C'est une vraie satisfaction et un soulagement d'arriver à ce stade de la fabrication. Se lancer dans la réalisation des têtes, c'est commencer un travail de précision et s'attaquer à un condensé de solutions techniques et mécaniques dont on a une idée mais pas vraiment encore les solutions.
A cette étape, on quitte le gros œuvre pour la réalisation de petites pièces qui demandent réflexion et qui se manipulent facilement, un peu comme de l'horlogerie ! Du moins, c'est mon ressenti... et on se rapproche inexorablement du but.
C'est la première question à se poser !
De cette position va dépendre, d'une part, le bon positionnent de la tête de l'observateur entre les faisceaux lumineux entrants vers les miroirs primaires, et d'autre part, la distance optique réelle SF (respectivement S'F') entre le centre optique du miroir secondaire (S) et le foyer du primaire (F) :
SF réelle = distance (centre optique du secondaire | centre optique du tertiaire)
+ distance (centre optique du tertiaire | foyer du primaire)
C'est cette distance optique qui influe directement sur la taille du miroir secondaire et donc sur l'obstruction du miroir primaire !
Dans ce qui suit, j'ai tenu compte de la taille de ma tête, représentée par l'ovale en jaune clair ci-dessous, qui doit venir au bord de l'entrée virtuelle des "tubes" des télescopes (424 mm de diamètre) avec une marge de 10 mm, pour ne pas empiéter sur le flux lumineux entrant. Avis aux chevelus, il faudra passer par le coiffeur pour ne pas vignetter !
"Angle d'inclinaison" de l'axe secondaire-tertiaire ou angle entre SF et SS' (ci-dessus)
Rigoureusement, l'angle que je nomme "angle d'inclinaison" est, par exemple pour le télescope droit sur la photo ci-dessus, celui formé par les segments [centre optique secondaire droit ; centre optique tertiaire droit] et [centre optique secondaire droit ; centre optique secondaire gauche].
Pour simplifier, je ramène tout dans le plan de la photo : "l'angle d'inclinaison" est alors celui formé par les segments [SF] et [SS'].
J'ai tenu à limiter cet angle pour limiter la distance optique réelle SF et donc réduire au maximum la taille des miroirs secondaires jusqu’à finalement obtenir au mieux 104 mm de petit axe. Plus on augmente "l'angle d'inclinaison", plus les porte-oculaires sont "bas sur la photo", plus la tête de l'observateur est loin de l'axe du miroir primaire et plus le chemin entre le secondaire et le foyer s'allonge.
Pour ajuster cet angle qui, au final, influe sur la taille du miroir secondaire, je me suis servi entre autre, de l'application d'aide au dimensionnement de miroir secondaire de Mel Bartels. Elle permet de calculer l’illumination au foyer en fonction du diamètre du secondaire et de la distance réelle SF (graphe suivant). J'ai pu par la même occasion estimer la perte d'illumination pour mes oculaires de plus grands champs.
Après calculs, essais et extrapolation de la hauteur des porte-oculaires, je me suis arrêté sur les valeurs suivantes :
distance (centre optique secondaire | centre optique tertiaire) : 283 mm.
distance (centre optique tertiaire | foyer) : 115 mm.
distance résultante réelle SF=398 mm.
Angle d'inclinaison des axes SF et S'F' par rapport à SS' : 22.5°.
petit axe du miroir secondaire : 104 mm, soit une obstruction d'environ de 26% (le champ de pleine lumière est de 18.5 mm et le shifting à prendre en compte lors de la réalisation est de 5.5 mm).
petit axe du miroir tertiaire : 50 mm par défaut (trop grand) car c'est le plus petit disponible chez GSO.
Estimation de la perte d'illumination pour un miroir secondaire de 104 mm de petit axe
Mes oculaires donnant les deux plus grands champs sont deux Nagler 20 mm puis deux Explore Scientific 14 mm 82° qui ont des "field diameter" de respectivement environ 32 mm (diamètre maximum mesuré sur la lentille d'entrée à défaut de disposer de caractéristiques techniques) et 20 mm. On voit donc que lors de l'utilisation du Nagler 20 mm, qui donne un champs réel de 0.91°, il y aura une légère perte d'illumination sur la périphérie du champ et aucune pour le 14 mm. Je considère non significative la perte pour le Nagler 20 mm sachant que je me concentre surtout sur la partie centrale du champ. La perte d'environ 0.1 magnitude étant quasi indétectable. On peut noter que cela correspond aussi à une illumination minimale en bord de champ d'environ 88%, d'après la feuille de calcul de Lionel Fournigault.
