Relation du massacre de l'Abbé Gilles par des couvinois ... toutes les relations sont concordantes ...
Messe du 10 mai 2018 à Couvin pour l'Abbé Gilles
C'est au moment de la fusillade générale que commença le martyre de M. l'abbé PAUL GILLES, 30 ans, docteur en philosophie et en théologie de l'Université grégorienne, vicaire de Couvin.
Appelé auprès d'une malade, Mme Désirée, il fut surpris par la pétarade près de l'Harmonie et voulut rebrousser chemin, mais des soldats du 182e d'infanterie qui l'aperçurent tirèrent sur lui. Il put gagner sans être blessé la maison du docteur Focquet et il s'y reposait de sa course, lorsque des énergumènes entrèrent précipitamment et l'emmenèrent au dehors, avec le docteur et Mlle Focquet.
Arrivés à l'entrée du Grand Pont, ces derniers furent relâchés, mais le jeune prêtre resta entre les mains des soldats, qui continuaient à tirer et proféraient des clameurs confuses.
M. Mauer qui avait été requis d'accompagner des officiers à la gare et à l'hôtel de ville, passait à ce moment; il vit le vicaire encadré de deux soldats, pâle et défait, agitant les bras pour faire comprendre qu'il n'avait pas d'armes. M. Mauer se rendit compte aussitôt que sa vie était en danger, tant la fureur et la haine brillaient dans les yeux des soldats. Il s'avança pour expliquer que le jeune prêtre était l'homme le plus paisible du monde ; mais un capitaine, intervenant, lui imposa silence et le saisissant lui-même par l'épaule, il lui cria, en le menaçant de son revolver :
« Marche devant moi, chien, ou je te tue ! »
Pendant ce temps, les bourreaux s'en prenaient plus violemment à leur victime, la frappant à coups redoublés avec la crosse du fusil, sur la tête et dans le dos. Lorsque le pauvre vicaire, déjà tout meurtri, passa devant l'atelier de M. Dunand, électricien de la ville, celui-ci se trouvait sur le seuil et vit l'un de ces forcenés lui asséner de son arme un tel coup dans le dos que, excité par la douleur, il fit en avant un bond désespéré et distança de plusieurs mètres ses assaillants. Puis, réunissant dans un suprême effort ce qui lui restait de forces, il poursuivit sa course jusqu'à la maison de M. Meunier, à une centaine de mètres du Grand Pont. Là une grêle de balles fut tirée sur lui. Il tomba, ses jambes étaient atteintes et le sang coulait.
M. Dunand, pris de pitié, s'élança courageusement pour lui porter secours, mais il ne put l'approcher, car il fut refoulé parmi les otages et emmené avec eux sur la route de Rocroi. Le pauvre martyr gisait donc sur le sol, en face de la maison de Jules Hosselet, appuyé sur le côté gauche, le bras droit levé vers les soldats en un geste de terreur et de supplication. Il restait là, impuissant à se relever et gémissant, tandis que défilait à côté de lui la troupe.
A Auguste Jordan, qui passait vers ce moment, il dit encore en montrant sa blessure « Que dois-je faire? », comme pour le prier délicatement de l'arracher à ses ennemis. M. Jordan tenta en effet de s'approcher de lui, mais un soldat accourut et le força brutalement à s'éloigner.
Un officier voulut encore obliger le blessé à rentrer dans les rangs, mais il lui fit comprendre qu'il en était incapable.
C'est alors que, au témoignage de deux enfants, derniers témoins du drame, un canonnier descendit de cheval et, s'approchant du blessé, lui déchargea un coup de revolver dans le dos. Des soldats hissèrent son corps pantelant sur un chariot de l'armée, couvert d'une bâche, qui l'emporta. On croit qu'il vivait encore et des personnes qui l'ont vu passer aux Fonds-de-l'Eau ont affirmé qu'on lui donnait des coups de crosse en pleine poitrine.
Qu'arriva-t-il ensuite? Dans Couvin, la terreur était telle que les témoins eux-mêmes n'osaient parler. On ne parvenait pas à savoir ce qu'il était advenu du pauvre vicaire. M. le doyen poursuivait ses recherches : peut-être le blessé avait-il été emmené dans une ambulance...
Huit jours plus tard, le cantonnier Jules Baudaux découvrit une sépulture dans un ravin bordant la route de Brûly-de-Couvin. Il l'ouvrit et revint en ville avec une bottine, un mouchoir, un crayon et un lambeau de soutane, car le cadavre était complètement méconnaissable. On fit appeler Elise, la servante de M. l'abbé, qui s'écria, après avoir examiné ces divers objets : « C'est bien lui ! » Il fut inhumé sur place.
Inauguration d'une stèle commémorative en l'église des Bois de Couvin.
A l'initiavive de la section des Vétérans du Roi Albert 1r de Couvin