L'avenir du Web

Dans les sciences de l'INFORMATION



Capture d'écran de la version restaurée du premier site web (Image : CERN). repéré à: https://home.cern/fr/science/computing/birth-web

Johanne Audrey Johnson

2020-04-02

Le passé et les prédictions passées du futur...dépassées

Le futur sera-t-il simple ou conditionnel à la conjugaison imparfaite ou plus-que-parfaite du passé; ce passé du futur étant le présent, présent toujours indicatif sinon impératif du futur.

Un futur à conjuguer avec ses règles sémantiques obscures à décrypter et surtout ses imprévisibles surprises. Nous subissons actuellement un visiteur inopiné et envahissant, nommé COVID-19, qui vient bouleverser notre présent et impérativement le futur.

Ce sont donc des prévisions empreintes d’imprévisibilités que je vous soumets bien consciente qu’en cette époque troublée et troublante, l’aruspicine pratiquée au comptoir des viandes d’un supermarché risque de surpasser même les futurologues scientifiques les plus chevronnés dans la justesse de leurs prédictions, par les temps qui courent… sur place… parce que confinés.

Déjà qu’il y a un bout de temps que le futur n’est plus ce qu’il était dans les sociétés industrielles. Dans les années soixante, les changements technologiques se sont inexorablement complexifiés et accélérés au point où les humains ont commencé à ne plus suivre.

Alvin Toffler, sociologue et futurologue, a écrit en 70 son best-seller, Le Choc du futur[i]. Il nous y mettait déjà en garde de l’effet du stress chez les humains dus aux changements technologiques trop rapides pour eux.

Il affirme dans cette vidéo issue de l’émission Big Thinkers[ii] (2002) que les changements sociaux et technologiques sont toujours interreliés. Il nous rappelle la puissance de la technologie pour transformer une société, prenant exemple de la révolution industrielle qui a intrinsèquement changé le style de vies des travailleurs. Autrefois paysans, devenus urbains pour satisfaire une industrie, ceux-ci se sont fait imposer un système de valeur, de nouvelles institutions, de nouvelles structures sociales, de nouvelles façons de consommer et de communiquer, etc.

Les inventions technologiques viennent de concert avec les inventions sociales et en sont indissociables. On nous rappelle dans cette entrevue qui contient des séquences des années 70, que désormais, avec le téléphone, on n’a qu’à soulever le récepteur et tourner le disque du cadran pour avoir le monde au bout des doigts… Alors que dire à notre époque de l’incroyable puissance de l’internet, des réseaux sociaux, du web sémantique, de l’internet des objets et tout ce qui est à venir sur nos sociétés et sur nos liens sociaux.

Le monde devient une immense toile inextricablement interreliée plus que jamais accessible au bout des doigts! Les objets intelligents désormais partout, se retrouvent dans le corps même des individus, avec le fantastique potentiel pour le monitoring de la santé mais aussi le terrible danger de rançonnage qui en est l’odieuse contrepartie.

Toffler affirme que tous les changements technologiques depuis la révolution industrielle ont amené la production de masse, la consommation de masse, les médias de masse sans oublier les armes de destructions massive et l’exploitation de masse des ressources et du travail des plus démunis! Ce système a changé les humains pour le bien du système lui-même et de ceux qui le contrôle.

La révolution industrielle a changé les structures sociales et a même rendu caduque la nécessité de la famille traditionnelle. Alvin Toffler présume que ces changements, loin de se stabiliser vont se poursuivre de façon exponentielle et qu’il y aura à l’avenir de nombreuses crises de sociales toutes sortes lorsque nous nous serons confrontés aux changements majeurs apportés par l’ingénierie génétique et la révolution biologique qui amèneront une période de grande turbulence.

Avant de me lancer dans mes prédictions sur l’avenir des réseaux sociaux et du web, j’ai souhaité consulter encore davantage de prédictions énoncées dans les années 60, par de brillants cerveaux d’experts afin de reprendre une autre tasse d’humilité, car, bien malin qui peut prédire l’avenir, quand même les plus savants n’y arrivent pas totalement.

