Bonne année 2012 !

Cette année 2012 est bien celle de tous les défis !

Défi de la croissance économique en berne, défi d'une prise de conscience écologique, défi pour un changement de paradigme sociétal, défi pour le rôle de la politique dans ce contexte insoutenable !

Que peuvent apporter les TIC dans ce monde en crise qui n'en finit pas de mourrir ? Un livre de Marc Luycks Ghisi fait le point sur la question de l'économie de la connaissance industrielle quantitative, et de ce passage vers la société de la connaissance post-industrielle qualitative.

Pour ma part, je préfère parler d'écologie de la connaissance plus conviviale que d'économie de la connaissance ... Ce dernier met trop l'accent sur la valeur quantitative de la société par rapport à son objectif qualitatif centré sur l'humain !

A ce titre, j'ai rencontré une personne qui compte relever le défi environnemental en Méditerranée, il s'agit d'Eric Raulet, animateur et Président de DefisMed.

C'est avec grand plaisir que nous avons pu échanger nos points de vue pour replacer l'homme au cœur des technologies.

En l’occurrence, la question posée en 2012 est de savoir comment gérer les ressources naturelles à l'aide d'une plate-forme d'échange de questions-réponses entre scientifiques et citoyens, dont les élus qui sont des cibles privilégiées.

Pour arriver à faire des sciences citoyennes, la vision à laquelle je souscris est de passer de la transmission des connaissances des spécialistes (Knowledge management) au partage des signes entre usagers qu'ils soient experts ou amateurs (Sign management). En effet, les connaissances sont le résultat d'un long processus de réflexion sur les perceptions de chacun, de représentation des observations (descriptions), de classification de celles-ci par généralisation des traits communs, mais aussi de signification pour que les sujets puissent donner du sens à ces informations.

Les connaissances produites par les spécialistes ne sont pas neutres, elles résultent d'un long processus d'apprentissage faisant intervenir la culture, la psychologie, l'éthique, la pratique, le raisonnement individuel, la maturation pour soi et la communication avec les autres.

Cela veut dire qu'il faut remettre les individus (sujets) au cœur de la gestion des connaissances par les TIC.

Car le problème posé est celui de l'interprétation des objets de l'environnement en évaluant les différences de perception propres à chaque individu.

Il s'agit donc de réduire les écarts d'interprétation entre sujets connaisseurs d'un domaine, de négocier les objets, afin que la communication permette une meilleure cohabitation entre les individus.

Par exemple dans le domaine de la biodiversité, la gestion des connaissances par les TIC est une approche réflexive de l’expert sur sa propre interprétation des observations pour l’aider à modéliser, décrire et classifier ses objets biologiques (spécimens), puis les transmettre par une base de connaissances. Dans la gestion des signes, il s'agit d'aller plus loin, c'est-à-dire de partager des interprétations de l’observation des usagers (experts et apprenants) pour l’aide à la définition des termes (thésaurus), la modélisation du domaine (ontologie), la description, la classification et l'identification des objets biologiques de manière collaborative.

Cette vision est pour moi est l'avenir du Web entre Sciences et Société, à savoir le Web sémiotique (Web des signes), qui combine :

- le Web 1.0 des données et des objets, c'est-à-dire des contenus transmis par les experts dans des bases de données et de connaissances au sein d'un Système d'information (flux mono directionnel),

- le Web 2.0 des sujets, c'est-à-dire de la communication au sein d'une communauté de pratique (Web social) pour rendre ces données et objets inter opérables (via les Web services) au sein d'un Service d'informations bidirectionnelles négociées entre les différents usagers (rôle central du Service d'Evaluation des informations entre les usagers). Voici un exemple de projet Web 2.0 pour partager des savoir-faire sur la gestion de la biodiversité, avec la présentation du projet NEXTIC.

Voir aussi le chapitre du livre "Passer des Systèmes d'information aux Services d'informations".

- le Web 2.5 de la forme des contenus, c'est-à-dire les informations accessibles via les métaverses (Web immersif), qu'ils soient en creux (univers virtuels) ou en bosse (mobiquité). L'accessibilité aux informations est un critère déterminant pour l'attractivité des services d'informations que l'on souhaite développer. Qu'on le veuille ou non, le Web de demain sera collaboratif et ludique en 3D, comme on peut le comprendre aisément en allant visionner ce site immersif.

Les jeux vidéo font partie du quotidien des générations à venir, et l'esthétique est un critère de séduction auquel aucun site Web ne peut se soustraire. La question est alors d'orienter l'aspect ludique pour qu'il soit utilisé à des fins pédagogiques. Par exemple, il s'agira de mieux connaître la richesse de la biodiversité en identifiant les noms des espèces rencontrées pour pouvoir les aimer et les protéger. Une fois identifié les individus, on peut accéder aux informations biologiques, écologiques, géographiques, photographiques, comportementales, etc. dans des bases de données reliées à un jeu sérieux, comme on peut le visualiser ci-dessous pour le projet e-poissons :

Cette forme de Web immersif est l'objet du projet WISDOM que je souhaite développer en mode Living Lab en faisant intervenir des partenaires privés au sein de l'Université de La Réunion, ainsi que des usagers qui vont utiliser la plate-forme Web Ubiquitaire et Immersive (Wubii).