Elles sont constituées d'ensembles et de sous-ensembles :
La platine principale en sandwich carbone et CP de 12 mm qui permet la fixation de la tête par deux vis sur le dessus du bras (deux têtes de vis CHc assurent son bon positionnement) et qui supporte la platine D.I.P, le passe-filtres et l'araignée. Son bord interne définie la limite de la pupille d'entrée des télescopes (en fait, un bout d'arc ici). Pour m'assurer de capter en entrée des télescopes un champ réel minimum de 1° sans vignettage, j'ai fixé le rayon de la pupille d'entrée à 215 mm.
L'araignée qui est constituée de deux branches en fibre de carbone monolithique d'épaisseur 4 mm et qui maintient :
Le miroir secondaire et son système de réglage.
Le baffle minimaliste orientable, feuille circulaire en fibre de carbone de 1 mm d'épaisseur.
la platine D.I.P qui permet le réglage de la Distance InterPupillaire et qui supporte :
le porte-oculaire (voir onglet"porte-oculaires")
le miroir tertiaire et son système de réglage.
Support du miroir secondaire
J'ai repris une valeur sure déjà utilisé sur le T400 Serrurier puis le T400c Monobras : le miroir est maintenu avec la technique directement issue de celle des télescopes du club "Magnitude78" : point/trait/plan.
Les 2 ressorts de traction sont tendus par un bout de Spectra. Ils tirent sur la support en carbone de 5 mm d'épaisseur (collé au miroir avec du Sika pour aquarium) et ainsi, le plaque sur les têtes de 3 vis :
celle du haut, le "point", est sur l'axe optique et est bloquée une fois réglée en hauteur (élimine 3 degrés de liberté)
une deuxième glisse dans une fine rainure, "un trait" qui passe par l'axe optique, ce qui autorise un mouvement qui permet la collimation (élimine 2 degrés de liberté)
La troisième est en appui libre sur un plan. Elle permet aussi la collimation en éliminant le dernier degré de liberté.
Le démontage, si nécessaire, est rapide. Il suffit de retirer les tiges en acier qui maintiennent les bouts de Spectra.
Support du miroir tertiaire
Il est solidaire de la platine D.I.P et est placé juste dans l'axe du porte-oculaire.
Son maintient est basé sur le même principe que le miroir secondaire point/trait/plan, mais inversé. Le placage du support du miroir (collé avec du Sika pour aquarium) sur les vis se fait par une tige de traction centrale, elle-même soumise à l'effort d'un ressort enfilé autour d'elle.
Ce système est relié à la platine D.I.P par un "U" en plat monolithique de fibre de carbone d'épaisseur 5 mm.
Passe-filtres
Une lame en plexiglas de 3 mm coulisse dans une glissière collée sur le bord intérieur de la platine principale. La glissière est réalisée à partir de plaques de fibre de carbone de 3 mm d’épaisseur. Le bon positionnement des filtres se fait par un cran constitué d'une bille d'acier de 6 mm incluse dans la tranche de la platine principale et poussée par un petit ressort de stylo contre des repères percés sur la lame mobile. Le passe-filtres peut recevoir 2 filtres, le troisième trou de 70 mm de diamètre étant vide pour l'observation sans filtre. Ce trou de grand diamètre évite tout vignettage tout en jouant le rôle de baffle complémentaire.
Considérations sur le vignettage lié aux passe-filtres :
Les supports des filtres se trouvent juste en bordure de la pupille d'entrée des télescopes, la distance optique réelle filtre/foyer étant alors de 186 mm. Les filtres vont donc immanquablement masquer une partie du flux entrant.
Pour mieux considérer l'impact du vignettage, j'ai pris en compte mes 2 oculaires de plus grand champ. Le Nagler 20 mm, avec mes miroirs de 400 mm, offre un champ réel de 0.91°, soit au foyer un disque illuminé de 28.6 mm de diamètre. Le 14 mm Explore Scientific, quant à lui, offre un champ réel de 0.64°, soit un disque illuminé de 16 mm au foyer.
Quelle est donc la perte d'illumination due au vignettage occasionné seulement par les filtres?