Dans ce documentaire « The 21st century » de 1967, on interroge des scientifiques sur leur vision de l’an 2000[iii]. Il est fascinant de voir que certaines de leurs prédictions parfois précisément réalisées et d’autres qui sont restées dans les classeurs des rêves intangibles... à ce jour, à tout le moins. Il y a quelques erreurs, certaines majeures dont celle de l’architecte et ingénieur Buckminster-Fuller qui nous affirme qu’en l’an 2000, nous allons nous télétransporter telles des ondes radios et habiter la lune, mais comment ne pas lui pardonner, car c’est cette créativité débridée qui nous a donné la fabuleuse Biosphère de l’ile Ste-Hélène, conçue au départ comme le Pavillon des États-Unis de l’Expo 67. De plus, il fut un des écologistes avant la lettre, avec sa vision systémique et holistique du monde.

Les scientifiques interrogés possèdent tous une vision relativement optimiste du futur et espèrent que les soins médicaux de l’Occident soient étendus à toute la planète. Ils souhaitent l’utilisation d’une énergie propre et sans limite, le contrôle de la surpopulation et la fin de la faim dans le monde. Je me permets de traduire librement une phrase de la vidéo : « Le futur ne peut pas être prédit, il sera inventé et il est déterminable. Les personnes peuvent déterminer le futur, s’ils comprennent et décident avec les choix qui s’offrent à eux. » Dans ce reportage on nous exhorte à réaliser que le futur est ce que nous déciderons qu’il soit et on nous suggère de travailler au bonheur de la société plutôt qu’à la technologie. Isaac Asimov nous y parle de globalisation dans le bon sens du terme, c’est-à-dire, la mise-en-commun pour tous du savoir, ce qui va dans le sens du Web sémantique dont nous reparlerons.

Dans une ère d’invasion par la COVID-19, on espère assister à cette éventualité pacifique et humaniste. Les paroles d’Asimov que je traduis librement sont empreintes de sagesse : «(…) nous faisons face à un nombre de dangers communs. On peut vaincre ces dangers seulement par une action commune (…) Nous avons deux alternatives, le cœur humain va être dompté pour faire face aux problèmes du monde ensemble ou nous nous serons autodétruits au point où cette discussion (sur le futur) sera inutile »[iv] Alors, je choisis d’inclure cette option du déterminisme positif dans mon bagage de futurologue en devenir.

.Isaac Asimov[v], scientifique émérite doublé d’un écrivain de science-fiction a par ailleurs prédit les autos qui se conduisent elles-mêmes, alors que celles-ci sont presque déjà garées à nos portes, il a également prédit les appels vidéos et la robotisation des appareils domestiques. Il a estimé avec une justesse surprenante la population mondiale et celle des États-Unis actuelles, mais ses prophéties de maison sous l’eau et les autos et bateaux à jets d’air compressés n’ont pas vu le jour. Il a également prédit la fausse viande, mais n’a jamais vu venir l’internet!

Alors, je m’apprête à discuter le futur du Web, en toute humilité, peu équipée, tant au niveau scientifique que littéraire.

La première question que je me pose est liée à la bonne vieille théorie de l’évolution : Quels types d’humains seront favorisés par les changements à venir avec le l’évolution probable du Web? Je me lance dans une première prédiction : si la tendance se maintient, j’en conclus que ce sont les humains aux capacités d’adaptation exceptionnelles et capables de naviguer dans un monde ou la nouvelle ressource à harnacher est le torrent d’information toujours en bouillonnement.

Je garde à l’esprit Machiavel : “Pour prévoir l'avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats.”

Force est de constater que cinq siècles n’ont pas ajouté une ride à cette citation. Cependant, la science et la technologie amènent des pouvoirs jusqu'à lors inconnus aux humains. Est-ce qu'ils en feront bon usage? Et si ce pouvoir leur échappait aux mains de l'intelligence artificielle.

En effet, est-ce qu’un jour l’intelligence artificielle pourra se passer a de nous? Si oui, quand? « Why the Future Doesn't Need Us» écrivait Bill Joy, en l’an 2000[vi]. En 2008, en réponse à Joy, Lucas Graves nous laissait un peu de leste dans son article « Why the Future Still Needs Us a While Longer" en affirmant : « Joy expected intelligent robots by 2030, and scientists agree, predicting major breakthroughs in AI over the next 20 years. But it's too early to say whether we'll be calling Sarah Connor. »[vii]

Restons vigilants, et, en attendant l’invasion de Terminators… ou pas, voyons quelques statistiques.

