TC1975

Cours de mathématiques de Mme Jeanne Manotte
Classe de terminale C (1974-75) & de première C2 (1973-74)
avec un retour sur les programmes de 1945 à 2013


On trouvera ici les liens vers 5 cahiers contenant le Cours de Mathématiques donné par Mme Jeanne Manotte, agrégée de mathématiques au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Raphaël, durant pendant l'année scolaire 1974-75. Ces leçons ont été recopiées par son élève Dany-Jack Mercier.

On trouvera aussi les 12 devoirs (sur table et à la maison) qui avaient été données pendant cette année scolaire. En classe de terminale C en 1974-75 on comptait 9 heures de mathématiques par semaine, ce qui donnait la possibilité de travailler en classe sur de nombreux exercices, et d'avancer dans le cours avec précision et efficacité. Mme Manotte était du reste une excellente pédagogue qui faisait tout son possible pour que chacun de ses élèves puisse progresser. Elle avancait dans le programme en essayant toujours de ne laisser personne au bord du chemin, si bien qu'en mai, il fallu que l'on assiste à quelques heures de cours supplémentaires pour terminer notre travail sur le programme du BAC.

INTRODUCTION

Entre professionnels de l'enseignement des mathématiques, on discute souvent de l'évolution des programmes de mathématiques et n'importe quel professeur de lycée connaît l'impact malheureusement souvent négatif des nouvelles réformes qui s'enchaînent à un rythme effréné depuis quelques années. Si certaines évolutions sont naturelles et souhaitables, nous sommes nombreux à penser, sans forcément pouvoir le dire, que d'autres ont uniquement pour objectif de diminuer les heures de travail en classe, éliminer des pans de connaissances essentielles à une tête mathématique bien faite, et privilégier une approche purement expérimentale (mais très coûteuse en temps investi) des mathématiques où l'ordinateur sert de référence ultime et de justification à toute chose. Des pans entiers de programmes pourtant essentiels aux futurs physiciens, chimistes et ingénieurs de ce pays, passent à la trappe. Depuis ces dernières réformes, nous n'étudierons plus du tout les arcs paramétrés, les coniques et le produit vectoriel (qui pourtant est un outil essentiel pour les physiciens) en terminale scientifique. Le barycentre est relégué au niveau d'amuse-gueules dont on parle peu. Quant aux structures d'espaces vectoriels et de groupes-quotients, elles ont disparues du programme depuis déjà quelque temps alors qu'il s'agit du coeur des mathématiques générales. Actuellement, les programmes sont choisis en fonction des possibilités offertes par l'utilisation de l'ordinateur : on parle ainsi beaucoup de statistiques et de probabilités introduites par des expériences statistiques menées sur un ordinateur, ceci dès les petites classes, et l'on est ainsi souvent amenés à travailler sur des tableaux de nombres. La mode est à la gestion des tableaux de nombres ! Indubitablement, ces genres de travaux fastidieux et répétitifs vont encore éloigner de nombreux élèves du parcours mathématique, du moins ceux qui étaient partant pour réfléchir sur les concepts et supportaient un léger niveau d'abstraction.

L'outil informatique est un précieux allié pour améliorer sa compréhension des concepts mathématiques et permettre des investigations qu'il serait impossible de mener autrement. Soit. Mais une utilisation exagérée de l'ordinateur mène à une vision faussée des mathématiques où tous les concepts sont présentés de façon expérimentale sans être correctement justifiés et validés par l'emploi de la raison. Quel sens donner à un enseignement des mathématiques destiné à des élèves de terminale qui désirent faire carrière dans les sciences exactes pour devenir les chercheurs et les ingénieurs de demain, qui ne proposerait aucune définition rigoureuse de la limite d'une fonction en un point ou d'une intégrale de Riemann ?

Avec la réforme des lycées débutée en 2010, une certaine distorsion s'accentue et l'esprit du programme de mathématiques d'une section S option maths se rapproche maintenant de celui d'une BTS où l'on demande d'admettre des résultats pour les appliquer sans se poser de questions. Nous est-il permis de douter que ces choix puissent mieux préparer nos élèves à utiliser les mathématiques dans leurs professions, plus tard, quand ils seront devenus ingénieurs ou chercheurs ? L'omniprésence et l'importance donnée aux calculs statistiques à tout venant qui émaillent actuellement les divers niveaux de l'enseignement du secondaire ont-ils seulement pour but d'inciter nos meilleurs étudiants à ne s'orienter que dans l'analyse des marchés financiers et la finance ?

