2. Son fortin

Dans la plaine du Ciron, visible de l’église à trois cent mètres à l’ouest, on trouve une fortification en ruine : la Tourasse. Celle-ci a été étudiée par Léo Drouyn dans « Guienne militaire » au XIXe siècle.

Constituée d’une tour rectangulaire à trois étages et aux murailles d’un mètre d’épaisseur d'une quinzaine de mètres de hauteur, il s’agissait vraisemblablement d’une maison forte, ou habitation fortifiée, comme l’autorité royale en avait autorisé du XIIe au XIVe siècle.

Sa position en contrebas ne permet pas d’y voir un château, mais plutôt la résidence d’un petit aristocrate ou personnage important retranché sur son domaine, certainement le chevalier Petrus de Leujatz en 1250 (voir chapitre Histoire).

La Tourasse semble être l'une de ces maisons fortes dont il fut fondé un si grand nombre entre les XIIIème et XIVème siècles dans les possessions anglaises du midi de la France.

Le rez de chaussée servait de magasin, le premier étage et le chemin de ronde étaient destinés à la défense, et le second à l'habitation. Celui-ci était peut-être divisé par des cloisons de bois. Elle donne une idée assez exacte de ce qu'était la "maison forte" (domus fortis) que bien des seigneurs et même des bourgeois demandaient à élever dans leurs propriétés, permission rarement refusée par les rois d'Angleterre qui voyaient avec plaisir la Guienne se hérisser de forteresses possédées par leurs partisans.

Extrait de "Guienne militaire" de Léo Drouyn (1816-1896) en 1865.

Croquis de E. Piganeau en 1888.

"La Tourasse, jadis parallélogramme de 18m sur 12, bâtie en moëllons avec revêtement extérieur, ne présente plus aujourd'hui que trois côtés, nord, est et ouest. Ce qu'il en reste mesure au nord environ 10m50, et plus de douze mètres à l'est et à l'ouest. Le talus environnant du côté sud, tout recouvert de broussailles, et d'arbustes, porte au moins au double cette proportion. La muraille a un mètre d'épaisseur. Ce qui reste présente trois étages percés à l'est de longues ouvertures ou meurtrières ; au nord une grande ouverture au premier étage devait être la porte qui donnait accès, par un escalier mobile, au second étage où l'on voit des restes de croisées et de cheminées envahies par les lierres épais, il devait servir à l'habitation. Un parapet crénelé devait dominer toute la construction qui offre beaucoup d'analogie avec la Tour de Lansouhaite à Moulon.

La Tourasse, ou grosse tour, ( la finale "asse" dans nos pays indique quelque chose d'épais, de volumineux, c'est ainsi qu'on dit les Casterasses à Birac la Moulinasse, et qu'on se sert des expressions vulgaires "hommasse ","femmasse", ... etc ...), La Tourasse dut être un fortin du XIV ème siècle, entouré de fossés, bâti par les Seigneurs de Noaillan, Seigneurs aussi de Léogeats qui auraient établi ce poste pour protéger leurs terres ou assurer la perception du péage sur le Ciron. Jouannet dit que la tradition est muette sur ce monument qui, classé d'abord par la Commission (des Monuments Historiques), a été déclassé sur l'avis de Mr Virac."

Extrait de Société Archéologique de Bordeaux, Ernest LABADIE, 1er janvier 1888

La Tourasse en 1910

Le monument fut classé en 1845, puis déclassé comme ne présentant qu’un médiocre intérêt historique. Il fut construit à l'époque de Bertrand de Goth, devenu le pape Clément V, qui fit édifier le Château de Villandraut, et dont le tombeau se trouve dans la collégiale d'Uzeste.

Les autres châteaux clémentins à proximité sont le Château de Budos, le Château de Fargues et le Château de Roquetaillade.

De cette fortification simple subsistent encore de nos jours trois murs en ruine dont l’un est percé de deux meurtrières à l’est, l’autre d’une grande ouverture au premier étage côté nord, qui devait être la porte donnant accès par un escalier mobile au second étage; les moellons sont reliés entre eux par un ciment ferrugineux de la plus grande dureté et de couleur rouge.

Au XIXe, on appelait la prairie où se trouve cette tour, la Prairie du Trésor : certains parlaient même du "Veau d'Or" qui s'y trouverait enfoui ...

La Tourasse en 2004.

Une seconde maison-forte se trouvait à l’ouest, sur la rive gauche du Ciron, au lieu-dit Fon de Bacquey ; cachée sur une butte au sein de la pinède, elle comporte un souterrain, non exploré et effondré, partant de la cave. Ses fortifications ont aujourd’hui disparu. Sa situation privilégiée permettait de contrôler d’une part le passage sur l’unique chemin rive gauche menant de Villandraut à Budos (voir onglet Histoire, chapitre 2, Carte de Cassini ), d’autre part le passage à gué de Caussarieu sur le Ciron.

A quelques centaines de mètres au nord ouest, sur la commune de Budos, une autre maison fortifiée, anciennement appelée maison-noble de Jamart, composée d’une tour carrée en ruine, appartenait à Jacques Jamart, bourgeois de Bordeaux, Capitaine au Régiment Royal, et allié par mariage aux Sires d’Aulède. Le lieu-dit Daulède, à l’est de Léogeats, reste aujourd’hui encore un témoignage de ce passé.




Bernard TAUZIN