Bienheureuse

Victoire Rasoamanarivo


Victoire Rasoamanarivo

Victoire Rasoamanarivo (née à Tananarive en 1848 et morte le 21 août 1894) est la première Malgache reconnue bienheureuse par l'Église catholique, béatifiée en 1989 par Jean-Paul II.

Naissance: 1848

Décès: 21 août 1894 (à 46 ans)

Nationalité: Malgache

Vénérée à: Chapelle d'Andohalo

Béatification: 30 avril 1989 Antananarivo · par Jean-Paul II

Fête: 21 août

Biographie

Laïque malgache née à Tananarive en 1848, elle est la fille de Rainandriantsilavo et de Rambahinoro. Elle se convertit au christianisme à l'âge de 15 ans et demanda le baptême, qui lui fut donné le 1er novembre 1863. Elle fit sa première communion le 17 janvier 1864 et reçut le sacrement de la confirmation le 11 septembre 1864. Le 13 mai 1864, elle se maria avec Radriaka (fils du Premier ministre) ; le mariage fut célébré vers 22h par le père Finaz. Le 6 septembre 1876, Victoire devient présidente fondatrice du ZMM (Zanak'i Masina Maria ou Filles de la Sainte Vierge).

Lorsqu'en 1883 les missionnaires catholiques furent expulsés de Madagascar, à cause de la guerre franco-malgache, elle continua de se dévouer aux pauvres et aux lépreux et contribua à maintenir la foi vivante. Victoire et Frère Raphaël Louis Rafiringa1 s'occupèrent de l’Église catholique.

Elle fut un exemple héroïque de fidélité dans le mariage, car malgré l'attitude de son mari qui menait une vie de débauche et la rendait malheureuse, elle lui resta fidèle et parvint même à le baptiser le 14 mars 1888, sur son lit de mort.

Le 21 août 1894, Victoire décède d'une grave maladie. Elle sera enterrée quatre jours plus tard dans le tombeau de Rainiharo. La dépouille mortelle de Victoire sera d'abord transférée dans le caveau des Missionnaires à Ambohipo en septembre 1961. Puis, le 22 août 1993, s'effectue le transfert définitif de sa dépouille à la chapelle d'Andohalo.

Béatification et fête

  • Victoire Rasoamanarivo a été béatifiée par le pape Jean-Paul II le 30 avril 1989 à Antananarivo.

  • L’Église catholique la célèbre le 21 août.

Témoignage

Victoire Rasoamanarivo

Lorsqu’elle naît en 1848, le royaume de Madagascar est en proie à une violente persécution contre les chrétiens. En 1820, pendant le règne du roi Radama I, les premiers missionnaires protestants anglais ont obtenu la permission d’entrer dans la grande île. A la mort de Radama I, en 1828, son épouse Ranavalona I lui succède sur le trône. La nouvelle reine reprend le culte des idoles et se laisse aider dans le gouvernement du royaume par des responsables de la religion traditionnelle et des devins, qui ne voient pas d’un bon œil la religion importée par les blancs.

En 1835, Ranavalona I expulse tous les missionnaires protestants et fait brûler la Bible, qui vient d’être imprimée en langue malgache. Une dure persécution se déclenche, au cours de laquelle beaucoup des chrétiens trouvent la mort. Parmi ceux-ci une personnalité remarquable, Rasalama: il meurt percé de coups de lance, le 14 août 1837.


Rasoamanarivo voit donc le jour dans ce climat de haine contre la foi. Elle est fille de Rainiandriantsilavo, Officier du palais royal. Sa mère, Rambahinoro, a des liens avec la famille royale. Dès son enfance, Rasoamanarivo participe au palais au culte qu’on rend aux idoles.


