L'auteure et l'illustratrice que je suis

L'auteure

Je ne suis pas née dans une rose comme toutes les petites filles. Il paraît que j'ai été découverte gazouillant comme une pie avec une perruche qui semblait veiller sur le bébé que j'étais, alors confortablement calé dans de jolis draps brodés, à l'intérieur d'une coquille aborigène, un coolamon.

Cet étrange berceau flottant ressemblant à un mini canoë est arrivé poussé par de mystérieux vents et s'est amarré à l'abri d'un beau soleil de printemps sous la magnifique ramure d'un saule pleureur en pays Celte.

Cette enfant que j'étais fut recueillie par un jeune couple d'enchanteurs responsables du Grimoire De La Nuit Des Temps qui garde tant de secrets. En grandissant, j'ai pu en tourner de merveilleuses pages enluminées et prendre connaissance de beaucoup, beaucoup de choses. Désormais, j'entends parler toutes sortes de plantes, d'objets, de rochers, de ruisseaux et gazouille cette fois en bien des langues. Je comprends le peuple du microcosme, n'ai jamais le bourdon, chante avec les géants des mers et connais bien La Petite Sirène. Pourtant, je reste persuadée que j'ai encore tellement à apprendre des Maîtres de l'Ecriture, que je suis par (leurs) chemins pour vous raconter ses nombreuses et impressionnantes rencontres avec des personnages fascinants ou extravagants.

L'illustratrice

C'est aussi moi. Là-bas, en pays Celte, comme tous les enfants du monde, enfin pas tout à fée, comme vous le savez maintenant, j'ai commencé à donner vie à mes cahiers aux pages fabriquées au moulin voisin, en dessinant et coloriant avec mes mains et mes petits pieds. Je trouvais aussi très amusant d'utiliser et parfois d'expérimenter d'étranges outils pour m'exprimer, tels une feuille de platane, le bouchon de cristal d'un flacon de parfum magique, une grappe de raisin pressée. Je me servais même de l'oreille de mon doudou qui dodelinait toujours de la tête pour m'encourager. Ne parlons pas du bout de mes tresses brunes qui barbouillaient tout de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, au grand dam de mes parents, désenchantés à voir leurs cheveux se dresser sur leur tête !

Puis, un matin, je vis sur la table de la cuisine de la belle chaumière que j'habitais, quelques instruments plus appropriés : un tamponnoir, un bâtonnet de charbon, un beau pinceau au manche de jade en poils de yack, un autre réalisé avec la barbichette d'un vieux loup chef de meute qui avait longtemps discuté avec mes parents enchanteurs. Pourtant, un jour de grande forme, j'ai encore essayé une chose : peindre avec la laine tirée du pull que je portais que j'ai détricoté en courant comme une folle dans les bois. Tant et si bien que Madame Hulotte dit à la fillette que j'étais alors, en faisant de gros yeux ronds comme des billes, que j'exagérais !

Depuis mille et une années environ, je suis devenue sage, enfin, presque, car je mets moins la gomme à ce sujet, dessine et peins de manière plus normale. Parfois, il faut l'avouer, je trempe des tiges de fougères qui sont en forme de crosse dans de l'indigo. Cela ne m'empêche pas de déposer mon grain de folie sur de Vélin papiers et de prendre un grand Calque si je rate un croquis. Courageuse, je continue et recommence complimentée par Dame araignée habituée à remettre cent fois son travail sur sa toile.

Au fait, ne vous penchez pas trop pour lire ces lignes, vous pourriez vous tâcher les moustaches ou le bout du nez car elles sont toutes fraîches. Oups, c'est trop tard, vous avez un peu de bleu, là ! Voilà, en tout cas, c'est tout simple, un instrument d'écriture peut dessiner et inversement ! ... En ces temps de pandémie, c'est le masque qui portera de nouvelles moustaches colorées !