Vecteurs de pensées

Lorsque j'ai pris connaissance de l'article rédigé par Jenni Hayman sur l'objectifs de dévelopement durable des Nations Unies, ce passage en particulier m'a donné envie de réagir : 

"No one goal is more important than the others, and all need to be explored to help ensure a path toward increased global equity. I would even venture to say that our human survival depends on our ability to achieve these goals. In the background of each goal, if you explore them more on the SDG 2030 website, are sub-goals defined by the U.N. that might be useful as part of curriculum design."

La raison pour laquelle j'ai envie de réagir c'est qu'effectivement, aucun objectif n'est plus important que les autres et tous doivent être explorés pour aspirer à une plus grande équité mondiale, mais.... pourquoi la diversité culturelle et linguistique ne fait pas partie des 17 objectifs? Comment, nous enseignant, pouvons contribuer à ce manque? N'est-ce pas notre rôle d'aller plus loin que ces 17 objectifs et d'ajouter d'autres objectifs non mentionés par l'UNESCO et qui contribuent au développement durable? 

Comme le précise Jenni Hayman, en tant qu'enseignant ou concepteur de programme, nous avons une mission d'implication et d'alignement avec les objectifs de développement durable de l'UNESCO. Lorsque j'ai étudié la géopolitique linguistique ainsi que la francophonie et la place des minorités dans les environnements multilingues. J'ai effectué une réflexion importante sur la place de la diversité culturelle au sein de plusieurs pays francophones. Je vous partage cela ici. 

Voici donc le fruit de ma réflexion sous le titre: 

La reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique au sein des objectifs de développement durable de l'UNESCO. 

Quel rôle les pédagogues peuvent jouer au délà des recommandations de l'UNESCO?

La diversité culturelle est menacée. Ce postulat est décrété alors que nous assistons impuissants à une mondialisation des cultures et nous tendons à une culture uniforme qui appauvrit notre humanité à long terme. C'est dans un contexte d'inégalité des cultures, causé notamment par l'histoire coloniale, qu'il apparaît que les cultures les plus fragiles tendent à disparaître. Les cultures locales sont menacées par les cultures plus fortes économiquement et l'écosystème dans lequel elles évoluent se voit disparaître. L'histoire n'est pas la seule responsable, les dégâts environnementaux et la pollution appauvrissent les terres et ont leur part de responsabilité. Telle que la biocénose est en interrelation avec son biotope en biologie, les cultures sont en interrelation avec leurs terres. Pour survivre, les cultures "faibles" peuvent et doivent considérer l'urgence d'inscrire leurs politiques et pratiques dans une logique de développement durable pour se préserver. 

Dans un contexte de libéralisation des marchés internationaux, une mobilisation en faveur de la diversité des expressions culturelles apparaît essentielle. Dans ce sens, le patrimoine culturel de l'humanité est reconnu comme catalyseur et vecteur de dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable par l'UNESCO. C'est par cette considération d'un organisme reconnu tel que l'UNESCO que la diversité culturelle représente un investissement pour l’avenir de l'humanité et un pilier du développement durable. 

Le patrimoine culturel tel que décrit dans la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel abordée à la conférence générale de l’Unesco en 1972, se définit de la même manière que la « biodiversité ». Le principe de la biodiversité est une réponse à la menace de disparition des espèces animales et végétales. Il s’agit donc de reconnaître qu'il faut protéger la richesse de diversité biologique tout comme le patrimoine culturel et la diversité culturelle.  Notion également évoquée dans ce sens par Arjun Appadurai, dans son texte sur la "Diversité et développement durable". Les notions de biodiversité et patrimoine culturel sont intimement liées.  

Cette logique de préservation, doit être mise en œuvre afin de protéger certaines cultures actuellement menacées de disparition. "On sait par exemple qu’en Afrique plus de 200 langues comptent déjà moins de 500 locuteurs et que, au cours du présent siècle, de 50 % à 90 % des langues parlées actuellement (3000 à 4000 langues) devraient disparaître". En bref, la « santé » de l’humanité passe par le maintien d’une riche et prospère diversité de cultures. 

Considérant que la protection et la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel est une priorité absolue, il est à se demander si l'UNESCO intègre concrètement la dimension culturelle et linguistique au sein du développement durable? Comment les politiques locales mettent en application la dimension culturelle dans le développement durable et comment cela peut se répercuter efficacement dans nos programnmes et plus largement dans nos pratiques d'enseignement?

UNESCO et la diversité cultuelle dans le développement durable.

Si on pousse un peu les recherches , on remarque que la notion de diversité culturelle dans le développement durable n'est pas tout à fait absente puisqu'on la retrouve dans le programme de développement durable à l'horizon 2030 de l'UNESCO, En effet, le point 36 de la déclaration de l'UNESCO sur le programme de développement durable à l'horizon 2030 est le suivant : . "Nous nous engageons à promouvoir la compréhension interculturelle, la tolérance, le respect mutuel et une éthique de citoyenneté mondiale et de responsabilité partagée. Nous reconnaissons la diversité naturelle et culturelle du monde et reconnaissons que toutes les cultures et civilisations peuvent contribuer au développement durable et sont des catalyseurs essentiels de ce développement."