La mise en ligne de ces anciens cahiers de mathématiques recopié par un élève dans les années de la Grande réforme permettra au chercheur en didactique et à tous les professeurs de mathématique de disposer de documents originaux pour se faire une idée précise de ce qui était enseigné en 1975, et de la façon dont il était convenu d'enseigner à cette époque.

Dans ces cahiers, Mme Jeanne Manotte arrive à proposer l'essentiel de ce qu'un élève devait retenir, approfondir et maîtriser. Il s'agit d'un concentré de connaissances qui avait été analysé et détaillé pour nous et avec nous pendant les heures de cours, puis chez nous quand nous devions apprendre et appliquer ces connaissances. Le découpage en chapitres était simple et efficace : il permettait de bien retrouver et retenir ces connaissances pour que nous puissions nous y référer quand nous en avions besoin pour résoudre un exercice. A l'époque, n'oublions pas que la section scientifique dans laquelle nous nous trouvions en terminale proposait 9 heures de mathématiques par semaine. Je n'oublierai pas, aussi, que toutes ces heures ont été bien remplies, et que Mme Manotte nous proposa même des heures supplémentaires à la fin de l'année pour arriver à boucler un programme exigeant autant que captivant. C'est d'ailleurs à cause d'un tel professeur et d'un tel programme que j'ai finalement choisi de faire des mathématiques plus tard au lieu de préférer m'intéresser plus avant aux sciences physiques, qui étaient aussi très attirantes...

Si le lecteur désire apporter un commentaire personnel historique ou didactique concernant cette époque, le programme et l'enseignement, je serai heureux d'en prendre connaissance et de trouver une place sur cette page ou ailleurs sur MégaMaths, pour le partager avec nous tous, s'il est besoin. Avez-vous des témoignages à me proposer concernant l'enseignement des mathématiques tel que vous l'avez vécu et expérimenté ? N'hésitez pas à me contacter.

 

COURS DE MATHEMATIQUES de Mme Jeanne MANOTTE
professeur en TERMINALE C au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Raphaël
Année scolaire 1974-75

Classe de terminale C (1974-75)

CAHIER n°1 - ANALYSE


CAHIER n°2 - GEOMETRIE I  

Formulaire de trigonométrie 1975.


CAHIER n°3 - GEOMETRIE II


CAHIER n°4 - NOMBRES & PROBABILITES I


CAHIER n°5 - NOMBRES & PROBABILITES II  


DEVOIRS SUR TABLE OU A LA MAISON donnés en TERMINALE C en 1974-75


Le lycée Saint-Exupéry dans les années 1970 :

PROGRAMMES DE LA SECTION C 


J'ai eu le plaisir de reprendre contact avec Mme Manotte en août 2012 et j'ai pu lui demander de chercher si elle n'avait pas d'anciens programmes de terminale C en sa possession. Je recherchais ces programmes depuis longtemps et ne les trouvais nulle part. Joie suprême, Mme Manotte a retrouvé des références qui feront plaisir à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'enseignement des mathématiques, et servira de base de réflexion pour ceux qui voudront comparer les programmes des années 1970 avec ceux des années 2010 où l'on admet presque tout, où l'on ne donne plus de définitions rigoureuses des objets avec lesquels on travaille, et où l'on utilise des machines pour soit disant prouver des résultats. J'intègre ces documents dans la liste qui suit. Si vous possédez d'anciens programmes de mathématiques quels qu'ils soient, n'hésitez pas à me les envoyer en pdf pour : je pourrai regrouper ces documents sur cette page ou dans la page de MégaMaths des programmes du secondaire. N'hésitez pas à me contacter :)


Pack programmes de maths 1945-1983 :