Démarche : en première approche, sans tracé d'épure, j'ai utilisé les outils d'aide au dimensionnement d'un miroir secondaire pour essayer d'estimer le vignettage généré par les filtres. Pour cela, j'ai effectué la simulation comme si mon télescope était équipé d'un miroir secondaire de petit axe le diamètre des filtres à une distance du foyer correspondant à celle du passe-filtres. Dans ce cas, on peut supposer que la perte d'illumination, liée à la largeur manquante de ce miroir pour atteindre l'illumination maximale jusqu'en bord de champ, a le même comportement que la perte d'illumination due au masquage du flux entrant par la surface extérieure au filtre. Dans les deux cas, une partie du flux n'arrive pas dans le plan focal en bord de champ.
Pour analyser la courbe : j'ai étudié la variation de magnitude, s'il y en a, en prenant comme référence nulle la zone d'illumination maximale. Car contrairement au miroir secondaire qui crée de l'obstruction, il n'y a pas de perte d'illumination au centre du plan focal avec un "trou". Autrement dit, il faut "recaler" les courbes.
Attention, pour être vraiment objectif, j'ai pris le vrai diamètre de filtrage d'un filtre de 2", à savoir 44 mm environ et non 50.8 mm qui est le diamètre de l'anneau métallique qui le supporte !
Voici les résultats obtenus avec le logiciel de Mel Bartels :
Commentaires :
J'ai intégré dans la simulation le "trou" de 70 mm utilisé en mode sans filtre. On peut constater que dans ce cas, il n'y a aucun variation de la magnitude au foyer, donc pas de vignettage.
La courbe "avec filtre" montre une perte d'illumination qui peut paraître impressionnante. Cependant, il faut prendre en compte le fait que j'utilise rarement les filtres sur un champ aussi étendu que celui obtenu avec le 20 mm Nagler (à part pour La lagune, les dentelles, Orion, ...) qui dans ce cas, voit son bord de champ perdre 0.4 magnitude, ce qui n'est pas "insurmontable". Je peux si nécessaire recentrer l'image.
Pour la plupart des nébuleuses, j'utilise le 14 mm voire de bien plus petites focales : dans ce cas, même si le vignettage se ressent très rapidement sur la courbe en partant de l'axe optique, la perte réelle d'environ 0.2 magnitude en bord de champ n'est pas vraiment pénalisante (ceci affecte des objets du type , Nébuleuse de la Tarentule, M17, etc ...) car elle est difficilement détectable sur des objets diffus.
Enfin, on constate qu'un disque de 4 mm de diamètre profite de l’illumination optimum. Ce qui correspond au foyer à un objet observé d'environ 8 ' (minute d'arc), ce qui couvre la totalité des nébuleuses planétaires, y compris les plus étendues d'entre elles comme la nébuleuse de l'haltère M27 avec ces 8' x 5.7'.
Conclusion:
Finalement, je retiens que les petits inconforts liés au vignettage dans certains cas sont loin de ceux liés au montage et démontage des filtres par vissage en bout d'oculaire (solution que je peux toujours mettre en place).
C'est pourquoi je préfère profiter pleinement de la souplesse d'utilisation d'un passe-filtres qui permet entre autre, de comparer rapidement des visions avec différents filtres voire sans filtre, quitte à être pénalisé partiellement sur quelques cas.
La platine D.I.P
Elle a une double fonction : elle permet principalement le réglage de la Distance InterPupillaire et permet aussi de compenser les éventuels décalages en hauteur des oculaires lors de la mise au point. Elle supporte le porte-oculaire et le miroir tertiaire.
Pour ajuster la D.I.P en fonction de l'observateur, la platine peut se déplacer suivant l'axe SF (respectivement S'F'), axe décrit en début de chapitre, donc suivant l'axe optique secondaire/tertiaire.
Le guidage de la platine suivant l'axe SF est assuré par deux roulements solidement ancrés dans la platine principale et deux ressorts de rappel qui la contraignent à glisser parfaitement sur ces deux points en contact avec sa tranche rectifiée. Sa face inférieure glisse sur quatre rondelles en nylon faisant office de patin et collées sur le dessus de la platine principale (invisibles sur les photos). Deux vis à tête large, munies d'une rondelle en nylon pour favoriser un glissement doux, viennent la plaquer sur les patins avec une pression "juste ce qu'il faut" pour permettre un glissement sans jeu mais aussi sans blocage !
Enfin, une vis M6 équipée d'une jolie tête moletée permet, par le biais d'une douille en acier noyée, la translation de la platine D.I.P.
Les protections des miroirs secondaires et tertiaires sont réalisées dans un tissu appelé Tyvek, tissu resistant, doux et étanche aux poussières.
