L’eau a-t-elle une mémoire ?

Article rédigé en février 2008, destiné à la revue Acropolis. Publié N°205 9/2008

Le Dr Jacques Benveniste est décédé le dimanche 3 octobre 2004

Tel est le titre laconique d’un communiqué de presse du 4 octobre 2004.

Pour certains, ce nom ne dira sans doute rien. Pour ceux qui s’intéressent à la biologie, il représentait la possibilité d’un changement de paradigme.

La science changeait ! Elle s’aventurait hors des limites admises et « prouvait » que la réalité était plus large que celle communément admise par la vision officielle. L’homéopathie et d’autres disciplines y voyaient une reconnaissance scientifique. Il nous a fallu déchanter rapidement car la prestigieuse revue Nature qui publia les travaux de Jacques Benveniste en juin 1988 mena rapidement une enquête avec un « magicien » (James Randi, celui-là même qui confondit Uri Geller), et conclut à une insuffisance des méthodes utilisées. Jacques Benveniste fut mis au ban de la communauté scientifique française et fortement critiqué.

Mais qu’en est-il de l’homme et de ses travaux ?

Jacques Benveniste est un chercheur de très haut niveau dans la recherche immunologique (les allergies et les inflammations). Il est né à Paris le 12 mars 1935. Après ses études de médecine, il a d’abord pratiqué aux Hôpitaux de Paris puis a été Chef de clinique à la Faculté de médecine. Très tôt, il s’est consacré à la recherche, en France et aux Etats-Unis. A partir de 1973, il a été chercheur à l’INSERM. En 1984, il a été nommé Directeur de recherche de 1ère classe. Il fait donc partie de l’establishment scientifique. Plus encore, il est le découvreur du PAF (Platelet Activating Factor ou PAF-acether), qui joue un rôle fondamental dans les mécanismes de l'inflammation et de l'allergie. Cette découverte qui aurait pu lui valoir un prix Nobel lui a donné une reconnaissance internationale. Au cours sa longue carrière, Jacques Benveniste a publié plus de 300 articles scientifiques. Voici ce que raconte le professeur Wei Hsueh en mars 2005 lors d’un hommage :

« J'ai rencontré pour la première fois le Dr. Benveniste au cours d'un congrès international sur le PAF à Hilton Head, (Etats-Unis). À cette époque-là, il était au sommet de sa réputation dans le milieu scientifique. Ses articles ont été publiés dans les plus fameux journaux scientifiques comme la revue scientifique Nature et le Journal d’immunologie, et il a été reconnu comme le découvreur d'un nouveau, important médiateur de lipides.

Lors de cette réunion, il a impressionné l’assistance avec son succès, sa brillance et son esprit intellectuel audacieux. Il était au centre de l'attention, respecté par les vieux et admiré par les jeunes, et tout ce qu’il disait faisait réfléchir.

Tous, les étudiants, les post doct et les jeunes scientifiques faisaient la queue pour avoir l’occasion de lui parler, en espérant apprendre de sa sagesse. »

Comment se peut-il que cet homme présenté comme généreux, comme une intelligence incarnée, comme un personnage hors du commun (2) se retrouve ainsi vilipendé par cette même communauté quelques années plus tard ?

Dans sa publication de Juin 1988 dans la revue Nature, J. Benveniste et son équipe (il faut préciser qu’il n’était pas seul : 12 scientifiques internationaux signent cet article) lance un fameux pavé dans … l’eau. Il démontre que l’eau est capable de transmettre une information à des cellules immunitaires (globules blancs) sans qu’on décèle encore la présence de molécule d’antigène stimulant. En d’autres termes, l’eau a gardé en mémoire le signal de l’antigène qui était présent avant dilution et a transmis ce signal au globule blanc. Ce qui revient à dire qu’il n’y avait plus de support moléculaire pour transmettre le signal. On parle alors de « la mémoire de l’eau ».

Les travaux menés par l’équipe sont très stricts. Les expériences ont été refaites et plusieurs chercheurs y ont participé (3). Les résultats montrent que l’eau ne transmet ce signal que si elle est secouée auparavant mais pas si elle est simplement transvasée. La température élevée a également un effet négatif. L’explication à ce phénomène n’est pas donnée mais Benveniste avance l’idée que la transmission biologique pourrait être en relation avec l’organisation moléculaire de l’eau.

Nous sortons complètement des mécanismes admis par la communauté scientifique à ce jour.

Ce qui se passe alors dépasse la démarche scientifique normale. L’affaire devient médiatique. "Le Monde" consacre sa une (30/6/1988) aux travaux de Benveniste et la controverse débute. Il ne s’agit plus de démarche scientifique mais de bataille rangée sur les tranchées des idées toutes faites. L’homme est sali, sa réputation n’y fait rien, la boue recouvre bien vite l’or le plus pur…

Certains chercheurs veulent reproduire les travaux de Benveniste, en améliorant la méthodologie. Certains échouent. Le Dr Madeleine Ennis publie un article en 2001 dans lequel ses résultats sont conformes à ceux obtenus par Jacques Benveniste alors qu’elle s'était déclarée « très sceptique quant au travail de Jacques Benveniste ». Madeleine Ennis déclara le 15 mars 2001 dans The Guardian : « Les résultats m'obligent à remettre en question mon incrédulité et à chercher une explication logique à ce que nous avons trouvé ». Plus tard, Madeleine Ennis assistée de Jacques Benveniste, ne réussira pas à reproduire ce résultat selon le protocole expérimental proposé lors d'une émission de la BBC où la James Randi Educational Foundation offre un million de dollars à toute preuve d'un phénomène paranormal.

