Le meurtre de Roger Ackroyd

Illustration de la couverture, première édition (1926)

Attention, divulgâcheur!

Pour moi, Agatha Christie sera toujours la première et la plus grande reine du crime.


Je profite du confinement pour fouiller dans ma bibliothèque et relire certains classiques du roman policier.

« Je suis assez fier de moi comme écrivain. La phrase suivante n’est-elle pas parfaite? ‘La lettre lui avait été apportée à neuf heures moins vingt. Il était juste neuf heures moins dix lorsque je le quittai sans qu’il eût achevé de la lire. Les mains sur la poignée de porte, j’hésitai et regardai en arrière, me demandant si je n’avais rien oublié’ Tout était exact. Mais supposons que j’aie mis une ligne de points après la première phrase » Quelqu’un se serait-il jamais demandé ce qui s’était passé pendant ces dix minutes? » [1] On ne peut que constater, qu’Agatha Christie reconnait à travers le discours du narrateur, le Dr Sheppard qu’elle est assez fière de son habile subterfuge.

Au dernier chapitre intitulé : "Apologie", le narrateur avoue qu’il a camouflé être l’auteur du meurtre de Roger Ackroyd, entre les lignes de la narration de ses pérégrinations. Le Dr Sheppard a usé de pirouettes littéraires pour nous tromper et pour tromper Hercule Poirot à qui était destiné, ce surprenant récit.

Difficile à croire de nos jours, mais la parution de ce roman en 1926 a créé un véritable scandale à l’époque, scandale qui valu à son auteur la réprobation et la menace d’être expulsée du célèbre « Detection Club », un club d'auteurs britanniques de romans policiers, créé dans les années 1920.

On lui reprochait le subterfuge qu’elle a utilisée dans ce roman pour tromper le lecteur. Ce procédé n’ayant jamais été employé auparavant, il a soulevé l’ire de plusieurs lecteurs et collègues qui se sont sentis floués. Agatha Christie venait donc de briser la convention établie du roman policier.

« Dans Le Meurtre de Roger Ackroyd, nous ne pouvons concevoir qu’un narrateur avec lequel nous avons établi un contrat de confiance (et d’autant plus fondé que ce narrateur est médecin) puisse nous mentir, ne serait-ce que par omission, et nous cacher la réalité de son crime; les lecteurs que nous sommes succombent ainsi à l’illusion du «puisqu’il le dit, c’est vrai» sans voir que celui qui relate les faits d’enquête est aussi l’auteur du crime » [2]

Agatha Christie a « trompé » ses lecteurs et plusieurs se sont senti victimes d’une arnaque. Heureusement, d’autres se sont réjouis du bon tour que leur avait réservé l’auteur, de son habileté et surtout de sa créativité.

Elle a continué de surprendre jusqu'à son dernier roman: "La Dernière Énigme", qui est paru en 1976, à titre posthume alors qu'elle venait de décéder à l'âge de 85 ans.


Allez renouer avec votre bibliothèque pour y faire quelques découvertes. Relire un livre qu'on a aimé peut apporter un sentiment réconfortant en cette période de confinement.



Notes:

[1] Christie, A. (1978), Le meurtre de Roger Ackroyd, Paris: Librairie des Champs-Élysées.

[2] Dubois, Jacques ( http://www.bon-a-tirer.com/volume73/jd.html#note11)