Crédit illustration : Clem, (2019). « Intersectionnalité, inclusivité, convergence des luttes, quelles différences ? », [en ligne], https://simonae.fr/militantisme/feminismes/intersectionnalite-inclusivite-convergence-luttes-differences/
Dans leur ouvrage intitulé Intersectionnality Hill Collins & Bilge (2016) présentent l’intersectionnalité comme une approche ancrée dans la pratique, un outil d’analyse utilisé afin de résoudre des problèmes. L’approche tire ses origines des mouvements sociaux, plus particulièrement les mouvements de défense des droits des femmes noires aux États-Unis. Ceux-ci ont revendiqué la nécessité d’une analyse intersectionnelle des oppressions où genre et race se conjuguent dans l’organisation inégalitaire du pouvoir. Les expériences et les discriminations entrecroisées des femmes noires ne se retrouvant pas prises en compte dans des mouvements sociaux tels que le mouvement des droits civiques et le mouvement féministe, des femmes noires s’organisent, donnant ainsi naissance au Black Feminism qui préconise une analyse intersectionnelle de leurs oppressions. Ceci dit, l’existence de l’analyse intersectionnelle peut être retracée antérieurement, même si elle n’est pas nommée comme telle, comme le souligne Deepika Sarma (dans Hill Collins & Bilge) à propos du travail de la féministe indienne Savitribai Phule au 19e siècle.
L’intersectionnalité nait ainsi d’abord à travers des actions de transformation sociale. Elle sera ensuite théorisée par des universitaires et introduite dans les études féministes. Elle permet de mieux comprendre les rapports de pouvoir sur certains groupes de femmes et de faire ressortir la complexité et l’interrelation des divers systèmes d’oppression. Ayant gagné en popularité ces dernières années, les définitions de l’intersectionnalité et ses usages, tant dans la théorie que dans la pratique, sont divers. Pour le moins, elle est reconnue pour provoquer une réflexion sur la question de la « diversité » et de l’élargissement de la représentation des femmes des groupes minorisés au sein du mouvement féministe. Hill Collins & Bilge proposent une définition assez large qui regroupe les éléments communs aux théories et pratiques qui en font usage. Elles considèrent l’intersectionnalité comme une praxis réconciliant réflexion et pratique. Comme elles, nous comprenons l’intersectionnalité comme un outil d’analyse des inégalités sociales et des effets conjoints des divers systèmes d’oppression sur l’expérience des femmes. Cet outil fait ressortir la complexité des rapports sociaux en les appréhendant sous plus d’un axe de division sociale, que ce soit le genre, la classe ou la race ou encore le capacitisme. Un seul axe ne pouvant rendre compte de la variabilité des expériences d’oppression et de l’entrecroisement des systèmes d’oppression, l’analyse intersectionnelle s’intéressera aux intersections et aux interactions entre plusieurs axes de division sociale pour mieux comprendre et contrer l’organisation du pouvoir et des privilèges dans une société donnée.
Comprendre la pauvreté des femmes selon une approche intersectionnelle c’est donc prendre en considération la pluralité des expériences des femmes pauvres, rendre visible la complexité de leurs réalités en les analysant sous plus d’un axe de division sociale. Nous considérons les enjeux qui touchent les femmes en situation de pauvreté fréquentant les organismes communautaires comme divers et imbriqués, se situant au croisement de plusieurs systèmes d’oppression.