Cette situation dure jusqu’à la mort de la reine, le 16 août 1861. Son fils Radama II lui succède sur le trône et ouvre de nouveau les portes du royaume aux missionnaires. Parmi ceux-ci il y a des Jésuites français et les religieuses de saint Joseph de Cluny. Ces dernières ouvrent tout de suite une école à Antananarivo, en 1862. Rasoamanarivo a treize ans et elle sera une des premières élèves. Frappée par l’histoire de Jésus-Christ, elle décide d’abandonner les cultes traditionnels. Selon le témoignage d’une compagne, Rasoamanarivo pleurait à la lecture de la passion de Jésus et disait: « Nous ne savions pas ces choses avant, parce que nous ne connaissions pas Dieu. Nous ferons le serment de ne jamais répéter ces coutumes que nous avions auparavant ».

Elle-même raconte un jour cette expérience: « Une fois, je suis entrée dans une église en mangeant un fruit. Mes yeux se sont fixés sur le tabernacle et je me suis rendue compte qu’en ce moment quelqu’un me regardait. J’ai eu honte et j’ai jeté le fruit. Je me suis agenouillée et j’ai prié. Dès lors sont nés en moi l’amour et le respect pour Jésus dans le tabernacle ».

Après le catéchuménat, elle communiqua à sa mère par ces mots sa décision de recevoir le baptême: « Maman, je ne serai plus comme avant. Je serai fille de Dieu parce que je recevrai le baptême. J’aurai le sceau de l’Esprit Saint. Mon nom sera Victoire. »

Elle reçoit le baptême le 1er novembre 1863, avec 26 autres jeunes, dans l’église de Sainte Marie d’Andohalo. Elle a 15 ans. L’année suivante elle reçoit la première communion et se consacre à la Vierge Marie. Elle manifeste le désir de devenir religieuse, mais les missionnaires, sachant que sa famille s’y opposerait, ne l’encouragent pas dans cette voie. En effet, ses parents l’ont déjà promise en mariage. C’est un coup dur pour elle: » « Est-ce cela la volonté de Dieu? », se demande-t-elle.

En mai 1864, à 16 ans, elle est mariée à Radriaka, le fils aîné du Premier ministre des reines successives, Rainilaiarivony. Radriaka est un militaire estimé, mais – on le saura plus tard – adonné à la boisson.

Tout laisse à supposer que le couple donnera vie à une famille heureuse. Malheureusement, Radriaka s’enfonce dans la boisson et dans une conduite immorale. Les amis et les parents de Rasoamanarivo lui conseillent de se séparer de lui. Même avis de la part de la reine et du Premier ministre, honteux de la conduite de son fils.

« Vous ne savez pas que le mariage chrétien ne peut être dissous? Seule la mort nous séparera », répond Victoire.

Sa foi la soutient pendant ces années de calvaire. Elle sait résister aux grandes pressions qu’on fait peser sur elle pour qu’elle l’abandonne. Sa foi profonde se nourrit d’une intense vie de prière. Dans l’église d’Andohalo, elle prie trois heures par jour. Cela lui donne la force de supporter les humiliations que le mari lui inflige.

Malgré l’enfer de la vie quotidienne, jamais une lamentation ne sort de ses lèvres. Elle prie pour son mari et invite ses amies à demander la grâce de sa conversion. Ce jour arrive, lorsque Radriaka, suite à un accident, est transporté à la maison gravement blessé. Avant de mourir, il demande le baptême. Victoire elle-même le lui administre et l’appelle Joseph. C’est le 14 mars 1888.

Veuve à quarante ans, Victoire peut finalement réaliser son rêve. Elle se consacre de toutes ses forces à l’apostolat et aux œuvres de miséricorde. Elle n’a pas d’enfants, mais elle aime ses domestiques comme s’ils étaient ses enfants. Elle visite fréquemment les malades et les prisonniers et soigne avec tendresse les lépreux au point qu’eux-mêmes remarquent: « Tout le monde fuit devant nous. Elle, au contraire, s’approche, nous parle et se soucie de nous ».

Victoire devient la protectrice de l’église dans des moments difficiles. Au cours de la guerre malgache-française (1883-85 et 1894-96), les missionnaires étrangers sont expulsés. Le P. Causseque lui confie la communauté chrétienne: « Tu pourras faire beaucoup de choses, parce que tu es fille du Premier ministre et que tu es pleine de foi ».

