Classe inversée ou cours magistral ?
Par E. Souyri
La classe inversée, c'est déjà ce que beaucoup d'entre nous cherchons à mettre en place en TD: faire lire et apprendre chez soi et réserver le temps de classe pour les discutions/débats/analyses et critiques.
Mais voilà: comment conduire les étudiant-es à faire ce travail d'apprentissage en amont?
Au delà de la plus grande attractivité de certains supports (videos plutôt que texte par exemple) qui permettent d'accrocher les étudiant-es mais qui comportent des désavantages (plus longs à concevoir, moins d'informations), ce qui compte au premier chef c'est d'offrir des consignes de travail claires, détaillées et précises pour guider le travail d'apprentissage.
La classe inversée ne fonctionne bien que si les étudiant-es sont déjà habitués à travail d'apprentissage en amont de manière efficace.
Et ce travail d'apprentissage peut (doit) lui aussi faire l'objet d'un décryptage préalable en classe et en équipe avec les autres étudiant-es.
On trouvera quelques exemples de consignes pour le travail de compréhension et d'apprentissage fait en amont de la classe inversée ici.
Mais quelle est l'utilité de la classe inversée?
1. Le temps de travail en classe est réservé aux processus cognitifs plus ardus et requérant une pleine implication des élèves (analyse, débat, critique) qui obtiennent donc plus facilement qu'à la maison l'aide de leur groupe et de l'enseignant-e.
2. Le temps de classe est ainsi un temps d'intense activité intellectuelle (plutôt qu'une prise de notes passive) pour l'élève ainsi plus à même d'acquérir des savoirs, et des savoirs-faire puisque comme l'expliquait l'écrivain et enseignant américain, John Cadwell Holt (1923-1985) : " L'apprentissage n'est pas le résultat d'un enseignement. L'apprentissage est le résultat de l'activité de celles et ceux qui apprennent." /"Learning is not the product of teaching. Learning is the product of the activity of learners".
Growing Without Schooling magazine, no. 40 (1984).
Retour des étudiant-es sur la classe inversée
Pour un cours de L2 Civilisation américaine 19e siècle à Toulouse
Points forts :
« Le dynamisme du cours, les différents points de vue adoptés, et le fait que les élèves sont intégrés aux savoirs communiqués »
« le fait de faire des recherches par moi même qui m'a permis d'enregistrer plus de choses qu'en suivant uniquement un cours »
« l'échange prof/élèves et le fait que le cours soit rendu beaucoup moins scolaire mais plus dynamique sur la base de partage des connaissances et recherches effectuées par les élèves »
Réticences
"manque de structure du cours"
--->Les exigences de la classe inversée sont inconfortables pour celui ou celle qui apprend, puisqu'elle sort des modalités de cours connues. Bourdieu et Passeron dans Les Héritiers (1966: 98) le montraient déjà:
"De même que les professeurs peuvent déplorer la passivité des étudiants sans voir qu’elle est la rançon de la sécurité qu’ils doivent à un rapport pédagogique dissymétrique, de même certains étudiants peuvent imputer au seul autoritarisme professoral la passivité où ils sont tenus sans apercevoir qu’elle est la contrepartie de toutes les protections et de toutes les libertés que leur assure l’anonymat des amphithéâtres ".
Pour remédier à cet inconfort que provoque la "perte de l'anonymat des amphithéâtres", qui risque de se transformer en blocage, on peut expliciter en début d'année la philosophie de l'éducation qui anime ces choix pédagogiques et de manière plus terre à terre présenter les questions qui aident à apprendre le cours comme des parties, sous parties (voir les exemples de plan de cours) et renvoie l'étudiant-e à des cadres plus familiers.