   1.  Programme de mathématiques élémentaires de 1945.

   2. Programme de seconde C de 1960

   3. Programme de terminale C de 1966

   4. Programme de terminale C et T de 1967  parus au BO n°26 du 30 juin 1966.

   5. Programme de seconde ACT de 1969

   6. Programme de terminale CE de 1971

   7. Programme de terminale CE de 1971 (bis)

   8. Programme et commentaires de terminale C de 1971

   9. Version numérique du programme de terminale C de 1971

  10. Version numérique des commentaires du programme de terminale C de 1971

  11. Programme de terminale C de 1972

  12. Programme de seconde CT de 1973

  13. Version numérique. du programme de seconde  CT de 1973

  14. Programme de première SE de 1982.

  15. Programme de première et terminale ABCE de 1982.

  16. Programme de terminale C et E de 1983.


Comparaison entre les programmes de maths de TC1971 et TS2013 :


Pierre Legrand - De réforme en réforme - Un demi-siècle de progrès ? 


COURS DE MATHEMATIQUES de Mme Jeanne MANOTTE

professeur en classe de première C au Lycée Saint-Exupéry de Saint-Raphaël

Année scolaire 1973-74


Classe de première C2 (1973-74) :

CAHIER n°1 - ALGEBRE & ANALYSE Ce cahier de cours (version élève) permet de comprendre ce que l'on pouvait demander dans les années 1970 à des élèves qui avaient choisi la voie scientifique (série C). L'entrée en seconde C était subordonnée à l'acquisition d'un certain nombre de prérequis pour permettre une spécialisation dès le lycée. Cela permettait d'éviter à des élèves d'essuyer des échecs à cause de lacunes patentes. Les horaires de mathématiques de la série C était de 6h en seconde, 6h en première et 9h en terminale, à comparer avec ce qui reste actuellement en collège et au lycée, permettaient de développer des compétences réelles en sciences et motivaient pour se lancer avec succès dans l'enseignement scientifique supérieur.

CAHIER n°2 - GEOMETRIE  Voici le second cahier d'un cours de première C des années 1970, traitant de la géométrie, permettant de découvrir le programme de mathématiques de l'époque en série scientifique.

LIEN VERS LE COURS DE PHYSIQUE DE TC 1974-75  

 COMPARAISON DU PROGRAMME TC 1971 ET DU PROGRAMME TS 2013


Et si nous comparions le programme de TC 1971 et le programme TS 2013 ? Voici deux documents qui permettent de se faire rapidement une idée de l'évolution des programmes, de ce qui a disparu et de ce qui est apparu.

Le premier document est le programme de terminale C de l'année 1971-72 où j'ai signalé toutes les parties qui ont été envoyées aux oubliettes dans le programme 2013 en les surlignant en jaune. Il y en a beaucoup, et il s'agit malheureusement de parties fondamentales qui sont la clé des études universitaires en mathématiques comme en sciences physique ou en SVT. D'autres notions continuent d'être enseignées, mais sans fournir aux élèves une définition rigoureuse, donc en parlant avec les mains et en se mettant dans l'impossibilité de proposer des démonstrations qui utilisent ces notions. Le second document est le programme de terminale S de l’année 2012-13, option maths, où j'ai mis en surbrillance les notions de mathématiques qui sont apparues, essentiellement en probabilités et statistiques. Ces documents sont accessible à cette adresse : Comparaison entre les programmes de maths de TC1971 et TS2013.

Les propriétés des entiers naturels et des réels ne sont plus étudiées, mais restent employées de façon inconsciente. Comme on ne précise pas les axiomes fondamentaux qui définissent N, on ne démontre pas le raisonnement par récurrence : on l'admet en 2013. On étudie les congruences en 2013, mais plus les anneaux Z/nZ. On travaille l'arithmétique, mais mystérieusement en 2013 on étudie les pgcd mais pas les ppcm.

On n'étudie plus les propriétés de R. En 1971, c'était je pense une mauvaise idée d'introduire les nombres complexes avec des matrices carrées de similitudes, et la présentation en 2013 est plus simple et directe. Par contre les linéarisations de polynômes trigonométriques ont disparu du programme. On n'étudie plus les racines n-ièmes d'un nombre complexe, et l'on ne cherche pas les racines d'un polynôme du second degré à coefficients complexes : en 2013 on se borne à étudier des polynômes du second degré à coefficients réels.