Elle répond humblement: « Je ne sais pas faire beaucoup de choses, Père, mais je m’appliquerai de tout mon cœur et de toutes mes forces jusqu’à la fin ».

Après l’expulsion des missionnaires se déchaîne une violente persécution contre les chrétiens. On ferme les églises et les lieux de culte, on exproprie les écoles et les chrétiens sont soumis à toutes sortes de vexations. Victoire les anime. Elle se rend même chez le Premier ministre pour demander l’autorisation de rouvrir les lieux de culte. Le Premier ministre lui répond:

« Il n’y a aucune loi qui interdise aux chrétiens de prier dans leurs églises ».

C’est le triomphe de Victoire. Lorsque les missionnaires reviennent en 1886, ils retrouvent une Église vivante.

Victoire meurt le 21 août 1894. Sa vie a été brève, mais elle a pu donner un exemple extraordinaire de foi et de donation généreuse. Jean-Paul II l’a définie comme « une vraie missionnaire » et « un modèle pour les fidèles laïcs d’aujourd’hui ».

Elle a été déclarée « bienheureuse » le 30 avril 1989 à Antananarivo, par Jean-Paul II. Fête, le 21Août.

Homélie du pape Jean-Paul lors de la messe de béatification

Antananarivo (MADAGASCAR)

Dimanche, 30 avril 1989

1. Derao i Jesòa Kristy Tompo! [Loué soit Jésus-Christ!]

« Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ».

Ce Dimanche du temps pascal est un grand événement pour l’Eglise à Madagascar.

Pour la première fois dans votre histoire, une fille de cette terre est élevée à la gloire des autels, Victoire Rasoamanarivo.

Je me réjouis que, par ma venue au milieu de vous, l’Eglise apostolique, l’Eglise des saints Pierre et Paul, soit présente en ce jour. Elle apporte ici tout l’héritage de foi et de vie qui, par le témoignage des Apôtres, découle du mystère pascal de Christ Jésus, le Rédempteur du monde.

Dans la joie pascale, je suis heureux de saluer votre Pasteur, mon frère le Cardinal Victor Razafimahatratra, si proche de l’Evêque de Rome comme membre du Collège des Cardinaux. Je salue aussi son Auxiliaire, Monseigneur Nicolas Ravitarivao, et les autres Evêques présents. Je dis mes vœux cordiaux aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les fidèles laïcs.

J’exprime ma gratitude aux Autorités de l’Etat et de la région qui ont tenu à prendre part à cette célébration marquante pour l’Eglise catholique à Madagascar.

Au Cénacle, avant de partir vers le Père, Jésus-Christ a promis aux Apôtres le Paraclet: « Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout ».

Aujourd’hui, l’Eglise à Madagascar participe d’une manière toute particulière à la venue de ce Paraclet, à la descente de l’Esprit Saint. En effet, le fruit le plus beau de son action, c’est la sainteté des fils et des filles des hommes. Dans la sainteté se manifeste l’amour qui est le plus grand de tous les dons de l’Esprit et qui, plus que toute autre chose, élève l’homme aux yeux de Dieu.

2. « Si quelqu’un m’aime – dit le Christ –, il restera fidèle à ma parole; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui ».

Nous honorons aujourd’hui une femme qui a authentiquement aimé le Christ; une femme qui est demeurée fidèle à la parole du Seigneur: Victoire Rasoamanarivo. L’Eglise reconnaît sa sainteté, avec ses frères et sœurs de cette terre qui l’admirent, qui s’inspirent de son exemple, qui comptent sur son intercession. L’Eglise à Madagascar et l’Eglise dans le monde la saluent comme celle en qui Dieu demeure, comme une sœur dont on reste proche dans la mystérieuse réalité de la communion des saints.

