais de La Nouvelle france & auroient fait venir pardevant Luy Lesd Louis Lamoureux & Boyvin sa femme a Ce quilz (?) (?) fournir Ce quy Leur Revient a Chacun pour Leur sixiesme de Lad Jsle apres le decez de Leursd pere & mere Et Mond Seigneur LJntendant auroit par son ordonnance du dixiesme Juin mil sept Cent sept Condamne Led Louis L’amoureux a fournir a lad francoise Lamaoureux sa fille quinse arpentz cinquante huit perches oultre et pardessus les Cinquante sept arpentz quarante deux perches dont Elle est En pocession quy feront Les soixante treizr arpentz quelle doit avoir pour La sixiesme partie quelle a dans Lad Jsle et aud Jean-Baptiste Lamoureux quinse arpentz & Ce quil Luy faudroit pour Luy faire aussy soixantee treize arpentz pour son sixiesme & Acte (aud) francoise & Jean-Baptiste Lamoureux de Ce quilz Consentent que Led Louis Lamaoureux Leur pere Jouisse Jusques au Jour de son decez desd terres a la restitution desquelles Jl est Condamne par Lad ordonnance dud Jour 10e Juin 1707/ (?) Laquelle ordonnance Lesd vige et sa femme et Led Jean-Baptiste Lamoureux Nont pas presente a mond seigneur LJtendant Led acte dacquiessement par Eux fait# [#devant Led Bourdon notaire Le 28 Juin 1706] (?) Lad ordonnance de Mr de Beauharnois cydevant Jntendant en datte dud Jour 12 juillet 1705/ Despuis Lequel tempz Led Sr arnaud faute de paiement du prix desd Cent quatre arpentz de Terre que Lesd Lamoureux & Boyvin # [#Luy auroient vendu] Jl Leur En avoit fait dellaissement & abandon (le 7 juillet 1707), Et Ensuite Lesd Lamoureux & Boyvin sa femme Les auroient vendus au sieur Jean Soumande marchant bourgeois de Cette ville, Lesd Vige & Lamoureux sa femme & led Jean Baptiste Lamoureux se seroient pourvus pardevant Messire Anthoine Denys Raudot Conseiller du Roy En ses Conseils Jntendant de Justice police & finances En Ce pais de La Nouvelle france Lequel par son ordonnance du onsiesme Juin dernier Apres avoir Veu Les parties mentionnees en Jcelle auroit Recu Lesd Louis Lamoureux & Boyvin sa femme opposans a lexecution de Lordonnance rendue par Mond seigneur Messire Jacques Raudot son pere Led Jr 10 Juin 1707/ Et Sans sy arrester
Ordonne que Lordonnance Rendue par Mond Sr de Beauharnois Le 12 juillet 1705/ & lacte dacquiessement a Jcelle passe pardevant Led Bourdon notaire Le 28e may 1706/ seroient Executez Sous Leur forme & Teneur, Ledit françois vige faisant pour Luy & pour Lad francoise Lamoureux sa femme & pour Led Jean-Baptiste Lamoureux, Declare aud Sr soumande quilz reiterent Lacquiessement par Eux fait A Lordonnance de Mond Sr de Beauharnois Dud Jour 12 Juillet 1705/ par lacte passe devant Led Bourdon notaire Led Jour 28e may 1706/ Comme par Ces presentes Jlz y acquiessent & veulent que Lad ordonnance & susd Acte dacquiessement sortent Leur force & teneur, sans presjudice ausd vige sa afemme & aud Jean-Baptiste Lamoureux a Ce pourvoir A lencontre dud Sr Soumande apres Les decez desd Louis Laamoureux & francoise Boyvin sa femme tant pour le Remplacement de la terre quy Leur manque a parfaire Les soixante treize arpentz de terre qui Leur Revient a Chacun pour Leur sixiesme En lad Jsle ste margueritte que pour tous Les autres droitz & pretentions quilz ont & pourroient avoir En quelque maniere & pour quelque Cause que Ce soit Ainsy que bon leur semblera Dont & de Tout ce que dessus Led vige ausd noms a Requis acte aud notaire quy luy a octroie Le present pour Leur servir & valloir En tempz & Lieu Ce quil appartiendra par Raison (…)
Sans doute paniqué à la lecture de cette déclaration, Jean Soumande obtient donc une saisie avant jugement de deniers appartenant à Louis Lamoureux et Françoise Boivin. On doit maintenant clarifier une fois pour toutes ce qu'il adviendra de son domaine au décès de Louis. À cet effet, le 24 juin 1710, pardevant le notaire Florent Lacetière de Montréal, une entente à l'amiable est enfin signée entre Louis Lamoureux et Françoise Boivin, d'une part, et Jean-Baptiste Lamoureux, François Viger, Françoise Lamoureux, Anne Lamoureux et Jean Soumande, d'autre part (source: Archives nationales du Québec). Par celle-ci, les enfants Lamoureux assurent Jean Soumande qu'ils renoncent à la réorganisation physique des terres telle qu'élaborée à l'ordonnance Raudot du 10 juin 1707, en contrepartie de quoi ils se satisfont de compensations monétaires payées par leur père et mère afin de régler définitivement ce litige potentiellement explosif. Tous se transportent ensuite au Palais de l'Intendance (situé depuis 1698 au coin de la rue Bonsecours et de la Commune), résidence montréalaise de l'intendant Antoine-Denis Raudot*, afin que ce dernier homologue cette entente comme supplantant l'ordonnance originale du 10 juin 1707.
*Antoine-Denis Raudot, fils de Jacques Raudot, a été co-intendant de la Nouvelle-France avec celui-ci de septembre 1705 jusqu'en 1710. Antoine-Denis Raudot a été envoyé en Nouvelle-France pour seconder son père vieillissant.
Partie #1 : Dès 1686, Louis Lamoureux s'installe dans l'Île, choisit la partie #1 pour lui et se prend environ 100-104 arpents.
Le 9 juillet 1700, Louis Lamoureux vend cette terre à Bertrand Arnaud, de Bordeaux, marchand, avec tous les bâtiments qui s'y trouvent pour le 1/6 des cens et rentes et la somme de 4,000 livres.
(…) …La terre en prairies & paccages qu’ilz ont & Leur appartient dans Lad Jsle ste margueritte Contenant Cent arpentz de terre ou Environ En Supperficie avec Les bastimentz quy sont sur Lad terre (…) (…) … Tenant la Totalite de Lad teerre d’Un bout en haut avec Le fleuve St Laurent d’Un Coste aux Chenail quy separe Lad Jsle ste margueritte d’avec Lisle du sr prudent Bougret Dufort Et D’autre part aux terre de Jean Lamoureux filz desd Vendeurs Ausquelz Lad quantite de terre En plus Grand appartient par Contrat de Concession fait aud Louis Lamoureux de Lad Entiere Jsle de Ste marguerite par Sr pierre Boucher seigneur de Boucherville Au nom & comme procureur de défunt Rene de Gaultier Escuyer Seigneur de Varennes vivant Gouverneur des trois Rivieres par Contrat passe pardevant deffunt me michel moreau vivant notaire de boucherville Le huitiesme Jour doctobre mil six Centz quatre vingtz six, Lad Entiere Jsle Ste margueritte Estant En La Censive (de) Lad Seigneurie du Cap Varennes, (…).
