Le Serviteur de Dieu Dii Alfred Diban Ki-Zerbo
Le 10 mai 1980, au moment où le pape Jean-Paul II achevait la messe de sa première visite au Burkina, s’éteignait Dii Alfred Diban Ki-Zerbo, premier catéchiste du Burkina Faso. Quinze ans plus tard, le procès de sa béatification était engagé par son diocèse d’origine. Mais qui était-il ? Alfred Ki-Zerbo est né vers 1878 à Da, une localité située à une vingtaine de kilomètres au nord de Toma. À l'âge de 17 ans, alors qu'il s'en va avec son frère travailler au champ de l'un de leurs oncles, les deux jeunes gens sont capturés par des inconnus et vendus séparément comme esclaves sur le marché de Kabarga (actuel Mali). Après plusieurs tentatives infructueuses d’évasion, il fait un rêve où il voit une femme blanche d’une très grande beauté lui annonçant sa libération prochaine. Quelques jours après ce rêve, il réussit enfin à s’enfuir. Pour échapper à ses poursuivants, il doit passer toute une journée et une nuit entière dans les eaux du fleuve Niger, camouflé entre les roseaux. Après l’avoir sauvé des eaux, des piroguiers le conduisent, tout transis de froid, dans un campement où des hommes et des femmes vivaient libres sous la tutelle des Pères Blancs (Missionnaires d’Afrique). Le 11 mars 1899, comme le note le Diaire de la mission, Diban arrive à Ségou en compagnie du Père Garlantézec. Entré dans la case-chapelle, il est envahi de surprise et d’émotion devant la statue de la Vierge Marie. Diban venait de reconnaître la très belle femme qui lui était apparue dans le rêve lui annonçant sa libération.
Travailleur infatigable et zélé parmi les jeunes de son âge avec qui il partageait le dortoir, Diban se distingua bien vite par son intelligence et son savoir-faire. Au lieu de quatre années de formation catéchétique, comme cela était en vigueur, les Pères estimaient qu’il était suffisamment instruit au bout de deux ans pour recevoir le baptême. C’est ainsi qu’en 1901, Diban reçut le baptême à Banankourou des mains du Père FICHIEUX, sous le nom de d’Alfred ; mais, comme prédisant son avenir, le père décida de lui adjoindre un second nom ; car disait-il : « J’ajoute le nom de Simon, à cause de de ton cœur, de ta foi et de ton courage. Car je vois que sur toi on peut construire une Eglise solide ». Alfred Simon gagna très vite la confiance des Pères Blancs et devint leur cuisinier, leur maçon et leur auxiliaire (catéchiste) pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. En 1904, il épousera Louise Coulibaly, une Sénoufo de Samory confiée avec d’autres jeunes filles aux sœurs pour leur formation. L’aventure de la mission aux côtés de ses nouveaux maîtres qu’il ne devait plus jamais quitter fut laborieuse. Le 3 septembre 1903 Alfred Simon faisait partie de l’expédition destinée à la mission de Ouagadougou déjà fondée en juin 1901. En 1906 il faisait partie de la mission pour la fondation de Navrongo. En 1912, ce fut la fondation de la mission de Réo (Burkina faso). Finalement en 1913 ce fut la fondation de la paroisse Sacré Cœur de Toma aujourd’hui centenaire, près de son village natal d’où il était parti, bâillonné quelques années plus tôt. De 1917 à 1970 le cahier des baptêmes (IAM - In articulo mortis) porte essentiellement le nom d’Alfred Simon, ce qui atteste de son assiduité à visiter les malades et à assister les mourants au-delà de ses 90 ans. Il mérite ainsi le surnom de « Dii », Papa, grand père dans la foi. Partout où il se rendait avec les Missionnaires d’Afrique, Alfred Simon Diban Ki-Zerbo mettait toute son énergie et sa foi dans l’œuvre de l’évangélisation. En 1975, Alfred Simon Ki-Zerbo se rend en pèlerinage à Rome avec le cardinal Paul Zoungrana. Il est présenté au pape Paul VI qui, par respect pour le grand âge et l’importante action pastorale du vieil homme, lui cède sa place sur le trône pontifical. En 1980, Simon Diban, âgé de 105 ans, est malade et hospitalisé. Le pape Jean-Paul II, en voyage missionnaire en Afrique, lui envoie sa bénédiction. Il reçut des mains du Cardinal Gantin l’onction des malades à la demande du pape. De son lit d'hôpital à Yalgado, Alfred Ki-Zerbo écoute ensuite à la radio la messe célébrée à Ouagadougou le 10 mai 1980 par le Souverain Pontife. Au moment même où le successeur de Saint-Pierre prononce la bénédiction finale, Alfred Ki-Zerbo rend son âme à Dieu. Comme pour dire : « tout est accompli ». Le juste ne meurt pas, il s’endort dans le Seigneur. Au total : baptisé sous Léon XIII et décédé sous Jean-Paul II, Alfred Diban Ki-Zerbo aura connu tous les papes du xxe siècle. Il est déclaré Serviteur de Dieu et son procès de béatification se poursuit.
Diban Ki-Zerbo est né vers 1875 à Da (près de Tougan), pays du groupe des Samos, dans le territoire de l’actuel Burkina Faso. Fils de Founi et de Bonlènè, il est deuxième d’une famille de six enfants.
Vers 1895, il va, avec son frère cadet, travailler dans les champs d’un oncle et c’est là qu’il est arrêté par des inconnus et vendu, à Kabara au Sud de Tombouctou, à Bourdamou. Il s’occupera des bêtes de ce dernier.
Après deux tentatives infructueuses d’évasion, il va finalement y parvenir après les encouragements d’une « belle jeune femme pleine de lumière » qu’il reconnaîtra dans l’église de Ségou où il est conduit en 1899.
