3. Chroniques historiques

En 1640, au temps des loups :

Il est bien loin le temps des loups... cependant, restera ici le témoignage transmis de génération en génération par Guillaume LAPUJADE, dit Le Rèche, bûcheron du XVIIème siècle dont la famille habitait le quartier de Rays, qui fut attaqué par une meute de loups dans la lande de Didot alors qu'il rentrait à la tombée de la nuit avec sa charrette et ses boeufs. Pour éloigner la harde sauvage qui attaquait ses bêtes, il se servit de son aiguillon, long bâton armé d'un clou à son extrémité qui servait à "éperonner" les attelages. Son récit, maintes fois rapporté, en fit frissonner plus d'un dans les chaumières. Les derniers loups de notre région ont disparu au XIXème siècle.

Un accident de chasse le 5 juin 1691 :

"Le cinquesme iuin 1691 est mort pierre espagnet dun coup de fusil qui sen est allé du repos par accident nayant peu se confesser ayant donné de marques de contrition a receu labsolution et estresmonction agé denviron vingt ans et a esté enterré le 6ème dans le cimetière de leugeats prést fust son père et autres ses parans qui nont seu signer de ce requis par moy DEJOUX Pre Vicaire". Extrait des Archives Départementales. Dossier 237, CG 4, fol. 16.

En principe, les paysans n'avaient, à cette époque, pas le droit de détenir des fusils. Le droit de chasse appartenait au Seigneur de Noaillan, et à personne d'autre. Mais en fait il y avait à Léogeats quelques fusils afin de pouvoir chasser les loups. Par tolérance, le Seigneur acceptait que l'on chasse aussi quelques oiseaux migrateurs ( la "paloume"), ainsi que les lapins, mais seulement lorsqu'ils venaient s'attaquer aux récoltes. Il était formellement interdit d'en faire commerce.

Ces fusils se chargeaient par la gueule du canon en y versant de la poudre et un bout de charpie, le tout tassé avec une baguette, et enfin le plomb maintenu en place avec un autre bout de charpie. La cartouche était encore inconnue. De ce fait, il était impossible de décharger un fusil autrement qu'en tirant. La poudre étant très chère, au retour de la chasse on conservait souvent les fusils chargés à la maison en se contentant d'abaisser le chien, ce qui s'appelait "mettre le fusil au repos".

Si l'on en croit la chronique, il est souvent arrivé à Léogeats qu'un paysan à la vue basse ait pris une perdrix pour un lapin ou un loup. Les gardes-chasse du Seigneur voyaient les choses autrement ...

On notera qu'en cette fin de XVIIème siècle, il y avait encore un vicaire sur la paroisse. Il sera supprimé au siècle suivant, et ce ne sera pas une mince affaire, les paroissiens exigeant de leur curé lerétablissement de ce poste. Celui-ci refusera obstinément de le restituer, pour une bonne raison, il aurait du le payer de ses propres deniers...L'affaire dura longtemps avec de nombreux rebondissements. Lors de la Révolution, elle n'était toujours pas terminée, et il n'y aura jamais plus de vicaire à Léogeats, et bientôt plus de curé résident non plus...

Origine : Jean DARTIGOLLES, Budos.

Orage foudroyant en 1727

" Il ne fut pas plus dévastateur qu'un autre, mais il fut meurtrier, et c'est bien cela qui frappa les esprits. Il passa sur Noaillan, Léogeats et Fargues. La foudre tombait de tous côtés.

Trois hommes de Fargues furent surpris sur leur chemin près du hameau de Senses sur le territoire de Léogeats. Ils se mirent à l'abri sous un arbre. Mal leur en prit, la foudre les frappa, deux en moururent dans l'instant, le troisième fut épargné. La nouvelle bouleversa tout le pays. On en retrouve l'écho dans le Registre Paroissial de Fargues dans lequel le Curé MINVIELLE ne se contente pas de dresser l'acte de décès mais raconte l'évènement :

" Jean DUSAN, âgé de cinquante ans, époux de Jeanne LUBAC, et Jean TREMBLET, âgé de vingt huit ans, époux de Jeanne PAMIERS, se trouvant sous un arbre près du Village de Senses dans la Paroisse de LEUJAS le trente Août 1727, la foudre leur tomba dessus et les tua sur le moment. Il y avait un autre garçon avec eux qui ne fut qu'un peu maltraité et guérit bientôt.