Pour la continuité, les limites et la dérivation des fonctions, on ne donne pas de définitions rigoureuses en 2013, donc on supprime beaucoup de démonstrations qui s'appuyaient sur ces définitions, comme on le faisait en 1971. Le nouvel élève devra admettre beaucoup de résultats et se contenter de vérifications graphiques. Il devra faire confiance à son professeur et à son manuel sans mesurer par lui-même la validité des énoncés qu'on lui propose, puisqu'on ne l'incite plus à le faire. Dérivée de la composée d'une fonction, d'une fonction réciproque d'une fonction dérivable strictement monotone : on n'en parle plus, en tout cas pas de façon générale.

L'étude des fonctions vectorielles de R dans un espace vectoriel euclidien a complètement disparu, on n'étudie plus aucune courbe paramétrée, et la cinématique du point est passée à la trappe. Il n'y aura donc aucune interdisciplinarité avec les sciences physique à ce niveau, mais il faut dire que le programme de sciences physique a été grandement allégé en parallèle.

Les sommes de Riemann ont  disparu et l'on ne donne plus de définition rigoureuse de l'intégrale d'une fonction numérique sur un intervalle réel borné. En 2013, on présente l'intégrale essentiellement comme une aire sous la courbe, et l'on admet la suite. L'intégration par parties a été supprimée des programmes.

Les applications de l'intégration à la mécanique et à la physique a disparu : plus de calculs de volumes, de masses, de moments d'inertie, de vitesses et de distances parcourues, d'intensité et de quantité d'électricité, de puissance et d'énergie. Tout cela passe à la trappe.

Au niveau des fonctions d'une variable réelle, on étudie toujours les fonctions xn si n est un entier positif, mais plus si n est un rationnel. Sait-on seulement d'ailleurs encore ce qu'est un rationnel ? Heureusement, on parle encore de suites arithmétiques et géométriques, des fonctions circulaires (sauf la tangente dont on ne veut plus entendre parler, la laissant pour l'université). Le logarithme népérien et l'exponentielle sont toujours au programme, même si la présentation que l'on propose en 2013 est étonnante et compliquée. On ne parle plus, par contre, des fonctions logarithmes ou exponentielles en base a, ce n'est plus à la mode bien que le logarithme décimal soit utilisé dans d'autres sciences.

En 2013, on n'utilise plus la règle à calculs, et heureusement, mais plutôt l'ordinateur et les logiciels de tous genres, ce qui représente une évolution normale des enseignements.

Mais pourquoi s'interdire d'étudier des équations différentielles simples du premier et second degré comme on le faisait en 1971 ? Pour s'interdire d'utiliser des outils performants qui éclairent d'autres sciences ?

En géométrie, la terminale S 2013 fait table rase : plus d'études de transformations, d'isométries, de similitudes. Un élève commencera sa première année de licence en ignorant complètement ce qu'est une translation ou une rotation. Evidemment, on ne parle plus de structures algébriques, on préfère rester dans le flou et ne pas savoir exactement dans quel espace on travail. En restant très  approximatif, on peut donc éviter de définir ce qu'est un espace vectoriel, ne plus parler du B A BA d'algèbre linéaire concernant les applications linéaires, les images, les noyaux. Plus d'homothéties aussi. Plus de barycentres, et plus de fonction scalaire (ou vectorielle) de Leibniz. Plus de symétries ni de projections, dans le plan ou dans l'espace. Plus d'applications affines, et plus de définition rigoureuse de l'orientation d'un plan. En 2013, on peut cependant encore parler de produit scalaire dans l'espace, celui du plan ayant été étudié en première. On peut aussi parler d'équations cartésiennes de plan (mais étonnamment pas de représentations paramétriques d'un plan) et de représentations paramétriques de droites dans l'espace (mais curieusement pas d'équations cartésiennes de droites dans l'espace). Mais on a supprimé l'étude des rotations de l'espace, des vissages et des applications orthogonales en général, on ne sait pas orienter l'espace, et l'on n'apprend plus ce qu'est le produit vectoriel.