Il est donc à se demander pourquoi la diversité culturelle est absente des objectifs de développement durable et pourquoi il n'y a qu'un seul point consacré à la culture dans la déclaration de l'UNESCO sur le programme de développement durable ? 

D'autre part, sur le site de l'UNESCO il est mentionné que "le rôle de la culture est reconnu par le biais d’une majorité des objectifs de développement durable y compris ceux se concentrant sur l'éducation de qualité, les villes durables, l'environnement, la croissance économique, les modes de consommation et de production durables, ainsi que les sociétés pacifiques et inclusives, l'égalité des genres et la sécurité alimentaire". La culture est donc considérée comme transversale mais n'est pas considérée comme telle dans un des objectifs de développement durable. De plus, la notion de diversité culturelle et linguistique est inexistante.


Politiques locales et responsabilités

Dans ce contexte, le rôle de la protection des diversités culturelles et linguistiques incombent aux gouvernements locaux qui peuvent prendre la liberté de mener leurs engagements comme bon leur semble afin de mettre en œuvre des actions pour renforcer le rôle de la culture dans le développement local. Faut-il encore que les institutions qui sont pas en position de force offrent le budget et la place aux minorités de se structurer et proposer des initiatives afin de mettre en place des actions concrètes.

Quelques pays ont fait des coalitions dans le but de protéger des pendants culturels importants comme, par exemple, la francophonie avec des associations étatiques entre la Belgique, le Québec, la France...etc

 Il est mentionné dans la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 que « chaque état s'efforce par tous les moyens appropriés :

- D’assurer la reconnaissance, le respect et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel dans la société, en particulier grâce à :

- Des programmes éducatifs, de sensibilisation et de diffusion d'informations à l'intention du public, notamment des jeunes ;

- Des programmes éducatifs et de formation spécifique au sein des communautés et des groupes concernés ;

- Des activités de renforcement des capacités en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et en particulier de gestion et de recherche scientifique ;

- Des moyens non formels de transmission des savoirs ;

- De maintenir le public informé des menaces qui pèsent sur ce patrimoine ainsi que des activités menées en application de la présente Convention ;

- De promouvoir l'éducation à la protection des espaces naturels et des lieux de mémoire dont l'existence est nécessaire à l'expression du patrimoine culturel immatériel."

 

On voit ici une réponse très affirmée entre le développement durable et le patrimoine culturel immatériel mais aucune action en tant que telle n’est définie. Il convient donc aux états de s'organiser. C'est en effet aux politiques locales de définir les actions à mener. Nous verrons particulièrement dans le point suivant un exemple d'organisation dans ce sens. 

 

L'Agenda 21 de la culture du Québec, un exemple concret d'intégration de la dimension culturelle dans le développement durable. 

 

Les exemples concrets d'organisation visant à mettre en œuvre les grandes lignes directrices des conventions évoquées précédemment sont peu nombreux. On retiendra néanmoins l'Agenda 21 de la culture qui est devenu au fil des ans, une organisation mondiale intéressante tant sur le plan de son rayonnement international que sur la fédération emblématique des pays qui la compose. Un petit point tout d'abord est essentiel pour situer historiquement l'émergence de cette association. 

 

En septembre 2002 la ville de Prefeitura a organisé une réunion mondiale pour la culture réunissant des maires, directeurs techniques de culture de différentes villes..etc. Les villes participantes étaient Barcelone, Paris, Montréal, le Cap, Melbourne, Palmela, Barcelone, Florence, Rome.  Lors de cette réunion a été établie l'élaboration des politiques culturelles locales. Les participants résumaient les sujets qui étaient au cœur des activités des villes et municipalités, signalaient les éléments de tension et les défis, et s’engageaient envers elles-mêmes à mettre en œuvre des actions pour renforcer le rôle de la culture dans le développement local. L’association internationale Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) ont proposé, en 2004, à Barcelone, à l’occasion du Forum universel des cultures, un Agenda 21 de la culture, premier document mondial établissant un engagement des villes et des gouvernements locaux en faveur du développement culturel. En 2007, l’Union européenne a adopté son Agenda européen de la culture afin de favoriser l’intégration de la culture dans toutes ses politiques. 

 

Aujourd'hui cette réunion a toujours les mêmes objectifs et elle vise entre autres à adopter plusieurs stratégies culturelles qui positionnent la culture comme un axe en relation avec d’autres politiques publiques comme l’économie et le développement territorial.

 

Au fil des années cette réunion a pris des proportions sans précédent et en janvier 2012, 450 villes et gouvernements locaux ont participé au projet agenda 21 de la culture. À présent, 800 gouvernements locaux de partout dans le monde travaillent main dans la main dont 60 villes pilotes qui intègrent ce dernier et collaborent de plus près avec l'organisation. 

 

 

Le Québec, exemplaire sur l'intégration de la culture dans le développement durable. 