Louis Lamoureux quitte donc l'Île Ste-Marguerite à l'automne 1700, parce qu'il avait alors reçu du Séminaire de Québec, le 20 juin 1700, une concession de 80 arpents de terre en superficie dans la Seigneurie de l’Ile Jésus, et dorénavant il est dit habitant de l’Ile Jésus. (Il recevra une autre concession au même endroit, le 26 juillet 1700. Le 23 septembre 1714, Louis, sentant la fin venir, concèdera à son fils Adrien ses terres de l’Ile Jésus. Ce dernier est dit habitant de Varennes et les loue immédiatement à Joseph Labelle.)
Mais le 27 novembre 1706, Louis emploie la force pour recouvrer cette terre de l'Île Sainte Marguerite (la partie #1) car Arnaud ne l'a pas payée. (L’épouse de Arnaud, Louise De Sainte, est décédée le 16 février 1705 et a été inhumée dans la crypte de l’église Sainte-Famille). Il remet sa cause entre les mains du notaire Michel Lepailleur. La profession d'avocat, telle qu'elle se présente aujourd'hui, n'existait pas alors. Suite au procès contre Bertrand Arnaud, ce dernier lui abandonne sa terre à l'Île Ste-Marguerite le 7 juillet 1707.
Puis le 15 juillet 1707, Louis passe un bail à ferme pour une durée de cinq ans avec son gendre Nicolas Bachand. Nous sommes alors en plein cœur de la dispute familiale entre certains enfants Lamoureux et leur père Louis relativement à la superficie de leurs terres. Toutefois le couple de Anne et Nicolas ne donne aucun signe de vouloir aussi croiser le fer avec l'aïeul. Et c'est probablement par gratitude à l'endroit de leur sagesse que Louis octroie ce bail à Nicolas. Celui-ci fera fructifier le bien de l'Île Sainte-Marguerite soit la maison, la grange et l'étable, moyennant les cens et rentes, plus 200 livres par an. À remarquer que le bailleur Louis Lamoureux se réserve ½ arpent de terre «pour faire du tabac à son profil». Louis ne tolérait pas de mauvais tabac dans sa tabatière. Malheureusement, Nicolas n'en profitera pas longtemps car il meurt 19 mois plus tard, soit le 26 février 1709.
Trois semaines après le décès de son gendre Nicolas, soit le 16 mars 1709 pardevant le notaire Michel Lepailleur de la Ferté, Louis vend cette terre au riche marchand montréalais Jean Soumande, lequel a alors une propriété sur la rue Saint-Paul à Ville-Marie, entre les rues Saint-François et Saint-Pierre. Même après le décès de Jean Soumande le 21 mai 1716 à Québec, sa veuve Anne-Marie Chassepoux (mariée le 30 octobre 1698 à Québec et dont le fils François-Marie épousera Elisabeth Gaultier de Varennes le 9 août 1734, fille de Jacques-René, auteur de l'aveu et dénombrement) continuera de s'occuper de cette terre jusqu'à son propre décès le 10 décembre 1737 à Québec. Curieusement, le règlement de la succession de Jean Soumande entre sa veuve et ses trois enfants n'aura lieu qu'en 1728, soit 12 ans après sa mort. À cette occasion, les arbitres Charles Gervaise et Jean-Baptiste Lefebvre dit Angers évaluent les 104 arpents de terre à 6,500 £, la maison à 600 £, la grange neuve à 550 £, l'étable à 200 £, le poulailler à 80 £, les bestiaux à 996 £ et les outils à 288 £.
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, la veuve de Jean Soumande déclare y résider encore et posséder 84 arpents*.)
Partie #2 : Le 9 avril 1692, pardevant le notaire Adhémar, Louis cède à son fils aîné Jean-Baptiste, ce «sixième» de l'île Sainte-Marguerite. Elle a une superficie de 58 arpents.
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, Jean-Baptiste Lamoureux déclare y résider encore et posséder 76 arpents*.)
Partie #3 : Le 10 août 1692, Louis donne à sa fille Françoise ce «sixième» de l'Île Sainte-Marguerite. Elle est alors mariée à Noël Chapleau du 21 mai 1692 au 30 décembre 1699. Le 8 janvier 1702, Françoise Lamoureux, veuve Chapleau depuis un an, âgée de 25 ans, se remarie à François Viger, 21 ans. Ce dernier, tout jeune qu'il soit, tient à tous ses droits et à ceux de sa femme, mais il semble faire fort peu de cas de sa soeur Catherine, femme de Daniel Poirier. Sont présents au mariage : Daniel et Jean Poirier, Jean Chicot, Nicolas Bachand, M. LaBeaume (Marien Tailhandier), Joseph Quintal, commis de Gilles Papin, marchand et Nicolas Dubray. On passe le contrat le même jour que l’on fait l'inventaire, suite au décès de Noël Chapleau.
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, François Viger déclare y résider encore et posséder 104 arpents*.)
Partie #4 : Le 7 août 1694, par acte passé devant le notaire Antoine Adhémar, Louis donne à sa fille Anne (mariée à Nicolas Bachand du 4 décembre 1692 au 26 février 1709) ce «sixième» de l'Île Ste-Marguerite, faisant partie des Iles Percées de la seigneurie du Cap de Varennes, entre le lot de ses parents et celui de sa soeur Françoise Lamoureux-Chapelot. Elle y demeurera jusqu'à son décès en 1757.
(…) … L’a Sixiesme partie de Lad Jsle ste margueritte tennant d’Un bout sur Le devant avec Le Chenal ditte de Boucherville Et d’autre bout par derriere Le fleuve St Laurent D’un Coste Aux terres desd Lamoureux et sa femme Et dautre part Aux terres de Noel Chappelleau [i. e. Françoise Lamoureux] (…)
Le 30 juin 1732, Anne répartit ses biens entre ses enfants. Cette partie #4 ira à ses fils Jean-Baptiste l'aîné et Jean-Baptiste le jeune.
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, la veuve Bachand dit Vertefeuille déclare y résider encore et posséder 75 arpents*.)
Partie #5 : Louis la vend à Daniel Poirier dit Lajeunesse (fils de Jean Poirier et de Marie Langlois, lesquels sont des ancêtres du frère André) le 21 août 1695. Cette terre avait préalablement été donnée à son fils Louis, célibataire, né en 1673. Toutefois, ce fils meurt le 30 novembre 1694 et il est enterré dans le cimetière de Boucherville deux jours plus tard. Peut-être qu'à compter de ce moment, le père a trop étroitement associé cette partie de l'Île avec la perte de ce fils et n'a plus voulu qu'un autre Lamoureux y vive. Daniel Poirier va payer donc 269 livres pour ce sixième de feu Louis Lamoureux, fils.
Louis, fils, avait aussi reçu de son père une concession à Chambly le 21 février 1694 pardevant le notaire Adhémar. Le 7 mars 1683 pardevant le notaire Maugue, Louis Lamoureux, le père, l'avait achetée d'un dénommé Jean Hynard, de St-Jean (Aix-en-Provence, d'où son surnom Provençal), époux de Marguerite Viarde et mariés le 27 octobre 1669 à Boucherville. Veuve, elle épousera encore Joseph Serran dit l'Espagnol, à Laprairie le 25 septembre 1684. L'un des voisins était Jean Poirier, soldat du capitaine Jacques de Chambly, à cette époque veuf de Marie Langlois, remarié à Catherine Moitié, veuve de Dizier (Dézir) Viger 19 mars 1667 à Montréal. Le fils de ce Jean Poirier sera donc l'acquéreur de la terre de feu Louis, fils.