En géométrie plane, et en 2013, on reste pratiquement au niveau du collège puisque les expressions complexes des similitudes ont disparues (avec les similitudes), que l'on ne parle plus du groupe des similitudes (puisqu'on ne sait pas ce qu'est une structure de groupe), que l'on n'étudie plus les coniques (donc les ellipses, les hyperboles et les paraboles conserveront tous leurs mystères), ce qui supprime beaucoup de problèmes qui étaient traités analytiquement.

Les probabilités sont enseignées différemment en 2013 : on utilise la machine pour faire de nombreuses simulations, mais on ne dispose plus de définitions précises. L'étude des variables aléatoires réelles d'un couple ou d'un produit a disparu. On ne parle plus de dénombrements, ni de coefficients binomiaux dans ce contexte, mais on insiste sur les arbres de probabilité.

Conclusion : le programme de terminale C de 1971 comportait 185 lignes sur le bulletin officiel. On en a supprimé environ 104 lignes pour aboutir au programme de terminale S de 2013, soit une perte de 56%. En 1971, un élève de terminale scientifique suivait 9 heures de cours hebdomadaire, mais plus que 8 heures en 2013. Mais attention, l'élève de 2013 a moins d'entraînement en sciences derrière lui puisqu'il n'a bénéficié que de 4h de mathématiques par semaine en première S, au lieu de 6 heures en 1971, et de 4h de maths en seconde au lieu de 5h en seconde C en 1971. Il ne faut donc pas s'étonner à ce qu'il soit bien moins entraîné et savant qu'un élève qui suivait les anciens horaires et les anciens programmes.

Le programme de terminale S de 2013 comporte néanmoins des nouveautés et non des moindres. Il s'agit des lois de probabilité à densité (loi uniforme, loi exponentielle, loi normale), du Théorème de Moivre-Laplace (admis) et de chapitres sur les statistiques inférentielles avec l'étude des intervalles de fluctuation et des intervalles de confiance. Ces chapitres imposent d'admettre de nombreux résultats et d'essayer de comprendre des énoncés difficiles où interviennent à la fois les notions de limite et de probabilités. On peut raisonnablement se demander si ces chapitres sont vraiment du niveau d'un élève moyen de terminale.

En outre, on peut reprocher à ces nouveaux programmes d’avoir éliminé toute interdisciplinarité entre les mathématiques et la physique alors que, de façon évidente, la recherche fondamentale en physique nécessite une nouvelle génération de chercheurs à mi-chemin entre les mathématiciens et les physiciens. Galilée n’a-t-il pas dit « Le grand livre de la nature est écrit dans le langage mathématique », et plus près de nous, Max Tegmark, professeur de physique au MIT, énonce : « La réalité physique extérieure dans laquelle nous vivons repose sur une structure mathématique qui est en dehors du temps. Ceci veut dire, dans un sens bien défini, que l’Univers est mathématique (…) » (relevé dans l’excellent livre de Igor et Grichka Bogdanov (Bogdanov & Bogdanov, 2012)).

De plus, n’y a-t-il pas une arrière-pensée politique dans l’écriture de ces nouveaux programmes, tant en physique qu’en mathématiques, destinés à former des techniciens des sciences à large spectre qui pourront bien mieux aller vendre leurs compétences dans les secteurs commerciaux, bancaires et financiers, que dans les domaines de l’ingénierie industrielle et de la recherche fondamentale ?

Les Trissotins de l’éducation nationale qui ont concocté ces nouveaux programmes sans concertation aucune avec les enseignants et le monde scientifique, se sont permis d’ignorer les mises en garde répétées de membres éminents de l’Académie des sciences (excusez du peu…) formulées en mars 2011. D’ailleurs, rien d’important ne leur échappe puisque récemment ils se sont intéressés au problème insurmontable des rythmes scolaires avec le succès que l’on sait.

Nos décideurs de l’éducation nationale sont à l’image de nos hommes politiques dans les coulisses du pouvoir : le nez sur le guidon mais des ambitions affichées démesurées, sans donner aux enseignants ni aux élèves les moyens de les mettre en œuvre. Comme on peut le lire dans le communiqué de l’Académie des sciences de mars 2011 : « on voit apparaître des propositions assez surprenantes sur le « modèle de diffusion d'Ehrenfest » ou les « marches aléatoires sur les graphes » dont l'intitulé fait plutôt penser à des recherches avancées de spécialistes... ».