La platine principale est découpée dans une plaque de sandwich : (tissu carbone 600g/m²) + (CP 15 mm) + (600g/m²)
La platine D.I.P est découpée dans une plaque de sandwich obtenue par pressage sur une surface plane : (tissu carbone 600g/m²) + (1kg/m² quadri) + (Coremat 3 mm) + (1kg/m² quadri) + (600g/m²)
L'araignée et le support de miroir secondaire
L'extrémité de l’araignée qui reçoit les vis de réglage du secondaire est une pièce prismatique assez complexe faite de bois et de fibre de carbone. Pour obtenir cette forme avec précision, j'ai pris le parti d’assembler plusieurs éléments de bois simples avant de couvrir le tout de fibre de carbone et d'y avoir placé les douilles filetées en laiton.
Les branches sont découpées dans une plaque de carbone de 4 mm d'épaisseur obtenue par pressage de plusieurs couches de fibre.
La plaque collée au miroir secondaire est aussi une plaque en fibre de carbone de 5 mm d'épaisseur. La fibre de carbone présente ici l'avantage d'avoir un coefficient d'expansion thermique (2.1) plus proche de celui du verre BK7 (7.1) que ne l'est celui de l'aluminium(23). D'autre part, j'ai pris le parti de faire une petite simulation Plop sur 3 points pour déterminer la position des points de collage au Sika du miroir secondaire. J'ai effectué la simulation en supposant le binoscope au zénith et que le miroir secondaire est circulaire et de diamètre le petit axe. J'ai ensuite reporté les points obtenus par "projection" sur l'ellipse qui est sa forme réelle. Remarque : unités des coefficients d’expansion : x 10 exp(-6) / K.
Les plots d'appui des vis sont des plots métalliques utilisés pour le marquage dans le cadre d'assemblage par tourillonnage.
Enfin, pour bien respecter les dimensions et les angles, tous les éléments sont assemblés en se basant sur le plan à l’échelle 1:1 placé sous un plastique de protection sur la table.
Support du miroir tertiaire : il est aussi réalisé dans des éléments de 5 mm d'épaisseur dans lesquels j'ai inséré des inserts épaulés et filetés pour vis M3.
Passe-filtres : réalisé en plexiglas et plat de fibre de carbone de 3 mm, je n'ai pas eu d'autre solution que de le placer en bordure interne de tête, seul emplacement disponible pour recevoir un tel système.
Mise en place des inserts en laiton dans les bras pour la fixation des têtes
C'est une des dernière étapes mais pas la moindre ! En effet de la bonne position de ces inserts dépendra la position des miroirs secondaires et donc le préréglage global de la fusion.
Il faut positionner les deux têtes de manière à ce que :
les axes des deux télescopes, axes passant chacun par les centres optiques des miroirs primaire et secondaire, soient quasi parallèles entre eux par construction.
les deux télescopes aient leur bras aussi parallèles que possible pour permettre une même marge de réglage de la fusion.
les platines principales soient dans des plans parallèles voire confondus pour ne pas induire de différentiel angulaire entre les axes optiques sortant des porte-oculaires.
Pour repérer les positions adéquates, j'ai assemblé tous les éléments puis simplement maintenu les têtes sur les bras par le poids de deux petites batteries, le miroir primaire étant ... en place dans la caisse ! L'opération s'est faite en deux étapes, car par sécurité, je n'ai utilisé qu'un miroir primaire.
Pour matérialiser l'axe passant par le centre du primaire et celui du secondaire, les têtes sont d'abord positionnées au mieux suivant les plans d'exécutions. J'ai alors pendu un fil à plomb passant par le centre optique du miroir secondaire d'une première tête, point matérialisé par le trou de la douille filetée du point fixe du support du secondaire. Puis, j'ai incliné le binoscope jusqu'à ce que la pointe du plomb passe par le centre du primaire.
En pendant le fil à plomb dans le deuxième télescope, après avoir déplacer le miroir primaire dans la deuxième caisse, je peux estimer le décalage des axes suivant la position du plomb par rapport au centre du primaire.
L'ajustement des axes est effectué, soit par une légère translation des platines principales des têtes, soit en jouant légèrement sur le calage latéral des miroirs primaires. J'ai en fait combiné les deux pour limiter les décalages.
Au final, la construction s'avère proche de celle des plans. Les déplacements correctifs n'ont pas excédé 2 mm sur les têtes ainsi que 2 mm sur le calage latéral d'un miroir primaire.