Leurs corps furent ensevelis le trente et un du même mois dans le cimetière de cette église. "

Extrait de Les Ferrand, Jean DARTIGOLLES. 1996.

Sage-femme en 1736.

« N'est pas Sage Femme qui veut. Il n'y en a qu'une par paroisse rurale. Elle n'a pour autant reçu aucune formation spécifique, sinon celle de l'expérience acquise au fil du temps. Mais elle bénéficie de la confiance des femmes du Village car elle a été élue au sein d'une assemblée dans laquelle les hommes n'ont eu aucune part.

Elle a dû ensuite prêter serment entre les mains du Curé de la Paroisse car c'est l'Eglise qui réglemente cette procédure. Il ne s'agit point pour elle de vérifier une quelconque compétence médicale, mais elle cherche tous moyens utiles de se prémunir contre les risques d'avortements, qu'ils soient naturels ou plus ou moins provoqués. Et qui donc pourrait être mieux placée que la Sage Femme du Village pour se transformer en "faiseuse d'anges" ?

D'où le souci de l'homologation de la personne élue et la solennité du serment. Il n'a pas été possible jusqu'ici de retrouver trace de l'un de ces Procès Verbaux d'élection dans les archives budossaises. Elections au demeurant très rares, car ni l'Eglise, ni les femmes ne tenaient à changer trop souvent de titulaire.

Sur les trente années faisant l'objet de notre étude, peut-être y a-t-il pu avoir une ou deux élections, probablement pas beaucoup plus, et, à la limite, il se peut qu'il n'y en ait eu aucune ...

Si donc aucun texte précis n'a pu être retrouvé concernant BUDOS, les circonstances de ces désignations n'en sont pas moins parfaitement connues et communes à toutes les Paroisses du Diocèse de BORDEAUX. Un Procès Verbal extrait des archives de LEOGEATS fournit une bonne illustration de cet évènement :

" Aujourd'huy, le vingt troisième jour du mois de Septembre de l'année mille sept cent trente six, Jeanne LARUE, Veuve de Mathieu FORTON, habitante de cette Paroisse, âgée d'environ cinquante ans a été élue dans l'Assemblée des femmes de cette Paroisse à la pluralité des suffrages pour exercer l'Office de Sage Femme et a prêté entre nos mains le serment ordinaire à ce requis suivant l'Ordonnance de Monseigneur l'Archevêque de BORDEAUX, en foy de quoy j'ay signé : COMET, Curé."

Extrait de "Une paroisse du Pays des Graves à la fin de l'Ancien Régime : Budos. 1760-1789 ». Jean DARTIGOLLES.

Litiges autour de la succession de Jean COMET, curé de Léogeats, en 1761

"Certaines cures, dans le Médoc par exemple, rapportaient de gros revenus, d'autres dans la lande, permettaient à leur curé de ne pas mourir de faim... Léogeats se situait dans un juste milieu. Sans y faire fortune, son curé y vivait à peu prés correctement et pouvait même mettre quelques Livres de côté pour, à défaut de Sécurité Sociale, assurer d'éventuels mauvais jours. Or personne, pas plus le curé que les paroissiens, n'aimaient conserver de l'argent à la maison, c'était beaucoup trop risqué, et en milieu rural, il n'existait ni banque, ni quelconque établissement de dépôt. En fait, chacun se servait de ces petites économies pour acheter des petits lopins de terre, ou bien les prêtait à d'autres qui en avaient besoin.

Ainsi, le curé Commet prêtait de toutes petites sommes d'argent, au fur et à mesure qu'il en disposait. Les prêts consentis par les curés étaient très recherchés car le Droit Canon de l'Eglise leur interdisait de percevoir un quelconque intérêt. C'était donc des prêts gratuits au lieu des 5% autorisés par les Ordonnances Royales qu'exigeaient tous les autre préteurs. Peut-être leur offrait-on, de temps à autres, un pot de confit ou un stère de bois...

Sentant sa mort prochaine, le curé Comet avait rédigé son testament le 13 décembre 1761, et avait décidé que l'ensemble de toutes les petites créances dont il disposait auprès des uns et des autres devraient, après sa mort, être récupérées dans un fonds commun pour en répartir le montant entre les plus pauvres de la paroisse.