Daniel Poirier (décédé le 7 août 1732) s'est marié Catherine Viger (28 février 1675 - 28 mai 1749 et est inhumée dans la crypte de l'église Sainte-Famille), fille de Dizier Viger et Catherine Moitié, le 11 janvier 1694, à Boucherville. Le couple réside encore sur l'Ile Sainte-Marguerite en 1709 au moment où Nicolas Bachand décédera. Leur fils, Daniel (1717-1774), forgeron se fit construire une maison de pierre à Longueuil en 1749, laquelle existe encore aujourd'hui au 100 rue St-Charles Est et sert de résidence à une congrégation de sœurs.
(…) Un Sixiesme de Lisle Ste margueritte tennant sur Le devant avec Le Chenail dit de boucherville, d’autre bout par derriere au Chenail quy Separe Lad Jsle Ste margueritte de Lisle St Jean d’Un Coste a un Sixiesme de lad Jsle Ste margueritte appartenant a adrien Lamoureux Et dautre part a un autre Sixiesme de lad Jsle appartenant a Anne Lamoureux femme de Nicolas Vachon [Bachan] dit Vertefeuille (…)
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, François Bachand Vertefeuille déclare y résider et posséder 75 arpents*. Daniel Poirier avait probablement loué sa terre à François Bachand dit Vertefeuille pour s'occuper de terres ailleurs, sans doute en terre ferme. Subitement, le 5 août 1727 décède à Boucherville François Bachand dit Vertefeuille.)
Partie #6 : Le 12 mai 1692, son fils Adrien s'engage à acquitter les cens et rentes de l'île Ste-Marguerite. Le 9 décembre 1692, soit cinq jours après ses propres noces, Nicolas Bachand est témoin au contrat de mariage de son beau-frère, Adrien Lamoureux avec Denise Véronneau, fille de Denis et de feu Marguerite Bertaud. Le parrain, Adrien St-Aubin est évidemment là, lui aussi. La cérémonie du mariage a lieu le 6 avril suivant, à Boucherville. Le 13 septembre 1693, Louis délaisse enfin à son fils Adrien cette part qu'il détient à l'Île Ste-Marguerite. (Ce même jour, Adrien vend à Prudent Bougret dit Dufort, originaire de Notre-Dame de Mante-sur-Seine, avec le consentement de ses parents, la petite île appelée Notre-Dame et l'île située vis-à-vis de la seigneurie du Tremblay. Adrien et sa femme Denise Véronneau résident encore sur l'Ile Sainte-Marguerite en 1709 au moment où Nicolas Bachand décédera.
(À «l'aveu et dénombrement» de 1723, Adrien Lamoureux déclare y résider encore et posséder 78 arpents*.)
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*L'aveu et dénombrement de 1723 : L'intendant Bégon a ordonné en 1722 la confection d'un papier terrier des seigneuries de la vallée du Saint-Laurent. L'idée derrière cette entreprise était de vérifier si les seigneurs avaient bien mis en valeur leur seigneuries comme ils en avaient l'obligation. Les aveux et dénombrements qui ont été réalisés entre 1723 et 1745 décrivent chaque unité cadastrale de chaque seigneurie. Ils nous donnent quelques informations sur les terres des propriétaires : la superficie totale, la superficie en culture et les bâtiments. Le seigneur doit donc rendre des comptes aux autorités en faisant l’aveu et dénombrement de sa seigneurie, c’est-à-dire qu’il doit décrire chacune de ses terres concédées en donnant le nom des censitaires de chaque terre, l’étendue des cultures et le montant des cens et des rentes. Voici le texte d'époque qui nous intéresse :
Qu’au-devant desdits vingt six arpents sont deux îles ensuite l’une de l’autre vulgairement nommées, l’une l’île Saint-Louis scituée au nord est et l’autre île Magdeleine avec un petit îlet dans le milieu d’icelles, lequel est en prairie, contenant scavoir la dite île Saint-Louis quatre cent quatre vingt douze arpens en superficie.
La dite île Magdeleine deux cent cinquante arpens de terre en superficie et le petit îlet qui se trouve dans le milieu, environ six ou arpens aussi en superficie, lesquelles îles et îlet ont été concédés par la dite dame veuve de Varenne aux dites dames veuves Levillier et Puisgibaut ses filles à la charge seulement de cinq sols de redevances pour chacune des dites îles.
Scavoir la dite île Saint-Louis et la moitié du dit îlet à la dite dame de Puisgibaut, sur laquelle sont établis les habitants qui suivent scavoir: au Nord est.
Adrien Lamoureux qui possède soixante dix huit arpens de terre en superficie chargés de cinq minots de bled et cinq chapons de rente, et un sols de cens, lequel a maison, grange, étable, quarante arpens de terre labourable et dix arpens de prairie.
Qu’audessus est François Vertefeuille qui possède soixante quinze arpens de terre en superficie chargés des mêmes cens et rentes, lequel a maison, grange, étable, cinquante cinq arpens de terre labourable et cinq arpens de prairie.
Qu’au-dessus est la veuve de Pierre Vertefeuille (NB : On aurait dû lire «Nicolas Vertefeuille») qui possède soixante quinze arpens de terre en superficie, chargé des mêmes cens et rentes, laquelle a maison, grange, étable et toute sa terre en valeur, scavoir 67 arpens de terre labourable et 8 arpens de prairie.
Qu’au-dessus est François Viger qui possède cent quatre arpens en superficie chargés des mêmes cens et rentes, lequel a maison, grange, étable et toute sa terre en valeur scavoir: 96 arpens de terre labourable et 8 arpens en prairie.
Qu’au-dessus est Jean Lamoureux qui possède soizante seize arpens de terre en superficie chargés des mêmes cens et rentes, lequel a maison, grange, étable et toute sa terre en valeur scavoir: 70 arpens de terre labourable et six arpens, en prairie.
Qu’au-dessus est la veuve Soumande qui possède quatre vingt quatre arpens de terre en superficie chargés des mêmes cens et rentes, laquelle a maison, grange, étable et toute sa terre en valeur, scavoir: 69 arpens en terre labourable et 15 arpens, en prairie.
Et la dite île Lamagdeleine avec l’autre moitié du dit petit îlet concédée à la dite dame de Levillier, laquelle en a depuis fait une concession à François Bougret à la charge de quarante minots de bled, quarante chapons et un cochon, de dix huit mois de rente, et un sols de cens, lequel a maison, grange, étable, cinquante arpens de terre labourable et dix arpens de prairie.
Lequel aveu et dénombrement le dit Sieur comparant (René Gaultier ecuier Sieur de Varennes) a déclaré contenir vérité et a signé.
Pour la période de 1723 à 1745, l’ouvrage incontournable est sans aucun doute L’occupation des terres dans la vallée du Saint-Laurent – Les aveux et dénombrements 1723-1745 compilé par plusieurs historiens sous la direction de Jacques Mathieu et d’Alain Laberge aux Les éditions du Septentrion, Sillery, 1991. Les chercheurs trouveront dans cet ouvrage les noms de tous les propriétaires de censives à l’aide d’un index de quarante pages localisé à la fin du livre. Voici l'extrait pertinent de cet ouvrage:
On est en mesure de constater qu'il existe d'importantes divergences entre les superficies déclarées à l'aveu et dénombrement de 1723 (où l'Île Sainte-Marguerite a «grossi» et totalise maintenant 492 arpents) et les résultats auxquels arrivent les arpenteurs en d'autres occasions (totalisant 413 arpents). Il est donc raisonnable de conclure que les informations déclarées par les censitaires à l'aveu et dénombrement sont vraisemblablement verbales et approximatives et ne peuvent primer sur celles calculées par les arpenteurs en d'autres occasions.
