Picasso

Vendredi 15 juin 2012

Quand Picasso est mort j'ai peint ce vase.

C'était un 8 avril.

Et comme un couillon je l'ai vendu. J'aurais mieux fait de le garder...

Mais j'ai quand même gardé la photo. Heureusement.

Une redécouverte de Picasso grâce à Houellebecq !...

Houellebecq dans son dernier roman "La carte et le territoire" ( Goncourt 2010) :

J'ai failli m'y laisser prendre !...

(J'ai pensé : c'est vrai que Picasso c'est pas "beau" à proprement parler)

J'ai pris le catalogue de la dernière expo d'Avignon:

J'ai voulu zoomer pour voir si c'était net et j'ai eu ce cadrage :

(Picasso peut se défendre tout seul !)

Alors, Picasso, c'était peut-être un type humainement insupportable (autour de lui ça a été une vraie hécatombe de suicides), mais sa peinture : suffit de regarder.

Puis j'ai cherché des toiles de Van Dyck :

Et là, surprise : c'est exactement la même chose !!!

Mauvais exemple, M. Houellebecq ?

Non : pas mauvaise exemple : il n'est pas si bête, et il l'a sûrement compris.

C'est juste un farceur.

Ca fait juste bien de flinguer Picasso. Ca va dans le sens de "ce qui se dit" de Picasso ("Picasso se foutait de la gueule du monde.")

Les 4 toiles ci-dessous de l'expo d'Avignon, il les a peintes à plus de 90 ans.

Et le plaisir de peindre y est si évident !...

Là, je pense à un truc :

Ce qu'il y a de bien chez Van Dyck... c'est déjà du Picasso !

Ce qui "vaut la peine" chez un peintre classique, reste en filigrane, suggéré. Dans le non-dit explicitement.

C'est ce qu'il "rajoute" à la réalité qui n'est pas directement visible.

Ou plutôt, ce qu'il en voit (subjectivement), lui, qui n'y est pas (objectivement).

Picasso, lui, ne peint que ça. Ce n'est plus en demie-teinte du tout.

Et bien sûr que ça peut gêner : il nous "impose" sa vue à lui.

C'est d'ailleurs le mouvement général de la peinture moderne (contemporaine au sens large, depuis le XIX ème siècle), cette façon de forcer le spectateur.

Le forcer et donc enrichir sa perception.

Dans son "Esthétique", Hegel distingue trois périodes de l'art (1)

-L'art primitif qui crée, définit des symboles (On pense aux Vénus préhistoriques, à l'art roman...)

-L'art classique qui cherche un idéal (l'art grec, l'art classique...)

-L'art "romantique" qui introduit la subjectivité...

Une des particularités de Picasso semble être de se déplacer de l'une à l'autre de ces conceptions, en permanence.

Symbolique, classique, subjective.

Contrairement à ce qu'il a pu dire ("je ne cherche pas, je trouve !")

Son grand mérite est de chercher, chercher, toujours, de ne jamais s'en tenir à l'acquis.

(1) Bien sûr ce que peut dire Hegel n'est pas forcément parole d'évangile ! Juste des directions pour orienter ses réflexions.

Il s'amuse :

1

Il est lumineux :

couilles qui traînent par-ci par-là.

Pour une fois qu'un artiste se prend pas trop au sérieux

et inclut un peu d'humour dans son expression.)

2

Gai :

(C'est sûr qu'il y a un peu des fentes, des poils et des...

3 : Une sorte d'autoportrait dérisoire. Le motif, la peinture : soi. Le chevalet : le désir , le besoin de peindre qui se résout en désir -Forcément- sexuel (sexe de femme, sexe d'homme). On pourrait même y trouver une allusion à la mort avec la lame de faux en bas à droite. Il y a tout sur cette peinture.

Et pour le dessin et le volume, un vrai plaisir :

Picasso, c'est pas beau : c'est... magnifique !

Il donne le "beau du laid".

Il ... embellit de laid, je crois.

4

Même si des fois, c'est pas vraiment ça... (je vais chercher... )

Oui ! à l'expo Picasso Cézanne, Y'avait un paysage, vraiment moche :

5

Non ! C'est pas moche : il cherche un sens au paysage... qui n'en a pas.

Il essaie de lui en inventer un...

De lui inventer une raison.

Et comme il reste dans le visuel, le visible (pas le symbolique, le sens "forcé"), elle ne peut être que géométrique.

Je suis assez content de ça :

"Picasso embellit le beau de laid"

C'est presque du Charles Trenet.

(Trenet aussi avait son côté "Priape" : "Je tâte André à la porte du garage"...)

Je repense à Houellebecq... Mince :

De la guilde des marchands je m'en fous, mais alors, complètement. Ce qui m'intéresse, c'est Dora Maar.

(Ou Ducon -bien qu'il soit de la guilde des marchands!)

La voilà, Dora :

6

Magnifique ! Ou alors c'est qu'on n'a pas les mêmes yeux.

Magnifique, mais... une évidente froideur de la beauté. C'est une expression, un point de vue. Celui de Picasso.

