« Nous n’avons qu’un seul parti, celui de Jésus. » Cyprien et Daphrose sont serviteurs de Dieu en effet le 18 septembre 2015 en la Cathédrale Saint-Michel de Kigali ont eu lieu les cérémonies d’ouverture du procès de leur canonisation présidées par l’Archevêque de Kigali. Ce couple fondateur de la communauté de l’Emmanuel au Rwanda est un exemple de vie pour les couples africains mais pas seulement. Leur vie mouvementée jusqu’à la conversion définitive de Cyprien nous montre que la fidélité dans le sacrement de mariage est aussi une des voix de la sainteté et de l’évangélisation. Il n’y a pas beaucoup de référence sur ce couple extraordinaire mais un beau documentaire disponible sur YouTube « j’entrerai au ciel en dansant » retrace cette vie de couple simple mais hors du commun. Nous allons vous présenter tout d’abord leur vie avant la conversion de Cyprien, et ensuite leur vie au service de l’évangélisation et ce que nous apporte leur martyr aujourd’hui pour nos familles et bien au-delà.
➢ Cyprien Rugamba et Daphrose Mukansanga jusqu’à leur mariage. Cyprien Rugamba est né en 1935 à Kiraro (Karama) dans la paroisse de Cyanika (sud du Rwanda). Après le petit séminaire où il est un élève brillant, il entre au Grand Séminaire de Nyakibanda en 1954, mais il en sort en 1959 ayant perdu la foi, suite à la lecture des philosophes existentialistes mais aussi scandalisé par le comportement de certains hommes d’Église. Il devient complètement athée et devient même anticlérical. Il voulait comprendre Dieu avec la raison. N’y parvenant pas, il comprit qu’avec lui, on ne pouvait pas exister. Et il se dit : « Ceux qui croient, ils n’ont qu’à croire, mais moi je n’y vois rien.» Cette perte de foi se manifestait par sa phobie de voir un crucifix. Dans le même temps, il se tourne vers les rites traditionnels africains. Cyprien terminera ensuite ses études à l’université catholique de Louvain en Belgique. Il se fiance avec Xavérina Mukahigiro, mais elle est assassinée avec toute sa famille lors des troubles de 1963. Daphrose Mukansanga est née à Ngoma dans le District de Huye en 1944 (aussi le sud du Rwanda). Elle est née dans une famille très chrétienne et très pratiquante notamment grâce à sa mère. Elle a fait l’école primaire dans sa région natale et l’école secondaire à Save après quoi elle est devenue enseignante. Elle a toujours eu une vie chrétienne exemplaire animée par la prière, combinant son métier d’enseignante avec l’apostolat d’enseigner la catéchèse. ➢ Le couple Cyprien et Daphrose Rugamba. Ils se marient en janvier 1965, Daphrose est la nièce de sa fiancée décédée. C’est un mariage arrangé, ils se connaissent à peine avant de se marier. Les 17 premières années de leur mariage sont très difficiles. Suite à des dénonciations calomnieuses, il en arrive même à répudier sa femme pendant 8 mois. Daphrose accepte ce sort dans la douleur mais aussi dans la prière. Il a fallu la médiation de Mgr Alexis Kagame pour qu’ils se remettent à vivre ensemble. Il reprendra sa femme dans son foyer et se fâchera avec sa famille calomnieuse. Cyprien fait beaucoup souffrir Daphrose. Il est infidèle et a même un enfant hors-mariage. Daphrose prie tous les jours pour le retour de son mari, elle se mortifie pour la conversion de son mari. En parallèle Cyprien mène une carrière brillante. Après avoir été Préfet à Kibuye, il occupe de nombreux hauts postes : Directeur au Ministère de l’Éducation Nationale, Directeur de l’Institut Pédagogique National de Butare, puis directeur de l’Institut National de Recherches Scientifiques (I.N.R.S.) qu’il dirigera jusqu’en 1989. C’est un spécialiste reconnu des sciences humaines. Il consacre une grande partie de son temps à la poésie, à la musique et à la chorégraphie. Il devient l’un des plus grands auteurs littéraires du pays : il a composé plusieurs centaines de poèmes et de chants. Cette vaste culture lui permet de devenir aussi l’un des concepteurs du remarquable Musée de Culture rwandaise de Butare. Il est un militant de la culture nationale rwandaise, qui selon lui, rapproche les communautés hutu et tutsi. Il était fier de sa nation et de sa culture, non pas comme nationaliste mais comme un terreau de la paix.