François Bachand, âgé de 16 ans, déclare occuper la terre 4214 (partie #5). François est le fils de Anne Lamoureux et le jeune frère de Jean-Baptiste l'aîné. On rapporte qu'à son décès, le 6 août 1727, François était locataire d'une terre sur l'Île Sainte-Marguerite. Daniel Poirier en est toutefois toujours demeuré propriétaire, tel que mentionné dans d'autres actes notariés qu'on peut retrouver jusqu'en 1731. Daniel Poirier avait probablement loué sa terre à François Bachand dit Vertefeuille pour s'occuper de terres ailleurs, sans doute en terre ferme. Daniel Poirier décède le 7 août 1732. Sa femme Catherine Viger continue de se décrire comme résidente de l'Île Sainte-Marguerite dans des actes notariés allant jusqu'à 1742. Malheureusement, aucun acte notarié entre Daniel Poirier et François Bachand n'a été retrouvé pour corroborer ce bail.
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Parfois connue sous le vocable d’Île Lamoureux, le nom de l’Île Sainte-Marguerite deviendra temporairement «Molson Island» au début du 19e siècle pour revenir aujourd’hui à Île Sainte-Marguerite. Monsieur John Molson (1763-1836), le célèbre brasseur et homme d'affaires montréalais, acquiert au début du 19e siècle l'Île Sainte-Marguerite afin d'y faire construire une résidence secondaire. En 1809, Molson construit le premier bateau à vapeur du Canada, l'Accommodation. Des fouilles archéologiques permettent de retrouver à l'Île Sainte-Marguerite l'épave de son quatrième bateau à vapeur, le Lady Sherbrooke, construit en 1816. Le chenal entre l’Île Sainte-Marguerite et l’Île Charron, connu comme «la Petite Rivière», est partiellement comblé. Molson fut atteint dans sa soixante-douzième année d’une maladie qui entraîna rapidement sa mort, le 11 janvier 1836, dans sa propriété de l’île Sainte-Marguerite.
À compter des années 1940, une soixantaine de familles occupent de petits chalets sur les Îles Charron et Sainte-Marguerite durant la belle saison. Voici ce que l'Île avait l'air le 9 août 1961:
Toutes les terres étaient encore en culture. En 1967, la construction du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine rend les îles accessibles par la route. Face au conflit entre les promoteurs immobiliers et le groupe de protection du patrimoine naturel, le gouvernement décide d'acheter les cinq îles de Boucherville entre 1973 et 1976 pour sept millions de dollars. L'Île Sainte-Marguerite est aménagée pour la récréation en 1981. Le parc est inauguré 12 septembre 1984 sous le nom de parc de récréation des Îles-de-Boucherville. Son statut fut remplacé par celui de parc national en 2001 en même temps que pour tous les autres parcs du Québec. On y retrouve encore des espèces de tortues géographiques, le renard roux, le raton laveur et le cerf de Virginie.
Sur cette photo aérienne, on peut voir que de grandes parties de l'Île-de-la-Commune et de l'Île Grosbois étaient encore en culture jusqu'à la fin de l'année 2013 auquel moment les agriculteurs-locataires furent expulsés afin que le gouvernement du Québec puisse transformer toutes ces terres en espaces récréatifs, détruisant ainsi une tradition agricole vieille de 325 ans, un vestige patrimonial datant du début de la seigneurie de Boucherville.
À l'été 2014, le concepteur du présent site Web s'est rendu sur l'Île afin d'y arpenter le périmètre complet de la terre de Nicolas Bachand et Anne Lamoureux («partie #4»). Tristement, toute trace de présence humaine entre 1686 et 1976 a consciencieusement été éradiquée. Ne subsiste aucune brique, aucun piquet de clôture. Les arbres ont évidemment pris beaucoup d'expansion et les champs sont en friche et recouverts de ronces entrelacés et roseaux pouvant atteindre 12 pieds rendant, par endroits, la navigation rectiligne impossible sans boussole...
Voici ce que la partie #4 de l'Île a l'air aujourd'hui et le rapport que l'arpenteur Hilaire Bernard de La Rivière a dressé pour Daniel Poirier. Ce plan a vraisemblablement été confectionné de façon concomitante au contrat de vente entre Louis Lamoureux et Daniel Poirier en 1695 afin de l'accompagner, puisque dans chacun de ces documents le voisin de Daniel Poirier y est décrit comme étant «Nicolas Vachon». À aucun autre moment cette erreur se répètera-t-elle.
L'emplacement probable de la maison ancestrale serait environ 45° 35' 38" Nord / 73° 28' 12" Ouest. Elle se situe à un peu moins de 1 kilomètre de l'église Sainte-Famille de Boucherville à vol d'oiseau. Il est possible de se rendre tout près du lieu où la demeure ancestrale aurait logiquement été située («X» sur la photo) via un petit sentier bien aménagé.
Cette terre n'est pas très grande selon les standards modernes. Mais pour un tout petit groupe d'hommes (Nicolas et ses beaux-frères) devant y arracher chaque arbre et labourer chaque pied carré derrière un bœuf, le défi est impressionnant et admirable.
Photo de gauche: Emplacement où la demeure ancestrale aurait été situé, en regardant vers la rive sud. La berge est à 200 pieds derrière ces arbres.
Photo de droite: Bras de fleuve de 600 mètres que Nicolas devait traverser devant chez lui pour atteindre la côte de Boucherville. Un cheval devait ensuite l'attendre chez un habitant afin de lui permettre de se rendre au bourg à 3 kilomètres vers la gauche.
Photo de gauche: En haut de sa terre, en regardant en direction de sa maison située à 2,000 pieds de là.
Photo de droite: Sentier longeant le chenal Grande-Rivière.
En haut de sa terre se trouve le chenal Grande-Rivière séparant l'Île Sainte-Marguerite de l'Île Saint-Jean. À l'horizon, on peut apercevoir le clocher de l'église Sainte-Famille de 1801. Dans le silence de 1700, Nicolas travaillant à cette extrémité de sa terre aurait peut-être pu entendre l'Angélus retentir de la chapelle de 1670, coiffée d'un clocheton en bois depuis le 21 mai 1691.