Par la suite, on n’entend plus trop parler de la mémoire de l’eau…

Jacques Benveniste n’est pas découragé pour autant. Il continue ses travaux (avec d’autres financements car il a été chassé de l’INSERM) et va même plus loin car il montre la possibilité de transmettre des signaux biologiques de manière digitale. Par exemple, il enregistre l’effet d’un signal de l’acétylcholine à l’aide d’un capteur et d’un ordinateur avec une carte sonore. Le signal a été alors amplifié et reproduit sur l'eau. Il a ensuite injecté l'eau portant le signal dans un coeur isolé et a constaté que l'écoulement coronaire avait augmenté. Il y a donc bien effet moléculaire, sans molécule !

Il est question de « Biologie numérique ».

Il n’est pas possible de développer ici les détails techniques et scientifiques complexes de ces travaux, mais soulignons que Benveniste avait encore la confiance de certains scientifiques qui ont travaillé avec lui sur ces projets et corroborés ces résultats étonnants. Il a d’ailleurs fait enregistrer un brevet en 2003 concernant « la biologie hertzienne numérisée ». Des laboratoires pharmaceutiques s’y sont intéressés :

« Un médicament anticoagulant a été numérisé à San Diego par nos procédés. Le fichier/signal, reçu à Clamart - Hauts-de-Seine - par courriel, a été diffusé à de l'eau, laquelle a inhibé la coagulation comme l'aurait fait la molécule d'origine », expliquait le chercheur dans un courrier aux Echos publié le 27 août 2003 (5).

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

La science n’a pas beaucoup évolué dans sa position officielle, mais ceux qui suivent les travaux actuels savent que des fissures commencent à se voir sur les murs des dogmes scientifiques. De nombreux chercheurs sont aux frontières des théories admises. Beaucoup sont prudents mais des publications existent dans tous les secteurs de la recherche et de nouvelles hypothèses sont mises en avant.

Dans un livre récent, Ervin Lazlo casse les barrières de la science matérialiste et ouvre des portes dans toutes les disciplines (physique, cosmologie, biologie, psychologie, …). Il propose une théorie intégrale du tout. Il explore les énigmes de la science et apporte une hypothèse en allant rechercher toutes les « fables » scientifiques existantes et en reliant ces travaux. Il reprend notamment la théorie des champs morphogénétiques de Rupert Sheldrake. Nous sommes là dans une biologie qui dépasse la matière.

Ervin Lazlo propose l’hypothèse d’un champ qui contient de l’information susceptible d’être transmise à tout point de l’Univers de manière instantanée. Le vide quantique génère, conserve et transmet l’information. Ervin Lazlo explore comment ce champ peut transmettre de l’information entre des atomes, des molécules, des êtres vivants, …

Il rapproche ce champ d’information, du champ akashique, mot sanskrit qui signifie éther, le premier des 5 éléments dans la philosophie hindoue. Les annales akashiques contiennent les mémoires perpétuelles de tout ce qui se produit et s’est produit dans le temps et dans l’espace (6).

La matière n’est plus le seul véhicule ! Jacques Benveniste avait peut-être raison ?

Comme Giordano Bruno qui prétendait que l’Univers était infini et peuplé de mondes innombrables et qui a été brûlé le 17 février 1600 à Rome, Jacques Benveniste, lui, a été « brûlé » par l’inquisition moderne …

Il est cependant resté fidèle à sa conviction, tout en restant scientifique et dévoué à la recherche de la vérité.

Je ne peux m’empêcher de citer à nouveau le professeur Wei Hsueh :

« C'est pour cette raison que j'admire particulièrement Jacques Benveniste. Il a eu un caractère fort et une volonté de fer. Il regardait avec mépris les opinions communément admises et il a continué à persévérer, en dépit de toutes les difficultés et les obstacles. Un jour, il m’a demandé ce que je pensais de cette persévérance apparemment folle. Je lui ai dit en plaisantant qu’être un prophète c’est excellent, combattre pour la recherche c’est courageux et héroïque, mais qu’il y avait le risque d'être un jour brûlé vif sur la place publique. Il m’a répondu : « j'ai une maîtresse très exigeante et je suis hanté par elle. Mon être entier est complètement rempli de son image, son profil, son visage séduisant et pourtant évasif, le sourire intermittent de cette femme qui s’appelle la Science. Je ne peux m’empêcher de faire ce que je fais ». Voilà la réponse d'un vrai scientifique. »

Depuis 2007, lors de la conférence Cosmos and Biosphere, un prix portant son nom est décerné à des jeunes chercheurs dans le domaine des propriétés de l’eau.

Alors, l’eau a-t-elle une mémoire ?

Bernard Guévorts

Biologiste.

Bibliographie

1 : In Memoriam Jacques Benveniste, Prof Wei Hsueh. Mars 2005. http://jacques-benveniste.org/inmemoriam.html

2 : Benveniste en mémoire, La chronique d'Eric Fottorino, Le Monde 6 octobre 2004.

3 : Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE. Nature, Vol. 333, No. 6176, pp. 816-818, 30th June, 1988 C Macmillan Magazines.

4 : Wikipédia.

5 : Jacques Benveniste, un biologiste hors normes. Le Monde, 05 octobre 2004.

6 : Science et champ akashique. Ervin lazlo 2005 (FR), 2004 (USA).