Il est associé aux travaux de construction et apprend aussi le catéchisme. Il est baptisé le 6 mai 1901 sous le nom de « Alfred Simon », à Ségou, et fut associé à la mission avec des Pères Blancs.
En 1916, pendant la guerre, à la fuite des Pères à Ouagadougou, il lui fut confié la mission de Toma, bâtiments et fidèles. Il accomplit tant les activités religieuses que beaucoup d’autres encore.
En 1975, il fait un pèlerinage au Vatican. Le 5 mai, le Pape Paul VI le reçoit et le fait asseoir sur son trône papal. Il lui confère la médaille de Chevalier de l’ordre de Saint-Sylvestre.
Il meurt à Ouagadougou le 10 mai 1980, au moment où le Pape Jean Paul II donne la bénédiction finale d’une messe célébrée lors de sa visite au pays. Alfred Simon l’avait suivi par la radio.
Alfred Simon a fait l’expérience d’un Dieu libérateur, celui pour qui tout est possible et à qui on doit complètement faire confiance. C’est ce Dieu, était-il convaincu, qui a rendu possible la réussite de son évasion et qui l’a toujours mis à l’abri face à l’adversité de certains de ses détracteurs. A ses parents, par exemple, qui lui demandent de fuir la mission de Toma, il répond : « Allez ! Dieu est grand ! Je ne puis abandonner tout cela. Dieu est grand. Il me sauvera ! » Homme de prière et de foi, il se disait : « grâce à mon travail, Dieu m’a comblé de Bien ».
Aussi, son rapport avec le Christ se déploie dans sa forte spiritualité mariale. Confié à la Vierge au sortir de sa captivité par les Pères Blancs à Ségou, il l’adopta pour mère et ne se lassait pas de faire recours à elle à toute circonstance. Jusqu’aux derniers moments de sa vie, il ne se séparait presque jamais de son chapelet.
Avec les Saintes Ecritures, il avait un rapport global, familier et préférentiel. En tant que catéchiste, il les méditait et les enseigne aux autres fidèles. Il cherchait toujours à conformer sa vie aux commandements et y invitait aussi ses proches. Quant à l’Eglise, il éprouvait une profonde révérence pour ses pasteurs envers qui il manifestait beaucoup d’affection et de respect. Non seulement bâtisseur des églises au Burkina-Faso et en Gold-Coast, actuel Ghana, il fut aussi grand défenseur de l’Eglise face aux menaces répétées de destruction des missions et d’attaques des missionnaires.
Pour Dii Alfred, c’est certain : Dieu est aux commandes du monde. Il sait que c’est lui qui rend possible tout ce qui peut advenir et que rien ne peut arriver qui soit contraire à sa volonté. C’est pourquoi il ne visitait pas et n’aimait pas les talismen et ne ménageait pas d’effort à aller contre les coutumes contraires à l’Evangile selon le témoignage Adèle Paré.
C’est l’expérience de la liberté retrouvée après la captivité en terre étrangère qui fut déterminante dans l’itinéraire spirituel de Dii Alfred Simon. La rencontre des Pères Blancs à Tombouctou et surtout l’identification de la femme mystérieuse qui l’avait encouragé dans son projet d’évasion sous une statue de la Vierge scelleront ses convictions. Son statut de premier chrétien de son pays ne fera que le conforter et l’affermir dans sa foi qu’il maintient en éveil jusqu’à sa mort. Resté très attaché à l’Eglise après sa sortie de captivité, il est devenu élève catéchiste après son baptême, puis auxiliaire de mission pour les Pères Blancs avant de devenir une véritable pièce stratégique pour l’évangélisation du Burkina-Faso.
Peut-on dire que Dii Alfred Simon avait conscience de sa vocation-mission dès son baptême ? Il est difficile de l’affirmer. On notera tout au moins que son désir et son enthousiasme d’aller fonder à Ouagadougou était motivés par le fait que cela lui permettrait de reprendre contact avec les siens. Il est cependant certain que c’est avec le temps, sa participation, et son rôle de plus en plus important du fait de son grand zèle qui lui donnent la pleine conscience de sa vocation. On ne peut certes pas dire avec exactitude quand et comment il a perçu sa vocation, mais on peut néanmoins dire qu’il n’a pas été insensible aux Paroles du Père Ficheux qui, lui adjoignant le prénom de Simon à celui d’Alfred qu’il portait déjà, affirmait : « j’ajoute le nom Simon à celui d’Alfred, à cause de ton cœur, de ta foi et de ton courage ! Car je vois que sur toi on peut construire une Eglise solide ».
De fait, la mission de Diban Ki-Zerbo a été d’implanter la foi et l’Eglise dans son pays natal. Mgr Zéphirin TOE, reconnut, à sa mort, qu’il fut « le chef de file de cinq cent mille baptisés, cofondateur de toutes les églises de la région ».Catéchiste infatigable, il prêchait par la parole et par le témoignage de vie de telle sorte que sa renommée traversa les frontières de l’Eglise. L’affluence, même des non-chrétiens, à ses obsèques en est une parfaite illustration.
Homme pieux et vertueux, c’est dans la prière qu’il trouvait les ressources pour sa n ministère : « j’ai toujours trouvé un grand réconfort, disait-il, dans la prière. La prière est comme la respiration et le repas du chrétien ». Il ne manquait cependant pas de charité si tant il est vrai qu’il se dévouait lorsque ses forces lui permettaient à visiter les malades.
Disons simplement que Dii Alfred Simon Diban KI-ZERBO s’est acquitté de sa mission de « guide » (signification de son nom de famille), avec une entière fidélité et surtout avec une très grande confiance en Dieu, malgré les adversités. Il est resté constant dans sa foi et exemplaire dans sa manière de vivre.