Vu sur la terre de Nicolas et Anne. « Il y a quatre sortes d'Escurieux (...) la quatrième espèce sont des Escurieux noirs ; ils sont plus gros que tous les autres : la peau en est très belle, et les Sauvages s'en servent à faire des robes : cet animal est joli & curieux. »
Pierre Boucher, Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouvelle-France, p. 67-68
ADDENDUM SUR L’ÎLE CHARRON : En 1689, la femme de René Gaultier concède l'Île Notre-Dame à leur fille Madeleine Le-Villier et la rebaptise Île Madeleine. Dans un but purement spéculatif, Louis Lamoureux prend à son tour brièvement possession de l'Île Madeleine le 24 mai 1690. Le 13 septembre 1693, il la revend à Prudent Bougret dit Dufort : «une isle scituée au Lieu dit des Isles Percées vis à vis la seigneurie du Tremblay du costé du hault appelé lisle de Notre-Dame ave un petit islet (de 7 arpents) adjacent aussy par en hault, avec les bastiments, terre nette qui est sur icelluy». Il en obtient 260 livres. Le nouveau propriétaire rebaptise l'île Madeleine en l'île Dufort. Il la lèguera à son fils, lui aussi nommé Prudent Bougret. Suite au décès de ce dernier, sa veuve, sans postérité, abandonne la partie Est de l'île en 1753 à François Charron et la partie Ouest aux Jésuites. La famille Charron (Damase) possédait toujours des terrains (100 arpents) sur cette île à la fin du 19e siècle. En 1815, l'arpenteur-général du Bas-Canada, Joseph Bouchette, lui confère le nom d'Île Charron. À partir de ce moment, l'utilisation d'Île Dufort ou d'Île Charron est vraiment partagée jusqu'au début des années 1950 où elle devint définitivement l'Île Charron. Dans l'histoire plus récente de l'Ile Charron, la pointe Ouest de l'Ile appartenait à la compagnie de Jésus (les Jésuites) mais le site fut exproprié par le Ministère des transports pour 30,000$ , puis cédé en 1989 à la Ville de Longueuil à la condition de l'utiliser comme parc.
Pierre Boucher (1622-1717) accompagne son père Gaspard Boucher et quitte Mortagne-au-Perche et le Perche pour la Nouvelle-France en 1635. Après avoir appris plusieurs langues amérindiennes, il collabore comme 'Donné' (un laïc, proche collaborateur) avec les pères jésuites dans leur travail missionnaire auprès des Hurons: il est un de leurs interprètes. Il revient s'établir à Beauport en 1641. En 1644, il va s'établir aux Trois-Rivières. Il est élu capitaine de milice en 1651 et commande la défense de la ville lors d'une attaque iroquoise en 1653. En 1661, il retourne brièvement en France pour défendre les intérêts des colons auprès de la métropole. Il y est anobli par Louis XIV (devenant sieur de Grosbois), premier colon canadien à recevoir cet honneur. Il revient en 1662 comme gouverneur de Trois-Rivières, poste qu'il occupera jusqu'en 1667 lorsqu'il partira fonder sa seigneurie et Boucherville, le village qui porte son nom. Ce sera la sixième plus ancienne ville du Canada.
Pierre Boucher est un véritable touche-à-tout. Il endosse tour à tour les fonctions de soldat, d'interprète, de linguiste, de juge, de gouverneur de Trois-Rivières, de lieutenant civil et criminel, de fondateur, de pionnier et d'urbaniste. Il est l'un des Canadiens les plus respectés de son époque. Il acquiert cependant sa renommée avec la publication en 1664 (à Paris par Florentin Lambert) L'histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France, vulgairement dite le Canada. Cet ouvrage sera réédité sous plusieurs formes au 19e siècle.
La seigneurie de Boucherville possède 114 arpents (6.66 km) de front sur le fleuve Saint-Laurent par deux lieues (6.5 km) de profondeur et inclut les Îles-Percées. Ce territoire est cédé par le gouverneur Jean de Lauson à Pierre Boucher en 1664. À 45 ans, ce dernier commence la dernière, aussi la plus longue et la plus paisible étape de sa carrière. Il se consacrera désormais à la réalisation de son rêve le plus cher : développer une seigneurie selon sa propre conception, avec des colons judicieusement choisis et prêts à accepter une souple discipline.
En 1667-1668 à l'invitation de Pierre Boucher, quelques concessionnaires acceptent de s'installer à Boucherville et de le seconder dans son entreprise. En 1672, comme 39 autres personnes de la Nouvelle-France, Pierre Boucher obtient le titre de seigneur. Le 4 avril 1673, il réunit au manoir seigneurial les 37 censitaires qui ont fait leurs preuves et il leur remet leurs titres de concession. La population s'élève alors à 343 habitants. Les droits seigneuriaux sont minimes : juste ce qu’il faut pour subvenir aux besoins communaux, car il cultive lui-même ses terres. La seigneurie s’édifie dans la paix, dans l’entraide. Pierre passera les cinquante dernières années de sa vie à faire fructifier ses terres, y attirant des colons de son choix. II est vrai que Pierre Boucher prenait grand soin de son monde, et par toutes sortes de bonté, facilitait leur installation dans sa seigneurie. Le seigneur n'était, à vrai dire, que l'entrepreneur qui se chargeait du peuplement d'un territoire à lui concéder et de sa mise en valeur. Il était intéressé à trouver des cultivateurs pour son «bien», des hommes qui le comprirent et lui furent dévoués. Le choix des paysans est évidemment sévère, car il ne s'agit pas de commencer par des difficultés, en pays si lointain et parmi des travaux si pénibles. Les intérêts sont communs, il faut défricher la seigneurie et pour cela il faut défricher les lopins de terre sous-concédés. Les progrès de «l'habitant» sont des succès pour le seigneur, et à son tour, la prospérité du seigneur est une garantie pour les «habitants».
En 1686, Denonville, dans une lettre envoyée à Seignelay, alors ministre de la marine, rend à la famille Boucher le témoignage suivant :
C’est la famille qui a le mieux travaillé au bien de la colonie, n’ayant rien négligé de tout ce qui est nécessaire pour l’avancer. Le père a été un des premiers fondateurs de la colonie sous M. d’Avaugour. Considéré de feu Mgr Colbert, votre père, il a été longtemps gouverneur des Trois-Rivières. Sa seigneurie est une des plus belles de ce pays.
Pierre Boucher céda par dot, après entente avec Jean Talon, le tiers de sa seigneurie à sa fille Marie et à son gendre, René de Gaultier, sieur de Varennes et gouverneur de Trois-Rivières. C'est ainsi que le fief Du Tremblay se détache de la seigneurie de Boucherville, de même que les îles Dufort (île Charron) et sa voisine «l'île Lamoureux», acquise par Louis Lamoureux.
C’est dans son manoir de Boucherville que Pierre Boucher mourra, le 19 avril 1717, à l’âge de 95 ans.
Cette ancienne maison de ferme, construite au 18e siècle dans le rang du Pays-Brûlé, témoigne du développement de la seigneurie de Boucherville. Au cours du 18e siècle, les colons qui se sont d'abord établis en bordure du fleuve Saint-Laurent, dans ce qui est aujourd'hui le Vieux-Boucherville, viennent graduellement s'installer sur les terres plus au sud. Le rang du Pays-Brûlé (aussi appelé 2e rang et maintenant boulevard de Mortagne) est aménagé afin de desservir la deuxième concession. La maison Bachand-Larivière constitue aujourd'hui l'un des rares bâtiments en pierre du 18e siècle à subsister pour évoquer une étape dans l'expansion de la seigneurie et son riche passé agricole.
La maison Bachand-Larivière constitue un exemple de maison rurale d'inspiration française. Ce type est issu de savoir-faire et de modèles français qui ont été progressivement adaptés aux conditions particulières du pays (climat, disponibilité des matériaux) et à certaines influences stylistiques. Cette tradition architecturale se poursuit au-delà de la Conquête (1760). La maison Bachand-Larivière est une illustration de ce type par le plan carré de faible dimension, son corps de logis d'un étage et demi en pierre, bas et peu dégagé du sol, son toit à deux versants droits munis de coyaux peu saillants, l'absence de larmier au toit et la disposition asymétrique de ses ouvertures petites et peu nombreuses. Auparavant, on trouvait sur son terrain grange, remise et laiterie. La maison et la remise sont les seules survivantes de cette époque et, en 1988, la ville de Boucherville les a classés tous deux monuments historiques.