Pour établir un ordre de grandeur, en 1996, dans le contexte du web 1.0, il y avait 250,000 sites web et 45 millions d’utilisateurs, lecteurs dans le monde. Dix ans plus tard, avec le Web 2.0, on retrouve 80,000,000 de sites, 1 milliard d’utilisateurs qui sont à la fois lecteur et éditeurs de contenus. [viii] Actuellement, il y a plus de 1,7 milliard de sites[ix] et plus de 4,5 milliards[x] d’utilisateurs. En 2020, le réseau social le plus utilisé est Facebook avec 2,5 milliards d’utilisateurs.[xi]

L’internet et le WEB

Tout d’abord, le Web n’est pas l’Internet mais seulement une de ses composantes. Les autres composantes de l’internet sont : le courrier électronique, l'échange de fichiers par FTP, certaines communications téléphoniques, les transmission de vidéos et d'audio en bande passante (streaming).[xii]

L’internet a été créé en 1969 pour le bénéfice du gouvernement américain qui voulait disperser ses informations pour des raisons de sécurité militaire. Les chercheurs scientifiques ont ensuite vu le potentiel de cet outil et ont commencé à l’utiliser pour communiquer entre eux.

Web 1.0

Pour sa part, le web 1.0, ou web statique des origines a été conçu pour répondre à un besoin des scientifiques. En effet, « dès 1989, Tim Berners-Lee souhaite régler un problème de travail collaboratif sur des documents distribués au sein du CERN[xiii] (…) Pour cela il fallait mettre en place un protocole commun, HTML (HyperText Markup Language) protocole issu lui-même des langages de structuration de documents (SGML). Par ailleurs, il fallait un protocole standard de transport de l’information sur Internet : le HTTP (Hypertext Transfert Protocol). Telles sont, avec l’adresse URL, les conditions d’interopérabilité. » [xiv] Cette première version était constituée de pages statiques reliées entre elles par des liens hypertextes. Malgré tout, ce fut une révolution qui a complètement transformé la façon d’échanger de l’information et de communiquer entre nous, tant au niveau personnel que professionnel.

Le père du Web, Tim Berners-Lee, ne s’est pas assis sur ses lauriers malgré l’immensité de sa découverte, il travaille constamment depuis à l’évolution du web et à assurer l’accès démocratique à tous à ce formidable réseau. Il souhaite faire du Web, un bien global public, et même plus, un droit fondamental protégé par une charte, la Magna Carta. [xv] Réaliste, il protège sa création en nous mettant en garde des dangers liés à son utilisation malveillante. Contrairement au Dr Frankeinstein du roman, il surveille sa créature et s’assure de toujours la tenir sous son joug et d’en faire connaitre les bienfaits, mais aussi les dangers.

Web 2.0

Magué nous explique que l’« Internet est un réseau de réseaux, c’est-à-dire un ensemble de technologies qui permettent à plusieurs réseaux de s’interconnecter de manière à permettre l’échange d’informations entre ordinateurs connectés non seulement au même réseau, mais aussi sur des réseaux différents. » [xvi]

C’est cette interconnectivité qui a permis l’avènement des réseaux sociaux, puisque nous sommes tous désormais reliés dans la Webosphère et nous avons à notre disposition, un puissant outil de communication littéralement au bout des doigt.

Maignien nous rapporte qu’ «avec le développement des réseaux sociaux et des formes contributives du net, la production « humaine » de données est sans limite. Tim Berners-Lee, en 2007, proposait même de laisser le terme ‘ World Wide Web ‘ pour celui de ‘ Giant Global Graph ‘, pour souligner cette croissance des données relationnelles. » [xvii]

Les réseaux sociaux appelés également web 2.0 ou web participatif, permettent aux utilisateurs d’être au cœur des différents enjeux et de participer au partage des données, et ce, sans limites. Quant à l’origine du nom Web 2.0, nous le devons à Tim O’Reilly : « The term “Web 2.0” was defined by Tim O’Reilly in 2005, amongst other definitions, as sites and services that rely upon the generation of content by their users, as opposed to editors or dedicated content creator. »[xviii] En effet, nous vivons désormais dans un monde ou nous sommes tous potentiellement éditeurs et créateurs à notre gré.