Car Victoire a vécu intensément le don de la foi, dès son initiation chrétienne comme catéchumène. Elle a accueilli l’Esprit du Christ. Elle a su conserver tout au long de sa vie le souvenir vivant de la Parole de Jésus. Avec la force du «Défenseur», elle a trouvé le courage d’une fidélité sans défaillance.

Au fond d’elle-même, Victoire restait sans cesse en présence de Dieu. Tous étaient frappés par l’intensité de sa prière. Familière de la présence de Dieu, elle savait entraîner les autres dans l’intimité du Seigneur. A l’image de la Vierge Marie, elle avançait au long des jours dans le pèlerinage de la foi. N’avait-elle pas donné à l’Union catholique la consigne: «Sanctifions-nous d’abord nous-mêmes; nous nous occuperons ensuite de sanctifier les autres»? Le témoignage de son action montre bien qu’il ne s’agissait pas d’une piété fermée sur elle-même. Au contraire, Victoire n’imaginait pas qu’un chrétien puisse porter à ses frères la Bonne Nouvelle sans ouvrir tout son être à la puissance de la grâce. C’est pourquoi, au milieu des activités et des soucis, elle trouvait toujours beaucoup de temps pour la prière.

3. Aux chrétiens d’aujourd’hui, Victoire montre comment vivre son baptême. Adolescente, éduquée par les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, elle prépare avec sérieux son entrée dans l’Eglise. Découvrant les commandements de Dieu, elle est aussitôt résolue à les observer, à lutter contre le péché. Elle pratique l’obéissance à la loi de Dieu dans une heureuse liberté intérieure, comme quelqu’un qui aime! Alors elle accueille la vie nouvelle qui lui est donnée. Le sacrement du baptême, c’est vraiment pour elle se laisser saisir par la présence du Christ ressuscité. Sa conversion est si franche et si pure qu’elle donne l’impression, dès le début, d’être chrétienne dans tout son être. La confirmation achèvera de faire d’elle une fidèle, un «temple du Saint-Esprit», comme dit l’Apôtre.

Nous prions Victoire pour qu’elle aide les fils et les filles de Madagascar à recevoir le don de la foi, de la manière généreuse dont elle l’a reçu; nous la prions pour qu’elle entraîne ses frères et sœurs malgaches à mettre toute leur vie dans la lumière du Christ qui illumine les baptisés, qui guide leurs décisions, qui les soutient dans la peine et les accompagne dans la joie.

Et vous prenez aussi exemple sur elle, lorsque vous découvrez son profond amour de la Messe qu’elle ne voulait jamais manquer. La communion au Corps du Christ, c’est la vraie nourriture du baptisé, car c’est la rencontre la plus intime du Seigneur: il s’est fait pain de vie pour que nous partagions sa vie. Il se donne en communion, pour que nos liens fraternels soient renforcés et élargis par sa présence d’amour. Il a voulu que son sacrifice soit célébré en tous les temps afin que toutes les générations s’offrent, par Lui, à son Père pour le salut et la réconciliation de la multitude.

Nous savons aussi quelle courageuse fidélité Victoire a montrée au sacrement du mariage, malgré les épreuves de son couple. Son engagement avait été scellé devant Dieu, elle n’a pas accepté de le remettre en question. Avec le soutien de la grâce, elle respecta son époux envers et contre tout et lui garda son amour, dans le désir ardent qu’il se tourne vers le Seigneur et qu’il se convertisse; il lui fut donné la consolation de voir, à la fin, son mari accepter le baptême.

Frères et Sœurs, à la suite de Victoire, ne manquez jamais d’aller boire à la source d’eau vive des sacrements: ce sont les dons inépuisables du Christ à son Eglise!

4. Liée à ses frères et sœurs dans cette profonde communion, Victoire a pratiqué la solidarité avec une constante générosité, peu soucieuse d’amasser un trésor sur cette terre. Il ne s’agissait pas seulement de donner, il s’agissait d’aller à la rencontre des pauvres, des malades ou des prisonniers et de leur témoigner tout l’amour dont elle était capable: elle soulageait les souffrances et offrait ce qu’elle avait, avec humilité, en oubliant son rand social privilégié.