Le 11 octobre 2005, dans le procès-verbal de la séance ordinaire du conseil de l’arrondissement de Boucherville tenu à l'hôtel de ville de Boucherville, on apprend au point BO-051011-15 qu'est entérinée une recommandation de la Commission de toponymie de Boucherville, présentée lors de la réunion du 30 août précédent, à l'effet de désigner officiellement la maison et la remise «Maison Bachand-Larivière». Une membre de la Commission de toponymie a expliqué en 2016 à l’auteur que c'est sur la base de la tradition orale que ce nom a été proposé et non suite à une preuve reposant sur des documents d'archive. Voici donc cette chaîne documentaire manquante qui a été reconstituée en 2017 :
Le 2 février 1736, quatre jours avant son mariage avec Suzanne Christin dit Saint-Amour (1715-1775), Jean-Baptiste l'aîné déclare, dans son contrat de mariage (pardevant le notaire Charles-François Coron) posséder des terres en l’Île-Sainte-Marguerite ainsi qu’à Boucherville aux 2e , 3e et 4e rangs. Le couple aura 16 enfants, dont Jean-François (26 février 1758 - 17 février 1837) qui sera surtout désigné «François» dans les documents notariés.
Le 23 mai 1768 (pardevant le notaire Louis Loiseau) et à nouveau le 11 janvier 1775 (pardevant le notaire François Racicot), Jean-Baptiste-l’aîné partage ses terres entre ses fils Constant et Jean-François Bachand, à charge pour eux de prendre soin de leurs père, mère, frères et sœurs. L’une de ces terres est située au Pays Brûlé (2e rang). Le 14 octobre 1776, Jean-François épouse Catherine Blain (11 octobre 1761 - 11 octobre 1815). Veuf, il épouse ensuite Marie-Josephte Girard (16 décembre 1765 - 8 septembre 1828) le 18 janvier 1818. Il épouse enfin Marie-Josephe Richard (4 août 1787 - ?) le 23 septembre 1830.
Dans un contrat daté du 5 novembre 1785 (pardevant les notaires Louis Loiseau et François Racicot) Paul Guilbault (23 avril 1761 - 2 janvier 1831), maître-maçon de 5e génération, s'engage à construire une maison de pierre à Boucherville pour Jean-François Bachand. La construction sera entièrement effectuée au cours du mois de juin 1786 et Guilbault sera rémunéré à raison de 75 minots de blé froment :
Pardevant le notaire publique résidant au bourg de Boucherville soussigné (Louis Loiseau), et témoin (François Racicot), enfin nommé fut présent Paul Guillebaud masson, demeurant à Varennes, lequel a promis et promet par les présentes de faire et parfaire, bien et dûment, à dire d’experts et gens à ce connaissant, à François Bachand dit Vertefeuille habitant demeurant au dit Boucherville à ce présent et acceptant François, lui faire une maison de pierre dans sa terre où il demeure actuellement icelle de vingt huit pieds* en quarré de quatorze pied de muraille d’une pierre à l’autre, une cheminée (illisible) crépis et renduire icelle maison et les ouvertures à la demande du dit Bachand et à l’endroit qui lui avisera bon être, plus fera deux pignons en pierre. La présente commencera au printemps prochain à la fin de mai (1786) et s’oblige la parachever pour préfixion et délai à la fin de juin aussi prochain. Et ce présent marché fait pour et moyennant la quantité de soixante et quinze minots** de blé froment marchand. En déduction de la dite quantité de blé l’entrepreneur a reçu quinze minots et le restant à fournir vingt minots à la St-Michel de l’année prochaine (29 septembre 1786) et vingt minots livrables dans le courant de janvier de mil sept cent quatre vingt sept et le vingt minots restants aussi livrés dans le courant de septembre de l’année mil sept cent quatre vingt huit (illisible) et lequel dit Bachand sera tenu en autre temps de nourrir le dit entrepreneur et ce qu’il aura pour travailler avec lui, beau temps et mauvais temps, pendant qu’il travaille (illisible) à cet ouvrage. Car ainsi et faite et passé au bourg de Boucherville (illisible) l’an mil six cent quatre vingt cinq, le cinq novembre après midi et où les parties dit ne savoir signer et ce signe, lecture faite suivant l’ordonnance.
+ +
L. Loiseau F. Racicot
*28 pieds français = 29.9 pieds anglais = 9.1 mètres. Les dimensions finales de la maison Bachand seront plutôt :
Facade : 30.6 pieds français = 32.6 pieds anglais = 9.9 mètres
Chacun des côtés : 29.3 pieds français = 31.2 pieds anglais = 9.5 mètres
Arrière : 29.8 pieds français = 31.8 pieds anglais = 9.7 mètres
**Minot : 1 pied cube de Paris = 12.8 pouces 3. Le minot de blé avait une valeur de 5 livres 12 sols et 2 deniers à Boucherville en 1785. 75 minots valaient donc 420 livres, soit un peu plus que le salaire annuel d’un ouvrier spécialisé. Bien que Jean-François ait probablement fourni les pierres à partir de ses champs, Paul Guilbault aurait sûrement fourni le sable et la chaux nécessaires à la fabrication de son mortier selon les règles de l’art. Les maisons étaient construites par le maçon. Celui-ci devenait maître-maçon après 4 années d’apprentissage et 3 années de pratique. Plus tard il devint entrepreneur en maçonnerie.
Le testament de Jean-François Bachand est rédigé le 12 mars 1831 (pardevant le notaire Louis Lacoste, minute #3252). Il déclare alors vivre à Longueuil chez sa nouvelle épouse Marie-Josephe Richard à qui il lègue ses meubles et immeubles sans toutefois les énumérer. Mais sa ferme du 2e rang est vraisemblablement déjà entre les mains de son fils Jacques depuis une vingtaine d’années car, selon ce que dira Auguste Bachand en 1966, Joseph (l’un des fils de Jacques et grand-père d’Auguste) y naîtra en 1811.
Jacques Bachand (27 avril 1783 - 24 mars 1836) épouse Josephte Aubertin (14 février 1788 - 1859) le 13 février 1809. L’un de leurs enfants sera Joseph.
Joseph Bachand (29 juillet 1811 à Varennes – 28 juillet 1877) épouse Esther Provost (1807 - 4 septembre 1863) le 6 février 1838. L’un de leurs enfants sera Bruno. Le testament de Joseph est rédigé le 8 juin 1877 (pardevant le notaire Louis Normandin, minute #4815) à l’occasion duquel il lègue à son fils Bruno la ferme (lot #74) du 2e rang. Joseph et Esther seront inhumés sous l’église Sainte-Famille.
Bruno Bachand (17 mai 1841 – 16 novembre 1889) épouse, en secondes noces, la veuve Marie Santoire (5 juillet 1847 – 21 février 1934) le 12 juillet 1884. L’un de leurs enfants sera Auguste. Quelques heures avant sa mort, le 16 novembre 1889 (pardevant le notaire Louis Normandin, déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 22032), Bruno Bachand rédige son testament dans lequel il lègue le lot #121 aux enfants issus de son premier mariage avec Thaïs Robert et le lot contigu #74 aux enfants issus de son mariage avec Marie Santoire (soit Auguste et Raoul). Bruno sera inhumé sous l’église Sainte-Famille. Marie Santoire, veuve depuis 1889, épouse Toussaint Sicotte (père de 3 enfants) le 5 février 1901.