Tim O’Reilly a également une vision de ce que représente une véritable application 2.0 : « Tim O’Reilly, who coined the term Web 2.0, made an interesting observation about Web applications and knowledge accumulation : A true Web 2.0 application is one that gets better the more people use it. Google gets smarter every time someone makes a link on the web. Google gets smarter every time someone makes a search. It gets smarter every time someone clicks on an ad. And it immediately acts on that information to improve the experience for everyone else. It’s for this reason that I argue that the real heart of Web 2.0 is harnessing collective intelligence. » [xix]

Donc, on peut dire qu’une bonne application 2.0 se reconnait par sa capacité à s’enrichir avec ses interactions aux usagers.

Web 3.0

Si le Web 1.0 fait des liens entre les informations, le Web 2.0 fait des liens entre les usagers, le Web 3.0 fait des liens entre les connaissances et exécute des actions par des applications connectées entre elles.

Tim Berners-Lee est également concepteur du Web 3.0, né en 1998. Le but de cette innovation était de permettre aux humains de communiquer avec les machines et aux machines de communiquer entre elles afin d’échanger des données brutes et de créer un immense graphe infini, de toutes ces données interreliées.

« Si l’un des objectifs du web 2.0 a été de simplifier un usage parfois complexe d’Internet, en se souciant notamment de l’ergonomie des interfaces et en plaçant l’utilisateur (non spécialiste) au cœur des enjeux – l’utilisateur partage, contribue, commente –, les visées du web 3.0 (ou web sémantique) sont autres. Il s’agit désormais de penser le web en termes de structuration et de programmation des métadonnées. Pour le dire autrement, il y a passage d’une version du web horizontale, où la catégorisation est mise à plat (par exemple, le hashtag), à une version hiérarchisée et informée, où le relief de la structuration met en évidence auprès des autres systèmes sémantiques la nature du contenu diffusé. »[xx]

Dans le web 2.0 ou réseaux sociaux, on partage des documents, des informations, mais, le web devait aller plus loin et partager des données compréhensibles par tous les appareils en utilisant un standard, le format RDF, pour transporter les données. Dans cette équation, le web sémantique est l’équivalent de la fiche bibliographique dans une bibliothèque, qu’on appelle Ontologie qui décrit chaque ressource, comme on l’explique dans cette vidéo[xxi].

Dans le Web 3.0 ou web sémantique ou web des données, on va aussi loin qu’identifier chaque individu que nous sommes, non pas une URL, mais par une URI, un identificateur unique qui peut être utilisé par exemple, via l’application de relations, Friend of a friend (FOAF)

On crée à l’infini des relations entre les individus, les objets, les lieux, les concepts, etc. et ce peu importe la discipline, dans une structure de triplets toujours composés d’un sujet, un prédicat et un objet, du langage RDF, créant un immense graphe de relations, une base de données géante.

Web 4.0, 5.0

Il y a désormais le Web 4.0 ou web mobile ou symbiotique, où l’humain fusionne encore plus avec la technologie en étant constamment analysé et où on lui fait des suggestions toujours plus en accord avec ses goût, ses comportements passés et sa personnalité, cependant peut-être, au détriment de sa vie privée.

Il y a également le Web 5.0[xxii] le web sensoriel et émotionnel ou organique pour se rapprocher encore plus de l’expérience humaine de l’usager, mais nous en sommes aux balbutiements de son implantation dans nos vies.

Prédictions à court et à long terme

Alors, roulement de tambour, que va-t-il se produire à partir de maintenant……

Dans 1 an

La COVID-19 ayant frappé pendant la rédaction de cet essai, mes prédictions ont été bouleversées et révisées en tenant compte de cet événement planétaire majeur.

D’ici un an et même beaucoup plus loin, la planète devra se remettre à tous les niveaux des conséquences humaines, financières, écologiques de cette crise. Il y aura perturbation de tous les aspects de la vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle de chacun.

Cette catastrophe sanitaire a certainement mis de l’avant l’importance des communications à distance et le partage des connaissances entre toutes les communautés scientifiques, sociales et politiques de la planète et la nécessité de s’unir pour survivre. Bien sûr, certains manifestent des comportements prédateurs, mais, la majorité a saisi l’importance de chacun pour la survie de tous. Certains emplois non valorisés précédemment sont désormais vitaux et nous prenons acte de l’importance de tous les maillons de la chaine humaine. Nous réalisons en plus, qu’un organisme de la taille d’un centième de micron peut jeter par terre l’humain qui croyait avoir maté la nature.

