Charles-Maurice de Talleyrand-Perigord
Le 16 septembre 1814 débute le congrès de Vienne. Tenu à l'écart des principales réunions qui ont lieu entre les quatre puissances (Royaume-Uni, Autriche, Prusse, Russie) qui ont déjà approuvé un protocole le 22 septembre, il est cependant invité à une discussion le 30 septembre où Metternich emploie les mots « puissances alliées ». Il réagit alors :
« Alliées…, dis-je, et contre qui ? Ce n'est plus contre Napoléon : il est à l'île d'Elbe… ; ce ne n'est plus contre la France : la paix est faite… ; ce n'est sûrement pas contre le roi de France : il est garant de la durée de cette paix. Messieurs, parlons franchement, s'il y a encore des puissances alliées, je suis de trop ici. […] Et cependant, si je n'étais pas ici, je vous manquerais essentiellement. Messieurs, je suis peut-être le seul qui ne demande rien. De grands égards, c'est là tout ce que je veux pour la France. Elle est assez grande par ses ressources, par son étendue, par le nombre et l'esprit de ses habitants, par la contiguïté de ses provinces, par l'unité de son administration, par les défenses dont la nature et l'art ont garanti ses frontières. Je ne veux rien, je vous le répète ; et je vous apporte immensément. La présence d'un ministre de Louis XVIII consacre ici le principe sur lequel repose tout l'ordre social. […] Si, comme déjà on le répand, quelques puissances privilégiées voulaient exercer sur le congrès un pouvoir dictatorial, je dois dire que, me renfermant dans les termes du traité de Paris, je ne pourrais consentir à reconnaître dans cette réunion aucun pouvoir suprême dans les questions qui sont de la compétence du congrès, et que je ne m'occuperais d'une proposition qui viendrait de sa part. »
Talleyrand - Mémoires