Conférence privée de
Xavier Beulin
pour notre club
Lundi 11 mars 2013
De Donnery à la Sibérie, Xavier Beulin partage sa passion de l’agriculture
En pleine « crise » alimentaire (version carnaval où les chevaux se font passer pour des bœufs), le Lions Club Orléans Université, toujours en quête de savoir et ne reculant jamais devant aucune enquête, a eu la bonne idée d’inviter Xavier Beulin, président de la FNSEA[1], pour clôturer sa réunion bimensuelle du 11 mars. Cet invité de prestige, agriculteur à Donnery (commune du nord du Loiret), dont le curriculum vitae (long comme la ligne droite de l’hippodrome de Longchamp) pouvait susciter quelques craintes dans l’assistance en termes de durée de l’intervention, rassura très vite tout le monde en nous offrant une conférence vive et particulièrement dynamique. Sans mélanger les casquettes qu’il collectionne (citons par exemple celle de président du Conseil Economique Social et Environnemental Régional du Centre, son bien-aimé CESER, dans lequel il côtoya plusieurs membres de notre club), Xavier Beulin nous a proposé sa vision de l’agriculture française, dans un contexte européen et mondial en pleine mutation.
Avec la projection d’une vidéo « Le Saviez-vous ? », consacrée à l’agriculture française, réalisée à l’occasion des dernières élections présidentielles et diffusée aux candidats présents au congrès de la FNSEA, il nous remit plusieurs faits importants en tête, en nous rappelant notamment que 15% de l’emploi national est agricole et que 70 000 emplois restent non pourvus dans l’agriculture française. Sa conclusion à l’issue de la vidéo était donc toute trouvée : la France peut compter sur ce secteur pour la relance, en dépit de son manque de visibilité médiatique (la diffusion d’émissions de télé-réalité caricaturales ne pouvant suffire à rendre l’agriculture désirable…).
Après les chiffres, c’est un cours d’histoire, mêlé d’économie, qui nous fût dispensé. Passant rapidement sur les 50 années de stabilité du cours des matières premières connues durant l’après-guerre, il s’attarda sur les secousses violentes, qui à partir de la période de sécheresse de 2007, firent exploser les prix sur le marché du blé de Chicago et provoquèrent un grand désordre aux conséquences multiples sur le monde agricole (disparition de nombreuses exploitations) et sur la gestion des stocks au niveau mondial, désormais limitée au court terme.
Pour sortir de cette situation de crise, aller de l’avant et éviter qu’elle ne se reproduise, le G20 agricole formula alors plusieurs souhaits pour remettre des bornes :
- Une information transparente sur la consommation, la gestion des stocks, etc… au niveau mondial, afin de limiter la spéculation.
- Un retour à une politique publique de stockage.
- Une véritable régulation financière avec chambre d’enregistrement pour les contrats, identification pour les opérateurs, etc…
Pour Xavier Beulin, ces épisodes mouvementés ont rendu obsolète la théorie des années 90’s qui prédisait qu’une partie du monde se consacrerait à nourrir l’autre partie. Il semble désormais urgent de relocaliser la production de l’agriculture, aussi bien d’un point de vue économique que sociétal.
Après un aparté sur la PAC, qui « n’oriente plus et ne régule plus », Xavier Beulin s’attaqua à la compétitivité de l’agriculture française, victime selon lui du coût du travail élevé, et d’un principe de précaution développé à l’excès qui a rendu les normes françaises plus strictes que celles de l’Union Européenne. Il évoqua également les relations compliquées entre l’agriculture et la grande distribution, dans un contexte où 85% des ventes passent par elle (et seulement 15% par les circuits courts) et où pour 100 euros de marchandises agricoles vendues en grande surface, seulement 7,80 euros reviennent à la filière agriculture amont-aval !
En conclusion, le président de la FNSEA afficha son envie de voir se développer une agriculture ambitieuse, permettant de nourrir 9 milliards d’individus. Belle ambition et vaste défi, pour lequel il croît encore aux atouts de la France. Une note d’optimisme à relever, à l’issue de propos parfois alarmants.
Cet exposé passionnant se prolongea naturellement par un jeu de questions-réponses particulièrement animé, qui repoussa encore l’heure du départ pour cet homme à l’agenda de ministre, qui nous fit part au cours de cet échange « bonus », justement de ses discussions, parfois houleuses, avec certains membres du gouvernement (passés ou présents), mais aussi du potentiel de la combinaison entre végétal et animal, et même des possibilités de voir un jour des vignes ensoleillées toute l’année au nord de la Loire… ou des exploitations agricoles en Sibérie ! De là à y faire pousser des cactus, c’est une autre histoire… qui méritera de faire revenir ce brillant orateur dans quelques années pour refaire le point sur l’état de l’agriculture et donc du monde dans lequel nous vivons.
Matthieu Blin, Lions Club Orléans Université
[1] Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles