Marc Aurèle (121-180)

Marc Aurèle naît dans une famille de patriciens romains en 121 après J.C. Il est adopté par l'empereur Antonin pour lui succéder et devient empereur à 40 ans. Venu de bonne heure à la philosophie à travers la lecture d'Epictète, amoureux des arts, il doit vivre 20 ans sous la tente, consacrant son existence à la guerre contre les barbares, à la tête de ses armées, sur le Danube et en Syrie, afin d'assurer la paix de l'Empire. Ses Pensées pour moi-même (douze livres écrits en grec), ont été notées au jour le jour, pendant ses campagnes. Il meurt sur le front du Danube, en 180, probablement à Vienne.

(http://perso.wanadoo.fr/sos.philosophie/marcaure.htm)

Il ne s’agit plus de discourir sur ce que doit être l’homme de bien mais de devenir un homme de bien

Considérez les occasions où votre chagrin et votre colère vous ont causé plus de souffrances que les faits eux-mêmes.

Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre.

Extraits des pensées de Marc Aurèle (traduction Mario Meunier)

Rappelle-toi depuis combien de temps tu remets à plus tard et combien de fois, ayant reçu des Dieux des occasions de t'acquitter, tu ne les as pas mises à profit. Mais il faut enfin, dès maintenant, que tu sentes de quel monde tu fais partie, et de quel être, régisseur du monde, tu es une émanation, et qu'un temps limité te circonscrit. Si tu n'en profites pas, pour accéder à la sérénité, ce moment passera ; tu passeras aussi, et jamais plus il ne reviendra.

Marc Aurèle, Pensées, Livre 2, IV

Rien de plus misérable que l'homme qui tourne autour de tout, qui scrute, comme on dit, «les profondeurs de la terre», qui cherche à deviner ce qui se passe dans les âmes d'autrui, et qui ne sent pas qu'il lui suffit d'être en face du seul génie qui réside en lui, et de l'honorer d'un culte sincère. Ce culte consiste à le conserver pur de passion, d'inconsidération et de mauvaise humeur contre ce qui nous vient des Dieux et des hommes. Ce qui vient des Dieux, en effet, est respectable en raison de leur excellence ; ce qui vient des hommes est digne d'amour, en vertu de notre parenté commune ; digne aussi parfois d'une sorte de pitié, en raison de leur ignorance des biens et des maux, aveuglement non moindre que celui qui nous prive de distinguer le blanc d'avec le noir.

Marc Aurèle, Pensées, Livre 2, XIII

Si tu trouves dans la vie humaine un bien qui vaille mieux que la justice, la vérité, la tempérance, le courage et, en un mot, qu'une pensée qui se contente d'elle-même, toutes les fois qu'elle te donne d'agir conformément à la droite raison, et qui se montre satisfaite de son destin dans tout ce que le sort, sans qu'elle ait pu choisir, lui assigne en partage ; si, dis-je, tu vois un bien supérieur, tourne-toi vers lui de toute ton âme et jouis de ce suprême bien que tu découvres. Mais si rien ne t'apparaît meilleur que le Génie qui en toi a établi sa demeure, qui soumet à son autorité les instincts personnels, qui contrôle les représentations de l'esprit, qui s'est arraché, comme le dit Socrate, aux incitations des sens, qui se soumet aux Dieux et aux hommes s'attache ; si tu trouves tout le reste plus petit et plus vil, ne laisse place en toi à aucune autre chose, car une fois que tu te serais laissé incliner et détourner par elle, tu ne pourrais plus sans relâche honorer plus que tout ce bien qui t'est propre et qui est tien .

Marc Aurèle, Pensées, livre 3, VI

"Ils se cherchent des retraites, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes : toi aussi, tu te livres d'habitude à un vif désir de pareils biens. Or, c'est là le fait d'un homme ignorant et inhabile, puisqu'il t'est permis, à l'heure que tu veux, de te retirer dans toi-même. Nulle part l'homme n'a de retraite plus tranquille, moins troublée par les affaires, que celle qu'il trouve dans son âme, particulièrement si l'on a en soi-même de ces choses dont la contemplation suffit pour nous faire jouir à l'instant du calme parfait, lequel n'est pas autre, à mon sens, qu'une parfaite ordonnance de notre âme. Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même. Trouve-toi de ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à te renvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour.

Marc Aurèle, Pensées, in Les Stoïciens, trad. E. Bréhier, Paris, La pléiade, Gallimard, 1962

Souviens-toi que tout ce qui arrive, arrive justement. Tu le remarqueras, si tu observes avec exactitude. Je ne dis pas seulement : arrive selon la suite, mais encore selon la justice, et comme si quelqu'un assignait à chacun selon son mérite. Continue donc d'observer comme tu as commencé, et, ce que tu fais, fais-le avec cette pensée, la pensée d'être un homme de bien, selon l'idée qui constitue proprement l'homme de bien. Ce principe, conserve-le pour toutes tes actions.

Marc Aurèle, Pensées, livre 4, X

Ne conçois point les choses telles que les juge celui qui t'offense ou comme il veut que tu les juges. Mais vois-les telles qu'elles sont en réalité.

Marc Aurèle, Pensées, livre 4, XI

Que de loisirs il gagne celui qui ne regarde pas à ce qu'a dit le voisin, à ce qu'il a fait, à ce qu'il a pensé ; mais à ce qu'il fait lui-même, afin que son acte soit juste, saint et absolument bon. Ne jette point les yeux sur les âmes noires ; mais cours droit à la ligne du but, sans te disséminer.

Marc Aurèle, Pensées, livre 4, XVIII

Va toujours par le chemin le plus court, et le plus court est celui qui va selon la nature. Voilà pourquoi il faut agir et parler en tout de la façon la plus naturelle. Une telle ligne de conduite te délivrera de l'emphase, de l'exagération et du style figuré et artificiel.

Marc Aurèle, Pensées, livre 4, LI

Au petit jour, lorsqu'il t'en coûte de t'éveiller, aie cette pensée à ta disposition : c'est pour faire œuvre d'homme que je m'éveille. Serai-je donc encore de méchante humeur, si je vais faire ce pourquoi je suis né, et ce en vue de quoi j'ai été mis dans le monde? Ou bien, ai-je été formé pour rester couché et me tenir au chaud sous mes couvertures?

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, I

A quoi donc en ce moment fais-je servir mon âme? En toute occasion, me poser cette question à moi-même et me demander : « Qu'y a-t-il à cette heure dans cette partie de moi-même, qu'on appelle principe directeur, et de qui ai-je l'âme en cet instant? N'est-ce pas celle d'un enfant, d'un jeune homme, d'une femmelette, d'un tyran, d'une tête de bétail, d'un fauve?»

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XI

Il n'arrive à personne rien qu'il ne soit naturellement à même de supporter. Les mêmes accidents arrivent à un autre et, soit qu'il ignore qu'ils sont arrivés, soit étalage de magnanimité, il reste calme et demeure indompté. Étrange chose, que l'ignorance et la suffisance soient plus fortes que la sagesse.

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XVIII

Il vit avec les Dieux celui qui constamment leur montre une âme satisfaite des lots qui lui ont été assignés, docile à tout ce que veut le Génie que, parcelle de lui-même, Zeus a donné à chacun comme chef et comme guide. Et ce Génie, c'est l'intelligence et la raison de chacun.

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XXVII

Pourquoi des âmes incultes et ignorantes troublent-elles une âme instruite et cultivée?

- Qu'est-ce donc qu'une âme instruite et cultivée?

C'est celle qui connaît le principe et la fin, et la raison qui se répand à travers l'universelle substance et qui, de toute éternité, organise le Tout, conformément à des périodes définies.

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XXXII

Tu peux toujours donner un cours régulier à ta vie, puisque tu peux aussi suivre le droit chemin et que tu peux encore concevoir et agir selon le droit chemin. Voici deux possibilités communes à l'âme de Dieu, de l'homme et de tout être raisonnable : ne pouvoir être entravé par un autre, placer son bien dans une disposition et une façon d'agir conformes à la justice, et reposer là son désir.

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XXXIV

(…) Mais l'homme heureux, c'est celui qui s'est attribué à lui-même un bon lot, et un bon lot, ce sont de bonnes orientations d'âme, de bonnes tendances, de bonnes actions.

Marc Aurèle, Pensées, livre 5, XXXVI

Ne mets ton plaisir et ton acquiescement qu'en une seule chose : passer d'une action utile à la communauté à une action utile à la communauté, en pensant à Dieu.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, VII

Lorsque la contrainte des circonstances t'a comme bouleversé, rentre au plus tôt en toi-même, et ne t'écarte pas plus longtemps qu'il ne faut de la mesure, car tu seras d'autant plus maître de son accordement que tu y reviendras plus fréquemment.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XI

Ne suppose pas, si quelque chose t'est difficile que cette chose soit impossible à l'homme. Mais, si une chose est possible et naturelle à l'homme, pense qu'elle est aussi à ta portée. Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XIX

Si quelqu'un peut me convaincre et me prouver que je pense ou que j'agis mal, je serai heureux de me corriger. Car je cherche la vérité, qui n'a jamais porté dommage à personne. Mais Il se nuit celui qui persiste en son erreur et en son ignorance.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XXI

Prends garde à ne point te césariser, à ne pas te teindre de cette couleur, car c'est ce qui arrive. Conserve-toi donc simple, bon, pur, digne, naturel, ami de la justice, pieux, bienveillant, tendre, résolu dans la pratique de tes devoirs. Lutte pour demeurer tel que la philosophie a voulu te former. Révère les Dieux, viens en aide aux hommes. La vie est courte. L'unique fruit de l'existence sur terre est une sainte disposition et des actions utiles à la communauté.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XXX

Accommode-toi aux choses que t'assigna le sort ; et les hommes, que le destin te donna pour compagnons, aime-les, mais du fond du cœur.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XXXIX

(…) Une seule chose ici-bas est digne de prix : passer sa vie dans la vérité et dans la justice, en se gardant indulgent aux menteurs et aux injustes.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, XLVII

Celui qui aime la gloire met son propre bonheur dans les émotions d'un autre ; celui qui aime le plaisir, dans ses propres penchants ; mais l'homme intelligent, dans sa propre conduite.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, LI

Ce qui n'est pas utile à l'essaim n'est pas utile à l'abeille non plus.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, LIV

Personne ne t'empêchera de vivre selon la raison de ta propre nature ; rien ne t'arrivera qui soit en opposition avec la raison de la nature universelle.

Marc Aurèle, Pensées, livre 6, LVIII

Seras-tu droit ou redressé?

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XII

Craint-on la transformation? Mais sans transformation que peut-il se produire? Qu'y a-t-il de plus cher et de plus familier à la nature universelle?

Toi-même, peux-tu prendre un bain chaud, si le bois ne subit aucune transformation? Peux-tu te nourrir, si les aliments ne subissent aucune transformation? Et quelle est celle des autres choses utiles qui peut s'accomplir sans transformation? Ne vois-tu donc pas que ta propre transformation est un fait pareil et pareillement nécessaire à la nature universelle ?

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XVIII

Le propre de l'homme est d'aimer même ceux qui l'offensent. Le moyen d'y parvenir est de te représenter qu'ils sont tes parents ; qu'ils pèchent par ignorance et involontairement ; que, sous peu, les uns et les autres vous serez morts ; et, avant tout, qu'on ne t'a causé aucun dommage, car on n'a pas rendu ton principe directeur pire qu'il n'était avant .

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XXII

Resserre-toi sur toi-même. Le principe raisonnable qui te dirige a pour nature de se suffire à lui-même en pratiquant la justice et, en agissant ainsi, de conserver le calme .

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XXVIII

Confronte la pensée avec les mots qui l'expriment. Pénètre en esprit dans les effets et les causes.

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XXX

Il ne faut pas s'irriter contre les choses, car elles ne s'en soucient pas. (auteur inconnu)

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, XXXVIII

En tout lieu et sans cesse, il dépend de toi d'être pieusement satisfait de l'occurence présente, de se comporter selon la justice avec les hommes présents, de fixer toute son attention sur l'idée présente, afin qu'il ne s'y glisse rien d'incompréhensible .

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, LIV

N'aimer uniquement que ce qui t'arrive et ce qui constitue la trame de ta vie. Est-il rien, en effet, qui te convienne mieux? Marc Aurèle, Pensées, livre 7, LVII

Creuse au dedans de toi . Au dedans de toi est la source du bien, et une source qui peut toujours jaillir, si tu creuses toujours .

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, LIX

La perfection morale consiste en ceci : à passer chaque jour comme si c'était le dernier, à éviter l'agitation, la torpeur, la dissimulation .

Marc Aurèle, Pensées, livre 7, LXIX

Souviens-toi que changer d'avis et obéir à qui te redresse, c'est faire encore acte de liberté. Ton activité, en effet, s'étend selon ta volonté, selon ton jugement et, par conséquent, selon aussi ta propre intelligence.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, XVI

Sois attentif à l'objet qui t'occupe, à ce que tu fais, à ce que tu penses, à ce que tu veux faire entendre. Tu souffres à juste titre. Tu préfères attendre à demain pour devenir honnête homme plutôt que de l'être aujourd'hui.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, XXII

Bonheur de l'homme : faire ce qui est le propre de l'homme. Et ce qui est le propre de l'homme, c'est d'être bienveillant envers ses pareils, de mépriser les mouvements des sens, de discerner les idées qui méritent créance, de contempler la nature universelle et tout ce qui arrive conformément à sa loi.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, XXVI

Si tu t'affliges pour une cause extérieure, ce n'est pas elle qui t'importune, c'est le jugement que tu portes sur elle. Or, ce jugement, il dépend de toi de l'effacer à l'instant. Mais, si tu t'affliges pour une cause émanant de ta disposition personnelle, qui t'empêche de rectifier ta pensée? De même, si tu t'affliges parce que tu ne fais pas une action qui te paraît saine, pourquoi ne la fais-tu pas plutôt que de t'affliger? - Mais quelque obstacle insurmontable m'empêche. - Ne t'afflige donc pas, puisque ce n'est point par ta faute que tu ne la fais point. - Mais il est indigne de `vivre, si je ne l'exécute pas. - Sors donc de la vie, l'âme bienveillante, à la façon de celui qui meurt en exécutant ce qu'il veut, mais sois en même temps indulgent aux obstacles.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, XLVII

Dans tes actions, ne sois point nonchalant ; dans tes conversations, ne sois pas brouillon ; dans tes pensées, ne t'égare pas ; en ton âme, en un mot, ne te contracte pas, ne t'en évade pas, et ne passe pas ta vie dans les tracas. Ils tuent, ils dépècent, ils poursuivent sous des malédictions. En quoi tout ceci peut-il empêcher ta pensée d'être pure, sage, modérée, juste? C'est comme si quelqu'un, passant auprès d'une source claire et douce l'injuriait. Elle ne cesserait pas de faire jaillir une eau bonne à boire. Et si même il y jetait de la boue, du fumier, elle aurait vite fait de les disperser, de les monder, et n'en resterait aucunement souillée. Comment auras-tu donc en toi une source intarissable, et non un puits?

En te haussant à toute heure vers l'indépendance, avec bienveillance, simplicité, modestie.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, LI

Les hommes sont faits les uns pour les autres ; instruis-les donc ou supporte-les.

Marc Aurèle, Pensées, livre 8, LIX

Aujourd'hui, je suis sorti de tout embarras, ou plutôt j'ai désavoué tout embarras, car il n'était pas hors de moi, mais en moi, dans mes opinions .

Marc Aurèle, Pensées, livre 9, XIII

Ce n'est pas dans ce qu'il éprouve mais dans ce qu'il accomplit que se trouvent le bien et le mal d'un être raisonnable et social, tout comme la vertu et le vice ne sont pas pour lui dans ce qu'il subit mais dans ce qu'il accomplit.

Marc Aurèle, Pensées, livre 9, XVI

Quels principes de direction sont les leurs ? Et vers quel but tendent-ils, et pour quels motifs aiment-ils et respectent-ils? Accoutume-toi à regarder à nu leurs petites âmes. Lorsqu'ils s'imaginent te nuire en te blâmant ou te servir en te louant, quelle présomption !

Marc Aurèle, Pensées, livre 9, XXXIV

Ou bien les dieux n'ont aucun pouvoir ou bien ils en ont. Mais s'ils n'ont aucun pouvoir, pourquoi les pries-tu ? Et s'ils ont du pouvoir, pourquoi ne pas les prier de t'accorder de ne craindre aucune de ces choses, de n'en désirer aucune, de ne t'affliger de rien de tout cela, au lieu de les prier pour que telle chose ne se produise pas ou se produise.

Cet homme les prie en disant: " Puissè-je coucher avec cette femme ! " Mais toi: " Que je ne désire pas coucher avec elle! " Un autre: " Puissè-je être débarrassé de celui-là ! " Mais toi: " Que je n'ai pas le souhait d'en être débarrassé ! " Un autre: " Puissè-je ne pas perdre mon enfant ! " Mais toi: " Que je ne craigne pas de le perdre ! » D'une manière générale, modifie ainsi tes prières et vois ce qui arrive.