Peu de temps après sa mort, les paroissiens se réunirent dans le cimetière, au son de la cloche, après la messe, le dimanche 1er mars 1761. Constitués en Assemblée Capitulaire, ils désignèrent Guillaume Dupuch, bourgeois de Léogeats, comme syndic paroissial pour récupérer l'argent des créances et en assurer la répartition.

Dans de nombreux cas, les choses se passèrent bien, mais quelques débiteurs firent la sourde oreille, estimant que l'argent du curé était aussi bien dans leur poche que dans celle des pauvres de la paroisse.

C'était le cas de Joseph Larrue, dit Miquéou, et de Raymond Latrille, le charron. Celui-ci prétendait ne rien devoir, n'ayant personnellement rien emprunté, mais c'était son beau-père Lapeyre, décédé, qui avait reçu 22 Livres du curé, soit le prix d'une jeune vache, ou de 8 moutons. Faute de se faire entendre, Guillaume Dupuch finit par porter plainte devant le Tribunal Seigneurial de Noaillan.

Cités à l'audience du 21 janvier 1762, ils ne se présentèrent pas. Reconvoqués le 29 suivant, puis le 4 février, on ne les vit pas davantage. Le Juge les condamna ce jour là à s'acquitter de leur dette auprès de Dupuch. Ce jugement permettait d'avoir recours aux voies de saisie de leurs biens. Ils eurent à payer en sus les frais du procès.

Les pauvres de Léogeats ne furent pas frustrés de leurs droits et le curé Commet pouvait reposer en paix "... J. DARTIGOLLES, Budos.

Précarité et insécurité à Léogeats vers la fin du règne de Louis XV (1767)

"Après un hiver 1766 particulièrement rigoureux, l'un des plus froids du XVIIIème siècle, celui de 1767 avait paru plutôt clément. Mais au matin du 18 avril, une forte gelée était venue rappeler que les mauvais jours n'étaient pas terminés, la végétation n'était pas très avancée, mais ce fut bien pire au matin du 7 mai lorsqu'une gelée particulièrement sévère vint détruire en quelques heures une végétation largement développée.

Dans un temps où chaque village était très dépendant de ses récoltes, ce fut un vrai désastre. Toutes les paroisses voisines étaient logées à la même enseigne. Pour comble de malheur, le printemps fut très sec, et dès le 10 juin, commencèrent de très fortes chaleurs qui durèrent tout l'été. On alerta les services de l'Intendance à Bordeaux afin d'obtenir un dégrèvement des impôts royaux.

La commission d'enquête s'est réunie à Lansot (Noaillan) le 26 juin à 4 heures du matin, puis est partie à cheval de quartier en quartier afin de procéder à l'examen des récoltes sur tout le territoire situé au delà du Ciron, ainsi que sur la paroisse de Balizac. Ce long périple ne s'acheva qu'à la tombée de la nuit.

Le procès-verbal suivant fut établi : " ...les blés ont estés écrasés par les gelées...les jets étant tombés et s'étant brisés sur la rège et les sillons ; que néanmoins, les blés avoient repoussé mais que cette nouvelle repousse ne peut fleurir à cause de la grande sécheresse du printemps..." "...les preds quy sont dans ladite paroisse, par les effets de ces gelées, sécheresse et chaleur, n'ont produit que peu de foin, partie n'ayant pu se faucher..." " Tout mûrement combiné et réfléchy, nous estimons que lesdits habitants, en général, ont perdu le tiers de leur récolte en blé à une année commune, qu'il y aura peu de millade, poinc de vin, et que les prairies n'ont produit au delà du quart du foin ordinaire, sans espoir de secondes herbes, abandonnées à la nourriture actuelle des bestiaux, n'ayant d'autres ressources, leurs pacages étant brûlés..." Extrait des Archives Départementales de la Gironde.

En fait, le déficit en seigle fut très supérieur au tiers estimé, car la chaleur écrasante se prolongea tout au long de l'été, aggravant singulièrement la situation que la Commission avait observée le 26 juin. Pis encore, car les substituts alimentaires habituels, pommes et châtaignes, que l'on savait conserver pour les mauvais jours de l'hiver, firent également défaut : en effet, la gelée du 7 mai en avait eu raison. Il ne restait plus que les haricots et le sarrasin, plus tardifs, mais là encore la sécheresse persistante de l'été en limitèrent considérablement la récolte.