Pour cela, elle est aussi un exemple entraînant. Vos situations sont différentes; mais les pauvres sont toujours parmi vous. Je me réjouis du thème que vous avez choisi pour cette visite pastorale: il vous place vraiment à la suite de Victoire. L’Eglise, communion au service de la solidarité d’un peuple: Cela veut dire que le souci de tous est de partager ce qui les fait vivre, les biens spirituels et les biens matériels. Cela veut dire que tous se sentent responsables du bien commun. Cela veut dire que tous cherchent cette justice évangélique qui donne à chacun ses chances de s’épanouir. Cela veut dire que dans la vie publique, dans la vie professionnelle, dans la vie familiale, tous travaillent pour avancer sur les chemins du développement intégral de l’homme, de l’homme aimé de Dieu, de l’homme fraternel.

5. Au cours d’une période critique de la jeune Eglise à Madagascar, Victoire est apparue dans toute sa stature de laïque activement engagée dans la vie de la communauté et dans son apostolat. Ces quelques années de service de la communauté ecclésiale ont laissé un souvenir encore très vivant. Et, même si les circonstances sont toutes autres maintenant, le rayonnement de Victoire demeure grand alors que plus d’un siècle s’est écoulé. La béatification confirme qu’elle est un modèle pour les fidèles laïcs d’aujourd’hui.

Chrétienne dans sa maison, chrétienne dans le milieu de la cour dont elle faisait partie, active dans le mouvement des Enfants de Marie, Victoire se trouvait prête à assumer des responsabilités exceptionnelles. Elle avait la confiance de tous; on la chargea d’animer et de protéger l’Union catholique qui devait maintenir vivante la communauté privée de ses prêtres.

L’énergie que Victoire puisait dans la foi et dans la vie de prière, elle la mit au service de tous dans une collaboration active avec le Frère Rafiringa et tous les membres de l’Union. Grâce à son influence, elle put aider à garder la Maison de Dieu ouverte et la communauté solide. Elle animait avec ferveur la prière commune. Elle veillait à ce que la formation spirituelle progresse en même temps que l’instruction sur le sens de la foi. Les Frères et les plus formés parmi les chrétiens dirigeaient des retraites où beaucoup affermissaient leur foi. Elle savait apaiser les tensions. Par ses encouragements, elle aidait ses frères et sœurs à demeurer dans l’unité, en ville et dans les autres postes.

Au cours de cette période difficile, alors que les prêtres étaient éloignés, la communauté ne perdit pas son dynamisme apostolique: des catéchumènes étaient instruits et préparés au baptême. Cela correspondait bien à la passion que Victoire eut toute sa vie de faire connaître Jésus-Christ, de partager la Bonne Nouvelle qui la comblait d’espérance et de joie. Elle fut une vraie missionnaire. Pour elle, il n’y avait pas de plus grand bonheur que de voir ses proches accéder à la foi et recevoir le baptême.

Quand nous contemplons la figure de Victoire au milieu de la jeune Eglise de ce pays, nous comprenons mieux encore le rôle irremplaçable de fidèles laïcs, si fortement mis en valeur par le Concile Vatican II, et récemment par l’Assemblée du Synode des Evêques. Dans une exhortation apostolique, j’ai dit la grandeur de la vocation et de la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde. Je suis heureux d’avoir pu venir chez vous pour célébrer la béatification d’une fille de votre noble peuple malgache, qui a été «colonne et fondement» pour ses frères et cœurs. Désormais, elle le sera plus encore.

6. Victoire illustre en particulier la place qui revient aux femmes dans l’Eglise. Femme laïque, elle rappelle près de vous les femmes de l’Evangile, ou bien celles dont saint Paul a gardé le souvenir: Lydie qui eut un rôle important dans la jeune communauté de la ville de Philippes, Damaris qui accueillit l’Evangile à Athènes alors que bien peu l’écoutaient, Loïs et Eunice qui communiquèrent leur foi à Timothée. Avec ses belles qualités de femme, Victoire à son tour a assumé les missions d’évangélisation, de sanctification et d’animation. Elle sut déployer une activité intense en bonne harmonie avec tous les membres de l’Eglise, les hommes comme les femmes, les prêtres comme les laïcs.

