4. Ses lavoirs

Jusqu’à la moitié du XXe siècle, les lavandières faisaient leur lessive au lavoir. Ainsi, chaque hameau en possédait un, voire plusieurs, alimentés par d' inépuisables eaux de source. C’était un endroit convivial de rencontres et de discussions.

La « grande lessive » des draps, la "bugade", y était effectuée deux fois par an.

Le Pas de la Bugade est le lieu dit communal situé au sud est du Moulin, près de la route de La Hargue. C'était le passage à gué du Ruisseau répertorié sur la Carte de Cassini du XVII ème siècle, sur le chemin reliant Noaillan.

Le lavoir des Arrocs.


Le lavoir de Fonfrède, près de La Bernède.

Le lavoir de la Fon de la Doue à Brouquet .


Certains de ces anciens lavoirs , vestiges du patrimoine communal au charme suranné, sont conservés : les Arrocs nord, Fon de la Doue, Fon Frède, Laulan.

D’autres ont disparu, sont en ruine, détruits, ou totalement oubliés : carrefour route du Moulin, les Arrocs ouest, Cameillac, Fon de Buc, Lobis.

La source des Arrocs, près du lavoir.

Son eau est encore utilisée de nos jours à des fins alimentaires.



" La bugade " ( la grande lessive ) de Fernande BORDE

Extrait de Chroniques Bazadaises n°1, Mémoire de Bommes, Livre 15.

" Dans les grandes familles, on faisait la lessive deux fois par an. C'était une grande fête pour les femmes de l'endroit.

Quand elles avaient sorti les draps des lits, les femmes de la maison allaient à la mare: elles les passaient à l'eau, les frottaient avec un morceau de savon, les rinçaient et les faisaient bien sécher avant de les suspendre sur les barres du grenier.

Elles faisaient de même pour les nappes, les torchons, les chemises. Ainsi, le linge ne moisissait pas jusqu'à la lessive.

A vue de nez, s'il y avait assez de linge pour remplir le cuvier, la maîtresse de maison demandait aux voisines si elles pouvaient venir aider. Si elles étaient d'accord, on faisait la lessive.

Le grand cuvier de bois de peuplier, cerclé comme les barriques, avec un trou au-dessus du cercle du bas bouché par une cheville, était rempli d'eau et laissé toute la nuit pour bien le faire gonfler

Le matin, on le vidait et on le posait sur un gros trépied en bois assez haut pour que le grand chaudron de cuivre puisse passer sous le trou au moment de retirer le "lessif'(Eau chargée de produit lessiviel.)

A côté, sur un trépied de fer bien plus haut que celui de bois, on posait un autre chaudron avec de l'eau et on allumait le feu entre les pieds du trépied avec du gros bois bien sec pour faire bouillir l'eau.

Dans le cuvier, on posait les draps un par un, sans les presser, bien étendus, il y en avait bien cinquante ou soixante, et puis, par-dessus le tout, on ajoutait le petit linge.

Quand tout cela était bien arrangé, on mettait par-dessus le drap destiné à recevoir la cendre, C'était un drap tissé tout exprès, assez gros, le fil pas trop serré

Autour du cuvier des petits bâtonnets en bois de chêne attachés les uns aux autres avec une corde tout autour soutenaient le drap de la cendre surélevé par rapport au bord du cuvier.

Pour terminer, on posait la cendre de chêne d'une épaisseur de deux mains au moins, étalée sur "le drap de la cendre", comme dans un grand trou.

Quand l'eau du grand chaudron avait cessé de frémir, on la puisait avec un petit chaudronnet muni d'un long manche de bois. On versait cette eau sur la cendre et elle passait à travers le linge.

Quand elle était au fond, on enlevait vite la cheville pour la faire couler dans le chaudron de cuivre. On remettait cette eau devenue "lessif' sur le feu de la chaudière.

Quand elle était un peu plus chaude, on la puisait de nouveau et on la versait sur la cendre et ainsi de suite jusqu'à ce que l'eau se mette à bouillir.

On la versait une dernière fois et on voyait que la lessive était cuite quand le 'lessif' était de la couleur du brai. Alors on laissait le trou du cuvier ouvert pour laisser le linge s'égoutter.

On gardait ce "lessif" pour laver le drap des vaches.

Le lendemain matin, au point du jour, les femmes retiraient le cendrier. Elles jetaient la cendre sur le tas de fumier et les bâtonnets étaient rangés.

On mettait le linge dans de grandes corbeilles d'osier. Les hommes avaient attelé les vaches au tombereau et chargeaient les corbeilles, les planches à laver, les battoirs, les tréteaux, sans oublier les piquets et les cordes pour étendre la lessive.