Certes, la paroisse de Léogeats obtint le dégrèvement d'impôts, mais ce n'est pas pour autant que l'on y vit du pain sur les tables et de la cruchade dans les écuelles. La vie fut bien dure cette année là pour ceux qui ne purent s'approvisionner à grand prix en seigle d'importation sur le marché de Villandraut.

Léogeats connut là une période de grande précarité où la survie même des plus faibles fut mise en cause.

Et comme si ce n'était pas assez de mal vivre, il fallut encore ajouter à cela l'insécurité et la peur.

Au mois de décembre 1767, Jean LABE, dit Menjouran, disparut soudainement. On se mit à sa recherche, d'abord sans succès, puis on le retrouva dans un chemin creux, assassiné.

On eut bien du mal à le reconnaître, car le ou les assassins avaient fait brûler son cadavre dont il ne restait que des os calcinés. La justice du Tribunal Criminel de Noaillan mena l'enquête.

En présence de tous les paroissiens le curé VERGES COTURES enterra ses restes le 15 décembre et en dressa l'acte suivant : " Le 15 décembre 1767 j'ay enseveli dans le cimetière de cette paroisse quelques ossements et restes du cadavre de Jean LABE, dit Menjouran, qui, après avoir été tué sur un chemin, on l'a fait brûler. La Justice s'y est transportée, en a fait procès-verbal et en a permis l'enterrement...En foy de quoy j'ay signé : VERGES COTURES, curé de Léogeats."

En 1767, le pain du lendemain n'était pas assuré, et l'on fermait soigneusement sa porte" ...

J. DARTIGOLLES, Budos.

Les évasions de Jacques DOUELLE en août 1771 et janvier 1772

"Jacques Douelle était une sorte de marginal sans profession, âgé de 22 ans et vivant à Laulan, sur la paroisse de Léogeats. Il était nous dit-on "atruandi à mandier pour amasser sa vie..."

A mendier, certes, mais aussi à voler. Par le plus grand des hasards, il s'était fait prendre à la suite d'un vol qu'il avait commis à Triscos, sur la paroisse de Balizac.

Il y avait volé, entre autres choses, un gilet rouge un peu trop voyant. Il l'avait revêtu, un certain dimanche pour aller à la messe à Léogeats. Il se trouva que ce jour là, par un hasard à peine croyable, le propriétaire du gilet vînt assister au même office alors que ce n'était absolument pas sa paroisse.

La victime partit chercher du renfort et Douelle fut capturé par un commando formé par les victimes de ses exactions, et ceci dans des conditions absolument rocambolesques qu'il serait trop long de rapporter ici.

Le 13 Août 1771, sous bonne escorte, il fut conduit devant le juge de Castelnau. Mais comme la prison de St Léger était pour lors occupée, Douelle fut conduit à celle de Cazeneuve qui se trouvait dans le Bourg de Préchac. Dans la nuit du 23 au 24 Août, il s'en évada en forçant la porte de sa cellule dont il avait tordu le verrou jusqu'à le sortir de son logement creusé dans la pierre. Ce Jacques Douelle devait être une forte nature.

Le 7 Octobre, il fut repris par la maréchaussée et reconduit en sa prison entre deux cavaliers. Celle de St Léger s'étant libérée dans l'intervalle, il y fut transféré afin de faciliter l'instruction de son procès.

Le Dimanche 26 Janvier 1772, à la sortie de la messe paroissiale, coup de théâtre ! Jacques Douelle s'était encore évadé. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Que s'était-il donc passé ?

Louis Bourdet, le geôlier, nous le raconte le lendemain :

"Hier, jour de dimanche, ayant porté audit prisonnier son pain et de l'eau, ayant bien clos et fermé les prisons, (je suis allé) entendre la sainte messe... et à (mon) retour, (j'apprends) que ledit Douelle a arraché une barre de fer qui fermoit une lucarne qui donnoit le jour aux dites prisons, (alors) que tous étaient à entendre la sainte messe..."

L'enquête qui s'ensuivit nous apprend que la lucarne "est à dix pieds ( 3m 20 environ) de hauteur du sol et il paroit impossible qu'un homme pu y monter sans échelle."

Mais Douelle était plein d'invention. Avec la paille abondante qu'on lui avait fournie pour son couchage, il avait tressé une corde et utilisant ses deux sabots enfoncés à force dans les anfractuosités du mur, il s'était fait un escalier pour atteindre l'ouverture et desceller la barre de fer insuffisamment engagée dans une pierre jugée trop "molle".