Ne retrouve-t-on pas cette même froideur -et même accentuée- de l'expression chez... Dali ?! (Que j'aime moins -euphémisme !)

Non ! Pas la même froideur. La froideur de la beauté dans cette peinture de Picasso est une expression. Un questionnement.

Et elle exprime sa peur devant la beauté. Une façon de l'objectiver... Et donc de s'en détacher.

La froideur -et la maitrise- de Dali je la ressens comme une comédie.

Picasso vivant est dans sa peinture, il s'y engage "honnêtement". Il s'y d évoile.Dali, non.

Mince, et c'est Picasso qui passe le plus souvent pour un imposteur!

En définitive, tout ce qu'on peut reprocher à Houellebecq, c'est de ne pas avoir dit grand chose d'intéressant sur l'art alors même que son roman est la vie d'un artiste. D'un autre côté, on y trouve quelques petits trucs pas trop bêtes. C'est juste un peu triste et ennuyeux, mis à part le côté policier qui éveille un peu l'intérêt et l'idée amusante de s'assassiner soi-même. Mais puisque son but était d'avoir le Goncourt et qu'il l'a eu.

Il a tout bien fait !

Houellebecq me semble faire une erreur de jugement par la (vraisemblable) démonstration que si un/son corps assassiné et découpé en lambeaux, est une vision absolument insupportable, la peinture de Picasso qui (à sa façon) découpe les corps en morceaux -pour les recomposer- est aussi insupportable. C'est faire fi de l'essence même de l'humanité qui est sa capacité d'accéder au symbolique au delà du réel sans confondre les deux. Les confondre, correspond plus à une sorte de court-circuit pathologique qui ne saurait avoir valeur de démonstration objective. On se retrouve en pleine psychanalyse avec la vision du corps morcelé... etc.

Tout semble assez bien se tenir finalement dans ce roman !...

En fin de compte, la question que l'on peut se poser c'est celle -trop simple- et presque "forcée" , excessive, de la cohérence et de l'homogénéité des personnalités. Picasso était (se disait) communiste et Houellebecq est politiquement assez marqué à droite.

Et si c'était aussi simple que ça, le principe des affinités ?

Dali était (se disait) franquiste, absolument.

Est-ce que Hoiellebecq ne préfèrerait pas Dali à Picasso?

Je m'en fous éperdument !

Houellebecq a pédalé pour avoir le Goncourt.

Sartre était communite. Il a refusé le prix Nobel.

Je vais cherché ce que Sartre pensait de Picasso...

Picasso, "peintre roman" !...

Bon, ceci dit, Picasso et la peinture en général, c'est plus intéressant !

(Pour ceux que ça intéresse !) On a la matière. Y'a qu'à regarder...

Il y a quelques années, j'avais rapproché certaines toiles de Picasso de peintures romanes...

Celle-ci pour le style (l'écriture), très "ligne claire" et coloration pastel

(On pense aussi aux peintures grecques du IVème siècle Av JC des tombeaux de Paestum)

La Ligne claire (Tintin) a déjà (ou encore!) son côté symbolique (?)...

7

[Chez Picasso, c'est plus coloriage qu'il faudrait dire ! Tandisque la fresque romane est plus(s) une peinture.

J'ai souvent remarqué chez Picasso cette faiblesse dans la couleur. Et pour un peintre, c'est quand même grave.

Comme s'il ne savait pas mélanger les couleurs. De temps en temps (presque par hazard), ça va. C'est le cas des toiles 1,2,3 au dessus.

J'ai lu récemment que Matisse disait de Picasso "Il n'a pas de palette".

D'un autre côté, savoir mélanger les couleurs, c'est vouloir faire du... joli !

Et on sait bien que Picasso n'est pas dans cette optique !]

Mais ce serait un peu forcer une admiration inconditionnelle que de dire qu'il mélange mal les couleurs" exprès"!

La facilité d'harmonie des périodes bleues et roses serait là pour montrer qu'il n'a pas toujours rechigné devant le plaisir de plaire...

" La danse de Picasso"

Et celle-ci pour la composition :

-Le cadre (fenêtre) dans le cadre (la toile)

-Le jambes croisées du personnage du milieu

-Les deux personnages superposés de droite qui deviennent chez Picasso un personnage double ,

à deux têtes une dans l'autre. On y retrouve aussi la capuche pointue...

Ici encore une allusion à la mort (la tête du personnage de gauche).

La similitude est telle qu'il est assez vraisemblable que Picasso se

soit réellement inspiré de la fresque de St Savin.

A moins qu'il ne s'agisse que d'une réminiscence ?

Mais il aura vu la fresque

8

Trois carreaux du moyen âge (Je suis frappé par la parenté avec les peintures de Picasso, découpage, déformation, et restructuration comme dans le cubisme synthétique):

1 2 3

1: L'aile et la patte deviennent un motif "unifié", découpé, différent, du reste du corps.

2: La queue est représentée vers le bas et vers le haut !

3: La patte de derrière en second plan est un peu "exagérée", et un motif d'arabesque apparaît sur le poitrail (qui ne correspond à rien de réel) !