Marc Aurèle, Pensées, livre 9, XL

Il ne s'agit plus du tout de discourir sur ce que doit être l'homme de bien, mais de l'être.

Marc Aurèle, Pensées, livre 10, XVI

Qui fuit son maître est déserteur ! Or, comme notre maître est la loi, celui qui s'écarte de la loi est également déserteur. Il l'est en même temps celui qui, soit en s'affligeant, en s'irritant ou en s'effrayant, ne veut pas qu'une chose soit arrivée, arrive ou doive arriver, conformément à l'ordre des choses établi par l'organisateur universel, qui est la loi attribuant à chacun tout ce qui lui survient. En conséquence, celui qui s'effraie, s'afflige ou bien s'irrite, est déserteur.

Marc Aurèle, Pensées, livre 10, XXV

Souviens-toi que le fil qui te meut comme une marionnette est cette force cachée au-dedans de toi, cette force qui fait qu'on s'exprime, qu'on vit et qui, s'il faut le dire, fait qu'on est homme. Ne te la représente jamais comme confondue avec le réceptacle qui l'enveloppe, ni avec ces organes qui sont collés autour. Ils sont comme des outils, avec cette seule différence qu'ils naissent naturellement avec nous, vu que ces parties de notre être ne lui servent pas plus, sans la cause qui les met en mouvement et les ramène au repos, que la navette à la tisseuse, le roseau à l'écrivain, et le fouet au cocher.

Marc Aurèle, Pensées, livre 10, XXXVIII

Quel est ton métier ? D'être homme de bien. Et comment y réussir à propos, sinon à l'aide de ces spéculations, dont les unes s'occupent de la nature du monde universel et les autres, de la constitution particulière de l'homme?

Marc Aurèle, Pensées, livre 11, V

Il y a comme une grossièreté et quelque dépravation à dire : « J'ai préféré me comporter franchement avec toi. - Homme, que fais-tu? Il ne faut pas commencer par affirmer cela. La chose d'elle-même le déclarera. Elle doit être écrite sur ton front ; ta voix doit aussitôt l'exprimer; tes yeux doivent aussitôt la montrer, à l'instar de l'aimé qui tonnait aussitôt, dans le regard de ses amants, tout ce qu'ils éprouvent. En un mot, il faut que l'homme droit et honnête ressemble à l'homme qui sent le bouc, en sorte que quiconque s'approche de lui sente dès l'abord, qu'il le Veuille ou non, ce qu'il en est. La recherche de la simplicité est un coutelas. Rien n'est plus odieux qu'une amitié de loup. Évite ce vice avant tous. L'homme de bien, l'homme droit, bienveillant portent ces qualités dans leurs yeux, et elles n'échappent point.

Marc Aurèle, Pensées, livre 11, XV

(…) Et, dans tes colères, aie présent à l'esprit que ce n'est pas l'irritation qui est virile, mais que la douceur et la politesse sont des vertus d'autant plus humaines qu'elles sont plus mâles, et que celui qui en est pourvu montre plus de force, de nerfs et de virilité que celui qui s'indigne et se fâche. Plus son attitude se rapproche de l'impassibilité, plus elle se rapproche aussi de la force. Mais, si le chagrin est signe de faiblesse, la colère l'est aussi ; dans les deux cas, c'est être blessé et capituler. (…)

Marc Aurèle, Pensées, livre 11, XVIII

Maintes fois je me suis étonné de ce que chaque homme, tout en s'aimant de préférence à tous, fasse pourtant moins de cas de son opinion sur lui-même que de celle que les autres ont de lui. Et c'est à ce point que si un Dieu venait à ses côtés, ou que si un sage précepteur lui ordonnait de ne rien penser, et de ne rien concevoir en lui-même sans aussitôt à haute voix l'exprimer, il ne pourrait pas, même un seul jour, s'y résigner. Ainsi, nous appréhendons davantage l'opinion de nos voisins sur nous-mêmes que la nôtre propre.

Marc Aurèle, Pensées, livre 12, IV

Songe que tout n'est qu'opinion, et que l'opinion elle-même dépend de toi. Supprime donc ton opinion ; et, comme un vaisseau qui a doublé le cap, tu trouveras mer apaisée, calme complet, golfe sans vagues.

Marc Aurèle, Pensées, livre 12, XXII