En 1981, Cyprien, lui le poète, compositeur de chants, chorégraphe, fondateur d’un ballet tombe malade d’une mystérieuse maladie nerveuse qui l’empêche de parler et d’entendre pendant plus d’un an. Comme il disait, Dieu a touché tout ce qui faisait son orgueil. Grâce à la prière de sa femme il vit une guérison miraculeuse en 1982 après un passage au sanctuaire de Kibeho et il reçoit ce message de Dieu : « Toi, tu as couru, tu t’es vanté que tu m’attraperais, que tu me comprendrais, tu ne l’as pas pu, c’est moi qui donne ça. Je te fais grâce et je te l’offre. Contente-toi de ça. » C’est alors qu’un chant monte spontanément en lui où pour la première fois il évoque Dieu. Cette conversion très profonde est le fruit de la prière fidèle de sa femme, Daphrose. Il demande pardon à sa femme. Son amour pour elle est renouvelé. Elle accepte l’enfant illégitime Cyprien et Daphrose deviennent un couple où l’amour, la tendresse, la délicatesse, la connivence, sont visibles de tous. À partir de ce moment, Cyprien adhère de toutes ses forces à sa vocation à la sainteté. Cyprien recevait très souvent le sacrement de réconciliation. Ils font construire une chapelle dans leur maison. Il aimait dire que se convertir n’est pas tourner sa tête mais tourner toute sa vie et sa personne vers Dieu, et qu’il n’y a qu’un seul parti celui de Jésus. Avec elle, il devient un homme de prière et ils s’engagent tous les deux en particulier auprès des malades et des enfants des rues. Suite à un voyage à Paray le monial en 1989, ils fondent le 23 septembre 1990 la Communauté de l’Emmanuel au Rwanda avec Daphrose. Ensemble, ils approfondissent les grâces de l’Emmanuel qu’ils vivaient déjà : l’adoration, la compassion et l’évangélisation. À deux, avec le plein accord de l’Église locale, ils donnent de nombreux week-ends dans le cadre d’Amour et Vérité, la branche de la Communauté de l’Emmanuel qui évangélise et forme les couples et les familles. Cyprien ne fait pas de différence entre les Rwandais. Il disait : « Nous n’avons qu’un seul parti, celui de Jésus. » Il n’hésite pas à demander au président du Rwanda de supprimer les mentions ethniques sur les cartes d’identité et de faire taire des appels à la haine et au meurtre régulièrement diffusés à la radio. L’attitude pacifiste du couple ainsi que les prises de positions publiques de Cyprien dénonçant les appels à la violence dans le climat de guerre civile montante, ont placé les Rugamba en tête des personnalités à abattre. Plusieurs fois arrêté à cause de ses propos, ils ont refusé de fuir. Ils seront assassinés le premier jour du génocide à leur résidence avec six de leurs dix enfants, le 7 avril 1994, dans l’octave de Pâques. Cette nuit-là, (du 6 au 7 Avril 1994) lorsqu’ils apprirent que l’avion du Président Habyarimana avait été abattu. Ils redoutèrent le pire. Les parents les enfants se relayèrent devant le Saint Sacrement exposé, ils dirent le chapelet et communièrent. » Le 7 avril 1994, en fin de matinée, c’est devant le Saint Sacrement exposé qu’ils furent trouvés par des soldats. Ils furent assassinés avec 6 de leurs 10 enfants et quelqu’un les enterra dans leur jardin juste à l’endroit où ils recevaient des gens qu’ils accompagnaient spirituellement.