Dès lors, l'évasion ne fut plus qu'un jeu d'enfant puisque, la lucarne franchie, Douelle s'était retrouvé sensiblement au niveau du sol extérieur.

Est-il besoin de décrire l'émotion que cette spectaculaire évasion put soulever dans St Léger ? En tous cas, il est bien probable que les prisonniers suivants ont disposé de moins de paille pour leur couchage, payant ainsi par un moindre confort les audaces de Jacques Douelle dans lesquelles ils n'étaient pourtant pour rien. Ainsi vont les choses en ce bas monde..."

A la droite de la mairie de Saint Léger de Balson, face à l'église, se trouvait le siège de la maison de justice du château de Castelnau de Cernès dont il subsiste encore la geôle d'où s'est évadé Jacques DOUELLE le 26 janvier 1772.

Extrait de http://assoc.wanadoo.fr/saintleger/

Cette construction abrite aujourd'hui un restaurant.

Problème de vendanges à Léogeats à la fin du XVIIIème siècle

"A la fin du XVIIIème siècle, Léogeats était une paroisse viticole, pas aussi ouvertement spécialisée que Sauternes ou Bommes, mais bien caractérisée. Ses vignes, très morcelées, se situaient sur le côteau du Tucau, en particulier aux abords du Bourdieu, de la Bernède et de Manhot.

C'était un temps où l'on ne savait pas encore conserver les vins, et toute la récolte se vendait en primeur, logée en barriques perdues, et livrée sur le marché de Bordeaux via les ports fluviaux de Barsac et Podensac. Toute une flotte de navires attendait le vin nouveau pour aller le livrer en Angleterre et en Hollande. Les viticulteurs du bordelais avaient le privilège d'être les seuls admis sur le marché de Bordeaux pendant quelques semaines, à l'exclusion des vins du Bazadais, de l'Agenais et du Querçy, etc... qui restaient consignés chez eux durant ce temps là.

Les premiers vins parvenus se vendaient au meilleur prix, aussi, les vignerons, à Léogeats comme ailleurs, avaient la fâcheuse tendance à entrer dans les vignes de plus en plus tôt, au mépris de la qualité de leurs produits. C'était un perpétuel conflit entre les autorités locales, le Tribunal Seigneurial de Noaillan, son Procureur et son Juge, qui ne voulaient pas entendre parler de vendanges avant la pleine maturité du raisin, et les vignerons qui auraient voulu tout couper à la première prise de couleur du fruit.

Le 22 septembre 1746, le Procureur écrivit : " Il y a nombre d'habitants, parce qu'ils n'ont que peu de vigne, qui s'avisent de vendanger quand il leur plait et avant la maturité de la vendange (...) estant les premiers à parcourir les vignes (...) estant cause qu'on presse la vendange sans la laisser mûrir (...) " et ce constat établi, il demanda au Juge : " Qu'il soit fait défense à toute personne qui ont des vignes à Léogeats de vendanger ou faire vendanger ces vignes que par une permission expresse de Justice qui leur sera donnée lorsque le temps de la maturité sera venu (...).

Ce temps était le fameux "ban des vendanges annoncé par la cloche qui sera sonnée seule durant une heure la veille au soir de l'ouverture des dites vendanges".

Il était spécifié que chaque contrevenant serait frappé d'une amende de 10 Livres (= une 1/2 barrique de vin) : ce texte fut proclamé " à son de caisse " (de tambour) à la sortie de la messe de Léogeats le dimanche 25 septembre 1746 et affiché à la porte de l'église par le "bayle" du Tribunal. Le bayle était un auxiliaire de justice, un peu gendarme, un peu huissier, résidant à Noaillan.

En 1769, la grande cloche ne sonnait plus que durant demi-heure "vers les quatre heures après midy" du jour précédant l'entrée dans les vignes. Le montant de l'amende était de 25 Livres, partagé par moitié entre le seigneur de Noaillan et les pauvres de la paroisse de Léogeats. Mais ce n'était pas tout, car l'on avait vu rôder dans les vignes " des personnes de mauvais aloy " qui y avaient commis des dégradations, et y avaient volé du raisin.