Les femmes suivaient sur un autre tombereau.

Quelquefois, il fallait aller loin pour rincer tout cela et trouver, à côté d'un ruisseau, la prairie pour planter les piquets et tendre la corde.

A Captieux, on allait au ruisseau La Gouaneyre. Cette eau était si claire avec son sable blanc au fond !

Arrivés au ruisseau, les hommes déchargeaient et les femmes choisissaient les bons trous, chacune avec sa planche à laver faite de deux planches larges et plus longues et d'une plus étroite clouée en travers et en haut avec deux trous pour laisser passer les deux pieds qui la faisaient tenir droite.

On l'enfonçait dans l'eau, bien calée, le battoir à côté.

La bugade

Ces femmes, attachaient leurs jupons à la ceinture et laissaient voir leurs jambes nues jusqu'aux genoux. Elles se mettaient derrière la planche à laver, tournées vers l'eau.

Elles commençaient par le petit linge, le trempaient dans l'eau, le savonnaient, l'étendaient sur l'herbe verte du pré, au soleil, pour le faire blanchir.

Elles l'aspergeaient souvent pour que le savon ne sèche pas. Quand elles avaient rincé les draps, elles rinçaient ce petit linge: il était vite sec et si blanc!

Ceci étant fait, elles prenaient un drap, le frottaient en suivant les tâches et, d'un tour de main, la gauche attrapant un bout, la droite attrapant l'autre, elles le jetaient dans le ruisseau bien à plat sur l'eau. Elles le rattrapaient, le mettaient en tas sur la planche à laver et allons-y !

A coups de battoir, elles frappaient dessus, le rejetaient, sur l'eau, le rattrapaient, le frappaient jusqu'à ce que l'eau coulât claire.

Ensuite, les femmes se mettaient à deux et attrapaient chacune un bout, elles tordaient le drap et le posaient sur un tréteau.

Moi je vous dis que si ces femmes faisaient taper les battoirs sur les draps, les langues bien pendues étaient encore plus fortes qu'eux!

Elles en faisaient des racontars! Les jeunes, les vieux, les boiteux et les bien bâtis, tous y passaient l

Elles riaient! Je vous ai dit que c'était une fête !

Quand le soleil était levé, on étendait sur la corde les premiers draps. Comme ils étaient jolis, tout blancs !

Jamais on ne faisait la lessive pendant la Semaine sainte. On n'aurait jamais étendu un drap le Jeudi saint ni le Vendredi saint par respect pour le Christ.

On raconte, en effet, qu'une femme qui ne croyait ni à Dieu ni à Diable, étendit le linge le Vendredi saint; à trois heures, elle vit ses draps maculés de sang sur l'étendoir.

Cela, je ne l'ai pas vu. Ce sont les vieux qui le racontent à la veillée.

A midi, les femmes avaient bien faim. Elles se mettaient à l'ombre d'un grand chêne et chacune avait son assiettée encore tiède dans la marmite et ensuite un bon "chabrot"( Vin mélangé à un reste du bouillon au fond de l'assiette.)

Puis, il y avait un morceau de pain bis coupé au quignon, un morceau de viande, de confit, de jambon ou de pâté de porc. Un coup de piquette là dessus et elles pouvaient aller finir de rincer la lessive !

Avant de revenir au ruisseau, elles allaient retourner les draps pour les faire sécher de l'autre côté.

Ce groupe de femmes, les jambes nues, les jupons et les foulards de toutes les couleurs, les grands chapeaux de paille tressée et cousue à la veillée, les jeunes filles si jolies, les autres si expérimentées, au bord de ce ruisseau couvert par l'ombre des peupliers, des vergnes, des chênes et des pins, tout heureuse d'être ensemble chantant et riant, c'était une chose très belle à voir.

Elles faisaient tant de bruit que les oisillons qui étaient sur les arbres s'arrêtaient de chanter pour écouter.

Avant que le soleil ne décline, tout rouge comme un grand feu derrière les troncs des grands pins, là-bas, derrière la prairie, les draps, les nappes, les chemises, tout cela était plié, bien sec et sentant bon dans les corbeilles bien rincées.

Les hommes étaient revenus chercher la cargaison pour que tous rentrent au déclin du jour.

Après un bon souper dans la grande cuisine de la maison de la maîtresse, chacune rentrait chez elle, bien contente en disant: "Au revoir à tous et vous nous inviterez pour une autre lessive. "







Bernard TAUZIN