Tout ceci met en lumière l’importance du web sémantique pour le partage des connaissances et l’importance de la collaboration de la communauté humaine qui réalise enfin, peut-être, que sa survie dépend de la collaboration de chacun.

Dans ce contexte, une technologie comme le web sémantique pour partager des données semble la voie à suivre. Au Québec, ou nous démontrons un retard dans ce domaine, il sera important d’emboîter le pas.

Il y a également à prévoir que le télétravail deviendra beaucoup plus répandu, créant une utilisation encore plus fréquente des réseaux sociaux et des plateformes collaboratives pour communiquer entre les individus à distance.

Dans 5 ans

Il faut espérer que la crise planétaire du Covid-19 permettra une meilleure définition du partage des données pour le bien universel. « Globalement, avec le web sémantique, c’est donc souvent la frontière entre données publiques et usages privés, et même entre signification du « bien public » et « intérêt privé », qui demande à être redéfinie à nouveaux frais, accentuant le caractère socioculturel du système technologique d’Internet. »[xxiii]

Il faudra miser davantage sur la collaboration et le partage des données et des résultats afin de trouver des solutions aux problèmes mondiaux. « On commence aussi à comprendre qu’un régime généralisé de données ouvertes va transformer les pratiques de la recherche de fond en comble. » [xxiv]

Il faut que le Web devienne le média privilégié pour la publication d’articles savants. « La diffusion sur support numérique de textes ou de résultats de recherche fragmentaires ou achevés implique un processus dont la complexité devient parfois un obstacle difficile à surmonter pour les chercheurs habitués à publier leurs travaux en passant par les supports imprimés traditionnels (livres, revues, journaux, etc.). Le web n’est pas encore, en effet, le média de publication le plus employé pour la publication d’articles savants, d’édition critiques ou de textes de fiction, si bien que la plupart des protocoles restent à être définis et, surtout, à être apprivoisés par les chercheurs. Or il faut s’interroger sur la manière de faire évoluer les pratiques sans réduire la portée des contenus, sur la manière de changer les processus sans travestir les résultats, tout en insistant sur la valeur ajoutée des différentes pratiques inhérentes à l’édition et à la publication numériques » [xxv]

L’appel pour les « Raw Data Now », (données brutes) de Tim Berners-Lee lancé lors d’une conférence en 2009[xxvi] sera de plus en plus écouté et le mouvement déjà enclenché pour le partage de données brutes et leur interconnectivité par des ontologies et des concepts mise en triplets, sera irréversible et transformera l’accès aux données pour le bénéfice de tous.

Dans 20 ans

Dans 20 ans, selon l’orientation que le monde se sera donné, le Web sera cette grande démocratie en ligne où nous partagerons des données pour l’avancement de l’humanité protégé par une Magna Carta, une grande charte des droits tel que demandé par Tim Berners-Lee[xxvii] dans sa conférence Ted de 2014 pour le 25ème anniversaire du Web, ou, le monde sera cette dystopie toujours crainte d’un état mondial totalitaire où surveillance électronique, contrôle et censure seront le lots des humains du futur.

Utopie ou dystopie? Les deux seront rendus possibles par la technologie. Les deux sont pratiquement possible dès maintenant. On le voit dans un pays totalitaire et autoritaire comme la Chine qui surveille ses citoyens et les contrôle par un système de notation.[xxviii] On peut prévoir encore pire, une nouvelle forme d’esclavage où les individus seront soumis, contrôlés et dominés par des entraves et des menottes technologiques constantes dans un totalitarisme à la Big Brother.

Cette citation de Stephen Hawkins nous met en garde: « I worry about the control that big corporations have over information. The danger is we get into the situation that existed in the Soviet Union with their papers, Pravda, which means "truth" and Izvestia, which means "news". The joke was, there was no truth in Pravda and no news in Izvestia. Corporations will always promote stories that reflect well on them and suppress those that don't. »[xxix]

Ou, au contraire, la technologie peut améliorer la démocratie en permettant un lien direct entre les gouvernements et les citoyens et des services toujours améliorés par cette conversation constante.

L’internet des objets et les version ultérieures du Web, permettront des outils au service de l’individu dans tous les secteurs, y compris la santé par gestion de l’homéostasie de la personne à distance par les meilleures pratiques médicales, les prothèses les plus raffinées, ou, au contraire, amèneront un contrôle total à distance de la santé et même la vie ou la mort de l’individu. Pire si l’intelligence artificielle rend désuet l’humain, comme nous dit Stephen Hawkins : « I fear AI may replace humans altogether »[xxx]. Sommes-nous condamnés à la singularité technologique?

