Le modèle économique dominant, principalement issu du XXe siècle, est aujourd'hui confronté à une convergence inédite de limites qui remettent en cause sa pérennité. Fondé sur la logique de volume — l'impératif de « produire et vendre toujours plus » — et sur le transfert de propriété des biens, ce modèle réduit la performance à une valeur essentiellement monétaire (le prix).
Or, ce paradigme mène à des impasses structurelles : l'épuisement des ressources, la saturation des marchés, l'intensification du travail et une ignorance persistante des externalités négatives (écologiques, sociales et territoriales). L'analyse historique révèle que ce modèle, initialement structuré autour de la qualité et de la productivité (modèle fordien), a basculé vers une logique financiarisée où la rentabilité à court terme est devenue la priorité absolue, entraînant une pression constante sur les coûts, la dégradation de la qualité et la perte de sens au travail.
Face à ces constats, la nécessité d'opérer un changement de référentiel économique s'impose comme la condition sine qua non pour aborder de front les défis des transitions écologiques et sociétales actuelles.
Le modèle économique dit dominant ou industrialiste, bien qu'il ait rendu service durant de nombreuses années (comme lors des Trente Glorieuses), n'est plus opérant aujourd'hui face à la convergence d'enjeux contemporains. Il est désormais considéré comme étant au cœur des problèmes sociaux et environnementaux actuels, et aucune transition (écologique, sociale, sociétale, économique et politique) n'est possible sans un changement de ce modèle.
Historiquement, le modèle fordien (années 50-70) fonctionnait sur la base d'un triptyque ordonné :
Qualité : Normalisée et mesurable.
Productivité : Fondée sur des déterminants industriels (économies d'échelle, spécialisation, progrès technique).
Rentabilité : Elle était un résultat de la qualité et de la productivité. La rentabilité était donc considérée comme un résultat de moyen-long terme.
Dans ce modèle, la valeur était créée dans l'activité et le résultat financier en était la conséquence.
Le modèle connaît un changement radical à partir des années 80 avec la financiarisation de l'économie. C'est ce basculement qui explique « comment et pourquoi » on en est arrivé à la situation actuelle :
Inversion de la priorité : La rentabilité n'est plus un résultat, mais l'objectif de départ et la priorité absolue. Elle devient la force motrice du système.
Segmentation et chasse au coût : Pour atteindre cette rentabilité, le modèle s'est focalisé sur la segmentation des activités et l'externalisation, avec une chasse aux coûts (ou économie de la ressource) et une pression sur les prix.
Conséquences sociales et sur la qualité : Cette logique a engendré :
L'intensification du travail et l'apparition de problèmes de charge de travail et de sens.
Une qualité réelle résiduelle, la recherche de la baisse des prix impliquant inévitablement une dégradation de la qualité.
Ce modèle financiarisé, en privilégiant la rentabilité à court terme au détriment de la qualité, du travail et des externalités, est celui que l'EFC cherche aujourd'hui à dépasser.
Le modèle industriel repose sur une logique d'offre en volume : "produire plus - vendre plus, pour gagner plus !".
L'offre se concentre sur les aspects matériels (le produit) plutôt que sur la fonction ou l'usage.
Faible prise en compte des conditions d'usage : Dans la logique de consommation de masse, la garantie de la satisfaction repose sur le transfert de droits de propriété (l'achat du bien), avec une faible prise en compte des conditions d'usage réelles du consommateur. L'équation est simple : « plus de biens/services = plus de satisfaction ». Ce découplage entre la possession et l'utilité effective est une limite majeure que l'EFC cherche à combler.
Le modèle dominant se fonde sur une qualité stabilisée, reproductible et mesurable. Cependant, la pression constante sur le prix dans un marché concurrentiel a eu pour effet d’impliquer « nécessairement une dégradation de la qualité »
Mur des limites source ATEMIS
Les principales limites et impasses du modèle industriel dominant, fondé sur la production de volume et la réduction de la valeur au seul prix, sont les suivantes :
Épuisement des ressources : Le modèle conduit à une consommation de ressources et à des impacts environnementaux qui vont à l'encontre du bien-être futur de l'humanité. Il mène à l'épuisement des ressources.
Logique de volume non soutenable : Le modèle repose sur la nécessité de produire toujours plus de volume de produits et services et de vendre toujours plus de biens, augmentant la pression au-delà du soutenable sur les ressources et l'environnement.
Ignorance des externalités : La valeur est réduite au seul prix, sans refléter les externalités négatives pour l'environnement et la biodiversité.
Saturation des marchés : Le modèle est de moins en moins opérant sur des marchés de plus en plus globalisés, saturés et concurrentiels.
Concurrence exacerbée et pression sur les marges : Il génère une concurrence exacerbée et une pression de la chaîne de valeur/marges, laissant peu de visibilité à moyen terme.
Valeur réduite et encastrée : La valeur est réduite à sa seule dimension monétaire, et le prix encastre trop la valeur, ce qui n'est plus un signal pertinent.
Intensification du travail : Le modèle conduit à l'intensification du travail, notamment avec le modèle financiarisé des années 80 qui, via la segmentation des activités et la chasse au coût, provoque des problèmes de charge de travail et de sens.
Divergence d'intérêts : Il mène à des intérêts divergents entre les parties prenantes.
Impact territorial : La réduction de la valeur au seul prix ne reflète pas non plus les externalités négatives pour les organisations, les territoires et les citoyens. Le modèle entraîne notamment un découplage entre l’activité économique et les retombées fiscales dans les territoires, suite notamment au remplacement de la taxe professionnelle.