C’est encore pire en physique où compte tenu de la longueur démesurée du programme de terminale S, peu de professeurs de sciences physiques pourront se targuer d’avoir terminé à temps leur programme pour le bac de juin 2013. Des preuves ?

Décidément, Trissotin a pris le pouvoir.

(Trissotin : immortel personnage de Molière, pédant ridicule par sa prétention et odieux par son hypocrisie.)

Lycée Saint-Exupéry dans les années 1970

REACTIONS
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1. Lettre d'un collègue l'évolution du programme de mathématiques

Voici une lettre intéressante d'un collègue de lycée au sujet de l'évolution du programme de mathématiques reçue le 20 août 2011. L'auteur réagit à ma mise en ligne du cours de terminale C de 1974-75 donné par Mme Manotte. Ses commentaires sont très intéressants :

Je partage votre avis sur l'enseignement des maths en France depuis au moins 10 ans (avant, mes enfants n'étaient pas au collège et je n'en avais pas conscience). Prenons par exemple le cours de maths des S, fleuron de l'enseignement des maths au lycée. Le savoir de nos jeunes ressemble à une couverture mitée : il y a quelques sujets "poudre aux yeux" pour contrer l'idée que le niveau baisse (arithmétique par exemple), mais, comme vous le dites, la plupart des résultats sont admis, et ce dès les petites classes.Au collège, les théorèmes de Pythagore et Thalès surnagent sur un océan de néant (mes élèves de seconde ne savaient a priori pas que deux droites parallèles ont aucun ou tous leurs points en commun, et que deux droites sécantes ont un seul point en commun, du moins n'y avaient-ils jamais réfléchi...). Le brevet des collèges en maths ressemble plus à une épreuve de certificat d'étude pour sa majeure partie. N'arrivant pas à reconstruire tout mon cours de maths de collège-lycée de mémoire (j'ai eu mon bac en 1984...), mais régulièrement sollicitée par mes enfants ou ceux de mes amis pour du soutien ponctuel, j'ai fini par dénicher sur internet des livres des années 1970-1980. Pour le moment, je travaille avec les livres "série rouge" de Nathan.

Ce qui apparaît, c'est que réduire les maths à l'application de formules fragilise beaucoup les notions chez beaucoup de jeunes, même chez certains qui ne sont pas inaptes aux maths. Par exemple, pour arriver à résoudre une équation du premier degré à une inconnue, on peut :

   - appliquer des formules du style "produit en croix" et "on barre" (sous-entendu deux termes identiques à gauche et à droite du signe égal) : c'est ce que je vois tout le temps en "petit cours", donc ce n'est pas un hasard à mon avis, mais à la façon dont c'est enseigné. On en arrive en seconde à ce que la quasi-totalité des élèves simplifie (3x+1)/(2x+3) par x sans aucun état d'âme.

   - faire progressivement prendre conscience aux élèves du caractère de corps de R (ou Q) ou de groupe de Z : ils ont alors des mots pour décrire les concepts que sont l'associativité, la commutativité, l'élément neutre, l'opposé, la distributivité, la priorité des opérations... et se trompent moins. En plus, on prépare efficacement le terrain pour la structure d'espace vectoriel. C'est ce que faisait le programme de collège dont j'ai bénéficié, et que j'utilise pour réinstaller une démarche solide car logique chez les jeunes que j'aide en maths.

En outre, dans ce programme des années 70-80, les notions sont peu à peu construites dans l'esprit du jeune au lieu d'être admises. Cela a les effets bénéfiques :

   - séduire les amateurs de systèmes et donc attirer des esprits brillants vers les sciences

   - rassurer les esprits logiques et laborieux, mais pas nécessairement très intuitifs (dont je fais partie) : ils pourront faire de bons ingénieurs s'ils le souhaitent. Leur méthode contrebalancera leur intuition.

   - initier très tôt les jeunes au questionnement mathématiques. vers 15-16 ans, âge de la 2nde-1ère, où l'on commence à aborder quelques résultats intéressants, les jeunes, en particulier les garçons, sont beaucoup plus difficiles à "bouger".