Auguste Bachand (15 juin 1885 à Boucherville – 29 janvier 1972 à Varennes) épouse Rose-Alma Aubertin (10 avril 1884 – 30 septembre 1939) le 24 septembre 1907. Le 22 novembre 1912 (pardevant le notaire Louis Racicot, acte déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 39919) les frères Auguste et Raoul Bachand vendent leur ferme ancestrale à Joseph Alsace Daignault, marchand à Montréal, pour la somme de 7,000$, soit 3,000$ comptant et le solde à raison de 1,000$ (+6% d’intérêt) à verser le 22 novembre de chacune des quatre prochaines années. Afin de garantir leur créance, ils conservent une hypothèque sur l’immeuble. À peine trois semaines plus tard, soit le 10 décembre 1912 (pardevant le notaire Lewis A. Hart de Westmount, acte déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 39969), J.A. Daignault vend la ferme à Joseph L. Adelstein, Samuel Isidore Friedman, Alan Judah Hart, Samuel Weiner et Carl Rosenberg de Montréal pour la somme de 9,000$. Les paiements hypothécaires de 1913 et 1914 sont versés aux frères Bachand. Par contre, celui du 22 novembre 1915 pour 1,422$ n’est pas fait et les frères intentent un recours le 27 janvier 1916 devant la Cour supérieure de Montréal (dossier #3710) afin de récupérer la ferme. Auguste est alors boulanger à Boucherville et Raoul Bachand est commis à Montréal. (À noter que la cause #761 entreprise concurremment par Joseph Quenneville contre Carl Rosenberg est de même nature et, pour sa part, vise une partie représentant un cinquième du lot #74 alors que la poursuite des frères Bachand vise les autres quatre cinquièmes du lot #74.) Les frères obtiennent jugement par défaut et font saisir la ferme par le shérif. Dans la cause #761, le jeudi 23 mars 1916 à 11h, Auguste Bachand rachète un premier cinquième du lot #74 pour 50$ à l’encan fait sur le parvis de l’église Ste-Famille. Ce transfert de propriété est enregistré le 26 octobre 1917 au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 50845. Le jeudi 8 juin 1916 à 11h, Auguste Bachand rachète le reste de la terre pour 3,500$ à l’encan fait sur le parvis de l’église Ste-Famille. Le transfert de propriété est enregistré le 17 février 1917 au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 49455.
Après une absence de 5 ans, Auguste revient donc s’installer dans la maison ancestrale pour les 30 prochaines années.
Il fit l’objet d’un reportage dans le journal de Boucherville, «La Seigneurie» (semaine du 3 au 8 janvier 1966, pages 6 & 7), où il parle de sa ferme comme suit :
«C'était au Pays-Brûlé, pas loin de chez Arsène Dulude*. Vous savez? La petite maison de pierre, en tournant à gauche sur la Montée Saint-Bruno, c'est là. Une maison qui est pas jeune. Pensez! Mon père est né là**. Mon grand-père aussi***. Moi, j’me suis marié en 1907, avec Rose-Alma Aubertin, une fille de Chambly, et c'est moi qui a hérité de la terre. On faisait le grain, le foin, on allait vendre du beurre, de la crème au village, on vivat bien. Mais fallat pas faire de folies, oh non! Si ça nous rendât malheureux de ménager tout le temps? Mais non! C'une affaire d'accoutumance. Ça nous prenât pas grand-chose pour vivre. Fallat tout calculer. Pis on faisat une sapré belle vie tout en ménageant.»
*Sa demeure était sur la terre concédée par Pierre Boucher à Joseph Jacques Huet dit DuLude en 1673 et qui longeait le côté sud-ouest de l'actuel boulevard de Montarville dans la première, seconde et troisième concessions, soit à partir du fleuve jusqu'à l'actuelle rue de Normandie.
**Bruno Bachand (1841-1889)
***Joseph Bachand (1811-1877). Et si Joseph est né dans cette maison, cela signifie que son père Jacques Bachand (1783-1836) en était déjà propriétaire en 1811.
Le 10 juin 1948 (pardevant le notaire Émile Beauchemin) Auguste Bachand vend la ferme à Hormidas St-Louis, acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 103419.
Le 10 mars 1969 (pardevant le notaire Victor Duhamel) Hormidas St-Louis vend la ferme à Gérard Samson, acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 310553. Monsieur St-Louis fut le dernier agriculteur à travailler cette terre depuis sa concession à Adrien Lamoureux en 1705. Il s'était marié en 1917 à Marie Dignard et ils eurent les enfants suivants : Elizabeth Edmond, Réal, Adélard, Albert, Jacqueline, Berthe et Jeanne. Monsieur St-Louis est décédé le 27 février 1973 à l’âge de 84 ans.
Le 16 juillet 1971 (pardevant le notaire Léopold Depangher) Gérard Samson vend la ferme à la Ville de Boucherville (Clovis Langlois, maire et Eugène McClish, greffier), acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 347044.
Le 12 décembre 1984 (pardevant le notaire Alain Perreault) la Ville de Boucherville (Jean-Guy Parent, maire et Claude Caron, greffier) vend la ferme à Immexel Inc (Richard Néron, président), acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 667760.
Le 29 avril 1987 (pardevant le notaire Paul Hardy) Immexel Inc (Richard Néron, président) vend la ferme à Michel Tellier, acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 740350.
Le 29 octobre 1993 (pardevant le notaire Louis Handfield) Michel Tellier vend la ferme à 2032-1992 Québec Inc (dont le nom a été modifié en 1996 à Management MC Inc / Danielle de Bellefeuille, présidente), acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 949403.
Le 1 juin 2000 (pardevant la notaire Suzanne Legault) Mangement MC Inc (Danielle de Bellefeuille, présidente) vend la ferme à Vicdev Ltée (Jean Grenier, président), acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 1087351.
Le 1 octobre 2015 (pardevant la notaire Maude Rodrigue) Vicdev Ltée (Jean Grenier, président) vend la ferme à Gestion S.B.E.B. Inc (Éric Boissonneault, président et Stéphane Boivin, vice-président), acte qui est déposé au bureau d’enregistrement de Chambly sous le numéro 21872621.
À remarquer qu’à aucun moment au cours des trois derniers siècles retrouve-t-on le nom «Larivière» dans l’histoire de cette maison. Souvenons-nous qu’en 2016, une membre de la Commission de toponymie a expliqué à l’auteur que c'est sur la base de la tradition orale que ce nom a été proposé et non suite à une preuve reposant sur des documents d'archive. Maintenant que nous avons ces documents d’archives, peut-être pourrions-nous demander une correction afin d’éliminer cet élément relevant davantage de la légende urbaine que de la tradition orale.
Sources
Rue Bachand à Boucherville (La rue Bachand va de la voie de chemin de fer jusqu'à la route Marie-Victorin, mais est coupée en deux tronçons par la route 132) : Ce nom rappelle Joseph Bachand, maire de Boucherville de 1937 à 1950, après avoir été conseiller de 1924 à 1936. Il est demeuré au 386, boulevard Marie-Victorin, dans la «maison Quintal-Quesnel».