Dès sa conversion Cyprien rejette tout système animiste. Il s’adonne à des œuvres de miséricorde : il s’approchera des pauvres, notamment un lépreux dont il sera, d’ailleurs, parrain de baptême. Il donnait à la Caritas aussi des sommes d’argent. Il a aidé beaucoup de malades à se faire soigner. Quand il créa la Communauté de l’Emmanuel, il mit sur pied l’apostolat auprès des prisonniers. Les enfants de la rue avaient une place privilégiée dans le cœur de ce couple. La naissance d’un projet pour les soutenir est partie de Daphrose qui vendait des pommes de terre dans une boutique près du marché de Kigali. Les enfants de la rue volaient des pommes de terre en les tirant, avec des hameçons de fortune. Au lieu de les chasser, elle s’est approchée d’eux pour les écouter et comprendre leurs besoins. Cela lui a permis de les aider avec les moyens de bord : savons, vêtements. Ainsi est né le projet des enfants de la rue contenu dans ce qui est appelé « Centre Cyprien et Daphrose Rugamba », un véritable monument de la miséricorde, signe de ce que Cyprien avait souhaité « Que ces enfants ne soient pas la nausée, mais la fierté du pays. » Les œuvres de miséricorde spirituelles, abondent. Leur maison était comme un hôpital spirituel, ouvert pour accueillir les personnes fatiguées et désespérées de toutes sortes, de tous rangs sociaux. Cyprien avait pris le titre de veilleur de la maison, Jésus en en étant le Maître. En fait, il s’effaçait devant Lui et Le laissait faire ses œuvres. N’avait-il pas entendu une voix, par trois fois, lui dire, une fois qu’il priait : « Cyprien, par toi, je vais faire œuvre de rédemption » ? Ils donnaient des conseils à tous, reprenaient ceux qui étaient égarés, enseignaient notamment les couples dans des groupes de prière, ne cachant pas leur misère et la miséricorde de Dieu qui les avait sortis du fossé. Ils pratiquaient aussi l’évangélisation de rue. Mais leur besoin de donner aux autres s’exprimait d’abord dans le Très Saint Sacrement ils aimaient aller adorer, chaque jour, chez les Religieuses de l’Assomption avant qu’ils ne l’aient à demeure dans leur chapelle. Ils se confessaient hebdomadairement. Ils faisaient l’expérience de la miséricorde divine, pour eux-mêmes, pour faire miséricorde aux autres. Quelles leçons aujourd’hui pour nos familles et l’évangélisation ? - Il n’y a pas d’évangélisation possible sans véritable vie de prière et d’adoration du saint sacrement - Il n’y a pas d’évangélisation possible si on ne vit pas pleinement le sacrement de confession. - La prière est toute puissante et peut détruire le mal et l’orgueil. - Chaque couple peut toujours se relever des épreuves même si elles semblent immenses. - La Grâce abonde même où le péché a été omniprésent. Le Rwanda aujourd’hui abonde de vocations et c’est une des églises des plus dynamiques d’Afrique. Aujourd’hui, la communauté de l’Emmanuel regroupe un millier de personnes au Rwanda, ce qui en fait la deuxième plus grande communauté après la France. Le « Centre Cyprien et Daphrose Rugamba » accueillent toujours des centaines d’enfants abandonnés et victimes de violence. Bien avant le génocide Saint Jean Paul II au Rwanda en 1990, dans un discours improvisé à la fin de la Messe avait souhaité que parmi les couples chrétiens au Rwanda on puisse trouver un jour des bienheureux et des saints. La prière de Saint Jean Paul II a été exaucée. Nous pouvons invoquer Cyprien et Daphrose qui sont dits serviteur de Dieu pour demander leurs intercessions auprès de Dieu et lui demander beaucoup de familles riches de l’amour du Christ qui pourront ainsi évangéliser.