A notre époque, il est apparu particulièrement important de réagir à trop d’attitudes négatives dont les femmes ont souffert et souffrent encore, et qui sont étrangères à l’esprit de l’Evangile. « La reconnaissance franche et nette de la dignité personnelle de la femme constitue le premier pas à faire pour promouvoir sa pleine participation tant à la vie de l’Eglise qu’à la vie sociale et publique ».

La béatification de Victoire est un encouragement pour toutes ses sœurs de Madagascar. Qu’elles se sentent pleinement reconnues dans leur dignité et dans leurs responsabilités de chrétiennes! Qu’elles n’hésitent pas à apporter leur contribution spécifique à l’évangélisation! Leur aptitude à l’accueil de la Parole de Dieu et à la transmission de la foi, la qualité de leur sens moral, leur sensibilité particulière pour la dignité de l’être humain sont des biens irremplaçables pour l’Eglise.

7. Vous reconnaissez en votre première Bienheureuse les qualités traditionnelles de votre peuple. Beaucoup de témoins ont décrit sa patience, non pas une résignation ou une fuite devant les difficultés, mais une attitude profondément pacifiée devant ce qui attriste ou ce qui blesse, même devant le mal que l’on réprouve. Sa patience inlassable renforçait sa conviction chrétienne pour demeurer fidèle aux liens indissolubles du mariage malgré les humiliations et les souffrances qu’elle endurait. Elle impressionnait ceux qui l’approchaient par la joie intérieure qui l’habitait. Elle gardait une confiance optimiste, même aux moments les plus inquiétants. Jamais elle ne se détachait des liens ancestraux de solidarité qui unissent dans son peuple chaque personne à toute la société; elle épanouissait en elle la spiritualité naturelle des Malgaches.

C’est avec toute la richesse de sa personnalité que Victoire a donné son adhésion sans réserve à la foi. L’intimité avec le Christ et les dons de sa grâce l’ont amenée à porter très haut ses vertus humaines. Nous admirons en elle une femme à qui il a été donné d’unir merveilleusement ce qu’elle a reçu par la lumière de l’Evangile. Dans sa simplicité spontanée, elle est un magnifique exemple pour votre communauté chrétienne soucieuse de mettre en valeur le meilleur de son héritage dans une rencontre féconde avec la grâce du baptême. Je crois que la sainteté de Victoire pourra éclairer en profondeur les recherches que vous menez pour une juste inculturation de la foi chrétienne sur votre terre.

8. « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce;

Qu’ils te rendent grâce tous ensemble!

Que les nations chantent leur joie ! »/.

C’est vraiment un jour de grande joie, de joie pascale pour le peuple de Madagascar.

C’est aussi un jour de grande joie pour l’Eglise, qui invite les peuples de toute la terre à s’unir en elle dans la foi et le salut.

L’Eglise entière partage la joie de chacun d’eux, elle partage aujourd’hui votre joie, fils et filles de Madagascar.

Les Bienheureux et les Saints – de génération en génération – sont signes de notre vocation à la Jérusalem céleste que nous rappelle la deuxième lecture de ce dimanche avec le Livre de l’Apocalypse de saint Jean. Ils montrent la route à tous les hommes et à toutes les femmes, la route de la vocation définitive de l’homme. C’est la route de la participation à la gloire éternelle de Dieu lui-même: du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.

Frères et Sœurs, fils et filles de Madagascar, avancez sur cette route à la suite de votre compatriote!

En vérité, « dans la maison du Père beaucoup peuvent trouver leur demeure ».

Ho tahìn’ Andriamanitra isìka rehetra !

[Que le Seigneur nous bénisse!]