Rue Bachand à St-Hubert: Ce nom évoque le souvenir de Rodolphe Bachand, cultivateur installé avec sa nombreuse famille sur le chemin de la Savane à Saint-Hubert. La rue Bachand était anciennement connue sous la désignation Rue Armstrong.
Rue Bachand à Coaticook : Le nom de cette voie de communication rappelle le souvenir du docteur Léonilde/Léonidas-Charles Bachand (Saint-Pie, 1854 – Sherbrooke, 1926). Médecin, il est maire de Coaticook en 1890. Il déménagea par la suite à Sherbrooke (1899) où il fut également maire en 1908-1909.
Rue Bachand à Sherbrooke : En l'honneur de Léonilde/Léonidas-Charles Bachand (1854-1926), médecin et maire de Sherbrooke en 1908 et 1909. On assiste sous son mandat à l'achat de toutes les propriétés de la « Sherbrooke Power and Gaz ».
Rue Léonidas à Sherbrooke : En l'honneur de Léonidas Bachand (1890-1978), notaire et fils de Léonilde-Charles Bachand.
Rue Fernand-Bachand à Sherbrooke : Ce nom évoque le souvenir de Fernand Bachand (1909-1993) qui était paysagiste à Rock Forest.
Rue Bachand à St-Hyacinthe : Ce nom évoque le souvenir de Pierre Bachand (Verchères, 1835 - Saint-Hyacinthe, 1878). Avocat, il fut conseiller municipal de Saint-Hyacinthe de 1863 à 1867 et député libéral de 1867 à 1878 dans la circonscription électorale provinciale de Saint-Hyacinthe. Il est l'un des fondateurs de la Banque de Saint-Hyacinthe; il en a été le codirecteur et le président entre 1874 et 1878.
Rue Jérémi-Bachand à Roxton Pond : Le nom de cette voie de communication rappelle le souvenir de Jérémi Bachand. Il a été maire de la municipalité de la paroisse de Sainte-Pudentienne (1875-1877), puis de la municipalité du village de Sainte-Pudentienne (1891- 1902). Notez que la municipalité de la paroisse de Sainte-Pudentienne et la municipalité du village de Sainte- Pudentienne sont aujourd'hui regroupées et connues sous le nom de Roxton Pond.
Rue Bachand à Noyan : Le nom de cette voie reprend celui d'une famille locale.
Rue Bachand à Carignan : Ce nom fait référence à une famille locale.
Chemin Bachand à Roxton
Chemin Bachand à Ste-Catherine-de-Hatley
Rue Bachand à Lanoraie
Rue Bachand à Cowansville
Rue Bachand à St-Jean-sur-Richelieu
Rue Bachand à Repentigny
Rue Bachand à Shefford
Ruisseau Bachand à Bromont
Ruisseau Bachand à St-Philippe
Ruisseau Beauregard-Bachand à St-Liboire
Pierre Bachand, avocat et homme politique, né à Verchères le 22 mars 1835, fils de Joseph Bachand, cultivateur, et de Josephte Fontaine, décédé à Saint-Hyacinthe le 3 novembre 1878. Il fut député provincial de 1867 à son décès à 43 ans. Au moment où Pierre Bachand siégeait au Parlement de Québec, faisait partie de l'opposition, comme député pour le comté de Terrebonne, Joseph-Adolphe Chapleau, fils de Pierre Chapleau et de Zoé Sigouin et descendant de Noël Chapeleau et de Françoise Lamoureux. Il fut secrétaire et registraire dans le Ministère de Boucherville (Charles-Eugène Boucher de Boucherville) de 1876 à 1878, puis premier Ministre de la province de Québec de 1879 à 1882, député de Terrebonne à Ottawa et Secrétaire d'État de 1882 à 1892, alors qu'il fut nommé Lieutenant-Gouverneur de la Province de Québec.
Robert Raoul Bachand, député de Shefford de 1931 à 1935, a déclaré en pleine Assemblée nationale relativement à la place des femmes en politique : «Il y a trop de renards dans la politique pour y introduire des poules.» Né à Sainte-Pudentienne (aujourd'hui Roxton Pond), le 10 juillet 1889, fils de François Bachand (24 novembre 1867 - ), meunier et marchand, et d'Alix Robert (25 février 1868 - ). A étudié au Séminaire de Sherbrooke et à l'Université Laval à Montréal. Diplômé en droit. Admis à la pratique du notariat en 1915. A exercé sa profession à Waterloo jusqu'en 1949. Directeur de la compagnie d'assurances La Sauvegarde. Secrétaire du canton de Shefford du 11 décembre 1918 au 1er avril 1935, du comté de Shefford du 9 juin 1920 au 4 septembre 1949, de la Commission scolaire de Saint-Bernardin du 11 juillet 1921 au 6 septembre 1946 et de la Commission scolaire de Waterloo du 1 mai 1923 au 10 août 1949. Fut également secrétaire de la société d'agriculture locale. Élu député libéral dans Shefford en 1931. Défait en 1935. Membre des Chevaliers de Colomb, du Club de réforme de Montréal et de la Société des artisans canadiens-français. Décédé à Waterloo, le 4 septembre 1949, à l'âge de 60 ans et un mois. Inhumé dans le cimetière de la paroisse Saint-Bernardin, le 7 septembre 1949. Avait épousé à Waterloo dans la paroisse Saint-Bernardin, le 2 septembre 1913, Bernadette-Clémentine Clément, fille de Joseph-François Clément, marchand, et de Marie-Cora Hudon.
André Bachand B.A., LL.L. (né le 15 juin 1934) avocat et homme politique fédéral du Québec. Né à Roxton Falls en Montérégie, M. Bachand fut député du Parti libéral du Canada dans la circonscription fédérale de Missisquoi de 1980 à 1984.
Raymond Bachand (né le 22 octobre 1947 à Montréal) est un homme politique, un homme d'affaires et un avocat québécois. Il est député de la circonscription électorale provinciale d'Outremont de 2005 à 2013. Il a occupé les postes de ministre des Finances, de ministre du Revenu, de ministre du Développement économique ainsi que de ministre responsable de la région de Montréal.
Claude Bachand (né le 3 janvier 1951) est un homme politique canadien qui fut député à la Chambre des communes du Canada, représentant la circonscription québécoise de Saint-Jean de 1993 à 2011 sous la bannière du Bloc québécois.
André Bachand (né le 8 décembre 1961 à Québec) est un homme politique canadien, qui a représenté la circonscription fédérale de Richmond—Arthabaska sous la bannière du Parti progressiste-conservateur du Canada. Lorsque le Parti PC fusionne avec l'Alliance canadienne pour former le Parti conservateur du Canada en décembre 2003, Bachand quitte le parti et siège à titre de "progressiste-conservateur indépendant" jusqu'aux élections de 2004 ; il prend ensuite sa retraite de la Chambre des communes. En juillet 2009, il est nommé ambassadeur du Canada à l'UNESCO à Paris par le premier ministre conservateur, Stephen Harper. Depuis les élections générales québécoises de 2018, il représente la circonscription provinciale de Richmond sous la bannière de la Coalition avenir Québec.
Vignoble Vertefeuille tenu par Pierre Bachand au 1960 Rang Saint-Raphaël à La Prairie (www.vignoblevertefeuille.com).