" ...personne n'entrera dans les vignes d'autruy dans quelque saison que ce soit, qu'avec la permission du propriétaire. "

Restait à régler le problème des chiens errants : " il y en a quantité dans cette paroisse, les uns pour garder la maison, d'autres préposés à suivre quelques troupeaux de brebis." Mais les chiens de Léogeats aimaient un peu trop le raisin et de nombreuses plaintes furent déposées en justice, il fut donc fait défense : " à toute personne de laisser vaquer ses chiens jusqu'à la fin des vendanges, autant dire jusqu'à la Saint Martin. pourront cependant lesdits particuliers laisser vaguer leurs chiens dans les landes et endroits écartés des vignes à condition qu'ils ne puissent être perdus de vue par celuy quy les y mènera."

Il faut croire que les Léogeatais avaient la tête dure , car dix ans après, ces problèmes étaient toujours d'actualité. Le 25 septembre 1779, le Procureur de Noaillan écrivait : " ...par la clameur publique que plusieurs propriétaires habitant la présente paroisse se vantent qu'ils voulaient vendanger (...) avant la maturité de ladite vendange, et surtout ceux qui n'ont que très peu de vigne (...)."

Ils en avaient peu mais étaient très nombreux, d'où la difficulté de les surveiller. Une nouvelle interdiction fut proclamée au son du tambour à la sortie de la messe du dimanche 26 septembre 1779, mais curieusement, l'amende n'était plus que de 20 Livres, et était redistribuée entièrement aux pauvres de la paroisse.

Cette petite guerre dura jusqu'à la Révolution, et l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789 la rendit sans objet. Les viticulteurs du bordelais en général, et de Léogeats en particulier, y perdirent leur privilège d'accéder les premiers au marché de Bordeaux. Leur course de vitesse y perdit, dès lors, beaucoup de son intérêt. Ils eurent beaucoup de mal à l'accepter, jouissant de ce droit depuis le Moyen-Age.

Origine : J. DARTIGOLLES, Budos.

Vous trouverez l'ensemble des très intéressantes conférences de Jean DARTIGOLLES sur l'historique local à cette adresse : http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Conferences/Conferences.htm

Le Cercle des Amis Réunis (1930 - 1999)

La société Les Amis Réunis de Léogeats fut créée en juillet 1930 : elle était composée alors de quatre vingt neuf membres.

L'assemblée constitutive s'était tenue dans la salle de l'établissement Dupeyron - Bartouillet, et le Conseil d'administration était composé de Messieurs Louis PEYRI, René LALANNE, Edmond DUCASSE, Ali DUBERNET, POUEY, DUME et RICOT.

" Venez à nous plus souvent, venez consommer de bons cafés, du bon vin, apportez-y cette bonne humeur qui caractérise le paysan français, n'oubliez pas surtout que vous êtes gascons et que la chasse qui s'ouvre aujourd'hui et principalement celle de la palombe, fournira à vos nemrods le sujet d'inénarrables récits où les hécatombes d'oiseaux se chiffreront par des chiffres fantasmagoriques. Et que l'on ne vienne surtout pas douter de la véracité de vos récits. vous aurez pour le prouver tous les témoignages d'autres acolytes qui vous en conteront à leur tour d'aussi véridiques."

Extrait du Registre des Délibérations du 23 août 1931, rédigé par Mr DUCASSE, secrétaire général ... Tartarin n'était pas loin !

Après soixante dix ans de fortunes diverses méticuleusement retranscrites sur le Registre des Délibérations, mémoire vivante du village retraçant les échos de périodes très sombres, mais également rempli d’anecdotes « gratinées » comme celle citée ci-dessus, la société a été dissoute en 1999 et ses bâtiments, le Cercle et la salle communale mitoyenne, ont été vendus.


Les centenaires de Léogeats

La quiétude de notre village semble propice à la longévité : pour preuve trois centenaires fêtées durant ces dernières décennies.

Née le 16 septembre 1889 à Sauternes , Yvonne DANEY, a fêté ses cent ans à Brouquet, accompagnée de son gendre Henri AURENSAN et de ses amis.

Née le 2 septembre 1896 à Oursebellile (Hautes Pyrénées), Marie-Jeanne CATONNET a fêté ses cent ans à La Herrade, accompagnée de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants et amis.

Née le 2 janvier 1919 à Léogeats, Germaine CRONER a fêté ses cent ans à l'EHPAD le Doyenné à Langon, entourée de ses voisins et amis.



Bernard TAUZIN