Au niveau consommation, au-delà de la consommation en ligne, on peut imaginer tous les objets intelligents qui passent eux-mêmes les commandes automatiquement pour leur entretien et leur approvisionnement, qui surveillent nos signes vitaux et prennent rendez-vous avec les spécialistes appropriés.

Pour le divertissement, les possibilités de connexion à la réalité virtuelle permettront à chaque individu de recréer l’environnement qui lui convient, avec une plus grande liberté ou pouvant mener à un isolement toujours augmenté par un individualisme exacerbé par les besoins comblés par des technologie toujours plus complexes.

Les outils technologiques sont à la fois gourmands en ressources naturelles et pollueurs, allons-nous comprendre l’importance de respecter un plus grand équilibre écologique ou serons-nous toujours plus effrénés à consommer des ressources sans fin pour satisfaire des besoins toujours plus insatiables, d’un nombre toujours plus grand de terriens locataires d’une terre aux ressources finies?

La formidable évolution des technologies et de l’intelligence artificielle nous ramène au mythe de Prométhée.

Nous devrons évoluer en sagesse et tenter de brider l’âme humaine si nous ne voulons pas subir les conséquences d’avoir volé le feu sacré, soit transgressé les lois naturelles, jusqu’à notre destruction, comme l’enseigne la métaphore de Prométhée.

En effet, la nature peut reprendre ses droits si l’humain pousse à l’extrême l’évolution scientifique et technologique au point de mettre en péril les écosystèmes. Nous savions qu’il existe des virus marins qui régularisent le monde aquatique: « Grâce à divers mécanismes, tels la destruction d'une espèce dominante au profit d'espèces plus rares ou le transfert de gènes viraux vers l'hôte, les virus maintiennent la biodiversité des écosystèmes aquatiques et facilitent le brassage génétique. »[xxxi] Est-ce que nous sommes en train d’apprendre qu’il peut y avoir un mécanisme équivalent sur terre à cette régulation d’un prédateur trop gourmand au détriment des autres espèces?

La boite de Pandore est ouverte, impossible de revenir en arrière. Nous devons faire avec la technologie et la science.

Toutes ces technologies peuvent aider et même sauver l’humanité en permettant une meilleure gestion et une globalisation positive des ressources, du transfert d’information et de la redistribution équitable sans épuiser la planète.

Totalitarisme ou démocratie, tout dépend de nos choix et de notre courage. La technologie est qu’un outil, pas un maitre. Nous devons nous impliquer et construire l’avenir, car, pour paraphraser Alvin Toffler, le futur est où « nous allons passer le reste de notre vie »[xxxii]


Notes :

[i] Toffler, A. (1970). Future shock. New York: Random House.

[ii] Halperin, J. (producteur, réalisateur).(2002). Alvin Toffler : futurist. Dans TechTV. , Big thinkers. Récupéré de : https://www.youtube.com/watch?v=QCXCDYj6U4E

[iii][iii] Kleinerman, I. (producteur). (1967). The 21st century. CBS News. Récupéré de : https://www.youtube.com/watch?v=wPETzKYLkco

[iv] Kleinerman, I. (Producteur). (1967). The 21st century. : CBS News. Récupéré de : https://www.youtube.com/watch?v=wPETzKYLkco

[v] Pogue, D. (2014). Future Imperfect. Scientific American, 310(March 2014), 36.

doi:10.1038/scientificamerican0314-36.

[vi] Joy, Bill (2000). "Why the Future Doesn't Need Us". Wired. Récupéré de https://www wired.com/2000/04/joy-2/

[vii] Graves, Lucas (2008). "15th Anniversary: Why the Future Still Needs Us a While Longer". Wired. Récupéré de : https://www.wired.com/2008/03/st-15joy/

[viii] Thomas, Christopher et Sheth, Amit (2011). Web Wisdom: An essay on how Web 2.0 and Semantic Web can foster a global knowledge society. Computers in Human Behavior, 27(4), 1285-1293. Récupéré de https://www-sciencedirect-com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/science/article/pii/S0747563210002190

[ix] Internet live stats (s.d.). Total number of websites. Récupéré le 3 avril 2020 de : https://www.internetlivestats.com/total-number-of-websites/