- le Web 3.0 du sens des informations, c'est-à-dire les connaissances intelligibles pour que les machines puissent communiquer (Web sémantique).

Le Web sémantique est le Web des objets intelligents nécessaire pour que les machines puissent les reconnaître selon le point de vue des informaticiens qui cherchent à représenter les données et connaissances selon certains formats (RDF, OWL). Mais ou se situe l'usager final dans cette approche techno-centrée ? Car n'oublions pas que derrière chaque objet à observer et à décrire, il y a un sujet qui s'exprime et interprète ces objets à sa manière en y rajoutant sa propre signification ! C'est la raison pour laquelle nous différencions le Web sémantique qui est le Web des objets métiers (the Web of things) représentés de manière "objective" selon une certaine logique de description (syntaxe ou forme statique) et le Web sémiotique qui est le Web des objets usages (the Web of Signs) signifiés par une autre logique descriptive (processus ou sens dynamique) plus "subjective" car propre à chaque interprète.

L'objectif du Web des signes est de capturer le processus mis en œuvre par les spécialistes, par exemple en fournissant un guide d'observation pour identifier les spécimens d'intérêt patrimonial. Ce processus s'appuie à la fois sur une ontologie (modèle descriptif) et une terminologie associée (thésaurus) pour pouvoir décrire correctement les individus à identifier.

Au LIM-IREMIA, nous avons développé une telle plate-forme itérative de construction d'un modèle descriptif et de description de cas, IKBS, qui répond en partie à la problématique biologique de classification et d'identification des objets biologiques :

Voir pour cela le chapitre du livre sur la gestion de l'environnement avec IKBS.

Dans le cadre de la suite du projet NEXTIC, nous souhaitons faire évoluer cette plate-forme de sorte qu'elle puisse faciliter le partage des signes plutôt que la transmission des connaissances.

Au final, l'objectif du Web sémiotique (qui est le Web 4.0) est de faciliter le consensus entre tous les membres de la communauté (connaissens partagées). Il faut donc repositionner le sujet, l'interprète, au cœur des échanges entre enseignants et apprenants, en facilitant l'appropriation des savoir-faire des uns par les autres. Cela ne peut se faire que si les usagers montrent leurs interprétations des objets par des artefacts multimédia (vidéo HD, simulations 3D, etc.) et que les autres usagers puissent les questionner en retour.

Dans le domaine du e-Learning instrumental, nous avons élaboré une telle démarche d'échange d'interprétations musicales par un système de gloses (GlossToU) avec FIGS.

Une thèse est en cours pour augmenter des partitions écrites au format MusicXML avec des annotations multimédia : le projet @-Muse apporte la plus-value du processus de signification à la gestion des connaissances par un système d'annotations personnalisées permettant aux apprenants de participer activement à leur propre formation musicale en questionnant les professeurs.

Un tel service de traçabilité des apprentissages reste à développer pour la gestion citoyenne de la biodiversité afin d'éduquer et de sensibiliser les usagers à la préservation de leur environnement.

La vision de notre Living Lab est donc de faire de La Réunion un laboratoire vivant du monde en s'appuyant sur la gestion des signes naturels et culturels. Son objectif est de partager les signes qui sont à l'origine de l'apprentissage des connaissances.

Avec cette nouvelle démarche de recherche avec les gens, notre université a été labellisée par le réseau ENoLL lors de la cinquième vague en mai 2011 pour son Living Lab en Teaching et Learning.

Dans l'Internet du Futur, ce ne sont plus les experts traditionnels qui auront le privilège des savoirs à transmettre via des publications scientifiques, notamment à l'Université.

Des amateurs (experts ou non) hors de ces lieux ont acquis aussi des savoir-faire qu'ils peuvent partager sur le Web. Nous pouvons espérer qu'un dialogue s'établisse entre les scientifiques et la société civile, entre les savoirs universitaires (écrits) et les savoir-faire citoyens (multimédia).

La Réunion est un petit laboratoire vivant qui souhaite s'ouvrir aux mondes en adoptant une stratégie d'innovation ouverte avec les gens. L’université de La Réunion est aussi une cité de l'univers souhaitant aussi innover en partenariat public-privé.

C'est pourquoi elle a établi un lien entre chercheurs et entrepreneurs dans le cadre d'une collaboration avec SmartSystem sur le Web ubiquitaire et immersif. Il est à noter que SOS21 est aussi partenaire de ce consortium de personnes exerçant dans le domaine du marketing et de la communication.

J'attends donc avec impatience que la deuxième partie de Nextic programmée en 2012 puisse démarrer au plus vite pour pouvoir participer aux défis méditerranéens qu'Eric Raulet anime, et je suis fin prêt à l'accompagner dans cette aventure passionnante !