   - permettre d'introduire très tôt des concepts pas si facile à comprendre, au fond (notion de bijection, de corps - sans le dire -  vues au collège dans les années 1970-1980). En retardant toujours plus l'introduction des concepts, seuls les plus rapides sont capables de les assimiler. Exemple : les vecteurs, vus tranquillement en 4ème-3ème dans le programme 1970-1980, vus en trois semaines en seconde.... Si ce n'est pas de l'élitisme, cela : rendre les choses difficiles encore plus difficiles ?

Sur la méthode inductive qui demande au jeune de formuler lui-même le concept pour mieux le comprendre :

   - cela favorise les esprits rapides et intuitifs, qui apprennent très bien aussi avec un cours plus didactique

   - cela fragilise les "lents" à qui on demande de remettre en cause leur savoir laborieusement acquis et de tout réorganiser. Ce type de démarche, pertinent pour un universitaire, est-il adapté à un jeune en formation ?

   - cela renforce, s'il était besoin, les jeunes, dans l'idée qu'ils n'ont rien à apprendre des adultes. Fondamentalement, cela renforce une certaine étroitesse de vue dont ils n'ont pas besoin.

   - pour beaucoup, il n'y a pas passage à l'abstraction, mais formulation d'une "nouvelle règle", qui elle, sera valable jusqu'à ce que le prof invente un problème qui la remette en cause. Les jeunes croient comprendre qu'on attend d'eux qu'ils appliquent, et deviennent réticent à l'abstraction, dont ils ne saisissent pas l'intérêt. Ils prétendent même ne pas "comprendre" (même et surtout les plus capables d'entre eux, sûrs de leur bon droit) tant qu'ils n'ont pas "fait des exercices".

   - cela dégoûte les esprits logiques. Pour certains, les plus lucides ?, cela a un côté décourageant, de remettre en permanence le savoir (durement) acquis, au lieu de se trouver dans une perspective de construction d'un savoir "logique et ordonné". Bien des fois, j'ai entendu mes élèves de 2nde, formatés à la méthode inductive, déclarer "Ah..., mais c'est logique en fait". En cours de maths, on croit rêver...

   - cela étonne beaucoup de parents, moi compris : si un grand esprit comme Pythagore ou Pascal a mis des années à le démontrer, j'ai du mal à penser que mon enfant si génial soit-il, en soit capable en une heure d'activité.

Pour tout dire, le système actuel ayant réussi à dégoûter mes deux aînées des études scientifiques avant même qu'elles n'aient commencées, je fais de la prévention avec mon troisième en complétant autant que de besoin son cours de collège. De toutes façons, il y a peu de risques que ses professeurs s'en aperçoivent (exemple : notion de bijection, vue en 5ème dans mon manuel, à peine évoquée dans le théorème de la bijection en TS de nos jours...).

A titre d'information, l'EPFL de Lausanne accueillait à bras ouverts il y a 15 ans les bac S français avec 10 de moyenne. Elle exige maintenant 14 de moyenne sur deux matières scientifiques + 1 langue et le français. Les Suisses sont juste des gens pragmatiques... Sur comment enseigner les maths en utilisant la géométrie comme support ("concret", donc adapté au collège), je vous suggère de vous reporter à l'Enseignement de la géométrie par Gustave Choquet (Paris VI, Ed Hermann coll "L'enseignement des sciences", 1964) : j'ai trouvé que c'était lumineux !


2. Réactions de M. Claude Pomero reçus en mars 2013

Je suis tombé par hasard sur vos cours donnés par Mme Manotte en 1974-75. Elle a été ma professeur pendant quatre ans au lycée Saint-Exupéry. Elle a changé ma vie: quand je lui ai demandé en 1964 ce qu’il fallait que je fasse après le bac : elle m’a alors conseillé, en roulant les rrrr..., d’aller en mathématiques supérieures. Je ne savais pas ce que l'on préparait en maths sup, mais je me suis inscrit car je lui faisais aveuglément confiance (et mes parents ne comprenaient pas grand chose à tout ceci...). Après un parcours cahotique, j’ai fini ingénieur en chef des Ponts & Chaussées et je suis actuellement gérant de sociétés. J’ai toujours eu beaucoup de reconnaissance pour cette professeure remarquable ; et j’ai reconnu son écriture sur vos copies! Merci de votre bonne idée...

