Le responsable des enquêtes dispose de ressources limitées et est, dans la plupart des cas, bénévole. D'autre part, beaucoup d'observations présentent une très faible étrangeté (souvent un ou quelques points lumineux observés de nuit, soit fixes soit se déplaçant sur des trajectoires linéaires). Dans ce cas, l'information de la base de données est suffisante et l'enquête est inutile. C'est pourquoi, le responsable des enquêtes doit sélectionner les cas les plus significatifs. La sélection s'avère d'autant plus nécessaire en cas de vague d'OVNI. A ce moment, il faut établir rapidement une véritable stratégie pour la collecte de cas et la réalisation d'enquêtes.
Un filtre est appliqué à partir de la base de données. Le filtre du COBEPS s'applique automatiquement, mais rien n'empêche évidement au responsable des enquêtes de passer outre la recommandation du filtre pour des raisons diverses.
Une enquête sera menée si les signalements remplissent la liste des critères obligatoires
suivants :
forme nette discernable : le témoin principal peut dessiner un contour une forme;
taille apparente au moins égale à la pleine Lune;
observation d'une durée d'au moins 20 secondes et au plus de 30 minutes;
le témoin a pu arrêter son déplacement (voiture, moto, train, avion) pour observer le phénomène;
déplacement du phénomène dans un autre secteur que l’opposé de la direction de provenance du vent (± 45°).
Et s'il remplissent au moins l'un des deux critères facultatifs suivant:
au moins deux témoins directs (facultatif);
Présence d’une trace : élément matériel au sol, photo (facultatif).
Dérogations habituelles à la filtration automatique:
pour des besoins de formation;
parce que le cas a été médiatisé.
A la demande d'un chercheur (académique ou ufologue reconnu), pour une étude spécifique et dans la mesure ou le plan de recherche fourni est pertinent, ce filtre pourrait être suspendu.
Il faut bien entendu, et c'est encore plus important, poursuivre l'effort d'encodage de la base de données et insister auprès des témoins pour atteindre un seuil minimum d'information: un lieu, une date, une heure, les coordonnées du témoin principal, une description de ce qui a été vu et une trajectoire. La base de données est en ligne. Le responsable des enquêtes a intérêt à partager le travail et à permettre à d'autres opérateurs de la coder, c'est l'avantage du net. Il faut donc prévoir cette éventualité à l'avance et former vos opérateurs. Le filtre est toujours aussi important. Par contre, il y a fort à parier que le réseau d'enquêteurs ne pourra pas assurer la réalisation d'enquêtes approfondies de l'ensemble des observations même filtrées. Il faudra alors établir une stratégie.
La SOBEPS, lors de la grande vague de 1989-1991, a tenté dans un premier temps de collecter le maximum de données. Elle a envoyé immédiatement, tous les enquêteurs disponibles (ayant ou non de l'expérience) dans la zone où les observations se concentraient. Ces enquêtes initiales étaient relativement sommaires: recueil du témoignage (par prise de notes manuscrites et questions-réponses), localisation rapide sur carte et réalisation d'un rapport d'une page avec le sentiment de l'enquêteur sur l'observation. De cette façon, une masse d'informations était rapidement disponible à partir de laquelle une sorte de portrait robot a été établi. Les enquêteurs les plus expérimentés ont alors été envoyés sur les cas les plus rapprochés se rapportant au portrait robot; et sur les cas où les témoins étaient particulièrement crédibles de prime abord (policiers, militaires, scientifiques). La méthode a été redoutable et a permis une collecte sans précédent d'informations sur la vague. La SOBEPS bénéficiait d'un véritable dispatching physique (bureaux, lignes téléphoniques, enregistreur téléphonique, fax...) avec une personne qui faisait office de tour de contrôle quasi permanente: Lucien Clerebaut. Les décisions d'enquêter ou non étaient prises très rapidement mais de manière relativement arbitraire selon l'appréciation de la permanence. Les cas délaissés n'ont pas toujours eu le seuil d'informations minimum pour être exploitable. In fine, très peu de cas ont été vraiment très approfondis et des enquêtes complémentaires après la fin de la vague n'ont pas été réalisées.
Selon les moyens disponibles et la pression extérieure (médiatique ou autre), votre stratégie pourra suivre celle de la SOBEPS avec un focus sur les cas rapprochés, ou correspondant à un portrait robot, ou les observateurs les plus crédibles. Une méthode à expérimenter serait le "tirage au sort" d'un nombre d'enquêtes complètes à réaliser à partir des signalements filtrés de la base de données, selon l'effectif des enquêteurs dans une zone et une période déterminée. La méthode aléatoire nous semble plus scientifique que la sélection orientée par critères pour l'observation d'un phénomène aussi complexe que les ovnis. C'est celle qui est utilisée en statistique pour tester des médicaments ou d'autres phénomènes.
Dans tous les cas, il ne faut pas abaisser le niveau d'exigence dans le traitement des cas, même si la tentation est grande. Il faut faire le maximum et aller aussi loin que possible de suite, pour chaque cas que l'on décide d'enquêter. Car dans l'avenir, le temps ou les moyens de contrôle ne seront peut-être plus disponibles. Mieux vaut un faible nombre de cas complètement investigués qu'un grand nombre d'informations pleines de questions en suspens.
C'est le responsable des enquêtes qui choisit les enquêteurs pour chaque cas qui sera investigué. Nous suggérons une logique géographique liée à la proximité. En effet, les enquêteurs locaux connaissent mieux l'environnement et les habitudes des régionaux. Cela évite aussi de trop longs déplacements et le frein qu'ils entraînent, s'il faut compléter l'information de terrain. Nous vous invitons à former des duos d'enquêteurs contrastés (formation, âge, sexe...).
Envoyer les enquêteurs les plus compétents pour les cas les plus complexes est une tentation forte. Mais ce faisant, vous ne permettez pas aux autres enquêteurs, moins chevronnés de développer leurs compétences et cela risque aussi d'entraîner des conlits dans le groupe. Une alternative appréciée par les enquêteurs novices est de leur adjoindre un enquêteur chevronné.
L'important est de ne pas se laisser prendre au dépourvu dans la mesure du possible. Il vaut mieux prévoir une stratégie par avance même si on sait que les scénarios que l'on imagine seront, bien souvent, différents de la réalité. Au moins, il y aura une préparation réflexive préalable. L'enquêteur ufologue et le responsable d'enquêtes doivent être aussi des praticiens réflexifs.