 

L’Agenda 21 de la culture du Québec constitue un bon exemple d’intégration de la culture dans l’ensemble des politiques québécoises de développement. Le ministère de la Culture et des Communications a développé en 2009 un plan d’action en matière de développement durable. Le fait que ce soit le ministère de la culture qui soit en charge de ce plan d'action en dit long sur l'organisation québécoise sur ce sujet. De plus, un comité interministériel, composé de 18 ministères et organismes, a été mis en place dans le but de trouver des moyens de maximiser l’apport de la culture aux autres missions de l’État.

 

La mise en œuvre de l’Agenda 21 de la culture du Québec s’effectue par l’engagement de différents acteurs de la société qui souhaitent contribuer à la recherche d’un développement durable par la prise en compte de la culture dans leurs actions, qu’ils soient des personnes, des organismes de la société civile, des entreprises ou des organismes gouvernementaux. Elle prend forme par la réalisation d’actions de toute nature qui cadrent avec les 21 objectifs. "Cette proposition affirme que la culture est porteuse de sens, d’identité, de valeurs et d’enracinement. Qu'elle est un vecteur de démocratie, de dialogue interculturel et de cohésion sociale. La culture est un catalyseur de créativité, de développement économique et de création de richesse. Et enfin, qu'elle est un élément structurant de l’aménagement et du développement des territoires".

 

 

Quel est le rôle que nous pouvons jouer en tant que pédagogue ou responsable de programme d'enseignement? 


Nous avons vu que le développement durable apparaît comme une solution salvatrice des problèmes économiques, sociaux et environnementaux qui viendrait sauver les pays et protéger les cultures. L'intégration de la culture comme un des piliers du développement durable par l'UNESCO aurait pu être une solution pour protéger des cultures et langues fragilisées par la mondialisation. En effet, la prise de conscience collective de la diversité culturelle comme un pan de l'humanité était un bon début mais les propositions d'encadrement juridique et de reconnaissance ne sont pas suffisantes et ne suffiront pas à les sauver.   

 

En effet, si nous analysons de près les propositions, réunions, colloques, mouvements gouvernementaux...etc nous retrouvons rarement des plans d'actions structurels en vue d'intégrer concrètement la culture au sein des politiques de développement durable. Que ce soit dans l’Accord de Paris sur le changement climatique, le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe ou dans les objectifs de développement durable, l’agenda mondial du développement proposé par les Nations unies aux États à la société civile, les sommets internationaux Johannesburg en 2002 et de Rio+10 en 2012, et à tous les acteurs qui sont engagés dans le développement, ils n’intègrent pas la dimension culturelle au développement. 

 

La composante culturelle du développement durable n’est pas acceptée par tous.  De plus, dans les 17 objectifs de développements durables établis, aucun ne porte explicitement sur la culture. Et quand bien même, la notion de culture est évoquée dans d'autres termes par l'UNESCO, il faut bien avouer que la culture occupe une place plutôt restreinte dans le programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies. 

 

Il est à retenir que le Québec est un exemple avant-gardiste dans la mise en place de mesures favorisant l’intégration de la culture au développement durable. Lors de ces efforts fournis par le gouvernement québécois, nulle ne peut douter de l'empreinte que laisse cette politique sur des pays comme la France. On peut alors se demander si la francophonie et toutes les actions et organisations qui sont mises en place sont autant de réponses à la mondialisation culturelle. Dans ce sens, la dimension politique de la francophonie apparaît clairement comme une solution ciblée sur les effets néfastes de la mondialisation. 

 

En conclusion, nous pouvons prendre part pour préserver la diversité des cultures. Pour cela il est nécessaire que soient faites des concessions par les cultures les plus puissantes pour laisser une plus grande place aux cultures les plus fragiles. En tant que pédagogues conscients de cette problématique, il est de notre devoir d'établir des plans d'actions pour éveiller les consciences et transmettre aux générations futures. 


Sitographie et bibliographie : 


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,http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31038&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

 

Jean-Luc Bonniol, Gerry L'Étang, Jean Barnabé et Raphaël Confiant, "Au visiteur lumineux. Des îles créoles aux sociétés plurielles." Mélanges offerts à Jean Benoist, pp. 353-360. Petit-Bourg, Guadeloupe : Ibis Rouge Éditions, GEREC-F/Presses universitaires créoles, 2000, 716 pp.

 

Mattelart, Armand. Diversité culturelle et mondialisation. La Découverte, 2017, 122 pp.


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- Parenteau, D. (2007). Diversité culturelle et mondialisation. » [en ligne].  Politique et Sociétés, 26 (1), 133–145.  Consulté le 20 octobre 2019, https://doi.org/10.7202/016443ar 

 

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http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=17716&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

 

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UNESCO "Transformer notre monde: le programme de développement durable à l'horizon 2030" » [en ligne],Consulté le 23 octobre 2019, https://sustainabledevelopment.un.org/post2015/transformingourworld

 

 UNESCO, "La culture pour le développement durable" » [en ligne]. Consulté le 20 octobre 2019, https://fr.unesco.org/themes/culture-d%C3%A9veloppement-durable

 

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Bibliographie :