Jabberwock "Sweet Limbo"

Jabberwock c'est le monstre de "De l'Autre Côté Du Miroir", la suite du livre "Alice Au Pays Des Merveilles" de Lewis Caroll.

Ce "monstre" musical prend ici la forme d'un cerbère composé de Corrado (textes, guitare "tueuse" mais aussi maitre d'œuvre de tout l'artwork), de Lena (chant épileptique, musclé, sexy et froid) et de Xavier (basse ronronnante typée cold-wave).

Ce trio parisien s'était déjà fait très fortement remarqué en 2005 lors de la sortie de leur premier album éponyme.

L'entité Jabberwock a depuis muté fantastiquement avec son deuxième opus "Sweet Limbo" et se trouve désormais signé sur le célèbre label allemand Black Rain, distribué par Season Of Mist.

"Sweet Limbo" est un véritable patchwork musical mixant à merveille sonorités électroniques froides et assises rock industriel punchy. Le groupe, au fil de ses quatorze titres, dépeint les travers de la société actuelle de façon très spontanée et utilise des textes subtilement "engagés".

"Confusion" ouvre le bal.

Ce morceau très court (moins d'une minute), très énergique et rapide ou Lena scande [...everyday , confusion...] sert de billet d'entrée dans ce ride musical jonché de montées sonores vertigineuses et de descentes endiablées.

Oui, "Sweet Limbo" constitue une sorte de montagnes russes du plaisir auditif !

"Fake" et son son electro-clash de haute volée enchante. Les vocalises hystériques laissent place à un couplet/refrain très cold wave : Lena a un panel ahurissant de sonorités dans ses cordes vocales et son chant séduit instantanément !

Elle sait se faire hargneuse, lyrique et sexy, le tout dans un seul et même morceau.

Les paroles font allusion aux apparences et aux personnes qui sont prêtes à tout pour en changer.

"Faster", ce brûlot electro-punk terrasse. Le groupe traduit sa peur face à la fuite du temps [... It's not fast enought...I don't have time to waste... I'm so scared to die...] , les guitares bombardent, les lignes de basse claquent et vous claquent en même temps.

Les hits s'enchaînent. "Obsolete" obsède avec sa mélodie pure et ses guitares saturées à la N.I.N [...I'm obsolete , I'm useless...].

Lena, elle, nous hante. Son chant décrit une société moderne et froide ou l'humain est condamné à se sur-dépasser à chaque instant, au risque d'être mis au placard.

"Clean", sorte d'introspection, de remise en question de soi afin de se laver de ses péchés, ralentit le tempo. Il aère l'album et propose une fois de plus une mélodie imparable et entêtante.

"Brainbondage" ou l'art du shibari mental , apporte sa charge héroïque en guitares saturées, basse explosive et vocalises envoûtantes.

L'embrigadement religieux est subtilement dénoncé dans "Faith", véritable hymne cold-wave / post punk qui ravira tous les "corbeaux" encore en vie.

"Repeat" rend ses lettres de noblesse au genre gothique.

Attention ! Je ne fais pas allusion à la "gonflette mainstream" mais aux grandes heures du mouvement du début des années 80. Le chant typé cold-wave éblouit ; la basse ronronne et les envolées lyriques de la guitare vous séduiront à coup sûr.

Le trio est ahurissant de maturité.

Il propose avec "Illusions" une ode douce-amère déclamée aux illusions, moteur de l'existence. Sans elles nous ne pouvons avancer.

La voix enchanteresse de Lena approche celle d'Eliane Fichot de Die Form ; un Die form sans apparat musicaux fétichistes qui aurait revêtu un décorum gothique / post-punk habité par une beauté mélancolique tragique.

Les premières secondes de "Replay" rappellent Aphex Twin période "Ventoline", et Lena cajole cette fois-ci l'auditeur d'un ton aérien magnifique.

Le thème de l'insécurité est aussi soulevé au travers de " Safe " alternant chant mélodique et saturé enchanteur.

"Ignorants", hit industriel en achèvera plus d'un, véritable pamphlet contre la bêtise ambiante consentie par bon nombre de gens.

Lena crache sa hargne, le tempo est haché, déstructuré et agresse. Les mots claquent et les oreilles saignent !

Cerise sur le gâteau , le groupe nous livre, après avoir abordé toutes ses obsessions et névroses au travers d'une sensibilité et d'une violence à fleur de peau, la relecture d'un hit commercial des années 80 : "Le Freak", version ultra-agressive à la Jabberwock qui vous laissera un sourire béat aux coins des lèvres !

Le groupe vous enseignera enfin les bases de recettes de cuisine à l'écoute de "Chicken" mais je n'en dis pas plus et vous en laisse la surprise...

Écouter "Sweet Limbo", c'est un peu comme se prendre un coup de poing à l'estomac, se relever et en redemander.

Cet album, fortement addictif, sans aucun temps mort ni baisse de régime, vous réchauffera l'âme et le corps tout l'hiver.

Jabberwock, ou le "chaudron magique".

Ce disque devrait être remboursé par la sécurité sociale.

Jim Noir