Il m'est revenu une anecdote. J'étais convoqué à l'examen du permis de conduire. Le surlendemain, j'avais classe avec Mme Manotte, et elle me dit "Pomero, vous étiez absent avant-hier ?". Moi, tout content d'avoir pour une fois une bonne excuse, je lui dis que j'avais passé l'épreuve du permis de conduire... Elle me répond : "sachez, Pomero, que j'ai été convoqué quatre fois sans y aller, parce que j'avais cours !". "J'espère que vous l'avez eu, au moins ?" Quand je lui ai dit que je l'avais effectivement réussi, un petit sourire sans commentaire vint sur son visage et elle continua le cours...


3. Réaction de mon ami José Félix après l'annonce de la disparition de Mme Manotte

Elle restera pour moi aussi le professeur le plus marquant de ma scolarité. Elle m'a révélé la beauté des mathématiques et leur grande rigueur. Elle est partie, paix à son âme mais la transmission a eu lieu à travers toi et d'autres professeurs. La vie est un grand mystère qui nous oblige à beaucoup d'humilité.


4. Souvenirs d'Yves Melot, un de mes camarades de classe (scolarité de 1968 à 1975 au lycée Saint-Exupéry) ce 21 février 2022

En maths, c'est Mme Manotte qui m'a épaulé pendant 2 ans, une super prof. mais en SVT, Terrestri m'a donné la passion des pierres, madame Falcou et ses minijupes, une prof de français et latin au top, son mari en philo complètement dézingué mais brillant, et puis il y a eu cette petite remplaçante en histoire géo dont j'étais amoureux, ce prof de gym (pas Charlot le dingo) qui m a fait faire des tours de piste et m'a donné confiance et grâce auquel je cours toujours. Dans les nuls le prof. d'anglais dont je tairai le nom soyeux, un malheureux prof. de math, moche et alcoolique qui m'a ruiné de la 6ème à la 3ème. Mais c'était globalement un bon lycée, avec de bons souvenirs.


5. Souvenirs de Gilbert Lovera, ce 14 janvier 2023

J'ai retrouvé cette coupure de journal où l'on voit Mme Manotte et sa classe de Mathélém pour l'année scolaire 1961-62 Je me trouve en première ligne du haut à l'extrême gauche. C'était la dernière année où le lycée Saint-Exupéry se trouvait à Boulouris, à l'emplacement du CREPS actuel, avant d'ouvrir dans le centre de Saint-Raphaël. [Mme Manotte est sur la rangée du bas, au 5e rang à partir de la gauche ou de la droite.]

6. Souvenirs de M. Ginesta, ancien maire de Saint-Raphaël

7. Lettre de Mme Manotte adressée à DJM le 6 septembre 2004 suite à la parution de mon cours de géométrie

8. DEDICACE de mon livre Arithmétique des entiers paru en février 2017

Ce livre est dédié à Mme Jeanne Manotte, professeur de mathématiques au lycée St Exupéry dans les années 1970, qui vient de s'éteindre paisiblement à Saint-Raphaël. Ce professeur plein de rigueur, d'autorité, d'enthousiasme et de bienveillance, a été, et continue d'être, mon mentor depuis que j'ai eu la chance de suivre ses cours passionnants en première S en 1973-74, puis en terminale. Je la remercie ici humblement pour tout ce qu'elle a apporté à des générations d'élèves scientifiques.

J'entendrai toujours notre professeur dire ses expressions favorites, en roulant les "r" et avec l'accent chantant du sud-ouest : « de deux chose l'une » ; « qui peut le plusss peut le moinsss », « nous pouvons rrraisonner par contrrraposée », ou encore « changeons notrrre fusil d'épaule »... Ce livre d'arithmétique correspond parfaitement à la rigueur et l'honnêteté que nous a apprises Mme Manotte durant nos années de formation.

Dany-Jack Mercier rendant visite à Mme Manotte et son mari le 5 juillet 2000, puis au restaurant le Corsaire à Saiont-Raphaël en 2002 :