Théâtre de la Commune d'Aubervilliers

THÉÂTRE

DE LA COMMUNE

D’AUBERVILLIERS

Editorial (1965)

Depuis plus de quatre années, sans tapage, ni goût du spectaculaire, se poursuit l’expérience d’Aubervilliers.

Il ne s’agissait pas pour nous d’être un théâtre parisien situé par le hasard des circonstances hors de Paris, mais de nous comporter en pionniers d’une décentralisation réelle dont les critères vérifiables sont la création artistique sur place, la conquête d’un public neuf es l’apport à ce public sans théâtre, d’un théâtre qui soit le sien.

Héritiers directs, d’une révolution culturelle qui passe par le TNP, Villeurbanne et les centres dramatiques de province, nous avons tenté d’apporter des solutions personnelles au problème de la périphérie parisienne. L’événement théâtral précédant le lieu, l’école anticipant sur la troupe, les quatre festivals qui se sont déroulés au gymnase auront permis d’approfondir une démarche sociale et esthétique dès 1961.

Liant la passion civique à la pratique quotidienne, les idées forces exprimées au long de ces années : « L’avenir du théâtre appartient à ceux qui n’y vont pas » – « il n’y s pas de fatalité propre à la banlieue » – « réussir le public importe autant que réussir une mise en scène » restent plus que jamais valables au moment où s’ouvrent enfin les portes du théâtre d’Aubervilliers.

Aboutissement logique de la première phase de notre entreprise, l’ouverture du théâtre marque en fait le départ réel de notre aventure. Cette partie-là est loin d’être gagnée. L’effort de mutation exigée par le programme que nous nous fixons consistant à passer de 6000 spectateurs pour un festival annuel à près de 10 000 spectateurs par mois est une question de survie pour notre expérience. Nous avons besoin de trois ans pour installer, implanter, imposer ce premier essai d’un théâtre permanent à vocation populaire aux portes de Paris

A l’image du TNP, de la Cité ou du TEP, mais avec des moyens beaucoup plus limités, notre réussite va dépendre de notre capacité à créer un nouveau public, acquérir sa confiance et l’organiser.

Ce théâtre que vous inaugurez en même temps que nous est le fruit d’une somme d’énergie, de travaux et de dépenses qui honorent grandement la ville d’Aubervilliers et la municipalité qui as entrepris sa construction. Cet investissement culturel représente un pari généreux sur l’avenir. En effet décentraliser et démocratiser le théâtre vont de pair, comme il devrait aller de soi que le théâtre continue l’école, que l’éducation ne s’achève pas avec la scolarité. Apparemment aussi peu rentable qu’un lycée, un dispensaire, un stade ou un musée, le théâtre, lieu de culture vivante, cessant d’être inaccessible deviendra familier. Il sera nécessaire.

Rayonnant sur l’ensemble de notre région géographique, le Nord-Est de Paris, le « Théâtre de la Commune » a terriblement besoin de crédit moral et matériel pour réussir sa tâche. Nous adressant à tous nos amis naturels, responsables de collectivités, groupements, militants syndicaux, enseignants, associations culturelles, nous nous tournons également vers les organismes officiels et la presse pour leur demander d’être solidaires du combat que nous menons.

La décentralisation n’est pas un but en soi. Divertissement que les hommes se proposent entre eux et commentaire sur le monde où ils vivent, le théâtre n’a pas seulement fonction de consommation ou de mot d’ordre utilitaire.

Dans la mesure où l’art est recherche continue, où la culture est inséparable de la société qui la sécrète, le théâtre de la commune d’Aubervilliers se veut ouvert à tous, et en premier lieu aux travailleurs et aux jeunes.

A la fois service public culturel et théâtre de création, contemporaines pour l’essentiel, notre théâtre accueillera d’autres troupes, d’autres formes de spectacles.

Non sans failles et tâtonnements, sans la certitude d’avoir toujours été bien compris sur l’instant, nous cherchons notre voie, notre style.

Préférant le risque de l’inédit aux redites complaisantes, nous débutons avec « Andorra » de Max Frisch.

Gabriel Garran

25 janvier 1965

Le Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, croquis de René Allio

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