[x] Internet world stats. (2020).World stats. Récupéré le 3 avril 2020 de : https://www.internetworldstats.com/stats.htm

[xi] Mobux. (2020). Réseaux sociaux en 2020 : les chiffres à connaître. Récupéré le 3 avril 2020 de : https://www.agencemobux.com/blog/rseaux-sociaux-en-2020-les-chiffres-connaitre

[xii] Futura Tech. (2020). Internet. Récupéré le 3 avril 2020 de : https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/internet-internet-3983/

[xiii] Conseil européen pour la recherche nucléaire

[xiv] Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.) (2014). Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.306

[xv] World wide web foundation. (2015). Consumers International and Web Foundation Team Up to Advance Rights of Internet Users. Récupéré de : https://webfoundation.org/2015/11/consumers-international-and-web-foundation-team-up-to-advance-rights-of-internet-users/

[xvi]Magué, J. (2014). Chapitre 8. Les protocoles d’Internet et du web. In Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.), Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.327

[xvii] Maignien, Y. (2014). Les enjeux du web sémantique. Dans Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.), Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.320

[xviii]O’Reilly, T. (2005, September). What Is Web 2.0 : design patterns and business models for the next generation of software. Récupéré de : http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html.

[xix] Thomas, Christopher et Sheth, Amit (2011). Web Wisdom: An essay on how Web 2.0 and Semantic Web can foster a global knowledge society. Computers in Human Behavior, 27(4), 1285-1293. Récupéré de https://www-sciencedirect-com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/science/article/pii/S0747563210002190

[xx] Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.) 2014. Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.332

[xxi] Héon, M. (2018). Le web sémantique en 10 minutes. Dans 3e colloque sur le web sémantique au Québec. Récupéré de : https://www.youtube.com/watch?v=CHpZCYH4cOM

[xxii] Benito-Osorio, Diana, Peris-Ortiz, Marta, Armengot, Carlos Rueda et Colino, Alberto.(2013) Web 5.0 : the future of emotional comptences in higher education. Global business perspectives, 1, 274-287. Récupéré de https://link.springer.com/article/10.1007/s40196-013-0016-5#page-2

[xxiii] Maignien, Y. (2014). Les enjeux du web sémantique. Dans Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.),. Pratiques de l’édition numérique Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.320

[xxiv] Guédon, J. (2014). Le libre accès et la « Grande Conversation » scientifique. Dans Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.), Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.324

[xxv] Fabre, G., & Marcotte, S. (2014). L’organisation des métadonnées. Dans Vitali-Rosati, M., & Sinatra, M. E. (Eds.), Pratiques de l’édition numérique. Presses de l’Université de Montréal. doi :10.4000/books.pum.332

[xxvi] Berners-Lee, Tim (2009). The next web [Vidéo en ligne]. Récupéré de https://www.ted.com/talks/tim_berners_lee_the_next_web#t-14894

[xxvii] Berners-Lee, Tim (2014). A Magna Carta for the Web [Vidéo en ligne]. Récupéré de https://www.ted.com/talks/tim_berners_lee_a_magna_carta_for_the_web#t-79514

[xxviii] Leplâtre, Simon. (2018). En Chine, des citoyens sous surveillance. Le Monde. Récupéré de https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/06/15/en-chine-des-citoyens-sous-surveillance_5315522_3234.html

[xxix] Medeiros, João (2017, 28 novembre.). « Stephen Hawking: 'I fear AI may replace humans altogether'». Wired. Recupéré à : https://www.wired.co.uk/article/stephen-hawking-interview-alien-life-climate-change-donald-trump

[xxx] Medeiros, João (2017, 28 novembre.). « Stephen Hawking: 'I fear AI may replace humans altogether'». Wired. Recupéré à : https://www.wired.co.uk/article/stephen-hawking-interview-alien-life-climate-change-donald-trump

[xxxi] Jacquet, Stéphan et Depecker, Caroline. (2012). La diversité des virus aquatiques. Pour la science, 415(Mai). Récupéré de : https://www.pourlascience.fr/sd/microbiologie/pour-la-science-415-619.php

[xxxii] Halperin, J. (producteur, réalisateur).(2002). Alvin Toffler : futurist. Dans TechTV. , Big thinkers. Récupéré de : https://www.youtube.com/watch?v=QCXCDYj6U4E